SERMON LXXVI
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SERMON LXXVI. Clarté de l'Époux; c'est dans celle clarté qu'il est assis égal à son père; et à la droite de sa gloire. Les bons pasteurs doivent être attentifs, vigilants et discrets, en faisant paître les brebis qui leur sont confiées.

 

1. « Je chercherai par les rues et par les places publiques  celui qu'aime mon âme (Cant. III, 2). » Elle n'a encore que les sentiments d'une petite enfant. Je pense qu'elle a cru qu'aussitôt qu'il est sorti du tombeau, il s'est produit en public pour instruire les peuples selon la coutume, pour guérir les malades, pour manifester sa gloire dans Israël, afin de voir s'il le recevraient ressuscité, après avoir promis de le recevoir s'il descendait de lacroix. Mais il avait achevé l'œuvre que son Père lui avait ordonné de faire, ce qu'elle aurait dû comprendre au moins à cette parole qu'il dit avec tant de force lorsqu'il fut près d'expirer : « Tout est consommé (Joan. XIX, 10). » Il n'avait plus besoin de se montrer de nouveau parmi le peuple, puisque peut-être il n'eût pas cru davantage en lui. Et il se hâtait d'aller à son Père qui lui disait: «Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que j'aie réduit vos ennemis à être l'escabeau de vos pieds (Psal. CV,1).» Car lorsqu'il sera élevé de la terre, il tirera toutes choses à lui avec plus de force et de puissance. Mais l'Epouse croit qu'il faut le chercher par les rues et les places publiques, parce qu'elle désire ardemment jouir de sa présence, et ne sait pas ce mystère; c'est pourquoi se voyant encore frustrée de son espérance, elle dit encore, «je l'ai cherché, et ne l'ai point trouvé (Cant. III, 2), » afin que ce qu'il a dit soit accompli : «Je vais à mon Père et vous ne me verrez plus (Joan. XIII, 16). »

2. Mais peut-être dit-elle : Comment donc croiront-ils en celui qu'ils n'ont point vu? Comme si la foi venait de la vue, non pas de l'ouïe. Quelle merveille y a-t-il à croire ce qu'on voit, et quelle louange mérite-t-on d'ajouter foi à ses yeux ? Mais lorsque nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec patience, et cette patience est un mérite. Bienheureux sont ceux qui n'ont point vu, et n'ont point laissé de croire (Joan. XX. 29). C'est donc afin qu'elle ne perde point le mérite de la foi, et pour donner lien à la vertu, qu'il se soustrait à ses yeux; d'ailleurs il est temps qu'il se retire chez lui. Si vous me demandez où il se retire, je vous dirai c'est à la droite du Père. Car il ne croit pas faire un larcin en se rendant égal à Dieu (Philip. il, 6). Que la place du Fils unique soit donc un lieu inaccessible à toutes sortes d'outrages. Qu'il s'asseye, non au dessous, mais à côté du Père, afin que tous glorifient le Fils comme le Père. C'est en cela que paraîtra l'égalité de sa puissance et de sa majesté s'il n'est ni inférieur ni postérieur au Père. Mais l'Epouse ne considère aucune de ces choses. Enivrée d'amour, elle court ça et là, et cherche des yeux celui qui n'est plus visible aux yeux, mais à la foi. Car elle ne croit pas que Jésus-Christ doive entrer dans sa gloire, si auparavant la gloire de la résurrection n'est rendue publique, l'impiété confondue, si les fidèles ne se réjouissent, les disciples ne se glorifient, les peuples ne se convertissent, et enfin si tout le monde ne le glorifie, après que sa présence et sa résurrection auront convaincu tous les hommes de la vérité de ses prédictions. Vous vous trompez, ô, Epouse, ces choses doivent arriver, en effet, mais en leur temps.

