XIème ENTRETIEN
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ONZIÈME ENTRETIEN

DISCOURS DE L’OBÉISSANCE FAIT PAR NOTRE BIENHEUREUX PÈRE A SES CHÈRES FILLES DE LA VISITATION

 

L’obéissance est une vertu morale qui dépend de la justice. Or, il y a certaines vertus morales qui ont tant d’affinité avec les vertus théologales, qui sont la foi, l’espérance et la charité, qu’elles semblent presque théologiques : comme la pénitence et la religion, et ainsi la justice et l’obéissance.

L’obéissance consiste en deux points, qui sont d’obéir aux supérieurs, et aux égaux et inférieurs. Mais ce second appartient plutôt à l’humilité, douceur et charité qu’à l’obéissance; car celui qui est humble pense que tous les autres le surpassent et sont beaucoup meilleurs que lui, de sorte qu’il se les rend supérieurs.

Mais quant à l’obéissance qui regarde ceux que Dieu n établis sur nous pour nous gouverner, elle est de justice et de nécessité, et se doit rendre avec une entière soumission de notre entendement et de notre volonté. Or, cette obéissance de l’entendement se pratique lorsque, étant commandés, nous acceptons et approuvons le commandement, non seulement avec la volonté, mais aussi avec notre entendement, approuvant et estimant la chose commandée et la jugeant meilleure que toute autre chose que l’on nous eût pu commander sur cette occasion. C’est alors qu’on aime tellement à obéir que l’on désire insatiablement d’être commandé, afin que tout ce que l’on fait soit fait par obéissance; et celle-ci est l’obéissance des parfaitement parfaits, et celle que je vous désire. Mais elle est un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail, par une grande quantité d’actes souvent réitérés et faits à vive force 1, qui nous font puis après acquérir l’habitude. Notre inclination naturelle nous porte toujours au désir de commander et a une grande aversion à obéir; néanmoins il est tout certain que nous avons beaucoup de capacité pour obéir, et n’en avons point pour commander.

L’obéissance plus ordinaire a trois conditions la première est d’agréer la chose que l’on nous commande et y plier doucement notre volonté, aimant à être commandés; car ce n’est pas le moyen de nous rendre vrais obéissants que de n’avoir personne qui nous commande, comme de même ce n’est pas le moyen d’être doux que de demeurer seul en un désert. La seconde est la promptitude, à laquelle est contraire la paresse ou tristesse spirituelle; car il arrive rarement qu’une âme triste fasse les choses promptement et diligemment. En termes théologiques, la paresse s’appelle tristesse spirituelle, et c’est cela qui empêche de faire l’obéissance courageusement et promptement. L’on ne saurait passer les rivières plus sûrement que dans un navire ou bateau; aussi nous ne saurions faire le passage de notre vie

 

1. de vive force

 

avec plus de sûreté que par le moyen de l’obéissance. La troisième est la persévérance; car il ne suffit pas que l’on agrée le commandement et que, pour quelque espace de temps, on l’exécute, si l’on n’y persévère, puisque c’est cette persévérance qui donne la couronne a.

Il se trouve partout des exemples admirables de la persévérance, mais particulièrement dans saint Pacôme. Il y a eu des moines qui ont persévéré avec une patience incroyable à ne faire toute leur vie qu’un même exercice : comme le bon Père Jonas, qui ne fit jamais en sa vie autre chose que des nattes, et s’était tellement habitué à cela qu’il les faisait sa fenêtre fermée, en méditant et faisant oraison, l’un ne lui empêchant point l’autre; de sorte qu’enfin on le trouva mort les genoux croisés et sa natte attachée dessus, et fallut l’enterrer ainsi tout en un monceau : il mourut en faisant ce qu’il avait fait toute sa vie. C’est un acte de grande humilité de faire toute sa vie par obéissance un exercice abject, car il peut arriver journellement des tentations que l’on serait bien capable de quelque chose de plus grand. Or, cette dernière condition est la plus difficile de toutes, à cause de la légèreté et inconstance de l’esprit humain; d’autant qu’à cette heure nous aimons faire une chose, et tantôt nous ne la voudrions pas regarder. Si nous voulions suivre tous les mouvements de notre esprit, ou qu’il fût possible de le faire sans qu’il y eût du scandale ou du déshonneur, nous ne verrions autre chose que des changements : quand nous aurions été une heure

 

a. Matt., X, 22; XXIV, 13.

