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SEIZIÈME ENTRETIENSUR LE SUJET DE LA CONDESCENDANCE[DE LA VOLONTÉ DE DIEU]
Je commence notre discours par la réponse à la question qui ma été donnée en ce billet; à savoir, que cest et en quoi consiste la parfaite détermination de suivre et de regarder la volonté de Dieu en toutes choses, et si nous la pouvons trouver ou suivre ès volontés des supérieurs ou inférieurs, que nous voyons clairement procéder de leurs inclinations naturelles ou bien habituelles. Pour nous prendre au commencement de la question, il faut que vous sachiez que la détermination de suivre la volonté de Dieu en toutes choses sans exception est contenue dans lOraison dominicale, en ces paroles que nous disons tous les jours : Votre volonté soit faite en la terre comme au Ciel a. Au Ciel, il ny a nulle résistance à la divine volonté, tout lui est sujet et obéissant ainsi disons-nous quil nous puisse arriver et ainsi promettons-nous à Notre-Seigneur de faire, ny apportant jamais nulle résistance, mais demeurant toujours très sujettes en toutes occurrences à cette divine volonté. Et de ceci, jen ai parlé, ce me semble, bien clairement au livre de lAmour de Dieu; néanmoins, pour satisfaire à la demande qui mest faite, jen dirai encore quelque chose.
a. Matt., VI, 10.
La volonté de Dieu se peut entendre en deux façons: il y a la volonté de Dieu signifiée, et la volonté de son bon plaisir. La volonté signifiée est distinguée en quatre parties: ses Commandements, ses conseils, les commandements de lEglise et les inspirations. Es Commandements de Dieu et de son Eglise, il faut nécessairement que chacun plie le col 1 et se soumette à lobéissance, parce quen cela la volonté de Dieu est absolue, voulant que nous obéissions si nous voulons être sauvés. Les conseils, il veut bien que nous les observions, mais non pas dune volonté absolue, ains seulement par manière de désir; et pour cela nous ne perdons pas la charité ni ne nous séparons pas de Dieu pour navoir pas le courage dentreprendre lobservance des conseils, ni ne devons pas vouloir entreprendre la pratique de tous, ains seulement de ceux qui sont plus conformes à notre vocation ; car il y en a qui sont tellement opposés les uns aux autres, quil serait tout à fait impossible dembrasser la pratique de lun sans sôter le moyen de pratiquer lautre. Cest un conseil de quitter tout ce que lon a pour suivre Notre-Seigneur dénué de toutes choses ; cest un conseil de prêter et de donner laumône: dites-moi, celui qui a quitté tout dun coup ce quil avait, de quoi peut-il prêter ou faire laumône puisquil na rien ? Il faut donc suivre les conseils que Dieu veut que nous suivions, et ne pas croire quil les ait tous donnés afin que nous les embrassions tous ou la pratique diceux. Les conseils quil faut que nous pratiquions nous autres, ce sont nos Règles ; je
1. cou
veux dire, ils sont tous compris dans lenclos 2 dicelles. Mais nous avons dit que Dieu signifie encore sa volonté ès inspirations ; il est vrai, pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mêmes si ce qui nous est inspiré est sa volonté, ni moins quà tort et à travers nous suivions ces inspirations. Il ne veut pas aussi que nous attendions que lui-même nous manifeste ses volontés ou quil nous envoie des Anges pour nous enseigner; mais sa volonté est que nous recourions, ès choses douteuses et dimportance, à ceux quil a établis sur nous pour nous conduire, et que nous demeurions totalement soumis à leurs conseils et à leurs opinions en ce qui regarde la perfection de nos âmes. Voilà donc en quoi Dieu manifeste ses volontés, que nous appelons la volonté signifiée. Il y a de plus la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle nous devons regarder en tous les évènements, je veux dire en tout ce qui nous arrive: en la maladie, en la mort, en laffliction, en la consolation, ès choses adverses et prospères, bref en toutes choses qui ne sont point prévues. Et à cette volonté de Dieu, nous devons toujours être prêts de nous soumettre en toutes occurrences, ès choses agréables comme ès désagréables, en laffliction comme en la consolation, en la mort comme en la vie, et en tout ce qui nest point manifestement contre la volonté de Dieu signifiée, car celle-là va devant 3; et cest en ceci que nous répondons à la seconde partie de la question. Ce que, pour vous mieux faire entendre, il faut que
2. ce qui est contenu, ce qui est renfermé dans 3. passe avant