3. Mais maintenant, voyez s'il n'est pas plus digne de la majesté de Dieu , et plus conforme à sa justice, de ne pas donner le saint aux chiens, et les perles aux pourceaux; d'ôter l'impie, comme dit l'Écriture, de peur qu'il ne voie la gloire de Dieu (Isa. XXVI. 10), de ne pas priver la foi de son mérite, parce qu'elle est plus éprouvée lorsqu'on croit ce qu'on ne voit point, de réserver en elle, pour ceux qui en sont dignes, ce qui est caché à ceux qui sont indignes, afin que ceux qui sont souillés de crimes le soient encore plus, et que ceux qui sont justes deviennent encore plus justes, s'ils ne s'endorment d'ennui. Que les cieux, et les cieux des cieux, sèchent de déplaisir, et soient confondus dans leur attente, plutôt que le Père tout-puissant soit frustré plus longtemps du désir de son coeur, plutôt que le Fils unique diffère davantage d'entrer dans sa gloire, ce qui serait souverainement indigne. Qu'est-ce que toute la gloire des mortels, quelque grande qu'elle puisse être, pour être capable de le retenir tant soit peu et l'empêcher d'aller jouir de celle que son Père leur prépare de toute éternité? Ajoutez à cela, qu'il n'est pas raisonnable que la demande du Fils tarde plus longtemps à être exaucée : « Mon Père, glorifiez votre Fils (Joan. XVII. 1). » Ce qu'il ne demande pas, à ce que je crois, comme suppliant, mais comme sachant ce qui doit arriver. Il demande librement ce qu'il est en son pouvoir de recevoir. Cette demande du Fils, n'est donc pas un effet de nécessité, mais de dispensation, parce qu'il donne avec le Père tout ce qu'il a reçu du Père.

4. Il faut aujourd'hui remarquer que, non-seulement le Père glorifie le Fils, mais que le Fils aussi glorifie de Père, afin due personne ne dise que le Fils est moindre que le Père, parce qu'il reçoit la gloire de son Père puisque lui-même glorifie son Père. Car il dit lui-même : « Mon Père glorifiez voire Fils, afin que votre Fils vous glorifie (Ibid). » Mais peut-être croirez-vous que le Fils est moindre que le Père, parce qu'il semble que, n'ayant point de gloire de lui-même, il en reçoive du Père, pour la lui rendre ensuite. Écoutez, il n'en est pas ainsi : « Glorifiez-moi, dit-il, de la gloire que j'ai eue en vous, avant que le monde fùt créé. » Si donc la gloire du Fils n'est pas postérieure à celle du Père, puisqu'il la possède de toute éternité, il est visible que le Père et le Fils le glorifient également. Cela étant, où est la primauté du Père ? Évidemment, il y a égalité là où il y a co-éternité; mais une égalité si grande que la gloire de tous deux n'est qu'une même gloire, comme ils ne sont tous deux qu'une même chose; c'est pourquoi lorsqu'il dit encore : « Mon Père, glorifiez notre nom (Joan. XII. 28) », il me semble qu'il ne demande autre chose, sinon qu'il le glorifie lui-même, parce que c'est en lui, et par lui, que le nom du Père est glorifié. Aussi le Père lui répondit-il «Je l'ai glorifié et le glorifierai encore de nouveau (Ibid. XVII). » Réponse qui ne fut pas une petite glorification du Fils. Mais il fut glorifié d'une manière bien plus grande et plus auguste au fleuve du Jourdain, par lé témoignage de saint Jean, par la colombe qui apparut sur lui, et par cette voix qu'on entendit : « Voici mon Fils (Matt. III. 14). » De même sur le mont Thabord, devant les trois disciples, il fut glorifié d'une façon très magnifique, tant par la même voix qu'on entendit encore du ciel, que par cette merveilleuse et excellente transfiguration de son corps, et même pour l'attestation de deux prophètes, que les apôtres virent s'entretenir avec lui.

