BOUQUET CHRÉTIEN

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LE BOUQUET DU CHRÉTIEN.

 

LE BOUQUET DU CHRÉTIEN.

PRÉFACE.

CHAPITRE PREMIER. Comment se fait le souvenir des péchés.

CHAPITRE II. Manière générale de méditer sur la mort.

CHAPITRE III. Manière générale de méditer les peines de l'enfer.

CHAPITRE IV. Manière générale de méditer sur le jugement dernier.

CHAPITRE V. Méditation générale sur la gloire céleste.

CHAPITRE VI. Courte méthode pour méditer sur les bienfaits de Dieu.

CHAPITRE VII. De la Cène du Seigneur et de la préparation à la communion du corps de Jésus-Christ.

CHAPITRE VIII. De la manière de s'exercer en général sur la Passion du Seigneur.

 

PRÉFACE.

 

Tout, dans la sainte Ecriture, nous parle et nous instruit de Dieu, en même temps que le ciel, la terre et ce qu'ils renferment nous offrent un pareil enseignement. Cependant, vous devez le savoir, tout n'est pas propre à fournir à nos méditations une matière également utile , mais il nous faut choisir ce qui peut nous imprimer une crainte plus vive, ou allumer en nous un amour plus ardent. Or, il y a certains points généraux qui ont coutume d'être pour les hommes pieux un sujet plus fréquent d'exercice. Ce sont : le souvenir de leurs péchés, qui les excite à la componction et à la douleur; la pensée de la mort, qui les anime puissamment à mépriser les plaisirs, la gloire, les honneurs et les dignités de ce monde; la vue du jugement dernier, qui allume en eux l'ardeur des bonnes oeuvres qui les rendront dignes de recevoir avec les justes la récompense promise aux mérites; le spectacle des peines éternelles, dont la crainte les porte à repousser même l'apparence du mal ; le bonheur de la gloire céleste, dont l'attente leur procure le repos ici-bas et les fait tressaillir d'allégresse, en même temps qu'elle leur inspire le courage de

 

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s'enrichir de vertus réelles, afin de mériter cette gloire; enfin ce sont les bienfaits de Dieu, et surtout le bienfait de l'Incarnation , qui les empêchent de se montrer ingrats envers l'Auteur de toute grâce.

Si donc vous voulez avoir sous la main de quoi méditer facilement sur ces sujets divers, ayez toujours présents certains points principaux qui soient pour vous une source de réflexions faciles. Je traite ici de chacun de ces sujets, afin que l'occasion étant donnée au sage, il devienne plus sage encore , et que dans une matière peu étendue il trouve des richesses considérables , selon le besoin qu'il éprouvera en sa méditation. Soyez donc semblable à l'animal pur de la loi ; ruminez et retournez sans cesse en votre coeur ces choses et autres semblables ; peut-être arriverez-vous par là à éloigner de votre mémoire tout ce qui est inutile et frivole.

 

CHAPITRE PREMIER. Comment se fait le souvenir des péchés.

 

Si vous désirez que la componction naisse en vous du souvenir de vos fautes, servez-vous, comme d'autant d'aiguillons, des cons,dérations suivantes. Pensez et appliquez-vous soigneusement à sentir combien chaque péché déplaît à Dieu. Souvenez-vous que l'orgueil a précipité Lucifer du ciel; que la désobéissance

 

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a chassé Adam du Paradis ; que la luxure a renversé Sodome et Gomorrhe, et englouti la race humaine presque entière dans les eaux du déluge; que Jésus-Christ a souffert une mort très-amère pour que le péché rie demeurât pas sans punition, et que sa justice fût satisfaite.

Pensez en second lieu que Dieu ne pourra nous juger que suivant le mérite de nos oeuvres ; car l'équité de Dieu est souverainement intelligente , immuable et inébranlable, et il n'aura pas moins de peines pour les méchants que de gloire pour les justes. Ainsi il vous rendra selon vos oeuvres. Ne nous faisons donc pas illusion, en nous flattant et en nous disant que Dieu ne sera pas aussi sévère, et qu'il est miséricordieux.

Pensez aux péchés commis avant votre conversion; rappelez-vous combien ils ont été nombreux en vos paroles, en vos actions et en vos désirs pervers. Ils sont tellement multipliés que vous êtes impuissant à les compter. Souvenez-vous combien honteux surtout sont ceux de la chair, mais rapidement et brièvement de peur que leur funeste influence ne se fasse encore sentir; combien graves sont ceux par lesquels vous avez offensé Dieu, et crucifié en quelque sorte son Christ de nouveau.