 

Jésuite, nous voudrions être une autre heure Capucin, et puis un peu après nous chercherions une autre condition; et tel qui a vécu en bonne paix toute sa vie avec sa femme, s’il eût pu la changer l’eût fait une douzaine de fois; voire même jusque là, que, si nous pouvions, nous changerions de père et de mère, tant cette inconstance de l’esprit humain est extravagante : mais il la faut arrêter avec la force de nos premières résolutions. Or, pour nous affectionner à l’obéissance lorsque nous nous trouvons tentés, il faut faire des considérations de son excellence, de sa beauté et de son mérite, voire de son utilité, pour nous encourager à passer outre : cela s’entend pour les âmes qui ne sont pas encore bien établies en l’obéissance, car, quand il n’est question que d’une simple aversion ou dégoût de la chose commandée, il ne faut faire qu’un acte d’amour et se mettre à la besogne. Je n’entends pas un acte d’amour sensible, car ils ne sont pas en notre puissance 2 et ne sont nullement nécessaires; je dis un acte d’amour raisonnable, avec la pointe de notre esprit, car c’est ainsi que doivent aller les vraies servantes de Dieu, autrement nous n’irons jamais bien. Si nous nous attachons à ces petites tendretés et douceurs spirituelles, et que nous ne nous résolvions de servir Dieu avec la pointe de nos résolutions, nous n’aurons jamais ni des vraies vertus, ni d’amour solide.

J’ai connu un gentilhomme qui me dit une fois en voyant passer un autre : Voilà un homme que j’aime avec une passion étrange, mais je ne

 

2. pouvoir

 

lui ai jamais parlé ni ne lui parlerai jamais, car j’en évite tant que je puis les occasions. — Et pourquoi, lui dis-je, puisque vous l’aimez tant? — Pour ce, dit-il, que si je l’accoste, peut-être ne parlera-t-il pas si bien que je me suis imaginé, ou il fera quelque chose de mauvaise grâce, et je ne pourrai plus l’aimer. — Voyez-vous, quand nos affections dépendent de tant de petites choses, elles sont sujettes à mille détraquements.

Il ne faut faire nul état des aversions ni des difficultés, pourvu que cette pointe de notre esprit tienne toujours à son souverain Objet. Notre-Seigneur même en sa Passion les a souffertes, car il avait une aversion mortelle à souffrir la mort, il le dit lui-même b; mais avec la fine pointe de son esprit, il était résigné à la volonté de son Père, tout le reste était un mouvement de la nature.

La persévérance plus difficile est ès choses intérieures, car pour les matérielles et extérieures, elles sont encore assez faciles. Cela procède de ce qu’il nous fâche d’assujettir notre entendement, car c’est la dernière chose que nous assujettissons, et néanmoins il est extrêmement nécessaire que nous assujettissions nos pensées à certains objets; de manière que quand on nous marque certains exercices ou pratiques de vertu, il faut que nous demeurions en cet exercice et que nous assujettissions notre esprit autant de temps que l’on nous marque. Je n’appelle pas manquer à la persévérance quand nous faisons quelque petite interruption, pourvu que nous nous reprenions et que nous ne quittions pas tout à fait. Comme de

 

b. Matt., XXVI, 38, 39 ; Marc., XIV, 34-36.

 

même, ce n’est pas manquer à l’obéissance que de manquer à quelques-unes de ses conditions, car nous ne sommes obligés qu’à la substance des vertus et non pas aux conditions, et encore que nous obéissions avec répugnance et quasi comme forcés par l’obligation de notre condition, notre obéissance ne laisse pas d’être bonne en vertu de notre première résolution; mais elle est d’une valeur et d’un mérite infiniment grand quand elle est faite avec les conditions que nous avons dites; car une chose, pour petite qu’elle soit, étant faite par obéissance est de fort grande valeur.

