PAQUES

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HOMÉLIE SUR LA FÊTE DE PAQUES.

 

AVERTISSEMENT ET ANALYSE.

 

Dans cette homélie, saint Jean Chrysostome célèbre les grands avantages et les heureux effets de la résurrection, il montre la joie que cette fête doit causer dans le ciel parmi les puissances incorporelles, la joie qui doit éclater sur la terre parmi les hommes, parmi les pauvres, comme parmi les riches; il exhorte les fidèles à ne pas déshonorer cette tète, à prendre des sentiments et à tenir une conduite qui soient dignes de la solennité sainte qu'ils célèbrent; enfin il adresse la parole aux néophytes, c'est-à-dire à ceux qui étaient nouvellement baptisés; il leur rappelle les prodiges qu'opèrent les eaux du baptême; il les engage à montrer beaucoup de vigilance pour honorer et conserver les faveurs qu'ils ont reçues.

Fronton du Duc a rejeté cette homélie parmi les ouvrages supposés, parce que, sans doute, plusieurs morceaux en sont pris d'une autre homélie sur la résurrection et de celle sur le mot Coemeterium et sur la croix : mais d'autres savants ont pensé différemment, fondés sur ce que saint Jean Chrysostome se répète quelquefois lui-même.

 

1. C'est aujourd'hui qu'il faut nous écrier tous avec le bienheureux David : Qui racontera les œuvres de la puissance du Seigneur et qui fera entendre toutes ses louanges ? (Ps. CV, 2.) Nous voici arrivés à une fête désirable et salutaire : c'est le jour de la Résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, jour qui a vu finir la guerre, conclure la paix, sceller notre réconciliation, jour dans lequel la mort a été détruite et le démon vaincu. C'est aujourd'hui que les hommes se sont réunis aux anges, et que les mortels revêtus d'un corps chantent désormais des hymnes avec les puissances incorporelles. C'est aujourd'hui que l'empire du démon est aboli, que les liens de la mort sont rompus, que le triomphe de l'enfer est anéanti. C'est aujourd'hui qu'on peut répéter ces paroles du prophète : O mort, où est ton aiguillon? enfer, où est ton triomphe? (I Cor. XV, 55.) Aujourd'hui Jésus- Christ Notre-Seigneur a brisé les portes d'airain, et a fait disparaître les horreurs de la mort. Que dis-je, les horreurs de la mort? il a même changé son nom. La mort n'est plus appelée mort, mais repos et sommeil. Avant la naissance de Jésus-Christ et le bienfait de la croix, le nom même de la mort était redoutable. Le premier homme entendit prononcer cette sentence comme l'arrêt d'un grand supplice : Le jour où vous mangerez du fruit de cet arbre, vous mourrez de mort. (Gen. II, 17.) Le bienheureux Job l'appelle de ce nom : La mort, dit-il, est un repos pour l'homme. (Job, III, 23.) Le prophète David disait : La mort des méchants est funeste. (Ps. XXXIII, 22.) Non-seulement la séparation de l'âme et du corps était appelée mort, mais enfer. Ecoutez le patriarche Jacob qui dit : Vous conduirez avec douleur mes cheveux blancs dans L'ENFER. ( Gen. XLII, 38.) L'ENFER, dit encore un prophète, a ouvert son abîme. (Is. V, 14.) Il me délivrera, dit encore un autre prophète, de L'ENFER le plus profond. (LXXXV, 13.) Enfin, vous trouverez plusieurs passages de l'Ancien Testament, où le départ de cette vie est appelé mort et enfer; mais depuis que Jésus-Christ Notre-Seigneur s'est offert pour nous en sacrifice, depuis qu'il s'est ressuscité lui-même, ce bien plein de bonté a anéanti ces noms, il a introduit parmi les hommes un genre de vie nouveau et extraordinaire. Le (541) départ de ce monde n'est plus appelé mort, mais repos et sommeil. Qu'est-ce qui le prouve? écoutez Jésus-Christ lui-même qui dit : Notre ami Lazare dort, mais je vais le réveiller (Jean, XI, 11) ; car il était aussi facile au Maître commun de tous les mortels de le ressusciter, qu'à nous de réveiller un homme qui dort. Et comme cette expression était étrange et nouvelle, les disciples rie la comprirent pas, jusqu'à ce que le Fils de Dieu, condescendant à leur faiblesse, leur eût parlé un langage plus clair. Le docteur des nations , le bienheureux Paul, écrivant aux Thessaloniciens, leur dit . Je ne veux pas que vous ignoriez ce que vous devez savoir touchant ceux qui dorment, afin que vous ne vous attristiez pas comme font les autres hommes qui n'ont point d'espérance. (I Thess. IV, 12.) Et encore ailleurs : Ceux qui dorment en Jésus-Christ sont-ils perdus sans ressource? (I Cor. 15, 18) Et encore : Nous qui vivons et qui sommes réservés pour son avènement, nous ne préviendrons pas ceux qui sont endormis. (I Thess. IV, 15.) Et encore : Si nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu amènera avec Jésus ceux qui seront endormis.