je vous die ce que jen ai trouvé ces jours passés dans la Vie du grand saint Anselme, où il est dit que durant tout le temps quil fut Prieur et Abbé de son Monastère, il fut extrêmement aimé dun chacun, parce quil était fort complaisant, se laissant plier à la volonté de tous, non seulement des Religieux, mais même des étrangers. Si on lui venait dire : Mon Père, votre Révérence devrait prendre un peu de bouillon chaud, il vous ferait grand bien à lestomac ; tout soudain il le prenait: Je le veux bien, mon fils, disait-il. Après, un autre venait qui lui disait : O mon Père, cela vous fera mal, vous ne le devriez pas prendre; et tout soudain il le quittait. Ainsi il se soumettait, en tout ce qui nétait point manifestement contre la volonté de Dieu, à celle de ses Frères, lesquels bien souvent sans doute suivaient leurs inclinations naturelles ou habituelles, mais encore plus particulièrement les séculiers qui le faisaient aussi tourner à toutes mains, selon leurs volontés. Or, cette grande souplesse et condescendance du Saint nétait pas approuvée de tous, bien quil fût fort aimé de tous; si que, un jour, il y eut de ses Frères qui lui voulurent remontrer que cela nétait pas bien selon leur jugement. Etant venus à lui, ils commencèrent à dire: Vraiment, mon Père, vous êtes honoré et aimé dun chacun de nous autres qui sommes sous votre charge ; mais il faut que vous nous permettiez de vous dire, comme étant ceux qui vous aiment plus particulièrement que les autres, quil nous semble que vous êtes trop facile, condescendant et souple à la volonté de tout le monde. Il semble que vous devriez être plus généreux, faisant plier ceux qui vous sont sujets sous votre volonté, et non pas ainsi que vous faites, vous soumettant à tous. O mes enfants, dit le grand saint Anselme, vous ne savez peut-être pas à quelle intention je le fais. Sachez, mes Frères, que me ressouvenant que Notre-Seigneur a commandé b que nous ne fissions à notre prochain que ce que nous voudrions qui nous fût fait, men ressouvenant, dis-je, je ne puis faire autrement; car je voudrais que Dieu fît ma volonté, et partant, je fais volontiers celle de mes Frères et de mes prochains, afin quil lui plaise à ce bon Dieu de faire quelquefois la mienne. De plus, jai une autre considération, qui est que, après ce qui est de sa volonté signifiée, je ne puis connaître la volonté de Dieu, je veux dire la volonté du bon plaisir, que par la voix de mon 4 prochain; car Dieu ne me parle point, moins menvoie-t-il des Anges pour me déclarer ce que cest que son bon plaisir. Les pierres, ni les animaux, ni les arbres, ni les plantes ne parlent point; il ny a que lhomme donc qui me puisse manifester la volonté de mon Dieu, et partant je mattache à cela tant que je puis. Dieu me recommande la charité envers le prochain ; cest une grande charité de se conserver en lunion les uns avec les autres, et je ne trouve point de meilleur moyen que dêtre fort doux et condescendant. La douce et humble condescendance doit toujours surnager en toutes nos actions. Mais la principale considération est de croire que Dieu me manifeste ses
b. Matt., VII, 12; Luc., VI, 31.
4. encore moins
volontés par celles de mes Frères, et partant jobéis à Dieu toutes les fois que je leur condescends en quelque chose. Outre cela, Notre-Seigneur na-t-il pas dit c que si nous ne sommes faits comme un petit enfant, que nous nentrerons point au Royaume des cieux ? Ne vous étonnez donc point si je suis souple et facile à condescendre comme un enfant, puisque, en cela, je ne fais que ce qui ma été ordonné par mon Sauveur. II ny a pas grand intérêt que je maille coucher ou que je demeure levé, que je prenne un bouillon ou que je le laisse, que jaille là ou que je demeure ici; mais il y aurait bien de limperfection de ne pas me soumettre en cela. Voyez-vous, mes chères Soeurs, le grand saint Anselme se soumet en tout ce qui nest point contre les Commandements de Dieu et de la sainte Eglise, ou contre ses Règles, car lobéissance marche toujours devant. Je ne pense pas, non, que si on eût voulu lui faire faire quelque chose contre cela, quil leût fait; oh! nullement, mais après cela, sa règle générale était la condescendance en tout et à tous. Le glorieux saint Paul, après avoir dit d que rien ne le séparera de la charité de Dieu, ni la mort, ni la vie, non pas même les Anges, ni tout lenfer sil se bandait contre lui nen aurait pas le pouvoir: Je ne sache point de plus grande finesse, dit-il, que de me rendre tout à tous e, rire avec les riants, pleurer avec ceux qui pleurent f, boire avec ceux qui boivent, enfin me rendre un avec un chacun. Ce que je dis quil
c. Matt., XVIII, 3. d. Rom., VIII, 35, 38. e. I Cor., IX, 22 ; cf. II Cor., XII, 15, 16. f. Rom., XII, 15.
