SERMON LXXVIII
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SERMON LXXVIII. L'Epouse, c'est-à-dire l'Église des élus, a été prédestinée de Dieu avant tous les siècles, et prévenue de sa grâce pour le chercher et se convertir.

 

1. Nous nous sommes arrêté, si je m'en souviens bien, à l'endroit où l'Épouse dit qu'elle a été trouvée par ses prédicateurs, et nous avons hésité à passer outre par une sorte de scrupule. Nous avons dit quelle était la cause de notre hésitation et de notre répugnance à passer outre, c'est qu'il nous semblait qu'il y a quelque chose de caché dans ces paroles, mais nous ne l'avons pas pu expliquer, parce que nous étions pressé de finir. Que nous reste-t-il donc à faire, sinon à tenir notre promesse? Dans le grand mystère que le Docteur des nations a interprété du mariage chaste et saint de Jésus-Christ avec l'Eglise (Ephes. V, 32), et qui est l'ouvrage de notre salut, trois choses concourent ensemble, Dieu, l'ange et l'homme. Et, en vérité, comment Dieu ne prendrait-il pas soin des noces sacrées de son Fils bien-aimé : il le fait et de tout son coeur ? Pour lui, il serait suffisant de l'accomplir par sa seule volonté, et par lui-même, sans le secours de ceux-ci; mais eux ne peuvent rien faire sans lui. Si donc il s'est servi d'eux dans cet ouvrage, ce n'a pas été pour en tirer du secours, mais pour leur propre bien. Car il a placé pour les hommes le mérite dans les oeuvres, selon cette parole : « L'ouvrier est digne de sa récompense (Luc. X, 7) : Et chacun recevra selon son travail ( I Cor. III, 8), » tant celui qui plante dans la foi, que celui qui arrose ce qui est planté. De même lorsqu'il se sert du ministère des anges pour le salut du genre humain, n'est-ce pas afin que les hommes les aiment ? Car, que les anges aiment les hommes, c'est ce dont on ne peut douter, puisqu'ils n'ignorent pas que ce sont les hommes qui doivent réparer les anciennes ruines de leur cité. Et certes il était, bien digne que le royaume de l'Amour ne fut point gouverné par d'autres lois que par l'amour mutuel de ceux qui y doivent régner ensemble, et par les pures affections des uns et des autres envers Dieu.

2. Mais il y a bien de la différence dans la manière dont ces trois causes opèrent, selon la noblesse et la dignité de chacune d'elles. Dieu fait ce qu'il veut par sa seule volonté, sans empressement, sans mouvement, sans changement de lieu ou de temps, de causes ou de personnes. Car il est le Seigneur les armées qui juge toutes choses avec tranquillité (Sap. XIl, 3). Il est la souveraine sagesse qui dispose tout avec douceur. L'ange n'agit point sans changer de lieu et de temps, et toutefois il agit sans aucun empressement. Mais l'homme ne peut agir ni sans empressement et chaleur d'esprit, ni sans un mouvement local et corporel. Aussi lui ordonne-t-on d'opérer son salut avec crainte et tremblement (Phil. II, 12), et de manger son pain à la sueur de son visage (Gers. III, 19).

3. Cela supposé, considérez maintenant avec moi que dans l'ouvrage magnifique de notre salut, il y a trois choses que Dieu, qui en est l'auteur, s'approprie, et en quoi il prévient tous ceux qui l'aident et qui coopèrent avec lui. Ce sont la prédestination, la création, l'inspiration. La prédestination n'a point commencé avec l'Eglise ni même avec le monde,mais elle est de toute éternité et avant tous les temps. La création a commencé avec le temps. Et l'inspiration se fait dans le temps où Dieu veut, et quand il veut. Selon la prédestination, l'assemblée des élus a toujours été en Dieu. Si l'infidèle s'en étonne, qu'il apprenne une chose qui est bien plus étonnante encore, c'est qu'elle lui a toujours été agréable, et qu'il l'a toujours aimée. Pourquoi ne publierais-je pas hardiment un secret que m'a découvert, dans le sein de Dieu, celui qui nous a fait part de tant d'autres secrets? Je veux parler de saint Paul, qui n'a pas craint de divulguer ce secret qu'il a tiré des trésors de la bonté de Dieu. « Il nous a bénis, dit-il, en Jésus-Christ, de toutes les bénédictions célestes, ainsi qu'il nous a choisis en lui avant la création du monde, afin que l'aimant, nous soyons saints et sans taches en sa présence (Ephes. I, 3). Et il ajoute : il nous a prédestinés pour être ses enfants adoptifs par Jésus-Christ en lui, selon les desseins de sa volonté, à la louange et à la gloire de la, grâce dont il nous a gratifiés en son fils bien-aimé (Ibid. V). » Et il n'y a point de doute que cela ne soit dit au nom de tous les élus, qui sont l'Église. Qui donc, même entre les esprits bienheureux, a jamais pu trouver cette Église dans l'abîme si profond de l'éternité, avant que l'ouvrage de la création fût produit an jour, sinon celui à qui l'éternité même, qui est Dieu, l'a voulu révéler.