L’obéissance est une vertu si excellente que Notre-Seigneur a voulu conduire 3 tout le cours de sa vie par obéissance, ainsi qu’il l’a dit tant de fois qu’il n’était pas venu pour faire sa volonté c; et l’Apôtre dit qu’il s’est fait obéissant jusques à la mort, et la mort de la croix d, et a voulu joindre au mérite infini de sa parfaite charité l’infini mérite d’une parfaite obéissance. La charité cède à l’obéissance, parce que l’obéissance dépend de la justice : aussi est-il meilleur de payer ce que l’on doit que de faire l’aumône; cela veut dire qu’il est mieux de faire l’obéissance qu’un acte de charité de notre propre mouvement.

La spiritualité de cette Maison doit être une spiritualité toute généreuse et indépendante de toutes sortes de tendretés, de goûts et consolations sensibles. Il ne faut point désirer d’être délivrés de nos difficultés, répugnances et aversions,

 

c. Joan., IV, 34, V, 30, VI, 38 ; Heb., X, 9. — d. Philip., II, 8.

3. diriger, régler

 

car elles ne nous nuisent nullement; au contraire, lorsque on nous commande une chose à laquelle toute notre nature est répugnante 4 et que nous l’allons faire avec la force de l’amour intellectuel, il n’y a point de doute que cette action ne soit d’un mérite infiniment plus grand que si nous l’avions faite sans répugnance et par conséquent avec moins de mérite. Mais on peut regagner ce qui défaut 5 en faisant cette même action avec une très grande charité; car nous n’avons pas en cette action présente le mérite de nous surmonter, d’autant que nous n’y avons point de difficulté, mais nous l’avons ja eu aux actions précédentes, esquelles nous nous sommes surmontés. Nous ne pouvons pas moissonner deux fois.

La quatrième sorte d’obéissance est une certaine souplesse de notre volonté à suivre la volonté d’autrui; et c’est une vertu extrêmement aimable qui fait tourner notre esprit à toutes mains et nous dispose à faire toujours la volonté de Dieu. Par exemple : si allant en quelque lieu, je trouve une Soeur et qu’elle me dise que j’aille en un autre lieu, la volonté de Dieu en moi est que je fasse ce qu’elle veut ; que si j’oppose mon opinion, la volonté de Dieu en elle est qu’elle me cède, et ainsi de toutes autres choses qui sont indifférentes. Mais s’il arrivait que sur cette première opposition toutes deux voulussent céder, il ne faudrait pas demeurer là sur cette conteste 6, mais regarder lequel serait le plus raisonnable et meilleur, et puis le faire simplement. Il faut que cela soit

 

4. répugne 5. manque, fait défaut — 6. contestation, dispute

 

conduit par la discrétion, car il ne serait pas à propos de quitter une chose qui serait de nécessité pour condescendre à une chose indifférente. Si je voulais faire une action de grande mortification et qu’une autre me vînt dire que je ne la fisse pas, ou que j’en fisse une autre, je remettrais, s’il m’était possible, mon premier dessein pour faire sa volonté, et puis je parachèverais mon entreprise. Que si je ne la pouvais omettre, et que ce qu’elle voudrait de moi ne fût pas nécessaire, je ferais ce que j’avais premièrement entrepris.

Quand une Soeur nous requiert 7 de faire quelque chose et que par surprise nous témoignons d’y avoir de la répugnance, il ne faut pas que la Soeur s’en ombrage ni fasse semblant de le connaître, ou qu’elle prie de ne le faire pas; d’autant qu’il n’est pas en notre puissance d’empêcher que notre couleur, nos yeux ou notre contenance ne témoignent le combat que nous avons au-dedans, encore que, avec la raison, nous veuillions bien faire la chose; car ce sont des messagers qui viennent sans qu’on les appelle, et qui, encore qu’on leur dise : Retournez, n’en font rien pour l’ordinaire. A quel propos donc cette Soeur ne voudra-t-elle pas que je fasse ce dont elle me prie, pour cela seulement qu’elle reconnaît que j’y ai de la répugnance? elle doit aimer que je fasse ce profit pour mon âme. Vous me direz : C’est qu’elle craint de vous avoir fâchée. Non, c’est l’amour-propre qui ne voudrait pas que j’eusse seulement une petite pensée que vous êtes importune; je l’aurai bien pourtant, encore que je ne m’y arrête

