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HOMÉLIES SUR LES CHANGEMENTS DE NOMS.
PREMIÈRE HOMÉLIE. Prononcée après la lecture du texte : « Saul respirant la menace et le meurtre, » conformément aux désirs des auditeurs qui s'attendaient à une instruction sur le commencement du IXe chapitre des Actes. La vocation de saint Paul est une preuve de la résurrection.
AVERTISSEMENT.
Dans l'homélie sur ce texte, Saul respirant la menace et le meurtre, on lit, n. 3, ces paroles . Toute ma dette concernant le titre des Actes des Apôtres est maintenant soldée; je devrais, suivant l'ordre naturel, entamer le commencement de ce livre et vous expliquer ce que veulent dire ces paroles : Nous avons composé un premier discours sur les choses que Jésus a dites et faites. Mais saint Paul ne permet pas que nous suivions cet ordre naturel; sa personne et ses vertus réclament toute notre éloquence. Je brûle de le voir faire son entrée à Damas, lié non par une chaîne de fer, mais par la voix du Seigneur. Ce texte indique clairement la place et le sujet de la première homélie sur les changements de noms. Elle fut donc prononcée immédiatement après la dernière homélie sur le commencement des Actes, avant la fin du temps pascal.
Vers la fin de l'homélie sur ce texte : Saul respirant la menace, etc., saint Chrysostome se pose cette question : pourquoi les changements de noms, dans les apôtres Pierre et Paul et dans plusieurs personnages de l'Ancien Testament ! Cette question fut par lui traitée le lendemain dans l'homélie intitulée proprement des changements de noms.
L'homélie sur les changements de noms fut suivie du neuvième discours sur la Genèse, où l'orateur traite la mémé question par rapport au nom d'Abraham et à d'autres noms propres de l'Ancien Testament. L'exorde de ce neuvième discours ayant été long, le peuple d'Antioche s'en plaignit et blâma saint Chrysostome de la prolixité de ses exordes. C'est ce qui donna lieu à la troisième homélie sur les changements de noms dont le titre particulier est qu'il faut savoir supporter les plaintes. Elle eut lieu quelques jours après.
La question des changements de noms est encore traitée dans l'homélie sur le texte : Paulus vocatus, etc. ( I Cor. I, 1); elle vint quelque temps après les trois dont nous venons de parler comme le prouve ce texte : Vous vous souvenez que ce nom de Paul m'a occupé durant trois jours, etc.
ANALYSE
1° Si les prophètes refusent le nom d'hommes à ceux qui étant présents négligent d'entendre la parole de Dieu, que dire de ceux qui ne franchissent pas même le seuil de l'ég
1. Est-ce supportable? est-ce tolérable? De jour en jour nos réunions deviennent moins nombreuses; la ville est remplie d'hommes et l'ég
C'est encore ce que dit un autre prophète, Jérémie. Car celui-ci aussi, au milieu de la foule des Juifs, au sein même de la ville, s'écrie, comme s'il n'y avait personne: A qui parlerai je, qui prendrai-je pour témoin? (Jérém. VI, 10.) Que dites-vous? Vous avez sous les yeux une si grande foule, et vous demandez à qui vous parierez ! Oui, car cest une foule de corps, mais non d'hommes; c'est une foule de corps, mais qui n'entendent point. Aussi ajoute-t-il : Leurs oreilles sont incirconcises et ils ne peuvent entendre. Mais si les prophètes, en s'adressant à des personnes présentes qui ne les écoutaient pas avec soin, leur reprochaient de n'être pas hommes, que dirons-nous de ceux qui non-seulement ne nous écoutent pas, mais qui n'ont pas même le courage de venir dans cet édifice sacré, qui se séparent de cette assemblée sainte, qui se tiennent loin de cette maison, de leur maison maternelle, au coin des rues et dans les carrefours, comme des enfants indisciplinés et paresseux? Ceux-ci quittent la maison paternelle, se réunissent loin d'elle et passent des jours entiers à se livrer à des jeux puériles; aussi souvent perdent-ils et leur liberté et leur vie. Car lorsqu'ils tombent entre les mains de marchands d'esclaves ou de voleurs, ils expient souvent par la mort leur paresse; ces brigands les saisissent, et, après leur avoir enlevé leurs ornements d'or, ou bien ils les submergent sous les eaux, ou bien, s'ils veulent les traiter moins inhumainement, ils les entraînent sur une terre étrangère et vendent leur liberté ! Voilà aussi le sort des déserteurs de nos assemblées. Après avoir quitté la maison paternelle et ce temple où ils devraient vivre, ils rencontrent des bouches hérétiques et des langues (71) ennemies de la vérité; et ces misérables, comme des marchands d'esclaves, les entraînent, leur enlèvent leurs ornements d'or, je veux dire, leur foi, et les étouffent aussitôt, non pas dans les fleuves, mais dans la fange de leurs fétides erreurs. 