2. Vous voyez que partout la mort n'est plus appelée que repos et sommeil, et que cette mort, dont l'aspect était si terrible avant Jésus-Christ, est devenue méprisable depuis sa résurrection. Vous voyez le triomphe éclatant de cette résurrection glorieuse. Par elle, nous avons recueilli une infinité d'avantages; par elle, les ruses du démon ont perdu tout leur effet; par elle, nous méprisons la mort; par elle, nous nous mettons au-dessus de la vie présente; par elle nous marchons à grands pas vers le désir des biens futurs ; par elle, quoique revêtus d'un corps, nous pouvons jouir des mêmes privilèges que les puissances incorporelles. Aujourd'hui nous avons remporté une victoire éclatante; aujourd'hui Notre-Seigneur, après avoir érigé un trophée contre la mort, et avoir détruit la puissance du démon, nous a ouvert, par sa résurrection, la voie du salut. Ainsi réjouissons-nous, tressaillons et triomphons. Quoique Notre-Seigneur ait triomphé seul , quoiqu'il ait érigé seul un trophée, la joie et l'allégresse doivent nous être communes.

C'est pour notre salut qu'il a opéré tous ces prodiges, et il a triomphé du démon par les moyens mêmes avec lesquels le démon nous avait vaincus ; il a pris ses propres armes pour le combattre. Ecoutez comment: Une vierge, le bois, la mort, avaient été les moyens et les instruments de notre défaite. La vierge était Eve, qui n'avait pas encore connu Adam, lorsqu'elle fut trompée par le démon; le bois était l'arbre, et la mort, la peine imposée au premier homme. Voyez-vous comme une vierge, le bois et la mort ont été les moyens et les instruments de notre défaite? voyez comme ils sont devenus ensuite les principes et les causes de notre victoire. Marie a remplacé Eve; le bois de la croix, le bois de la science du bien et du mal ; la mort de Jésus-Christ, la mort d'Adam. Vous voyez que le démon a été vaincu par les moyens mêmes avec lesquels il avait triomphé. Le démon avait renversé Adam avec le bois de l'arbre, Jésus-Christ a terrassé le démon avec le bois de la croix. Le bois de l'arbre a jeté les hommes dans l'abîme, le bois de la croix les en a retirés. Le bois de l'arbre a dépouillé l'homme de ses privilèges, et l'a enfermé comme un vaincu et un captif dans l'obscurité d'une prison; le bois de la croix a élevé Jésus-Christ, et  l'a montré à toute la terre, nu , cloué, et vainqueur. La mort d'Adam s'est étendue sur ceux qui sont venus après lui ; la mort de Jésus-Christ a rendu la vie à ceux qui étaient nés avant lui. Qui racontera les couvres de lu puissance du Seigneur, et qui fera entendre toutes ses louanges? Lorsque nous étions tombés, nous avons été relevés , de vaincus nous sommes devenus victorieux, nous avons passé de la mort à l'immortalité.

3. Tels sont les bienfaits signalés de la croix, telles sont les preuves frappantes de la résurrection. Aujourd'hui les anges tressaillent, toutes les puissances célestes triomphent, et se réjouissent du salut de tout le genre humain. En effet, si l'on se réjouit dans le ciel et sur la terre pour un seul pécheur qui fait pénitence, à plus forte raison l'on doit s'y réjouir pour le salut du inonde entier. Aujourd'hui le Fils de Dieu a délivré la nature humaine de l'empire du démon , et l'a rétablie dans son ancienne dignité. Sans doute, quand je vois que mes prémices ont triomphé de la mort, je ne crains plus, je ne redoute plus la guerre, je ne considère point ma faiblesse, mais j'envisage la puissance de celui qui doit me secourir. Eh ! s'il a triomphé de l'empire de la mort, s'il lui a ôté toute sa force, que ne fera-t-il pas (545) désormais pour des hommes dont il n'a pas dédaigné, par un effet de sa bonté infinie, de prendre la nature, et de lutter dans cette nature contre le démon ? Aujourd'hui règne par toute la terre une joie et une allégresse spirituelle. Aujourd'hui la troupe des anges et le choeur de toutes les puissances célestes tressaillent et triomphent pour le salut des hommes. Considérez donc, mes frères. combien doit être grand le sujet de réjouissance, puisque les dominations célestes elles-mêmes  s partagent notre fête. Oui, elles se réjouissent de nos avantages ; et si la grâce dont nous a favorisés le Seigneur nous est propre, la joie leur est commune avec nous. Voilà pourquoi elles ne rougissent pas de partager notre fête. Que dis-je? des créatures ne rougissent pas de partager notre fête! leur Seigneur lui-même et le nôtre ne rougit pas ! je dis plus, il désire de célébrer avec nous la fête que nous célébrons. Qu'est-ce qui le prouve? Ecoutez-le lui-même qui dit: J'ai désiré ardemment de manger avec vous cette pâque. (Luc, XXII, 15.) Mais s'il a désiré de manger avec nous la pâque, sans doute il a désiré de la célébrer avec nous. Lors donc que vous voyez non-seulement les anges, et toute la troupe des puissances célestes, mais le Seigneur lui-même des anges, partager notre fête, quelle raison auriez-vous de ne point prendre des sentiments d'allégresse?