Pensez aux péchés commis depuis votre conversion ; combien vous avez été tiède et négligent; combien vous avez passé d'années sans avancement. Voyez en détail tous les crimes qui ont suivi ce temps ; comptez-les, si vous pouvez, en présence du Seigneur,

 

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et demandez pardon pour le passé, secours pour le présent et protection contre l'avenir.

Pensez ensuite quelle satisfaction vous avez offerte pour toutes ces fautes, bien assuré que tout ce que vous n'aurez point rendu dans le temps sera exigé après la mort jusqu'à la dernière obole ; car il n'y aura aucun mal sans châtiment, de même qu'il n'y aura aucun bien sans récompense.

Pensez enfin que les jugements de Dieu sont insondables ; que vous ne savez pas si vous êtes dans la grâce, si vous êtes réellement converti, s'il n'y a pas en vous quelque chose de caché que Dieu connaît et qui l'offense, et enfin si vous persévérerez.

Repassez toutes ces choses; pensez-y bien, et si vous vous en pénétrez, vous ne serez pas porté à avoir de hauts sentiments de vous-même. Cependant prenez garde de ne point vous jeter dans le désespoir en vous enfonçant trop avant dans ces méditations; servez-vous-en de façon à ne pas être submergé par la tristesse ni l'abattement, mais à y trouver un motif puissant de corriger votre vie et de souffrir toutes sortes de tribulations.

 

CHAPITRE II. Manière générale de méditer sur la mort.

 

C'est ainsi que vous pourrez méditer sur la mort. D'abord regardez son heure comme toujours instante.

 

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Figurez-vous que la mort viendra à l'improviste , semblable à un voleur, au moment où vous y penserez le moins , où vous serez le moins disposé , où vous espérerez avoir longtemps à vivre, où vous vous serez proposé encore beaucoup de choses à faire, ainsi que l'expérience de chaque jour vous l'apprend assez et vous l'a appris en la personne de plusieurs que vous connaissiez. Rappeliez-vous ensuite de quelle manière on arrive à la mort; l'état où vous seriez s'il vous fallait mourir à l'instant, et vous comprendrez mieux ce que nous allons dire.

Pensez donc quelle maladie cruelle précède la mort, maladie dont les autres infirmités ne sont que les avant-coureurs ; voyez combien elle est impitoyable, et combien grande est l'horreur que nous inspire le désir naturel de rester sur cette terre.

Pensez, lorsque l'homme sent qu'il faut quitter la vie, soit que les médecins l'en avertissent, soit que ses souffrances le lui disent assez ; pensez, dis-je, quel cri fait entendre la conscience, quels remords s'élèvent en celui qui ne s'est point préparé ; car c'est alors que les péchés se présentent en foule à la mémoire. Rappelez-vous chacun de ceux dont vous êtes coupable, chacune de vos passions en particulier, et voyez combien vous déploreriez alors de ne pas les avoir vaincues ; combien , si, au moment de votre mort, vous étiez lié et enchaîné par les vices et les concupiscences, vous désireriez une heure ou même une année de santé afin de vous en corriger.

Pensez donc, O homme, lorsqu'en présence de

 

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cette heure où il vous faudra quitter la terre, vous comparerez le temps passé avec l'éternité où vous allez entrer; pensez combien ce temps vous paraîtra court. Votre vie tout entière vous semblera un rêve de quelques instants, et la chaîne de vos années, l'espace qu'une demi-heure nous permet de parcourir. Comprenez aussi quelle sera votre douleur lorsque vous reconnaîtrez que c'est pour des plaisirs d'un instant que vous aurez perdu les félicités éternelles; quelle amère séparation il vous faudra faire de tout ce que vous aimez criminellement; de cet honneur que vous poursuivez ici-bas de toutes vos forces par la recherche des dignités, de ces plaisirs et autres choses semblables.

Considérez l'état de celui qui meurt ; comment tout son corps devient livide et se roidit; comment ses yeux se dessèchent; comment les démons l'environnent, semblables à des animaux rugissants et tout prêts à dévorer leur proie.

Représentez-vous ensuite l'âme sortant du corps, se trouvant en présence d'une région inconnue, et environnée d'une multitude de démons qui l'attendent. Comme elle s'avance avec peine ! comme elle serait heureuse de rentrer en ce corps! Mais elle ne le peut : les portes des sens se sont fermées, l'entrée de la vie s'est obstruée. Voyez aussi comment à cette heure les esprits vicieux viennent à sa rencontre , cherchant en elle chacun ce qui lui appartient : l'esprit d'orgueil y poursuit l'orgueil ; l'esprit de luxure, la luxure ; et ainsi des autres.