2. C'est à vous de prendre soin du salut de vos frères, de les amener vers nous, malgré leur résistance, malgré leur opiniâtreté, malgré leurs cris. malgré leurs larmes: il n'y a que de l'enfantillage dans cette conduite rebelle et indolente. C'est à vous de corriger les imperfections de ces âmes; c'est à vous à leur persuader de devenir des hommes. Car de même que nous ne considérerions pas comme un homme celui qui rejetterait la nourriture des hommes pour manger avec les animaux, des ronces et de l'herbe, de même nous ne pouvons pas appeler homme celui qui mépriserait la seule nourriture vraie et convenable de l'âme humaine, celle que lui fournit la parole divine, pour aller passer son temps dans les cercles du monde, dans ces assemblées qui font rougir, et se nourrir de conversations impies. Nous regardons comme un homme non pas celui qui se nourrit seulement de pain, mais celui qui, avant même cette nourriture matérielle , se nourrit de la parole de Dieu, de la parole de l'âme. Voilà ce qu'est un homme; car écoutez la parole du Christ. L'homme ne vivra pas seulement, de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. (Matth. IV, 4.) De sorte que notre nourriture est double, l'une inférieure, l'autre supérieure; et c'est celle-ci surtout qu'il faut rechercher pour pouvoir nourrir notre âme et ne pas la laisser périr d'inanition. C'est à vous de faire que notre ville soit remplie d'hommes. Puisque, si grande et si peuplée, elle est cependant vide d'hommes, il serait digne de vous de rendre ce service à votre patrie et d'attirer ici vos frères en leur racontant ce que vous y entendez. Pour attirer à un festin, ce n'est pas assez d'en faire l'éloge, il faut encore en emporter quelques mets pour les distribuer à ceux qui ne s'y trouvaient pas. Eh bien ! faites de même aujourd'hui, et de deux choses l'une . ou bien persuadez-leur de venir à nous; ou bien, s'ils persistent dans leur opiniâtreté, qu'ils reçoivent de votre bouche la nourriture, ou plutôt ils reviendront à nous. Car ils aimeront mieux, au lieu de recevoir leur nourriture par grâce, venir participer, selon leur droit, au banquet paternel. Ce que je vous conseille, vous l'avez déjà fait, vous le faites encore, et vous le ferez à l'avenir, j'en ai la pleine confiance et l'entière conviction : ce qui me le garantit, c'est la continuité de mes exhortations sur ce sujet, et la science et le zèle dont vous êtes assez remplis pour instruire vos frères. Mais il est temps de dresser notre table, bien chétive sans doute, bien maigre et bien pauvre, mais assez pourvue néanmoins de l'assaisonnement le meilleur, la bonne disposition d'auditeurs affamés de la nourriture spirituelle. Ce qui fait l'agrément d'un festin, ce n'est pas seulement la richesse des mets, mais aussi l'appétit des conviés; une table magnifique paraît chétive quand les convives s'en approchent sans faim; une table chétive parait magnifique, quand elle reçoit des convives affamés. C'est en considérant que ce n'est pas la nature des mets, mais la disposition des convives qui fait la bonté d'un festin, qu'un auteur dit : L'homme rassasié dédaigne le rayon de miel, et l'homme pressé par la faim trouve doux ce qui est amer; (Prov. XXVII, 7.) non que la nature des mets change, mais parce que la disposition des convives les trompe. Mais si la disposition des conviés leur fait trouver doux ce qui est amer, à plus forte raison ce qui est ordinaire leur paraîtra-t-il exquis. Aussi, bien que réduits à la dernière misère, nous imitons les hôtes les plus magnifiques, et, à chaque réunion, nous vous convoquons à notre banquet. Et nous le faisons, en nous confiant, non dans nos richesses, mais dans votre désir d'entendre. 3. Toute ma dette concernant le titre des Actes des Apôtres vous est maintenant payée. Pour continuer, il resterait à m'occuper du commencement de ce livre et à vous expliquer ces paroles : J'ai fait mon premier récit, ô Théophile, sur tout ce que Jésus commença à faire et à enseigner. (Act. I, 1.) Mais Paul ne me permet pas de suivre cet ordre naturel; c'est vers sa personne et ses actions qu'il appelle mon discours. J'ai hâte de le voir entré déjà à Damas et enchaîné, non d'une chaîne de fer, mais par là parole du Maître; j'ai hâte de le voir pris, ce poisson énorme, qui trouble toute la mer, qui â déjà soulevé contre l'Eg