faut pleurer avec ceux qui pleurent, ne se doit pas entendre avec ceux qui pleurent de tendreté sur eux-mêmes, car il ne le faut pas; non plus quil ne se faudrait pas enivrer avec ceux qui le font, car si bien je dois boire quand quelquun me témoigne de le désirer bien fort, regardant la volonté de Dieu eu cela, je ne dois pourtant pas excéder les termes de la modestie et sobriété. Mais, me direz-vous, dois-je penser que Dieu ait inspiré cet homme de me présenter à boire ? Non pas, mais oui bien de condescendre à sa volonté en buvant : la volonté de Dieu est que je boive, encore que ce ne fût pas sa volonté que lon mait présenté à boire. Saint Pacôme, faisant un jour des nattes, il y eut un enfant (car il recevait en ce temps-là des enfants pour les élever en la Religion), ce pauvre petit donc, regardant comme faisait le Saint, lui dit: O mon Père, vous ne faites pas bien; ce nest pas ainsi quil faut faire. Le grand Saint, quoi quil fît bien ces nattes, se leva néanmoins tout promptement, et sen alla asseoir proche 5 de lenfant, lequel lui montra comme il entendait quil fallait faire. Il y eut quelques-uns des Religieux qui lui dirent; Mon Père, vous faites deux maux en condescendant à la volonté de cet enfant, car vous lexposez au danger davoir de la vanité, et vous gâtez votre stolle 6, car elle était mieux ainsi que vous faisiez. A quoi le bienheureux. Père répondit : O mes Frères, si Dieu permet que lenfant ait de la vanité, peut-être quen récompense il me donnera de lhumilité; et quand il
5. alla sasseoir près 6. natte
men aura donné, jen pourrai par après donner à cet enfant. Il ny n pas grand danger de passer ainsi ou ainsi les joncs pour faire des nattes, mais il y aurait un grand danger si nous navions pas à coeur cette parole tant célèbre de Notre-Seigneur g : Si vous nêtes faits comme un petit enfant en simplicité, humilité et souplesse, vous naurez point de part au Royaume de mon Père. Oh! que cest un grand bien dêtre ainsi pliables et faciles à être tournés à toute main! Non seulement les Saints nous ont enseigné cette pratique de la soumission de notre volonté, mais aussi Notre-Seigneur même, tant par exemples que par paroles. Le conseil de labnégation de soi-même h, quest-ce autre chose sinon renoncer en toute occasion à sa propre volonté, à son jugement particulier, pour suivre la volonté de Dieu, et se soumettre à tous et en toutes choses, excepté toujours ce en quoi lon offenserait Dieu en le faisant ? Mais vous me dites : Je vois clairement que ce que lon veut que je fasse procède dune volonté humaine et dune inclination, et partant Dieu na pas inspiré ma Mère ou ma Soeur de me faire faire une telle chose, puisque cest par le mouvement de son inclination naturelle ou habituelle, ou même par passion. Non, sans doute, Dieu ne lui a pas inspiré cela, mais oui bien à vous de le faire, et y manquant vous contreviendriez à la détermination que vous avez faite dobéir à la volonté de Dieu en toutes choses et par conséquent au soin que vous devez avoir de votre perfection. Il faut donc se soumettre toujours à faire
g. Ubi supra, p. 326. h. Matt., XVI, 24; Luc., Ix, 23.
tout ce que lon veut de nous, pour faire la volonté de Dieu, pourvu que ce ne soit point contre sa volonté qui nous est signifiée ès quatre façons que jai dit. Mais la volonté des créatures se peut présenter en trois façons : soit par manière daffliction, ou de complaisance, ou bien sans propos et hors de propos. A la première il faut être bien fort pour embrasser volontiers ces volontés qui sont si contraires à la nôtre qui ne voudrait point être contrariée; et cependant, pour lordinaire, il faut grandement 7 souffrir en cette pratique de suivre les volontés des Supérieurs, et ce qui est le plus, celle des inférieurs ou égaux, car pour lordinaire, leur volonté contrarie la nôtre. Il faut donc recevoir par manière de souffrance et daffliction lexécution de ces volontés. Par manière de complaisance, il nest pas besoin dexhortation pour nous les faire suivre, car, mon Dieu, très volontiers nous obéissons ès choses agréables, ains nous allons au-devant de ces volontés pour leur offrir nos soumissions. Ce nest pas aussi de cette sorte de volonté, je massure, que lon me demande sil sy faut soumettre, car on nen doute nullement; mais de celles qui sont hors de propos et dont nous ne connaissons point la raison pourquoi 8 lon veut cela de nous. Cest ici où il y a du bon: car, pourquoi ferai-je plutôt la volonté de ma Soeur que la mienne ? la mienne nest-elle pas aussi conforme à celle de Dieu en cette légère occurrence que la sienne? Pour quelle raison dois-je croire que ce quelle me dit que je fasse
7. beaucoup 8. pour laquelle
soit plutôt une inspiration de Dieu que la volonté qui mest venue de faire une autre chose? O mon Dieu! mes chères Soeurs, cest ici où sa divine Bonté nous veut faire gagner le prix de la soumission; car si nous voyions toujours que lon eût bien raison de nous commander ou de nous prier de faire une telle chose, nous naurions pas grand mérite en la faisant, ni grande répugnance, parce que sans doute toute notre âme acquiescerait volontiers à cela ; mais quand ces raisons nous sont cachées, notre volonté répugne, notre jugement regimbe quelquefois. Il faut surmonter le tout pour, avec une simplicité enfantine, se mettre en besogne sans tant de discours 9 ni de raisons : je sais que la volonté de Dieu est que je fasse plutôt la volonté de mon prochain que la mienne, et partant je me mets en la pratique 10 sans tant de regards, si cest la volonté de Dieu que je me soumette à faire ce qui procède de passion, dinclination, ou bien dun vrai mouvement de raison et dinspiration. Pour les petites choses, il faut marcher en simplicité; car quelle apparence y aurait-il daller faire une heure de méditation pour connaître si cest la volonté de Dieu que je mange 11 un bouillon ou que je ne le mange pas, que je boive quand lon men prie ou que je men abstienne par pénitence ou sobriété, et semblables petites choses, lesquelles ne sont nullement dignes de considération, et principalement si je vois que je contenterai tant soit peu le prochain en les faisant. Es choses de conséquence, il ne faut pas perdre