 

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Remarquez, en dernier lieu, comment cette âme, à peine sortie du corps, est transportée aussitôt devant le tribunal du juge suprême, et devient l'objet d'une sentence qui ne sera jamais révoquée durant l'éternité. « Où l'arbre est tombé, il y restera. » Enfin le corps est livré à son tour au tombeau et à un oubli perpétuel. Il a été sur la terre l'hôte d'une nuit; il s'en est allé, et l'on en a perdu jusqu'au souvenir.

Vous pourrez prendre le contraire de ce que nous venons de dire lorsque vous voudrez méditer la mort des justes. Les justes, en effet, voyant qu'il leur faut quitter ce monde, se réjouissent du témoignage de leur conscience, et tressaillent d'allégresse d'être délivrés de tant de misères ; car ils ne sont point liés à la terre par leurs concupiscences , ils n'ont aucun regret de l'abandonner.

 

CHAPITRE III. Manière générale de méditer les peines de l'enfer.

 

Pour méditer les peines éternelles , représentez-vous l'enfer lui-même en vous servant de certaines images fournies par les saints Livres sur ce sujet. Figurez-vous donc un chaos horrible, un lac souterrain, un puits très-profond et tout enflammé ; ou bien une ville grande et affreuse , extrêmement plongée dans les ténèbres, embrasée de feux sombres

 

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et épouvantables , et d'où s'échappent de toutes parts des cris, des hurlements et des sanglots, à cause des douleurs inénarrables auxquelles ses habitants sont en proie.

Pensez à la violence de leurs peines; car ce feu , nous enseigne-t-on , a une telle ardeur que si on le compare au nôtre, celui-ci n'en est qu'une faible image. Représentez-vous aussi le froid et la puanteur de ce lieu. Les grincements de dents, les gémissements, les soupirs, les blasphèmes qui s'y font entendre nous indiquent assez tout ce qu'on y souffre.

Considérez la multiplicité de ces peines. Là, le feu est inextinguible et d'une obscurité effrayante ; le froid, intolérable; l'air, rempli d'une infection horrible ; les ténèbres , d'une épaisseur qui les rend palpables. Là, chaque sens a son supplice : « la vue est tourmentée par l'aspect repoussant des démons; l'ouïe , par les gémissements et les cris lamentables des malheureux damnés, par la cruauté de bourreaux sans pitié, infatigables à déchirer leurs victimes et inaccessibles à la compassion la plus légère. Ils leur prodigueront les insultes, et ils leur diront : « Où est maintenant votre gloire? sont vos dignités? qu'est devenu votre orgueil? — Voyez aussi comment les membres du corps qui ont concouru au péché , deviennent une source de punition, et comment le coupable trouve son supplice en chacun d'eux.

Considérez encore les peines intérieures, je veux dire le remords de la conscience et ce ver qui ne mourra point. Qui pourra se figurer tous les regrets

 

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de ces infortunés, de n'avoir pas évité de tels tourments au prix de travaux si légers et de si courte durée? Outre ce que nous avons dit, toutes les passions intérieures régneront en eux au suprême degré : ils seront emportés, jaloux et semblables à des chiens furieux. Ils se rappelleront leurs plaisirs d'autrefois, et ce souvenir viendra accroître leurs tourments. Ils se lamenteront en disant : « De quoi nous a servi notre orgueils ? (1)»

Pensez aussi à la durée de leurs supplices qui ne finiront jamais , non jamais , même après des millions d'années , même après autant d'années qu'il serait en notre puissance d'en compter; car là il n'y a aucun salut à espérer, aucun terme à attendre.

 

CHAPITRE IV. Manière générale de méditer sur le jugement dernier.

 

Pour ce qui est du jugement dernier, pensez de quelle terreur il sera environné. La trompette de l'Ange, des choses extraordinaires et effrayantes, c'est-à-dire des foudres et des tonnerres, frapperont le coeur des hommes et y porteront l'épouvante.