5. Ce qui reste donc, c'est que, selon la promesse du Père, il soit encore glorifié une fois, et ce sera le comble et la plénitude de sa gloire, à laquelle on ne pourra plus rien ajouter. Mais, où cette gloire lui sera-t-elle donnée. Ce ne sera pas, comme pensait l'Épouse, dans les places publiques, ou dans les rues d'une ville « Vos places, Jérusalem, sont paries d'or pi:r, et l'on chantera des chants de, joie par toutes vos rues (Tob. XIII. 22). » Car, c'est dans ces places que le Fils a reçu du Père un gloire si grande, qu'on n'en pourra point trouver de pareille, même parmi les esprits célestes. Car à qui, parmi les anges, a-t-on dit : « Asseyez-vous à ma droite (Heb. I. 13). » Non-seulement, il ne s'est point trouvé d'anges, mais il ne s'est pas même trouvé d'archanges, ni d'autres ordres encore plus élevés, qui aient été dignes de recevoir une gloire si excellente. Cette parole glorieuse n'a été adressée à aucun d'eux, et pas un n'en a éprouvé l'effet. Les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances, désirent bien sans doute : le contempler, mais n'oseraient se comparer à lui. C'est donc. à mon Seigneur seulement que le Seigneur a dit et accordé de s'asseoir à la droite de sa gloire, comme lui étant égal en gloire, consubstantiel en essence, semblable par sa génération, pareil en majesté, en éternité. C'est là, oui, c'est là que celui qui le cherchera le trouvera, et ce sera sa gloire ; non nue gloire comme celle des autres, mais une gloire digne du Fils unique du Père, (Joan. I. 14). »

6. Que ferez-vous ô l'Épouse ? Croyez-vous le pouvoir suivre jusque-là. Osez-vous, où pouvez-vous entrer dans un secret si saint, et dans un. sanctuaire si secret, pour contempler le Fils dans le Père, et la Père dans le Fils? Non certes. Vous ne pouvez pas aller maintenant où il est, niais, vous y viendrez un jour. Ne perdez pas courage, néanmoins, suivez-le, et que ses clartés et ses grandeurs inaccessibles ne vous détournent point de cette recherche, et ne vous fassent point. désespérer de le trouver. Si vous pouvez croire, tout est possible à celui qui croit (Matt. IX. 12). «Le Verbe, est proche de vous, il est dans votre bouche, il est dans votre coeur (Rom. X. 8). » Croyez, et vous l'avez trouvé. Les fidèles savent que Jésus-Christ habite dans leurs coeurs par la foi. Qu'y a-t-il de plus proche? Cherchez donc avec confiance, cherchez avec zèle : « Le Seigneur est bon à l'âme qui le cherche (Thren. III. 25). » Cherchez-le par. vos désirs, suivez-le par vos actions, trouvez,le par la foi. Qu'est-ce que la foi ne trouve point? Elle atteint tout ce qui est inaccessible, elle découvre ce qui est caché, elle comprend l'immensité, elle s'étend jusqu'aux choses les plus reculées, et enfin, elle enferme comme dans son sein l'éternité même. Je dirai hardiment: je ne comprends pas la trinité bienheureuse et éternelle, mais la croyant, je la comprends, en quelque sorte, par la foi.

7. Mais on dira : Comment croira-t-elle, si on ne l'instruit? Car la foi entre en nous par l'ouïe (Rom. X. 17). Dieu y pourvoira. Et voici déjà des personnes qui se présentent, pour informer ce te nouvelle Épouse qui doit être unie à l’Époux céleste des choses qu'elle doit savoir, pour lui enseigner ce qui regarde la foi, ce qui concerne la piété et la religion. Car, écoutez ce qu'elle ajoute : « Les sentinelles qui gardent la ville m'ont trouvée (Cant. III. 3). » Qui sont ces sentinelles? Ce sont ceux que le Sauveur, dans l'Évangile, appelle bien heureux, s'il les trouve vigilants lorsqu'il viendra (Luc. XII. 37). » Combien sont bonnes les sentinelles qui veillent, lorsque nous dormons, comme devant rendre compte de nos âmes. Quelle n'est pas la bonté de ces gardiens, dont l'esprit veille toujours, et qui, passant la nuit en oraison, reconnaissent adroitement les embûches des ennemis, préviennent leurs mauvais desseins, découvrent leurs filets, éludent leurs artifices, éventent leurs stratagèmes. Ce sont les amateurs de leurs frères et du peuple fidèle, ceux qui prient beaucoup pour le peuple et pour toute la sainte cité. Ce sont ceux qui, prenant, grand soin des troupeaux que le Seigneur leur a confiés, offrent dès le matin, des sacrifices au Seigneur, qui les a créés, et le prient en la présence du Très-Haut. Ils veillent et ils prient , sachant combien ils sont peu capables d'eux-mêmes de garder la cité, et, comme dit le Prophète, « que c'est en vain qu'on garde une ville, si Dieu ne la garde lui-même (Psa1. C. VI. 1). »