9. réflexions 10. à accomplir cette volonté 11. prenne
le temps non plus à les considérer, mais il sen faut adresser à nos Supérieurs afin de savoir deux ce que nous avons à faire; après quoi, il ny faut plus penser, ains sarrêter absolument à leurs opinions, puisque Dieu nous les .a donnés pour la conduite de notre âme en la perfection de son amour. Mais si lon doit ainsi condescendre à la volonté dun chacun, beaucoup mieux à celle des Supérieurs, lesquels nous devons tenir et regarder parmi nous comme la personne de Dieu même; aussi sont-ils ses lieutenants. Et si bien il arrive quils aient des inclinations ou naturelles ou habituelles, voire même des passions par le mouvement desquelles ils commandent, ou reprennent les fautes de leurs inférieurs, il ne sen faut nullement étonner, car ils sont hommes comme les autres et par conséquent sujets à avoir des inclinations et des passions; et bien quil ne soit pas permis de faire ce jugement, que ce quils nous commandent part de la passion, néanmoins, encore que nous connussions palpablement que cela fût, il ne faudrait pas laisser dobéir tout doucement et amoureusement, et se soumettre avec humilité à la correction.
[Appendice
Mais aussi, me direz-vous, cest une chose bien dure à lamour-propre que dêtre sujet à tous ces rencontres 1. Mon Supérieur ou ma Supérieure est dhumeur mélancolique, et partant, dès quelle me voit rire de bon coeur elle me dit : Dites, de quoi riez-vous? Belle demande de quoi je ris: je ris parce que jai joie. Si au contraire la Supérieure est dhumeur joyeuse, incontinent quelle verra que je ne ris pas elle me dira: De quoi êtes-vous triste? Cela nest-il pas insupportable ? car lon ne saurait plus fâcher ceux qui sont mélancoliques que de leur dire : pourquoi ils le sont parce que, pour lordinaire, ils nen sauraient donner raison aucune qui fût recevable.
1. toutes ces rencontres ]
Passons outre, et disons quelques petites choses de la confession. Premièrement, je voudrais que lon portât un grand honneur aux confesseurs, car nous sommes fort obligés dhonorer le sacerdoce, et partant je dis quil faut porter beaucoup de respect aux confesseurs en la confession ; il les faut regarder comme des anges que Dieu nous envoie pour nous réconcilier avec sa divine Bonté. Et non seulement cela, mais il les faut regarder comme lieutenants de Dieu en terre ; et partant, encore quil leur arrive quelquefois de se montrer hommes eu la confession, commettant quelques imperfections, comme serait de faire quelques demandes curieuses qui ne sont pas de la confession, de demander vos noms, comment vous vivez, si vous faites des pénitences, si des pratiques de vertu et quelles elles sont, si vous avez point 12 quelque tentation, voire même quelque chose de loraison, je voudrais répondre simplement selon quils me demandent, bien que je ne fusse pas obligé. Il ne faut pas répondre : Il ne mest pas permis de vous le dire. Oh ! non, jamais il ne faut user de cette défaite-là; vous pouvez dire tout ce que vous voudrez en confession, de ce qui regarde votre particulier; mais du général des Soeurs il faut répondre que vous ne savez pas les pénitences ni les pratiques de vertu quelles font. Sils senquièrent plus avant si lon en fait des extérieures, il faut dire que oui. Pour revenir à ce que je disais, si vous craignez de dire quelque chose de ce quils vous demandent, de peur de vous embarrasser, comme serait que vous avez des tentations, si vous appréhendez de les dire en cas quils les voulussent savoir par le menu, vous pouvez prendre une intention disant que non, entendant en vous-même: Pas pour lui dire ; ou bien vous pouvez répondre : Jen ai, mon Père, mais par la grâce de Dieu je ne pense pas y avoir offensé sa Bonté. Cest un grand mal sans doute que daller dire
12. si vous avez
à un confesseur, quand il demande si vous navez plus rien à dire, après avoir confessé les péchés que vous avez faits : Mon Père, jai bien encore quelque autre chose, mais la Supérieure, ou la Directrice ma commandé de ne men pas confesser. Celles qui font cela ont tort, car elles font accroire au confesseur que lon gagne leur confiance céans, et quon leur ôte la liberté de se confesser comme il faut, ce qui nest point. Car le confesseur, qui ne sait pas à quelle intention la Supérieure vous a dit cela et qui ne connaît nullement votre manière de procéder ni létat de votre âme, y trouvera peut-être du péché; et combien quil nait point égard à la condition de létat de votre âme, commencera à blâmer la Supérieure dignorance, et à trouver extrêmement mauvaise cette manière de gouvernement. Ce point davoir la confiance de parler ainsi à la Supérieure ou à la Directrice pour apprendre à se bien confesser est de très grande importance, lon ne le veut pas ôter, dautant que lon apporterait céans des consciences embrouillées et ignorantes qui seraient désagréables tout à fait; mais il faut aussi que les Soeurs ne fassent point cette faute, de dire que lon leur a défendu de se confesser de ceci ou de cela, car certes, cela peut être scandaleux. Dites à la bonne foi à votre confesseur tout ce qui vous fera de la peine si vous voulez, mais gardez-vous bien de parler ni du tiers ni du quart, car cela est de très grande importance.