Ainsi , qu'en ce jour l'indigence ne soit pas un sujet d'humiliation, puisque c'est une fête spirituelle; que l'opulence ne soit pas un motif d'orgueil, puisque les richesses ne sont d'aucune utilité pour la fête présente. Dans les fêtes profanes, dans les fêtes du monde, que l'on célèbre avec tout l'appareil d'un faste superbe, le pauvre doit être chagrin et mortifié, le riche doit être content et satisfait. Pourquoi? c'est que l'un peut se revêtir d'habits magnifiques, et faire servir des repas somptueux, tandis que l'indigence du pauvre le met hors d'état d'étaler tout ce faste. Ici, au contraire, il n'y a rien de tel ; toute distinction est bannie; la même table est servie au pauvre et au riche, à l'esclave et à l'homme libre. Etes-vous riche , vous n'avez aucun avantage sur le pauvre ; êtes-vous pauvre , vous n'aurez pas moins de privilège que le riche : votre indigence ne diminue rien de la joie que fait goûter un festin spirituel, où domine la grâce céleste, cette grâce qui ne connaît pas la distinction des personnes. Que dis-je? la même table est servie au riche et au pauvre ! la même table est servie au prince dont le front est ceint du diadème, qui est revêtu de la pourpre, qui commande à toute la terre, et à l'indigent même qui attend les effets de la pitié publique; car, telle est la nature des dons spirituels, qu'ils ne se distribuent pas selon la dignité du rang, mais suivant les dispositions du coeur. L'indigent et le prince participent aux divins mystères avec la même confiance et le même avantage. Que dis-je? avec le même avantager le pauvre y apporte souvent plus de confiance. Pourquoi? c'est que le prince, obsédé de mille affaires qui le distraient, investi de soins et d'embarras, au milieu d'une mer orageuse dont les flots viennent sans cesse l'assaillir, est exposé à commettre une infinité de péchés; au lieu que le pauvre, affranchi de tous ces liens, occupé seulement de sa nourriture journalière , menant une vie tranquille et paisible, placé comme dans un port où il jouit du plus grand calme, approche de la table sainte pénétré de sentiments religieux. ? Mais il est encore d'autres sources d'humiliation et de peine pour l’indigent dans les fêtes de ce siècle. Non-seulement l'abondance et la délicatesse de la table, mai; encore le luxe et la magnificence des habits, inspirent au riche une satisfaction qui mortifie le pauvre. Lorsque le pauvre voit un riche superbement vêtu, c'est pour lui une grande douleur : il se trouve malheureux, il maudit mille fois son sort. On ne tonnait pas cette tristesse dans les fêtes de la religion, parce qu les chrétiens sont tous revêtus du même habit spirituel et sacré : Vous tous, s'écrie saint Paul, qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous avez été revêtus de Jésus-Christ. (Gal. III, 27.)