Figurez-vous aussi, si vous le pouvez, la colère immense du juste Juge, qui s'avance contre les

 

1 Sap., 5.

 

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pécheurs, et l'effroi qui pénétrera les méchants à cette vue. Songez combien sera amère la séparation qui aura lieu alors. Les justes, les humbles, les doux de coeur seront placés à droite; les superbes, les jaloux, les impudiques rejetés à la gauche pour ne jamais être réunis aux premiers. « En cette nuit, de deux personnes qui seront dans le même lit, l'une sera prise et l'autre laissée ; de deux femmes qui moudront ensemble, l'une sera prise de même et l'autre laissée; de deux hommes qui seront dans le même champ, l'un sera pris aussi et l'autre laissé (1). »

Représentez-vous tout ce qu'il y aura de crainte, d'horreur et d'étonnement pour les superbes et les orgueilleux de ce monde, qui se verront rejetés , alors que des hommes pauvres, vils et méprisables, des hommes qu'ils regardaient comme des insensés, environneront Jésus-Christ et participeront à sa gloire. En ce moment, pénétrés de repentir, ils diront au-dedans d'eux-mêmes : Ce sont là ceux qui ont été autrefois l'objet de nos railleries (2). Les justes, au contraire, s'élèveront avec une grande hardiesse contre ceux qui les auront opprimés.

Pensez maintenant au compte qui sera exigé de toutes les actions et de toutes les pensées. Jérusalem sera fouillée à la clarté des flambeaux (3), c'est-à-dire que ceux qui passaient pour être justes seront examinés dans le plus petit détail, et qu'on mettra au grand jour tout ce qui était caché en eux. Les témoins seront les démons , qui montreront tout ce

 

1 Luc., 17. — 2 Sap., 5. — Soph., 1.

 

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que nous aurons fait, où, quand et comment nous l'avons fait. Et puis les crimes eux-mêmes et le monde tout entier rendront témoignage contre les pécheurs.

Voyez ensuite comment Jésus-Christ fera briller aux yeux de tous les insignes de sa Passion , et comment il prendra occasion de ses tourments pour accabler de reproches ceux qui les auront méprisés. Ecoutez ce tonnerre horrible, cette sentence irrévocable : « Allez, maudits, au feu éternel (1). » Mais aussi prêtez l'oreille à cette invitation de douceur ineffable qui appelle les justes au repos toujours durable des noces de l'Agneau, à ces paroles : « Venez, les bénis de mon Père; possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde, etc. » Comprenez quelle est l'excellence des oeuvres de miséricorde, puisqu'elles semblent seules être l'objet du jugement prononcé par Jésus-Christ. Pensez enfin que les justes iront dans la vie éternelle, et les pécheurs dans un supplice qui ne finira jamais. Ces deux endroits seront séparés pour toujours par un immense chaos.

 

1 Mat., 25.

 

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CHAPITRE V. Méditation générale sur la gloire céleste.

 

Si vous voulez méditer les félicités du ciel , représentez-vous ce lieu en empruntant les images que nous en trouvons dans les saintes Ecritures, et qui sont proportionnées à notre capacité. Le ciel est une cité admirablement construite de l'or le plus pur et de pierres précieuses. Chacune de ses portes est brillante de perles d'une espèce particulière, et la vaste et magnifique étendue de son enceinte est ornée de la beauté des fleurs les plus variées. Là se fera sentir la douceur d'un printemps éternel; là s'exhaleront en parfums délicieux les odeurs les plus suaves, etc. (1).

Figurez-vous, autant que vous le pourrez quelle joie causera la vue de la très-sainte Trinité, en qui l'on contemple l'image vivante de toute beauté, de toute bonté , de toute suavité. En cette vue réside toute science; en cette vue sont remplis tous les désirs de la volonté; en cette vue se trouve le bonheur suprême.

Pensez aussi au spectacle offert par l'humanité da Jésus-Christ. Ici-bas il s'est montré pour nous comme un homme pauvre et abject; mais dans les cieux il sera plein de gloire, il apparaîtra Dieu et homme.

 

1 Apoc., 21.

 

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Pensez à l'allégresse produite par la société de la glorieuse Vierge, des saints apôtres, des martyrs, des vierges, et au bonheur de chacun d'eux, bonheur dont vous vous réjouirez vous-même.

Rappelez-vous de quelles qualités votre corps sera doué. Il aura en partage l'immortalité, l'impassibilité, l'agilité au suprême degré, et la beauté la plus admirable. Pensez de quels dons votre âme sera comblée: « ce sera la plénitude de la science et de la joie. De ces dons naîtront une foule d'autres biens : la sécurité, qui éloignera de vous la crainte d'être chassé de ce lieu de bonheur et d'être vaincu par aucune tentation ; une liberté souveraine , une santé inaltérable, la félicité, l'amitié , l'honneur, la concorde. En un mot, vous posséderez tout ce qui sera l'objet de vos désirs , et tout ce que vous redouterez sera éloigné de vous.