[Appendice
Si bien la Supérieure vous dit, ou la Directrice quand vous lui parlez pour vous confesser: Ne vous confessez pas de telle ou de telle chose, ce nest pas par forme de commandement, ains de simple direction. Celles qui font cela ainsi simplement, demeurant en repos et soumettant leur jugement, croyant que puisque la Supérieure ou la Maîtresse leur dit quil ny a pas matière de confession, quelles ne sen doivent pas confesser, font fort bien de ne le pas faire; et celles-ci quand on leur dit: Avez-vous plus rien à dire ? elles disent facilement que non, ou si elles ne le font pas, elles le doivent faire sans scrupule. Mais les autres, qui ne seront pas contentes si elles ne se confessent pas de la chose pour laquelle on leur a dit quil ny avait point matière de confession, si elles aiment mieux satisfaire leur amour-propre que de suivre la direction, à la bonne heure, quelles le disent, mais que ce soit sans cette préface, que la Supérieure leur a commandé de ne sen pas confesser.]
Il faut user de condescendance à lendroit des confesseurs, leur disant volontiers quelques petites choses quils sont envieux 13 de savoir; mais au
13. désireux
partir de là, il faut un grand soin de couvrir leurs imperfections. Nous leur avons quelque réciproque obligation de tenir secret ce quils nous disent en lacte de la confession, principalement de tenir closes et cachées leurs imperfections sils nous en ont montré quelques-unes. Il ne faut donc point venir redire ce quils nous ont dit, si ce nétait quelque chose de grande édification; hors de là il ne faut rien dire. Sil arrive quils vous donnent quelque conseil qui soit contre vos Règles et votre manière de vivre, écoutez-les avec humilité et révérence, et puis vous en serez quitte pour nen rien faire. Les confesseurs nont pas toujours lintention de nous obliger sur peine de péché à ce quils nous disent, non plus que les Supérieurs; recevez ces conseils par manière de simple direction, et ne vous mettez pas en peine de les pratiquer sils sont tels que jai dit, contre vos Règles. Mais au partir de là, il faut estimer tout ce qui vous est dit en confession; vous ne sauriez croire le grand profit quil y a en ce Sacrement, pour les âmes qui y viennent avec la préparation et humilité requises. Si le confesseur vous conseille chose que vous puissiez bonnement 14, il le faut faire, comme serait de faire quelque pénitence avec congé ; il lui faut dire humblement: Mon Père, je demanderai congé den faire. Mais sil vous voulait donner pour pénitence de faire quelque chose qui fût contre la Règle, alors il faudrait lui dire fort doucement: Mon Père, je supplie très humblement Votre Révérence de me changer cette
14. facilement
pénitence, dautant quétant contre la Règle, je craindrais de scandaliser nos Soeurs si je la faisais. Ou bien, si cétait de dire tant dHeures tous les jours, ou tant dOffices durant un an ou quelque temps: Je ne le pourrai pas bonnement faire, à cause que nos heures nous sont toutes réglées. Il ne faut point murmurer contre les confesseurs. Sil vous arrive quelque chose en vos confessions par le défaut du confesseur, vous pouvez dire tout simplement à la Supérieure : Ma Mère, je désirerais bien, sil plaît à Votre Charité, de me confesser à quelque autre, sans dire autre chose ; car ainsi faisant, vous ne découvririez pas limperfection du confesseur, et si, vous auriez la commodité de vous confesser à votre gré. Mais ceci ne se doit pas faire à la légère, pour des causes de rien et qui seraient de nulle importance; il faut éviter les extrémités. Comme il nest pas bon de supporter des notables défauts ès confessions, aussi ne faut-il pas être douillets, ne pouvant supporter quelque petite chose.