 

7. demande

 

pas. Si néanmoins aux signes de ma répugnance je joins des paroles qui témoignent apertement 8 que je n’ai point d’envie de faire ce dont cette Soeur me prie, elle peut et doit me dire tout doucement que je ne le fasse pas, quand ce sont personnes de pair à pair 9; car quant à ceux qui ont autorité, il faut qu’ils tiennent ferme et fassent plier leurs inférieurs. Or, quand bien une 10 Soeur m’aurait refusé tout à plat 11 quelque chose ou montré de la répugnance, je ne dois pourtant point perdre la confiance de l’employer une autre fois, ni ne me dois point mal édifier de son imperfection : car à cette heure je la supporte, et tantôt elle me supportera; maintenant elle a de l’aversion à faire cette chose, et une autre fois elle la fera volontiers. Si toutefois j’avais l’expérience que ce fût un esprit qui ne fût pas encore capable de cette façon de traiter, j’attendrais pour quelque temps, jusqu’à ce qu’il fût un peu mieux accommodé 12

Nous devons toutes être capables des défauts les unes des autres, et ne faut en façon quelconque s’en étonner; car si nous demeurons quelque temps sans tomber en faute, nous serons puis après un autre temps à ne faire que faillir et ferons plusieurs grosses imperfections de suite, desquelles il faut faire profit par l’abjection qui nous en revient. Il faut souffrir avec patience le retardement de 13 notre perfection, et faire toujours ce que nous pouvons pour notre amendement et de bon coeur.

 

8. ouvertement — 9. égales — 10. bien qu’une — 11. absolument — 12. disposé — 13. ce qui retarde

 

Pour les tentations où il y a danger de pécher, nous pouvons demander à Dieu qu’il nous en délivre, à l’imitation de saint Paul c qui, se trouvant affligé de l’aiguillon de la chair, demanda par trois fois d’en être délivré; et si Notre-Seigneur ne lui eût répondu, il eût persévéré en sa demande. Mais quand Notre-Seigneur lui eût dit: Ma grâce te suffit, car ma vertu se parfait 14 en l’infirmité, il demeura en paix parmi cette guerre. C’est ainsi que Notre-Seigneur est glorifié en nos tentations, quand nonobstant leur grand nombre et diversité nous n’offensons point Dieu; car il faut que sa grâce et vertu soit bien forte, puisqu’elle nous soutient parmi tant et de si grandes infirmités, et nous donne la force de nous rendre parfaits. Tant 15 que nous demeurerons en nos imperfections Dieu n’en sera point glorifié.

Or, le moyen d’acquérir cette souplesse à suivre la volonté d’autrui est de faire souvent des actes d’indifférence en l’oraison, et puis les venir mettre en pratique aux occasions; car ce n’est pas assez de se dépouiller devant Dieu, d’autant que cela se faisant seulement avec l’imagination, il n’y n pas grande affaire; mais, quand il le faut faire en effet, et que, venant de nous donner toute à Dieu, nous trouvons une créature qui nous commande, il y a bien de la différence, et c’est là où il faut montrer son courage.

Cette douceur de condescendance à la volonté du prochain est une vertu de grand prix; elle est le symbole de l’oraison d’union. Comme cette

 

e. II Cor., XII, 7-9.

14. se perfectionne — 15. pendant, aussi longtemps

 

oraison n’est autre chose qu’un renoncement de nous-mêmes en Dieu, quand l’âme dit avec vérité Je n’ai plus de volonté sinon la vôtre, Seigneur, alors elle est toute unie à Dieu; de même, quand nous renonçons à notre volonté pour faire toujours celle du prochain, c’est la vraie union avec le prochain : et faut faire tout cela pour l’amour de Dieu.