4. Et lorsque, au commandement du créateur, elle a parti sous les espèces et les formes visibles des corps, néanmoins elle n'a pas été aussitôt trouvée par les hommes ou par les anges, car elle n'était pas connue, et se trouvait environnée des ombres de l'homme terrestre et couverte de la nuit épaisse de la mort. Or nul enfant des hommes n'est venu au monde sans le voile de cette confusion générale, excepté un seul, celui qui y est entré exempt de toute tache. C'est Emmanuel, qui néanmoins s'est revêtu de nous et pour nous de la ressemblance, non de la réalité de la malédiction et, du péché. Car nous lisons dans l'Apôtre, « qu'il est apparu dans la ressemblance de la chair de péché, afin de détruire par le péché même, le péché qui était dans la chair (Rom. VIII, 3). » Tout. le reste, élu ou réprouvé est entré dans cette vie de la même manière, car il n'y a point de distinction, tous ont péché, et tous portent les marques de leur honte. C'est donc pour cela que, quoique l'Église fût déjà créée, elle ne pouvait pourtant pas être trouvée ou reconnue par aucune créature, attendu qu'elle était cachée d'une merveilleuse manière, dans le sein de la prédestination et dans la masse d'une malheureuse damnation.

5. Mais celle que la sagesse prédestinante avait cachée de toute éternité, et que la puissance créatrice n'avait point produite au commencement du monde, la grâce visitante l'a relevée dans son temps, par l'opération que j'ai nommée inspiration, parce qu'il s'est fait une infusion de l'esprit de l'Époux dans les hommes, pour les préparer à l'Évangile de la paix, c'est-à-dire pour préparer une voie au Seigneur, et à la connaissance de sa gloire, dans les coeurs de tous ceux qui étaient prédestinés à la vie. C'est en vain que les sentinelles auraient travaillé à la prédication de l'Évangile, si cette grâce n'eût précédé. Mais en voyant maintenant que la parole de Dieu court avec vitesse, comme dit le Prophète, que les peuples se convertissent aisément au Seigneur, que les tribus et les langues, comme parle l'Ecriture, concourent dans l'unité de la foi, et que, des extrémités de la terre ils se rassemblent dans le sein d'une même mère catholique, ils reconnaissent les richesses de la grâce, qui depuis tant de siècles étaient demeurées cachées dans le secret de la prédestination éternelle, et ils se réjouissent d'avoir trouvé celle que le Seigneur s'est choisie pour Epouse avant tous les temps.

6. On voit par là, je crois, que ce n'est pas sans raison que l'Épouse témoigne qu'elle a été trouvée; mais en ce sens qu'ils l'ont assemblée non pas choisie, qu'ils l'ont rencontrée non pas convertie. Car, la conversion de chacun des fidèles doit être attribuée à celui à qui tout le monde doit dire avec le Psalmiste : «Convertissez-nous, ô Dieu, qui êtes notre salut (Psal. LXXXIV. 5). » Mais on ne peut pas dire qu'il l'ait trouvée, comme on dit qu'il l'a convertie. Car , voilà comment les choses se passent : Le Seigneur ne trouve pas ; il prévient, or, le prévenir exclut de trouver. En effet, que trouverait celui qui n'a jamais rien ignoré « Or, le Seigneur, dit l'Apôtre, connaît ceux qui sont à lui ( II Tim. II. 19). » Et que dit-il lui-même « Je connais ceux que j'ai choisis dès le commencement.» Évidemment, on ne peut pas dire, que celle que Dieu a connue, choisie, aimée et formée de toute éternité, ait été trouvée par lui; néanmoins, je dirai hardiment qu'il l'a préparée, afin qu'on la trouvât. « Car, celui      qui l'a vu, en a rendu témoignage, et nous savons que son témoignage est véritable (Joan. XIX. 35). » « J’ai vu, dit Saint-Jean, la sainte cité, la nouvelle Jérusalem, descendre du ciel, Dieu l'avait préparée comme une Épouse ornée pour un époux (Apoc, XXI. 2). » Et cet apôtre était une des sentinelles qui gardent la cité. Mais écoutez celui-là même, qui l'a préparée ainsi, il la montre du doigt, aux sentinelles, si je puis parler ainsi, quoique sous une autre figure : « Levez les yeux, dit-il, et voyez les régions qui sont déjà toutes jaunes, c'est-à-dire, toutes préparées pour la moisson (Joan IV. 35). » Voilà comment le père de famille invite les ouvriers à travailler quand il voit que toutes choses sont ainsi préparées, afin que sans beaucoup de travail de leur part, ils puissent se glorifier d'être les coadjuteurs de Dieu. Car, qu'ont-ils à faire ? Ils ont à chercher l'Épouse, et, quand ils l'ont trouvée, à lui apprendre des nouvelles de son bien-aimé. Car, ils ne cherchent pas leur propre gloire, mais celle de l'Épouse, parce qu'ils sont ses amis. Et ils n'auront pas beaucoup à travailler pour cela, puisque l'Épouse est déjà présente, et qu'elle le cherche avec toute l'ardeur imaginable, tant sa volonté est bien préparée par le Seigneur.