[Appendice
Par exemple, le confesseur me fait longuement demeurer en la confession, et jaurais bien besoin du temps pour faire dautres choses ; ou bien je serais mortifiée par la Supérieure de quoi jai tant demeuré : elle me demandera peut-être, sans néanmoins le vouloir savoir, que cest que jai tant dit, tout exprès pour me mortifier, et pour cela je mennuierai fort devant le confesseur. O Dieu, il ne faut pas être si tendre et si peu amoureuse de la mortification que de vouloir léviter tant que lon pourra. Vous dites, ma chère Fille, que cest pour la crainte que vous avez de fâcher la Supérieure. Oh! non, pardonnez-moi sil vous plaît, car cela est une défaite de lamour-propre. Il ne faut pas croire que les Supérieures soient si tendres; elles ne le sont pas tant, non, et ne vous presseront ni inviteront à leur dire ce que vous ne voudriez pas, si ce nest par forme de simple confiance; ni elle ne croira pas, ainsi que vous le craignez, que vous ne lui disiez pas tout; et quand bien même cela serait, elle ne sen devrait pas mettre en grande peine.]
Bien que vous ne soyez pas obligée de dire tout à la Supérieure, cest néanmoins un moyen très propre pour maintenir la paix et tranquillité du coeur. Bien souvent ceux ou celles qui vont avec réserve à lendroit de leurs Supérieurs et Supérieures se trompent, car ils quittent le lieutenant de Dieu parmi eux pour chercher ailleurs ce quils ne pourront trouver, parce que Dieu a réservé ce quils cherchent en la soumission et volontaire sujétion à lautorité de leurs propres Supérieurs. Tant que le bien nous est proche, il ne le faut pas chercher loin. Mais ressouvenez-vous toujours de ce que jai dit: que vous nêtes point gênées ni contraintes de dire tout à la Supérieure, ni moins de ne pas dire ce que vous voudrez au confesseur, pourvu que vous ne parliez toujours que de vous. Passons outre et disons ce que javais proposé de vous dire, qui est que je voudrais fort que les Soeurs de céans prissent un grand soin de particulariser leurs péchés en confession. Je veux dire, celles qui, pour être trop occupées en la présence de Dieu ne se pourront souvenir davoir rien remarqué qui soit digne de confession; ou bien celles qui sont dun naturel si simple que, encore quelles fassent plusieurs choses qui mériteraient dêtre confessées, ne les remarquent néanmoins nullement, mais vont ainsi simplement à la bonne foi, ô Dieu, quelles sont heureuses! Et de cette sorte jen ai connu une qui était de mon âge, laquelle je crois navoir jamais fait péché mortel ; mais néanmoins, encore quelle soit très bonne, il mest arrivé de lui voir faire de bons gros péchés véniels en ma présence, laquelle venant après pour se confesser navait rien à dire, parce quelle avait fait cela si simplement quelle ny connaissait point de mal. Ainsi je voudrais que celles qui nauraient rien remarqué qui fût digne de labsolution, accusent quelque péché particulier; car de dire: Je maccuse généralement davoir dit des mensonges, votre accusation nest pas bonne, si vous najoutez : par vanité, ou pour nuire au prochain; parce quil y a des mensonges qui ne sont pas péché. De dire aussi: Je maccuse davoir eu plusieurs mouvements de colère, cela nest pas bon, et nest pas davantage que si vous disiez que vous avez eu plusieurs mouvements de joie; car la colère est une passion comme la joie et la tristesse, et ne faut pas croire que tous les mouvements de colère soient péché, dautant quil nest pas en notre pouvoir de nous empêcher de ces assauts. Nous serons toujours sujets à des passions, le veuillons 15 ou non ; ces moines qui ont voulu dire le contraire ont été condamnés par lEglise et par tous les Docteurs et Conciles. Il faut que la colère soit déréglée et nous porte à des actions déréglées, pour être péché. Il ne faut pas, donc, saccuser davoir eu des mouvements de colère; si le confesseur était bien avisé, il vous dirait : Allez en paix si vous navez autre chose à dire. Il faut particulariser une chose qui porte péché; par exemple : Je maccuse de quoi, étant dans le monde, je fis une fois telle chose; et ne pas dire: Jai fait des désobéissances ; mais il faut dire en quoi vous avez désobéi, si cest une chose légère ou dimportance. Mais ceci je voudrais bien que lon le retînt, parce quil est nécessaire de le mettre en pratique. Je dis de plus que je voudrais bien que lon eût un grand soin dêtre bien véritables, simples et charitables en la confession (ce que je ne dis pas pour rien, mais parce que je le dois dire). Véritable et simple en ceci est une même chose dire bien clairement son fait, sans fard et sans artifice, faisant attention que cest à Dieu que nous parlons, auquel rien ne peut être célé; mais
15. le veuillons-nous