 

CHAPITRE VI. Courte méthode pour méditer sur les bienfaits de Dieu.

 

Ayez quelque méthode pour méditer sur les bienfaits innombrables de Dieu et réformer vos pensées. Vous saurez donc que vous pouvez varier et étendre vos méditations par une triple considération, soit en portant votre attention sur votre bienfaiteur , soit en l'arrêtant sur vous-même, qui êtes l'objet de ses

 

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bienfaits , soit en la fixant sur tous les biens qu'il ne cesse de répandre sur vous en abondance.

Considérez donc que votre bienfaiteur, le Seigneur votre Dieu, vous a comblé de ses biens sans rien vous redemander, sans avoir aucun besoin de vous ni d'aucune créature; que sa puissance est infinie, et qu'elle est attestée par l'univers et tous les ouvrages de ses mains; que sa sagesse est immense, et que la preuve évidente en est dans l'ordre et la beauté du monde entier. Pensez donc quelle est la bonté d'un Seigneur si grand et si magnifique, de vouloir bien vous accorder le plus faible bienfait; ou plutôt quelle bonté c'est de la part de tant de grandeur de daigner avoir une pensée pour tant de bassesse.

Par rapport à vous-même , considérez combien cette majesté si auguste est empressée à verser sur vous ses bienfaits. Elle a arrêté de toute éternité de vous les donner de la manière qui vous est le plus profitable; elle y a pensé de toute éternité, elle y pense à chaque instant, et elle les prépare en conséquence. Ce grand Roi est aussi actif en ce qui vous concerne que dans le gouvernement du monde et la conduite de toutes ses créatures. Il dirige sur vous son attention comme si vous étiez son unique affaire. Aussi sentiriez-vous votre coeur s'enflammer de reconnaissance et d'amour , si vous envisagiez bien en votre personne les bienfaits divins accordés à tout le genre humain, et si vous compreniez qu'ils vous obligent à autant de gratitude que s'ils n'avaient que vous pour objet; par exemple, si vous vous figuriez

 

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que Jésus-Christ s'est fait homme et est mort pour vous seul, qu'il a créé le ciel et la terre pour vous seul , etc. , selon que nous enseigne saint Jean Chrysostome. Et ces bienfaits , il vous les donne avec tant d'amour qu'alors même qu'ils sont minimes, ils doivent vous être souverainement chers. « Je vous ai aimé, dit-il , d'un amour éternel (1). » Or, c'est avec cet amour éternel et suprême qu'il répand sur nous ses faveurs. Pensez encore combien vous êtes vil, plein de méchancetés et de concupiscences, comme je vous ai appris à le faire en parlant de l'examen de vous-même, de votre propre connaissance et du souvenir de vos péchés.

Pour les bienfaits eux-mêmes, vous pouvez les méditer de deux manières. D'abord en considérant les péchés que le Seigneur vous a pardonnés dans sa miséricorde; ensuite en vous rappelant les grâces et les faveurs innombrables qu'il a répandues sur vous.

Il vous a pardonné autant de péchés que vous en aviez commis, comme nous l'avons déjà dit. Bien plus, il vous a remis autant de fautes que vous eussiez pu en commettre, lorsqu'il vous en a préservé. Voyez avec quelle patience il vous a attendu au milieu de vos crimes , et comment il s'est refusé à vous donner la mort alors que vous vous en étiez rendu digne.

Quant aux bienfaits répandus sur vous, pensez combien ils sont nombreux et excellents, combien ils sont avantageux et magnifiques. Qui pourra les

 

1 Jér., 2.

 

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compter? qui les comprendra? qui les fera connaître? Cependant, pour vous fixer dans votre méditation, considérez comment il vous a accordé les dons de la nature, les dons de la grâce, et les dons de surexcellence. Parcourez en détail chacun de ces dons, et vous trouverez en chacun d'eux de grands bienfaits.

C'est par un don de la nature qu'il vous a donné l'existence dans le temps, et qu'il a formé de toute éternité le dessein de vous donner la vie; qu'il ne vous a pas créé dans la classe des animaux , mais dans celle de l'homme; qu'il vous a accordé la vue , l'ouïe, etc., et qu'il a préparé à chacun de vos sens les joies qui leur convenaient. C'est encore en vertu de ce don que vous avez reçu un âme immortelle , douée de raison , de génie et d'activité, afin de pouvoir comprendre la fin des choses matérielles et en disposer. Vous avez reçu un esprit ou une intelligence qui vous permet de connaître les esprits immatériels , Dieu et l'ange. Enfin , c'est pour vous que tout a été créé sur la terre, pour votre vie que les éléments ont existé, pour votre nourriture que les êtres animés ont été formés.