4. Ne déshonorons donc pas cette fête,je vous en conjure; mais prenons des sentiments dignes des faveurs dont nous comble la grâce de Jésus-Christ. Ne nous livrons pas aux excès du boire et du manger; mais, considérant la libéralité du Maître commun, qui honore également les pauvres et les riches, les esclaves et les hommes libres, qui répand ses dons également sur tous, tâchons de reconnaître les bienfaits d'un Dieu qui nous témoigne tant d'amour. Et nous ne pouvons mieux les reconnaître que par une vie qui lui soit agréable, par beaucoup d'attention et fie vigilance. Il n'est pas besoin, dans la solennité que nous célébrons, de richesses et de grands frais, mais d'une volonté (546) droite et d'un coeur pur. On ne retire d'ici aucun avantage corporel, tout est spirituel; la prédication de la parole sainte, les prières antiques, les bénédictions des prêtres, la participation aux divins mystères, la paix et la concorde, enfin tous les dons spirituels dignes de la libéralité d'un Dieu. Célébrons donc avec joie le jour où le Seigneur est ressuscité. Oui, il est ressuscité, et avec lui il a ressuscité toute la terre. Il est ressuscité après avoir brisé les liens de la mort; il nous a ressuscités après avoir rompu les chaînes de nos crimes. Adam a péché, et il est mort; Jésus-Christ n'a point péché, et il est mort : chose étrange et extraordinaire. Eh ! pourquoi Jésus-Christ est-il mort, puisqu'il n'a point péché? C'est afin que celui qui a péché et qui est mort pût être délivré des liens de la mort par celui qui est mort, quoiqu'il n'ait point péché. C'est ce que nous voyons souvent arriver dans les débiteurs de sommes d'argent. Un homme doit à un autre, et, hors d'état de payer, il est retenu en prison; un autre, qui ne doit pas, et qui est en état de; payer, délivre le débiteur en payant. La même chose a eu lieu par rapport à Adam et a jésus-Christ. Adam était redevable de la mort, et il étaie retenu par le démon; Jésus-Christ, qui n'était pas redevable, et qui n'était pas retenu, est venu dans le monde, et a payé la mort pour celui qui était retenu, afin de le délivrer des liens de la mort.

Vous voyez les bienfaits de la résurrection; vous voyez la bonté de notre divin Maître, vous voyez l'excès de sa tendresse. Ne soyons donc pas ingrats envers un pareil bienfaiteur, et ne nous relâchons pas, à présent que nous sommes parvenus à la fin du jeûne; mais prenons soin de notre âme encore plus qu'auparavant, de peur que, le corps étant engraissé, elle ne s'affaiblisse; de peur que, nous occupant trop de l'esclave, nous ne négligions la traîtresse. Eh ! à quoi bon, je vous le demande, charger votre estomac outre mesure, et passer les bornes? l'intempérance détruit le corps et dégrade l'âme. Fidèles aux lois de la sobriété, ne prenons que les aliments nécessaires, afin de pourvoir en même temps à la santé du corps et à la dignité de l'âme, afin de ne pas perdre à la fois tous les fruits du jeûne. Je ne vous interdis pas l'usage des nourritures, ni les plaisirs honnêtes d'une table frugale : non, je ne m'oppose pas à ces plaisirs, mais je vous exhorte à supprimer tout excès, à vous en tenir au besoin, à ne pas nuire à la santé,et à la sérénité de l'âme, en passant les bornes. Celui qui passe les limites du besoin, ne trouvera plus de satisfaction dans le boire et dans le manier. C'est ce que ne savent que trop ceux qui l'ont éprouvé par eux-mêmes, ceux dont l'intempérance leur a attiré une foule d'infirmités désagréables, de dégoûts et d'ennuis.

