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SERMON XXXIV. De l'humilité et de la patience.

 

1. «Si vous ne vous connaissez pas vous-même, ô la plus belle de toutes les femmes, sortez, et allez après les troupeaux de vos compagnons, et paissez vos boucs auprès des tentes des pasteurs (Cant. I,7). » Autrefois Moïse, présumant beaucoup de la grâce et de la familiarité de Dieu, aspirait à une grande vision, et disait à Dieu ; « Si j'ai trouvé grâce devant vos yeux, montrez-vous vous-même à moi (Exod. XXXIII, 43). » Mais, au lien de cette vision qu'il demandait, il en eut une moindre, par laquelle toutefois il pouvait un jour arriver à celle qu'il désirait. De même les enfants de Zébédée, dans la simplicité de leur âme, conçurent aussi un souhait bien hardi, mais ils furent ramenés au degré par où ils devaient monter pour arriver à ce qu'ils demandaient; de même ici l'Épouse, comme elle semble demander une grande chose, se voit humiliée, par une réponse sévère, mais utile néanmoins et pleine d'affection. Car il faut que celui qui aspire à de grandes choses ait d'humbles sentiments de soi; puisque, en s'élevant au dessus de soi, il peut tomber même de l'état où il était auparavant. s'il n'est solidement affermi dans la vraie humilité. Et, parce que les plus grandes grâces ne s'obtiennent que par le mérite de l'humilité, il faut que celui qui doit les recevoir soit humilié, par de sévères réprimandes, afin qu'il se rende digne, par son humilité, des faveurs qu'il désire. Lors donc que vous voyez qu'on vous humilie, prenez cela pour une bonne marque et pour une preuve certaine que la grâce de Dieu est proche. Car, comme l'âme s'élève par l'orgueil avant de tomber, il faut qu'elle s'abaisse par l'humilité avant d'être élevée. Aussi, lisez-vous également ces deux vérités, que Dieu résiste aux superbes, et qu'il donne sa grâce aux humbles (Jacob. IV, 6). Et ne voyons-nous pas encore que lorsqu'il veut récompenser libéralement son serviteur Job, après cette insigne victoire remportée sur le démon, et cette patience si longue et si éprouvée, il a soin de l'humilier auparavant par plusieurs demandes assez rudes, afin de le préparer à recevoir l'abondance des bénédictions qu'il a dessein de répandre sur lui !

2. Mais c'est peu que nous souffrions volontiers que Dieu nous humilie par lui-même si nous n'avons le même sentiment, lorsqu'il nous humilie par les hommes. Écoutez sur ce sujet un grand exemple de David. Un jour, un homme, et cet homme était un de ses serviteurs, l'outragea de paroles; mais lui ne sentit point les injures dont on le couvrait, car il pressentait la grâce de Dieu (Il Reg. XV1,10). « De quoi vous souciez-vous, enfants de Servia? » O homme vraiment selon le coeur de Dieu, qui cru: devoir plutôt se fâcher contre celui qui voulait le venger, que contre celui qui lui adressait de sanglantes injures! Aussi sa conscience ne lui reprochait-elle rien lorsqu'il disait : « Si j'ai rendu le mal qu'on m'a fait, c'est avec justice que je succomberai sous l'effort de mes ennemis (Psal. VII, 4). » Il défendit donc qu'on empêchât celui qui l'outrageait avec insolence, de le charger d'injures, parce qu'il les regardait comme un gain pour lui. Il ajoute même : « C'est le Seigneur qui l'a envoyé pour maudire David. » Certes il était bien selon le coeur de Dieu, puisqu'il connaissait si bien ce qu'il y avait dans son coeur. Une langue méchante le déchirait cruellement, et lui avait l'œil sur les secrets jugements de Dieu. La voix de celui qui le maudissait frappait ses oreilles, et son âme s'humiliait pour recevoir des bénédictions. Est-ce que Dieu était dans la bouche de ce blasphémateur? A Dieu ne plaise. Mais il se servait de lui pour humilier David. Et le Prophète ne l'ignorait pas, car Dieu lui avait découvert les secrets les plus cachés de sa sagesse; aussi a-t-il dit : « Ce m'est un grand bien que vous m'ayez humilié, afin que je sois justifié (Psal. LLXVIII, 71). »