Par les dons de sa grâce , Dieu a rappelé à lui votre volonté, qui s'en était éloignée, et il a répandu en elle la justification qui vient de lui seul; il vous a donné le ferme propos de vous corriger, et il a préparé les moyens pour que vous en fussiez capable.

C'est un don de surexcellence de la part de Dieu, d'avoir voulu que son Fils s'incarnât; qu'il devînt votre ami , votre frère; qu'il mourut et fût crucifié

 

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pour vous, et qu'il se donnât lui-même à vous dans le sacrement de l'autel. C'est aussi un don de cette sorte, d'avoir envoyé l'Esprit-Saint, et cela pour nous être un gage de notre admission au nombre de ses enfants, un privilège d'amour et un sceau d'alliance indissoluble.

Pensez aussi combien de merveilles le Seigneur a opérées dès le commencement en faveur du genre humain. C'est pour lui qu'il a parlé aux Patriarches, qu'il s'est montré en figures, qu'il s'est communiqué aux Prophètes , qu'il a tiré son peuple de l'Egypte , l'a conduit dans la terre de promission, etc. Pourquoi tout cela, si ce n'est pour éclairer notre esprit de la connaissance de la vérité au moyen des figures et des enseignements des Prophètes, et pour attirer notre volonté à l'amour de Dieu?

 

CHAPITRE VII. De la Cène du Seigneur et de la préparation à la communion du corps de Jésus-Christ.

 

Mais sur toute chose, souvenez-vous chaque jour, et principalement lorsque vous devez recevoir le sacrement du corps de Jésus, souvenez-vous de ce très-pieux mystère qui fut institué dans la Cène faite par le Seigneur. En effet, après avoir mangé avec ses disciples, selon la coutume des juifs, l'ancien agneau

 

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pascal, qui n'était qu'une figure, le Sauveur offrit en nourriture l'agneau véritable. Il consacra son corps et il le donna à manger à ses disciples, et il leur conféra en même temps le pouvoir de le consacrer eux-mêmes et de le distribuer aux autres (1).

O munificence vraiment admirable! ô générosité inouïe, charité surexcellente ! Celui qui s'est donné lui-même, que pourra-t-il nous refuser? Il a fait pour nous tout ce qui était en son pouvoir; tout ce qu'il a eu en sa possession , il nous l'a transmis; il nous a donné son royaume; il s'est donné lui-même. Aussi disait-il en cette dernière cène : « Toutes les fois que vous ferez ceci, faites-le en mémoire de moi; » c'est-à-dire en mémoire de toutes les choses que j'ai souffertes pour vous dans ma chair; en mémoire des dérisions, des moqueries, du crucifiement auquel je me suis soumis pour vous. En mémoire de moi s'accomplit ce sacrement , le plus excellent de tous les sacrements. Il est la médecine des malades, le pain de chaque jour des voyageurs, la force des faibles, la joie des forts, la santé des infirmes, la préservation contre les maladies. Par lui l'homme devient plus doux dans le châtiment, plus patient dans le travail , plus ardent dans l'amour, plus actif dans la vigilance, plus prompt à obéir, plus fervent dans les actions de grâces.

Cependant remarquez que l'effet des sacrements est en raison des dispositions et de la préparation qu'on apporte à les recevoir. Judas n'a point connu les dons

 

1 Mat., 26.

 

que nous venons d'indiquer, en recevant le corps du Seigneur, si toutefois il l'a reçu. Ainsi préparez-vous donc le plus dignement qu'il sera en votre pouvoir lorsque vous vous disposerez à vous approcher de ce sacrement, car celui qui prend indignement le corps et le sang du Seigneur, mange et boit son jugement (1).

Or, il y a trois choses exigées de nous pour le recevoir comme il convient : la pureté du corps, la pureté de la conscience et la dévotion actuelle. La pureté du corps est requise comme marque de respect, et quelquefois même nécessairement. La pureté de conscience, et surtout l'exemption du péché, est de rigueur. Ainsi , avant de vous approcher, ayez soin d'avoir une profonde douleur de vos fautes, et si vous le pouvez, versez des larmes en présence du Seigneur, afin de vous laver du mal que vous avez fait, de votre négligence dans le bien que vous avez omis, et de tous les péchés dont vous avez pu vous rendre coupable en votre cœur, en vos paroles, en vos actions.