8. En effet, puisque le Seigneur commande de veiller et de prier, de peur qu'on n'entre en tentation, il est visible que sans ce double exercice, et cette double application de gardiens fidèles, la ville ne peut pas être en sûreté, non plus que l'Épouse et les brebis. Demandez-vous quelle différence il y a entre les brebis, l'Épouse, et la cité? Ce n'est qu'une même chose. C'est une. cité parce que c'est l'assemblée des fidèles, une Épouse à cause de l'amour, des brebis il cause de la douceur. Voulez-vous que je vous fasse voir que l'Épouse est la même chose que la cité : «J'ai vu, est-il dit, la cité sainte, la nouvelle Jérusalem descendant du ciel, que Dieu avait parée comme une épouse ornée pour son époux (Apoc. XI, 2). » Vous reconnaîtrez qu'il en est de même des brebis, si vous vous souvenez combien le Sauveur recommanda l'amour au premier pasteur, je veux dire à saint Pierre, lorsqu'il lui confia ses brebis pour la première fois. Ce que ce maître si sage n'aurait pas fait avec tant de soin, s'il n'est senti qu'il était époux, comme sa conscience lui en rendait témoignage au fond de son cour. Écoutez ceci, amis de l'époux, si toutefois vous êtes ses amis. Mais j'ai trop peu dit en vous appelant simplement amis. Il faut que ceux qu'il daigne honorer du privilège d'une si grande familiarité soient ses amis au superlatif. Ce n'est pas en vain que, confiant le soin de ses brebis à saint Pierre, il lui dit trois fois : « M'aimez-vous (Joan. XXI, 15) ? » Et je crois qu'il lui a voulu dire en substance : si votre conscience ne vous rend témoignage que vous m'aimez, et que vous m'aimez beaucoup, parfaitement, c'est-à-dire plus que vos propres intérêts, plus que vos parents, et plus que vous-même, afin d'accomplir le nombre de cette triple répétition, ne vous chargez point de ce soin, et n'entreprenez point de gouverner mes brebis pour lesquelles j'ai répandu lotit mon sang. Parole terrible et capable d'émouvoir les cours les plus endurcis de ceux qui exercent, une domination tyrannique.

9. C'est pourquoi qui que vous soyez, qui avez été appelé à ce ministère, veillez exactement sur vous-même et sur le précieux dépôt qui vous a été confié. C'est une ville, veillez      pour la garder et la maintenir en paix. C'est une épouse, ayez soin de l'orner; ce sont des brebis, prenez garde à les bien nourrir. Et peut-être n'est-ce pas s'écarter du sens que de rapporter ces trois choses à cette triple interrogation que Jésus Christ lit à saint Pierre. Pour bien garder la ville, il faut la défendre de trois maux, de la violence des tyrans, des ruses des hérétiques, et des tentations des démons. L'ornement de l'Epouse doit consister dans les bonnes œuvres, dans les bonnes mœurs, et dans une conduite prudente et légitime. La nourriture des brebis doit se puiser ordinairement dans les pâturages excellents de l'Ecriture sainte, comme dans l'héritage dru Seigneur, mais il y faut apporter quelque discernement. Car il y des commandements qui sont imposés aux. esprits durs et charnels, par une loi de vie qui est inviolable. Il y a des dispenses qui sont données par miséricorde aux personnes infirmes et faibles. Et il y a des conseils forts et solides, qui sont proposés par une, sagesse profonde à ceux qui sont sains et exercés à discerner le bien d'avec le mal. Car à ceux qui sont dans l'enfance on ne donne comme à des enfants que le, lait des exhortations, non des viandes solides. Il faut ajouter à cela que les, bons et fidèles pasteurs ne cessent point d'engraisser leur troupeau par des exemples salutaires et agréables, et plutôt par les leurs que par ceux des autres. Car s'ils le font plutôt, par, ceux d'autrui , que par les leurs propres, cela tourne à leur confusion, et il s'en faut tien que le troupeau profite autant. Par exemple, si moi, qui à votre égard semble tenir la place de pasteur, je vous parle de la douceur de Moïse, de la patience de Job, de la miséricorde de Samuel, de la sainteté de David, et d'autres exemples semblables de vertus, et que je sois sévère et impatient, sans miséricorde et sans piété, vous goûterez moins sans doute ce que je vous dirai, et m'écouterez avec moins d'ardeur. Or, j'appréhende bien que cela ne soit ainsi à mon égard. Alois je laisse à la divine bonté à suppléer ce qui vous manque de notre part et à corriger ce qui est défectueux en nous. Le bon pasteur aura soin, aussi d'avoir en lui ce sel dont il est parlé dans l’Evangile (Marc, IX, 49), sachant qu'un discours assaisonné de            ce sel est, ainsi agréable que salutaire. Voilà ce que j'avais à dire touchant le garde de la cité, l'ornement de l'Epouse et la nourriture des brebis.