3. Voyez-vous comme l'humilité nous justifie? Je dis l'humilité, non pas l'humiliation. Que de gens sont humiliés, et ne sont pas humbles ! Les uns ont de l'aigreur de se voir humiliés, les autres le souffrent avec patience, et les autres avec joie. Les premiers sont coupables ; les autres sont innocents; et les derniers sont justes ; l'innocence est bien une partie de la justice ; mais l'humilité seule en fait la perfection. Celui qui peut dire : « Je me trouve bien de ce que vous m'avez humilié est vraiment humble ; » celui qui soutire de se voir humilié, ne peut pas dire cela, et encore moins celui qui en murmure. Nous ne promettons la récompense de l'humiliation ni à l'un ni à l'autre, quoiqu'ils soient bien différents entre eux, et que l'un possède son âme par la patience, au lieu que l'autre la perd par son murmure. Et quoiqu'il n'y en ait qu'un qui soit digne de colère, ni 'un ni l'autre néanmoins ne méritent la grâce, parce que Dieu ne la donne pas à ceux qui sont humiliés, mais à ceux qui sont humbles. Or celui-là est humble qui tourne l'humiliation en humilité, et c'est lui qui dit à Dieu : « Je me trouve bien de ce que vous m'avez humilié (Jacob. IV. 6). » Ce qu'on souffre avec patience, évidemment n'est pas un bien, mais une chose fâcheuse. Or nous savons que Dieu aime celui qui donne gaiement (2 Cor. IV. 9). C'est pour cela que lorsque nous jeûnons, on nous ordonne de nous parfumer la tête et de nous laver visage (Matth. VI. 17),  afin que nos bonnes oeuvres soient assaisonnées d'une certaine joie spirituelle, et que nos holocaustes soient gras et parfaits. Car la seule humilité qui est parfaite mérite la grâce de Dieu. Tandis que celle qui est. contrainte ou forcée, comme est l'humilité de celui qui se contient avec patience, si elle obtient la vie,   à cause de la patienté,  elle ne saurait avoir la grâce (a) à cause de la tristesse qui l'accompagne. Car cette parole de l'Écriture : « que l'humble se glorifie de son élévation ; » ne convient point à celui qui est en cet état, parce qu'il n'est pas humilié de bon coeur et avec joie.

4. Mais voulez-vous voir un humble qui se glorifie comme il faut, et qui est vraiment digne de gloire? « Je me glorifierai volontiers, dit l'Apôtre, dans mes infirmités, afin,que la vertu de Jésus-Christ habite en moi (2 Cor. XII. 9). » 11 ne dit pas qu'il souffre patiemment ses infirmités, mais qu'il s'en glorifie volontiers, témoignant ainsi qu'il lui est avantageux d'être humilié, et qu'il ne lui suffit pas de posséder son âme en patience, et de souffrir patiemment d'être humilié, s'il ne reçoit encore la grâce, de se réjouir de l'être. Écoutez une règle générale sur ce sujet : « Quiconque s'humilie sera élevé (Luc. XIV, 11). » Par où Jésus-Christ marque certainement qu'il ne faut pas entendre que toute sorte d'humilité doit être élevée, mais qu'il n'y a que celle qui part d'une volonté libre, non celle qui est accompagnée de tristesse ou qui vient de nécessité. De même, dans le sens contraire, ce ne sont pas tous ceux qui sont élevés qui doivent être humiliés, mais ceux-là seulement qui s'élèvent eux-mêmes par un mouvement de vanité volontaire. Ce n'est donc pas celui qui est humilié, mais celui qui s'humilie volontairement, qui sera élevé à cause du mérite de sa volonté. Car quoique la matière de l'humilié lui soit fournie par un autre, par exemple, par les opprobres, les pertes, les supplices, cela ne fait pas qu'on puisse dire que c'est un autre qui l'humilie, plutôt qu'il ne s'humilie lui-même, s'il se résout à souffrir toutes ces choses sans rien dire et aveu joie pour l'amour de Dieu.

5. Mais je m'emporte trop loin. Je sais bien que vous souffrez avec patience rues longueurs en vous parlant de l'humilité et de la patience. Revenons à notre point de départ, car nous n'avons dit tout cela qu'à l'occasion de la réponse dont l'Époux a cru devoir humilier l'Épouse, qui présume de s'élever à de grandes choses. Et ce n'est pas pour lui en faire un reproche, mais pour lui donner sujet de montrer davantage son humilité, et pour la rendre plus digne de choses plus excellentes, et plus capable de recevoir celles même qu'elle demandait. Mais puisque nous ne sommes qu'au commencement de ce verset, nous en remettrons l'explication à une autre fois, si vous le voulez bien, de peur que les paroles de l'Époux ne soient traitées ou entendues avec ennui. Ce dont veuille préserver ses serviteurs , Jésus-Christ Notre-Seigneur qui est Dieu par dessus tout, et béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il.

 

a Saint Bernard entend parler ici de la grâce spéciale promise aux humbles en ces termes : « Dieu donne la grâce aux humbles, » grâce non-seulement intérieure mais encore extérieure, qui consiste dans l'exaltation qui leur est réservée même en cette vie.

 

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