5. Mais je connais assez votre docilité pour croire que vous ne manquerez pas de suivre mes conseils; je ne vous parlerai donc point davantage sur cet objet, et je vais adresser la parole aux fidèles qui, dans cette nuit éclatante, ont reçu la grâce du divin baptême, à ces nouvelles plantes de l'Eg lise , à ces fleurs spirituelles d'un champ mystique, à ces nouveaux soldats de Jésus-Christ. Il y a trois jours que le Seigneur est mort sur la croix, mais aujourd'hui il est ressuscité glorieux. Il y a trois jours que ces néophytes étaient retenus dans les liens du péché, mais ils sont aujourd'hui ressuscités avec le Sauveur. Jésus-Christ est mort corporellement, et il est ressuscité; ces néophytes étaient morts spirituellement par le péché, et ils sont ressuscités en sortant du péché. La terre, dans cette saison, se ranime, elle produit des fleurs de toute espèce; les eaux du baptême font naître aujourd'hui des prés plus brillants que les prés terrestres. Et ne vous étonnez pas, mes chers frères, si les eaux enfantent des prés émaillés de fleurs. Ce n'est point par sa propre vertu que la terre, dans le principe, a produit différentes espèces de plantes, mais parce qu'elle obéissait aux ordres du souverain Etre. Les eaux ont montré, dans leur sein, des animaux vivants, lorsqu'elles eurent entendu ces paroles : Que les eaux produisent des animaux vivants et rampants. (Gen. I, 20.) Le Créateur a ordonné, et l'effet a suivi; un élément inanimé a engendré des êtres animés. Les ordres du même Dieu opèrent les prodiges que nous voyons. Il dit alors : Que les eaux produisent des animaux vivants et rampants; aujourd'hui elles nous donnent, non des animaux rampants, mais des dons spirituels. Alors elles ont produit des animaux dépourvus de raison; aujourd'hui elles enfantent des poissons raisonnables et spirituels, pêchés par les apôtres : Venez après moi, dit Jésus-Christ, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. (Matth. IV, 19.) Nature de pêche absolument nouvelle. Les pêcheurs tirent de l'eau les poissons, et causent ta mort à tout ce qu'ils en (547) font sortir. Nous, nous jetons dans l'eau les poissons, et tout ce qui en sort trouve la vie. Il y avait anciennement chez les Juifs une piscine; mais apprenez quelle était sa vertu, afin que vous puissiez comparer l'indigence des Juifs avec notre opulence : Un ange descendait dans la piscine, dit l'Evangéliste, il en remuait l'eau; et le premier malade qui y entrait après que l’eau avait été remuée, obtenait sa guérison. (Jean, V, 4.) Le Maître des anges est descendu dans le fleuve du Jourdain, et en sanctifiant la nature des eaux, il a guéri toute la terre. Alors, celui qui descendait le second dans la piscine n'était plus guéri, parce que c'était une grâce accordée à des Juifs faibles et encore attachés à la terre. Aujourd'hui, quand un second entrerait dans les eaux spirituelles, quand il y entrerait un troisième, quand on y ferait descendre dix mille personnes, ou même tous les peuples de la terre, il est impossible que la faveur tarisse, que la grâce s'épuise, que les eaux se souillent, que la libéralité divine diminue.

Admirez donc, mes frères, la grandeur du bienfait; admirez-la principalement, vous qui cette nuit (1) avez été mis au nombre des citoyens de la Jérusalem céleste. Montrez une vigilance qui réponde à l'excellence des grâces que vous avez reçues, afin d'en attirer de plus abondantes; car la gratitude pour les bienfaits déjà accordés sollicite la libéralité du Seigneur. Il ne vous est plus permis, mon cher frère, de vivre au hasard; vous devez vous prescrire des lois et des règles, afin d'agir en tout avec exactitude, et de montrer la plus grande attention dans les choses même regardées comme indifférentes. La vie présente est un combat perpétuel, et il faut que ceux qui sont une fois entrés dans cette lice de la vertu gardent en tout une tempérance scrupuleuse. Un athlète qui dispute le prix, dit saint Paul, doit garder en tout une exacte tempérance. (I Cor. IX, 25.) Ne voyez-vous

 

1 Cette nuit, la nuit du samedi-saint à Pâques. On sait que cette nuit était un des temps où l'on baptisait le plus de catéchumènes.

 

pas, dans les combats gymniques, combien les athlètes sont attentifs sur eux-mêmes, quoiqu'ils n'aient à lutter que contre des hommes? ne voyez-vous pas quel régime austère ils observent en exerçant leur corps? Nous devons les imiter, d'autant plus que nous n'avons pas à combattre contre des hommes, mais contre les esprits de malice répandus dans l'air. Notre tempérance et nos exercices doivent être spirituels, puisque les amies dont le Seigneur nous a revêtus sont spirituelles. Les yeux doivent avoir leurs bornes et leurs règles, pour qu'ils ne se jettent pas indistinctement sur tous les objets; la langue doit avoir une garde, pour qu'elle rie prévienne pas la réflexion; les dents et les lèvres ont été mises devant la langue, pour qu'elle ne franchisse point légèrement ces barrières, mais pour qu'elle ne produise des sons que quand nous aurons réglé ce qu'elle doit dire, et qu'alors, s'expliquant avec sagesse, elle ne profère que des paroles qui puissent satisfaire et édifier ceux qui les écoutent. Il faut éviter absolument les ris immodérés; notre démarche doit être paisible et tranquille, nos habits décents et honnêtes. Quiconque est inscrit pour la lice de la vertu ne peut être trop régulier et trop modeste dans tout son extérieur, parce que la décence du corps est un indice des dispositions de l'âme. Si nous contractons de bonne heure ces heureuses habitudes, nous marcherons sans peine dans le chemin de la vertu et nous le parcourrons tout entier; les routes s'aplaniront de plus en plus devant nous, et nous obtiendrons de grands secours d'en-haut. Ainsi, nous pourrons traverser sans crainte les flots de la vie présente, et, triomphant de toutes les ruses du démon, acquérir les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, l'honneur et l'empire sont au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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