C'est la crainte et l'amour qui produisent en vous la dévotion actuelle. La crainte vous imprime le respect; l'amour, le désir et l'affection. Ayez donc le respect et la crainte , car cette table est terrible, et il est nécessaire d'y apporter toute la vénération et la vigilance qu'elle mérite de notre part. A cette table sacerdotale est présent Jésus-Christ : et celui qui a fait la dernière cène avec les apôtres est aussi celui qui l'a consacrée. Ce n'est pas un homme qui change

 

1 I Cor., 11.

 

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le pain et le vin au corps et au sang de Jésus-Christ; c'est celui qui a été crucifié pour nous , Jésus-Christ lui-même. Le prêtre prononce les paroles, mais la vertu et la grâce de Dieu consacrent les dons offerts sur son autel. Comment donc osez-vous vous avancer sans crainte vers cette table, paraître en la présence de Jésus-Christ, porter vos mains sur le Fils de Dieu , quand Jean-Baptiste lui-même tremble de le toucher ; quand Pierre, le prince des apôtres , veut s'éloigner de lui par frayeur et qu'il lui dit : « Retirez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur (1) ? » Pensez que celui que vous recevez sera votre juge. Craignez donc, si vous vous en approchez indignement et sans respect, qu'après votre mort vous ne le trouviez irrité, lorsque vous paraîtrez à ce tribunal qui remplit les Puissances d'effroi , et devant lequel les Dominations se plongent dans les adorations les plus profondes. Pensez enfin que , lors même que vous vous prépareriez pendant des milliers d'années à la réception de ce sacrement par les prières les plus ferventes, par les dispositions les plus saintes; quand même vous auriez réuni en votre personne les mérites de tous les saints, ce ne serait rien en comparaison de ce qu'il mérite. Mais alors que sera-ce donc de venir le recevoir sans dévotion et sans préparation?

Considérez aussi votre propre bassesse , en la manière que nous avons dit plus haut. Par là, vous vous jugerez indigne, vous acquerrez le respect

 

1 Luc., 3.

 

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convenable; car ce qu'il y a de plus important pour se disposer à ce sacrement , c'est d'être vil à nos yeux le plus qu'il est en nous. Une autre disposition, c'est le désir : « Ce pain, dit saint Augustin, demande que l'homme intérieur soit affamé de lui. Mais ce senti-ment du coeur naît en chacun d'une manière différente. Les uns sont attirés par le désir de s'unir à Jésus-Christ et de le presser, le plus souvent possible, comme leur bien-aimé dans les embrassements de leur amour. D'autres soupirent après la guérison de leurs passions et de leurs mauvaises inclinations , et ils l'appellent à eux comme un médecin qui les guérira de leurs infirmités. D'autres sont conduits par la vue même de leurs crimes, car ils savent que ce sacrement a été établi pour la rémission des péchés. D'autres sont guidés par la compassion et l'amour qu'ils éprouvent pour leurs frères. Ils désirent, par cette hostie sainte, venir en aide aux vivants et aux morts. Si donc vous voulez que votre ardeur s'enflamme, pensez que Jésus-Christ a porté en sa personne les peines de tout ceux qui l'approchent, et qu'il s'est chargé lui-même de toutes nos infirmités.

La femme qui s'est approchée par-derrière le Seigneur a été guérie; la pécheresse a été purifiée en baisant ses pieds; la Chananéenne a été exaucée en le suivant jusqu'à l'importuner; les lépreux ont été délivrés de leur mal en paraissant devant lui ; les démoniaques, les paralytiques, les infirmes de toute espèce ont trouvé le salut en se montrant à lui et en

 

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croyant; Car une vertu sortait de lui et les guérissaient tous (1). Les publicains et les pécheurs ont cherché sa présence et ils ont mérité le pardon, et il n'a pas dédaigné de s'asseoir à leur table. Lors donc que vous aurez fait ce qui est en vous , approchez avec foi et confiance et plein d'espérance en la tendresse infinie du Seigneur. Vous devez aussi, principalement avant de recevoir ce sacrement, parcourir très-pieusement la Passion du Sauveur, car c'est spécialement en mémoire de cette Passion qu'il l'a institué.