surtout fort charitables, ne mêlant nullement les autres en nos confessions. Vous avez à vous accuser de quoi vous avez fait des murmures en vous-même, ou bien avec des Soeurs de ce que la Supérieure sest mise en colère : nallez pas dire que vous avez murmuré de quoi elle sétait mise en colère, mais dites : Je maccuse de quoi jai murmuré contre une des Soeurs anciennes; ou bien simplement: Jai murmuré, sans autre chose; sinon quil faut dire si ça été en vous-même, ou bien avec quelque autre, car vous ne savez pas les dangers et le mal quil y a en ceci. Dites le mal que vous avez fait, et non pas la cause ni ce qui vous y a poussée; ne dites pas que ça été sur le sujet dune correction, si vous doutez que lintérêt de celui qui la faite y concoure tant soit peu. Et si bien le mal que lon fait à lendroit des Supérieurs est un peu plus grand, ce nest pourtant pas une chose nécessaire de dire que cest à lendroit du Supérieur que vous lavez fait, en ces choses de si peu dimportance particulièrement. Bref, il ne faut jamais découvrir, ni directement, ni indirectement, le mal des autres confessant le nôtre, ni faire entendre ou donner sujet au confesseur de soupçonner qui cest qui a contribué à notre péché. Jai dit indirectement, parce que quelquefois lon dit: Je maccuse de quoi jai eu du sentiment 16 quand la Supérieure ma fait une correction par passion; mais cela serait se confesser comme les chambrières 17, qui disent quelles ont eu de limpatience toutes les fois que leur
16. ressentiment 17. servantes
maîtresse sest mise en colère contre elles sans raison. Mais dire tout doucement: Je maccuse de quoi jai pensé que la Supérieure me corrigeait par passion; sans ajouter : bien que je neusse pas grand fondement pour le croire. Il ne faut pas faire cela, car vous confessez le mal de la Supérieure et ne vous rendez pas coupable. Les pensées qui ne sont pas délibérément reçues ne sont pas péché, non plus que les sentiments de passions, sils ne sont suivis de quelques paroles ou actions mauvaises. Et ce que je dis de la Supérieure se doit entendre dun chacun. Il ne faut pas porter ces accusations inutiles en la confession: vous avez eu des pensées de murmure, de vanité, voire même des plus mauvaises si vous vous y êtes arrêtée délibérément, dites-le à la bonne foi, comme de même si vous avez eu des distractions volontaires; ou bien que, faute de vous être bien préparée au commencement de lOffice, vous lavez dit avec distraction. Mais si cela nest pas, ne vous mettez pas eu peine daller dire que vous avez eu une grande négligence à vous tenir recueillie durant le temps de vos oraisons ; car, quest-ce que le confesseur entendra par cette accusation ? Et puis vous vous pourriez bien tromper aussi vous-même en cela, dautant que ce nest pas toujours par notre faute que nous ne sommes pas attentifs en nos prières. Il faut faire tout simplement ce que lon peut pour être attentifs en nos oraisons, et nous humilier tout doucement quand nous y manquons, sans faire ces scrupules de péché où il ny en a point. Etes-vous négligente à rejeter une distraction ? cela est autre chose; confessez-vous-en tout simplement, sans le préambule dune continuelle négligence de vous tenir en la présence de Dieu; car cela ne sert de rien en la confession. Je voudrais encore, mes chères Filles, quen cette Maison lon portât grand honneur et révérence à ceux qui nous annoncent la parole de Dieu, qui sont les prédicateurs. Certes, lon a beaucoup dobligation à le faire; car il semble que ce sont des messagers célestes qui viennent de la part de Dieu pour nous enseigner le chemin de notre salut. Il les faut regarder comme tels et non pas comme simples hommes; car, quoiquils ne parlent pas si bien que les hommes célestes, il ne faut pas pourtant rien rabattre de lhumilité et révérence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est toujours la même, aussi sainte, aussi pure que si elle était dite et proférée par des Anges. Je remarque que quand jécris à une personne sur du mauvais papier, et par conséquent avec un mauvais caractère, elle me remercie avec autant daffection que quand je lui écris dessus du bon et que lécriture en est plus belle. Pourquoi cela? sinon parce quelle ne fait pas attention ni sur le papier qui nest pas bon, ni sur le caractère qui est mauvais, ains seulement que cest moi qui lui ai écrit. De même en faut-il faire de la parole de Dieu ne point regarder qui est-ce qui nous lapporte ou qui nous la déclare; il nous suffit que Dieu se serve de ce prédicateur pour nous lenseigner. Et puisque nous voyons que Dieu lhonore tant que de parler par sa bouche, comment est-ce que nous autres pourrions manquer dhonneur et de respect en son endroit? Or sus, quy a-t-il plus à dire ? O ma Mère, cela nest pas croyable que nos Soeurs soient tellement attachées aux caresses de la Supérieure que dès quelle ne leur parle pas de bonne grâce, elles tirent vite conséquence que cest quelles ne sont pas aimées. Oh ! pardonnez-moi, ma Mère, nos Soeurs aiment trop singulièrement lhumilité et la mortification pour être mélancoliques sur un léger soupçon, qui est peut-être sans fondement, quelles ne sont pas tant aimées comme leur amour-propre leur fait désirer dêtre. Mais jai fait une faute à lendroit de la Supérieure, et partant, jentre en des appréhensions quelle me fasse la mine et quelle ne men sache mauvais gré, et, en un mot, elle ne maura plus en si bonne estime quelle mavait, car cest un point de grande importance que celui-ci, dêtre bien estimée de notre Mère. O mes chères Soeurs, tout ce marrissement-là 18 se fait par le commandement dun certain père spirituel qui sappelle lamour-propre, qui commence à dire: Comment, avoir ainsi failli ! quest-ce que dira ou pensera notre Mère de moi ? Oh ! il ne faut plus rien espérer de bon de moi, qui suis une pauvre misérable; je ne pourrai jamais rien faire qui puisse contenter notre Mère ; et semblables belles et justes doléances. Lon ne dit point: Hélas! jai offensé Dieu, il faut donc recourir à sa miséricorde et espérer quil nous fortifiera. Oh! dit-on, je sais bien que Dieu est bon et quil naura pas égard