4. Puisque la lecture et l'explication du titre seul nous a occupés pendant la moitié de la solennité, que serait-ce si nous nous étions lancés dans la carrière immense que nous (73) ouvrait ce livre? combien de temps se serait écoulé avant que nous fussions arrivés à ce qu'on rapporte de saint Paul? Je vais vous en donner une idée en vous récitant le commencement. J'ai fait mon premier discours, ô Théophile, sur tout, etc. Combien croyez vous que ces mots renferment de questions ? Premièrement, pourquoi saint Luc rappelle le livre qu'il avait écrit d'abord ? Deuxièmement pourquoi il l'appelle discours et non Evangile, puisque Paul l'appelle Evangile ? il dit en effet en priant de Luc : Dont l'éloge, à cause de l'Evangile, est dans toutes les Eg
Et pourquoi avons-nous indiqué ces questions sans en donner la solution ? Pour vous accoutumer à ne pas toujours recevoir la nourriture toute préparée; à chercher souvent par vous-mêmes à résoudre ces problèmes. Nous faisons comme les colombes : elles donnent la becquée à leurs petits, tant qu'ils restent dans le nid; mais quand elles peuvent les en faire sortir, et qu'elles voient leurs ailes affermies, elles changent de méthode, elles apportent dans leur bec un grain qu'elles leur montrent, et quand les petits s'approchent pour le recevoir, les mères le laissent tomber sur le sol et le leur font ramasser; et nous, nous faisons de même nous prenons à la bouche la nourriture spirituelle, et nous vous appelons comme pour vous donner, selon notre habitude, la solution des questions; mais quand, réunis de toutes parts, vous attendez cette solution, nous la laissons tomber, afin que vous vous accoutumiez à penser par vous-mêmes. Aussi laissant là le commencement du livre, nous courons au chapitre où l'on parle de Paul; et nous dirons, non pas seulement tous les services qu'il a rendus à l'Eg
5. Quoi de plus étrange ! Le loup est devenu pasteur; celui qui avait bu le sang des brebis n'a pas cessé de verser son sang pour le salut des brebis. Voulez-vous voir qu'il a bu le sang (74) des brebis, que sa langue était sanglante ? Paul respirant encore meurtres et menaces contre les disciples dit Seigneur. (Act. IX, 1.) Mais écoutez comment cet homme qui respirait menaces et meurtres, qui versait le sang des saints, versa lui-même son sang pour les saints : Que me sert , humainement parlant, davoir combattu contre les bêtes à Ephèse; (I Cor. XV , 32 ) et encore : chaque jour je meurs, ( Ibid. ); et encore : on nous regarde comme des brebis de boucherie. (Rom. VIII, 31;.) Voilà le langage de celui qui était présent, lorsqu'on versait le sang d'Étienne, et qui consentait à sa mort. Voyez-vous que le loup est devenu pasteur? Vous rougissiez peut-être en entendant dire qu'il était auparavant persécuteur, blasphémateur et impie ? Mais voyez comme ses crimes précédents rehaussent précisément sa gloire ! Ne vous disais-je pas à la dernière réunion que les miracles qui ont suivi la Passion étaient plus grands que ceux qui l'ont précédée ? Ne vous en ai-je pas donné pour preuves les miracles eux-mêmes, le changement de disposition des disciples, la manière dont les morts ressuscitaient au commandement du Christ, tandis que l'ombre seule de ses serviteurs opérait les mêmes prodiges? N'ai-je pas ajouté comment le Christ faisait ses miracles en commandant, tandis que plus tard ses serviteurs en opérèrent de plus grands en se servant de son nom? Ne vous ai-je pas dit comment il remua la conscience de ses ennemis, comment il conquit toute la terre, comment les prodiges qui suivirent la Passion furent plus grands que ceux qui la précédèrent? Mon discours d'aujourd'hui se rapproche de celui-là. Quel plus grand miracle que celui dont Paul fut le sujet ? Pierre renia le Christ de son vivant, et Paul le confessa après sa mort. Ressusciter les morts, en les couvrant de son ombre, était un miracle bien moins grand que d'entraîner et d'attirer à soi l'âme de Paul. Là, la nature obéissait sans contredire celui qui lui commandait, ici il y avait à vaincre une volonté libre de prendre l'un ou l'autre parti : ce qui montre combien la puissance qui l'entraîna fut grande. Il est bien plus beau de convertir la volonté que de changer la nature; donc voici un miracle qui surpasse tous les autres, Paul. s'attachant au Christ, au Christ crucifié et enseveli. Le Christ le laissa montrer toute sa haine, pour donner une preuve irréfutable de sa résurrection et de la vérité de sa doctrine. Car Pierre en parlant