10. Je veux néanmoins encore expliquer cela plus en détail pour ceux qui briguant les honneurs avec une avidité excessive, s'engagent témérairement à porter des fardeaux qui sont au-delà de leurs propres forces, et s'exposent à de très-grands périls, afin qu'ils sachent pourquoi ils y sont entrés, selon cette parole de l'Écriture : « Mon âme, pourquoi êtes-vous venue ici. » Car pour garder seulement la cité comme il faut, il faut un homme fort, spirituel, et fidèle. Fort, pour repousser les insultes de l'ennemi, spirituel, pour découvrir ses embûches, et fidèle, pour ne pas chercher ses propres intérêts. D'ailleurs, pour régler et corriger les moeurs, ce qui regarde l'ornement de l'Épouse, il n'y a personne qui ne voie qu'une ceinture exacte de la discipline y est absolument nécessaire? C'est pourquoi quiconque est engagé dans ce ministère doit être enflammé de ce zèle dont était embrasé cet homme si jaloux de la gloire de l'Épouse du Seigneur, lorsqu'il disait : « J'ai pour vous une sainte jalousie. Car je vous ai fiancés à Jésus-Christ, afin que vous vous conserviez purs pour lui seul (I Cor. XI, 2). » De plus, comment. un pasteur ignorant pourrait-il conduire les troupeaux. du Seigneur dans les pâturages des Ecritures divines? Mais quand il serait savant, s'il n'est homme de bien, n'y a-t-il pas sujet de craindre qu'il ne nourrisse pas tant son troupeau par l'abondance de sa doctrine, qu'il ne lui nuise par la stérilité de ses vertus? Sans la science donc et la bonne vie, c'est témérairement qu'on s'ingère dans cet emploi. Mais je suis obligé de finir, quoique néanmoins je n'aie pas achevé tout ce que j'ai à dire sur ce sujet. Nous sommes appelés à une autre matière (a) à laquelle il est indigne que celle-ci cède le pas. Je me trouve pressé de tous côtés, et je ne sais lequel des deux je dois souffrir plus impatiemment, ou d'être, arraché de celle-ci, ou d'être contraint d'entrer en celle-là, à moins de dire que ces deux maux ensemble sont bien plus fâcheux que l'un d'eux en particulier. O servitude, ô nécessité ! Je ne fais pas ce que je veux, mais ce que je hais. Remarquez néanmoins, s'il vous plaît, où nous en sommes restés, afin que dès qu'il nous sera libre de reprendre ce discours,nous commencions par là au nom de l'époux de l'Église, Jésus-Christ Notre Seigneur, qui étant Dieu, est élevé au dessus de tout, et béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

a Ces paroles indiquent que ce sermon a été interrompu par une nécessité quelconque et que saint Bernard a dû le terminer là à un signal donné, soit parce que l'heure de la table commune était sonnée, soit pour toute autre occupation à laquelle il trouvait indigne de subordonner le développement de son sujet. L'affaire importante était plutôt ce qui fait le sujet du sermon suivent, si en en juge par les paroles par lesquelles il commence.

 

 

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