7. Car, bien que ces sentinelles ne lui disent encore rien, elle les interroge au sujet de son bien-aimé, et elle prévient ses prédicateurs, prévenue elle-même par lui : « N'avez-vous point vu, leur dit-elle, celui qu'aime mon âme (Cant. III. 3) ? » C'est donc avec raison qu'elle dit qu'elle a été trouvée par ceux qui gardent la ville, car elle sait qu'elle est déjà connue et prévenue par le maître même de la ville, aussi les sentinelles la trouvent-elles et ne la font-elles pas ce qu'elle est. Voilà comment Corneille fut trouvé par saint Pierre, et saint Paul, par Ananie. Car, tous deux étaient prévenus et préparés par le Seigneur. Qu'y avait-il de plus préparé que Saul, qui avait déjà crié d'une voix et d'un esprit soumis : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse (Act. IX. 6). » Et Corneille ne l'était pas moins, puisque par les aumônes et les oraisons que le Seigneur lui inspirait de faire, il mérita de parvenir à la foi (Act. X. 5). Saint Philippe trouva aussi Nathanaël. Mais le Seigneur l'avait déjà vu auparavant, lorsqu'il était sous le figuier (Joan. I. 44). Ce regard du Seigneur n'était-il pas une préparation? De même, il est rapporté que saint André trouva Simon son frère (Ibid. 41), mais il avait aussi été connu et prévenu par le Seigneur, en sorte qu'il fut appelé Céphas (Ibid. 42), c'est-à-dire ferme dans la foi.

8. Nous lisons de la Vierge, qu'elle fut trouvée grosse par l'opération du Saint-Esprit. Je crois que l'Épouse du Seigneur a quelque chose de semblable à sa mère en ce point. Car, si elle ne s'était trouvée aussi remplie du Saint-Esprit, elle n'eût pas interrogé si familièrement ceux qui la cherchaient, au sujet de celui dont il est l'Esprit. Elle n'attend pas qu'ils lui disent pourquoi ils étaient venus à elle, elle leur parle elle-même, et de l'abondance du cour. « N'avez-vous point vu celui qu'aime mon âme ? » Elle ne savait pas que les yeux qui l'avaient vu étaient bienheureux, et, dans son admiration pour ceux qui avaient eu ce bonheur, elle disait : N'êtes-vous point de ceux qui ont reçu la grâce de voir celui que tant de rois et de prophètes ont souhaité voir, et n'ont point vu? N'est-ce pas vous qui avez mérité de voir la sagesse dans la chair, la vérité dans un corps, Dieu en l'homme ? Plusieurs disent, il est ici, il est là. Mais je pense qu'il est plus sûr pour moi, de vous croire, vous qui avez bu et mangé avec lui, depuis qu'il est ressuscité. Je crois que cela suffit sur la demande que l'Épouse fait aux sentinelles, sinon nous suppléerons le reste, dans un autre discours. Mais, toujours est-il évident qu'elle a été prévenue par le Saint-Esprit, et trouvée par ceux qui gardent la ville , puisque c'est maintenant elle que Dieu a connue, prédestinée de toute éternité, et préparée pour être dans tous les siècles les délices immortelles de son fils bien-aimé, germant comme un lis, et fleurissant éternellement devant le Seigneur et le père de mon Seigneur Jésus-Christ, l'Époux de l'église qui, étant Dieu, est élevé par dessus tout, et béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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