de Jésus eût pu être soupçonné : du moins; , quelque impudent eût peut-être trouvé quelque chose à dire; je dis quelque impudent : car de ce côté aussi la preuve est évidente : cet apôtre aussi renia d'abord son Maître, le renia avec serment, et cependant il le confessa plus tard et donna sa vie pour lui. Mais si le Christ n'est pas ressuscité ,celui qui le renia pendant qu'il vivait, n'eût pas été disposé, pour ne pas le renier après sa mort, à mourir mille fois : ainsi du côté de Pierre même, la preuve de la résurrection est évidente. Cependant quelque impudent pourrait dire que c'est parce qu'il a été son disciple, parce qu'il a partagé sa table, parce qu'il l'a accompagné pendant trois ans, parce qu'il a reçu son enseignement, et qu'il a été induit en erreur par ses flatteries, qu'il annonce sa résurrection; mais quand vous voyez Paul, Paul qui ne le connaissait pas, qui ne l'avait pas entendu, qui n'avait pas reçu sa doctrine, qui après la Passion lui a déclaré la guerre, qui a puni ceux qui croyaient en lui, qui bouleversait tout dans l'Ég
Dis-moi, ô juif, qui aurait persuadé à Paul de se faire disciple du Christ ? Pierre, ou Jacques, ou Jean ? Mais tous, ils le craignaient et le redoutaient, non-seulement avant sa conversion, mais encore quand il fut devenu leur ami; quand Barnabé, l'ayant pris par la main l'introduisit à Jérusalem, les fidèles craignaient encore de l'approcher: la guerre était finie et pourtant la crainte restait aux apôtres. Ceux donc qui le redoutaient encore après sa conversion, auraient-ils osé lui parler, quand il était encore leur irréconciliable ennemi ? Auraient-ils osé l'aborder, se tenir devant lui, ouvrir la bouche. ou seulement se montrer ? Non, non , il n'est pas ainsi; ce n'est pas là l'oeuvre d'un homme, mais de la grâce de Dieu. Si le Christ était mort, comme vous dites , et que ses disciples eussent été le dérober, comment eût-il fait de plus grands miracles après sa Passion, et montré une puissance plus merveilleuse ? Il ne s'est pas seulement réconcilié son ennemi et le (75) chef de votre armée; s'il n'avait fait que cela, t'eût été déjà le signe d'une bien grande puissance que d'enchaîner son ennemi, son adversaire, mais il a fait une chose bien plus grande. Non-seulement il s'est réconcilié son ennemi, mais il se l'est rendu tellement familier, tellement bienveillant, qu'il a pu lui confier toutes les affaires de son Eg
6. Voulez-vous avoir la preuve qu'il se l'est réconcilié, qu'il se l'est rendu familier, qu'il l'a aimé, qu'il l'a mis au nombre de ses premiers amis ? C'est qu'il n'a révélé à personne autant de secrets qu'à Paul. Et qu'est-ce qui le prouve? J'ai entendu, dit-il, des paroles mystérieuses qu'il n'est pas permis à un homme de redire. (II Cor. XII, 4.) Voyez-vous quelle faveur obtient celui qui fut un ennemi, un adversaire? Aussi faut-il rappeler sa vie antérieure ; cela nous montrera la charité de Dieu et sa puissance; sa charité, puisqu'il a voulu sauver et attirer à lui celui qui lui avait fait tant de mal; sa puissance, puisqu'il a pu ce qu'il a voulu. Cela nous montre aussi le caractère de Paul, qui n'agissait pas par ambition, ni pour la gloire humaine, comme les autres juifs, mais par zèle, quoique ce zèle fût mal dirigé; c'est ce qu'il nous dit en ces termes : J'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai agi par ignorance, dans lincrédulité (I Tim. I, 13) ; et dans son admiration pour la charité dé Dieu, il s'écrie : Afin qu'en moi, le premier, le Christ montrât toute sa patience, en sorte que je servisse d'exemple à ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle (Ibid. I, 16) ; et en un autre endroit encore: Il a montré quelle est la grandeur de sa puissance en nous qui croyons. (Ephés. I, 19.) Voyez-vous comme la vie antérieure de Paul montre la charité de Dieu et sa puissance, ainsi que la vigueur d'âme de l'Apôtre? Que sa conversion ait été pure de tout motif humain, et due uniquement à l'opération de la grâce, il le montre encore dans l'Epître aux Galates : Si je plaisais aux hommes, dit-il, je ne serais plus le serviteur du Christ. (Gal. I, 10.) Mais qu'est-ce qui nous prouve encore que ce n'est pas pour plaire aux hommes que vous vous êtes mis à prêcher lEvangile? Vous avez ouï dire que j'ai vécu autrefois dans le judaïsme, qu'à toute outrance j'ai persécuté l'Eg
C'est pour cela que nous avons voulu exposer sa vie antérieure, montrer l'ardeur qui le dévorait contre l'Eg
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