Il arrive souvent qu’une personne petite et faible de corps et d’esprit, qui ne s’exercera qu’à des choses petites, les fera avec une si grande charité qu’elles surpasseront beaucoup en mérite des actions grandes et relevées; car pour l’ordinaire, les actions relevées se font avec moins de charité à cause de l’attention et de diverses considérations qui se font autour d’elles. Si néanmoins une grande oeuvre est faite avec autant de charité que la petite, sans doute celui qui la fait a beaucoup plus de mérite et de récompense. Enfin, la charité donne le prix et la valeur à toutes nos oeuvres, de manière que tout le bien que nous faisons il le faut faire pour l’amour de Dieu, et le mal que nous éviterons il le faut éviter pour l’amour de Dieu. Les actions bonnes que nous faisons qui ne nous sont pas particulièrement commandées et qui ne peuvent tirer leur mérite de l’obéissance, il le leur faut donner par la charité, encore que toutes nous les pouvons faire par obéissance, parce que Dieu a commandé toutes les vertus. Bref, il faut avoir bon courage et ne dépendre que-de Dieu ; c’est le caractère des Filles de la Visitation de regarder en toutes choses la volonté de Dieu et la suivre, Dites-vous que quelquefois, au silence, il vous vient envie de dire un Ave maris Stella ou un Veni creator, ou bien quelque autre chose en faisant votre ouvrage. — Il n’y a point de difficulté que vous ne le puissiez dire et qu’il ne soit bon, comme par forme de prière; et c’est une bonne petite oeuvre en laquelle vous avez du mérite, comme de baiser une image ou quelque autre chose semblable. Or, il faut bien prendre garde que ceci se fasse sans préjudice d’un plus grand bien. Par exemple : si vous aviez dévotion, vous trouvant devant le très Saint Sacrement, de dire trois Pater à l’honneur de la Sainte Trinité, et que l’on vous vint appeler pour aller faire quelque autre chose, il faudrait se lever promptement et aller faire cette action à l’honneur de la Sainte Trinité, au lieu de dire vos trois Pater. Ces choses sont quelquefois utiles à certains esprits, d’autres n’en ont pas besoin. Il y n de toutes herbes dans un jardin, et si bien il s’y en trouve une plus excellente que toutes les autres, ce n’est pas à dire qu’il ne faille mettre que celle-là dans le pot.

C’en est de même des pratiques de vertu, oraisons jaculatoires ou génuflexions, car il ne faudrait pas se préfiger 16 d’en faire un tant par jour ou durant un tel temps, sans le dire à la Supérieure, bien qu’il faille être fort fidèle à en faire. Si vous pensez que ce soit le Saint-Esprit qui vous inspire de les faire, comme aussi des prières, il vous saura bon gré que vous demandiez congé, voire même que vous ne les fassiez point si l’on ne le vous permet pas, d’autant que rien ne lui est tant

 

16. se fixer d’avance

 

agréable que l’obéissance religieuse. Vous ne pouvez donc pas promettre à personne de dire tant de Pater pour eux. Si l’on vous prie de le faire, il faut répondre que vous demanderez congé; mais si l’on se recommande simplement à vos prières, vous pouvez répondre que vous le ferez de bon coeur, et en même temps élever votre esprit en Dieu pour cette personne-là. Tout de même en est-il de la très sainte Communion, car vous ne pouvez point communier pour personne sans congé. Cela ne s’entend pas qu’étant prêtes de recevoir Notre-Seigneur, s’il vous vient en mémoire les nécessités communes du peuple, vous ne puissiez les représenter 17 à Dieu, le suppliant d’en avoir compassion; et tant s’en faut que vous fassiez mal en le faisant, qu’au contraire votre oraison sera plus agréable à Dieu plus elle sera 18 générale. Mais si vous voulez communier particulièrement pour quelque chose, il faut demander congé, si ce n’est pour vos nécessités particulières, comme pour obtenir force contre quelque tentation, ou bien pour demander quelque vertu à Notre-Seigneur.

 

17. présenter — 18. qu’elle sera plus

 

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