18. trouble-là
à mon infidélité; il reconnaît trop bien notre infirmité; mais notre Mère... Nous revenons toujours là pour continuer nos plaintes. Il faut sans doute avoir du soin de plaire aux Supérieurs, car le grand Apôtre saint Paul le déclare et en exhorte quand il dit, parlant aux serviteurs (et il se peut aussi attribuer aux enfants) : Servez, dit-il, vos maîtres à loeil 19, voulant dire: Ayez un grand soin de leur plaire. Mais aussi il dit par après: Ne servez point vos maîtres à loeil i, voulant dire quils se gardent bien de rien faire de plus étant à la vue des maîtres, quils feraient étant absents, parce que les yeux de Dieu les voient toujours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui lui puisse déplaire; et ce faisant, ne nous mettre pas en grand souci de vouloir toujours contenter les hommes, car il nest pas en notre pouvoir. Faisons du mieux 20 que nous pourrons pour ,ne fâcher personne; mais après cela, sil arrive que par notre infirmité nous les mécontentions quelquefois, recourons soudain à la doctrine que je vous ai tant de fois prêchée et que jai tant denvie 21 de graver en vos esprits: humilions-nous soudain devant Dieu et reconnaissons notre fragilité et faiblesse, et puis réparons notre faute, si elle le mérite, par un acte dhumilité à lendroit de la personne que nous avons fâchée. Cela fait, ne nous troublons jamais; car un autre père spirituel que nous avons, qui est lamour de Dieu,
f. Ephes., VI, 5, 6; Coloss., III, 22.
19. Ces paroles ne se trouvent pas textuellement en saint Paul. Cf. Rom., XII, 17. 20. le mieux 21. tant envie
nous le défend, nous enseignant que, après que nous avons fait lacte dhumilité ainsi que jai dit, nous rentrions en nous-mêmes pour caresser tendrement et chèrement cette bien heureuse abjection qui nous revient davoir failli et cette bien aimée mine froide que la Supérieure nous fera. Nous avons deux amours, deux jugements et deux volontés, et partant il ne faut faire nul état de tout ce que lamour-propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggèreront, pourvu que nous fassions régner lamour de Dieu au-dessus de lamour propre, le jugement des Supérieurs, voire des égaux et inférieurs au-dessus du nôtre, le réduisant au petit pied; ne nous contentant pas dassujettir notre volonté en faisant tout ce que lon veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous naurions nulle raison de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, démentant ainsi absolument les raisons quil voudrait apporter pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée serait mieux faite autrement que ce que lon nous dit. Il faut avec simplicité rapporter 23 une fois nos raisons, si elles nous semblent bonnes; mais au partir de là acquiescer sans plus de répliques à ce que lon nous dit, et par ainsi faire mourir notre jugement, que nous estimons si sage et prudent au-dessus de tout autre. O mon Dieu ! ma Mère, nos Soeurs sont tellement résolues daimer la mortification, que ce sera une chose agréable de les voir : la consolation
22. apporter, dire
ne leur sera plus rien en comparaison de laffliction, des sécheresses, des répugnances, tant elles sont désireuses de se rendre semblables à leur Epoux. Aidez-les donc bien en leur entreprise: mortifiez-les bien et hardiment, sans les épargner, car cest ce quelles demandent. Elles ne seront plus attachées aux caresses, puisque cela est contraire à la générosité de leur vocation, laquelle fera que désormais elles sattacheront si absolument au désir de plaire à Dieu, quelles ne regarderont plus autre chose, si elle nest propre pour les avancer en laccomplissement de ce désir. Cest la marque dun coeur tendre et dune dévotion molle que de se laisser arrêter à tous les petits rencontres de contradiction : nayez pas peur que ces niaiseries dhumeur mélancolique et dépiteuse se voient jamais parmi nous; nous avons trop bon courage, grâces à Dieu ; nous nous appliquerons tant à faire désormais, quil y aura un grand plaisir de nous voir. Cependant, mes chères Filles, purifions bien notre intention, afin que, faisant tout pour Dieu, pour son honneur et gloire, nous attendions notre récompense de lui seul. Son amour sera notre loyer 23 en cette vie, et Lui-même sera notre récompense en léternité.
VIVE JÉSUS, SA GLORIEUSE MÈRE NOTRE-DAME ET SAINT JOSEPH !
23. récompense
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