Mais si vous me demandez quelle affection il vous faut surtout nourrir, si c'est la crainte et le respect, ou bien l'amour et le désir ; si vous devez, comme beaucoup, soupirer avec un empressement insatiable; ou bien si, comme plusieurs , vous laissant aller à la grandeur de votre respect et de votre crainte, en considérant la majesté de ce sacrement et votre propre misère, vous devez désirer qu'il vous soit permis de vous éloigner et de vous retirer? A cela les saints ont répondu en louant l'un et l'autre sentiment, et en laissant à la conscience de chacun ce qu'il jugera le mieux. Zachée s'est hâté de recevoir avec joie le Seigneur en sa maison; le centurion, touché de sa propre indignité, l'en a éloigné en disant : « Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez en ma demeure (2). » Cependant il y a une chose qui semble sûre généralement pour tous : « c'est que la crainte et le respect ne doivent pas nous faire perdre

 

1 Luc., 6. — 2 Luc., 19. — 3 Mat., 8.

 

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le désir et la confiance ; et le désir ni la confiance ne doivent pas nous faire abandonner le respect et la crainte. Il faut toujours garder le milieu entre ces deux choses, flotter de la confiance à la crainte, et de la crainte à la confiance. « Car, dit saint Grégoire, il n'y a pas de sûreté plus grande pour nous que de craindre en conservant l'espérance. » Cependant il n'est pas douteux, ordinairement parlant, que le sentiment de l'amour ne soit meilleur que celui de la crainte; mais ce qui est meilleur ordinairement, est souvent pire en certains cas et plus dangereux pour plusieurs.

 

CHAPITRE VIII. De la manière de s'exercer en général sur la Passion du Seigneur.

 

Mais, parmi tous ces exercices, c'est la Passion du Seigneur qui doit attirer vos considérations les plus empressées et les plus amoureuses. Si donc vous voulez faire servir plus avantageusement à votre dévotion ce que vous en lirez dans les saints Evangiles, et en tirer un plus grand profit, faites attention à trois choses qui, dans la mort du Sauveur, vous offrent un beau sujet de méditation. Ces trois choses sont l'oeuvre, la manière et la cause.

Considérez avec une âme diligente et embrasée

 

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d'amour cette oeuvre, qui n'est autre que la Passion elle-même, selon qu'elle nous est racontée par les saints Evangélistes; et vous trouverez en Jésus-Christ une patience admirable , et vous vous sentirez porté à lui compatir. Mais lorsque vous méditez en vous-même sur le sacrement, c'est-à-dire sur la victime même de la divine Passion , si vous désirez embrasser complètement par votre pensée l'auteur de notre rédemption, vous devez vous efforcer avec le plus grand soin, toutes les fois que vous entendez dire : Jésus a fait ou souffert telle chose, de vous représenter non-seulement Dieu ou l'homme, non-seulement la divinité ou l'humanité, mais de vous figurer une seule personne en qui se trouve Dieu et l'homme, la divinité et l'humanité réunies , sans mélange des essences, en un seul sujet. Ainsi, toutes les fois qu'on nomme le Christ ou Jésus, on désigne par là un Dieu-homme, la divinité et l'humanité. De la sorte, quand nous disons que Dieu a fait telle chose, nous croyons fermement et de foi catholique que l'homme l'a fait; de même, tout ce que l'homme a souffert, nous pensons et nous croyons que Dieu l'a souffert. Par exemple : quand vous lisez que Jésus-Christ a pleuré sur Lazare ou sur Jérusalem , vous ne devez point vous figurer que l'homme seul a versé des larmes, car il n'y aurait rien d'étonnant qu'un homme eût agi ainsi. De même lorsque l'on vous dit que le Sauveur a été attaché à la croix, vous devez représenter à votre esprit, non pas l'homme seul, mais l'Homme-Dieu ; et votre admiration en deviendra

 

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plus grande, votre dévotion plus intense, votre compassion plus vive. Sans doute le nom de Jésus ou du Christ éveille bien chez tous les fidèles l'idée de l'Homme-Dieu ; mais plus votre méditation vous rendra cette vérité claire et évidente, plus vous sentirez s'accroître votre dévotion à la vie, à la mort , aux miracles et aux actions du Sauveur.

Si vous voulez vous exciter de plus en plus à compatir à la Passion de Jésus, pensez bien, toutes les fois que vous lirez quelques-unes des peines dont il fut alors victime, pensez que dans chacune de ces peines il a été affligé au-delà de tout ce que nous pourrions imaginer; et vous le concluerez de plusieurs raisons qui vous aideront puissamment à ressentir en vous-même l'amertume de la Passion du Seigneur.

D'abord, l'homme dans le même degré de peine souffre plus ou moins, de l'aveu de tous, selon qu'il sent plus ou moins le supplice auquel il est soumis; mais ce supplice lui devient d'autant plus sensible et plus cruel que sa nature est plus vive et ses sens plus faciles à recevoir les impressions. Or, en Jésus-Christ, la nature étant vive au suprême degré; chacune des peines qui lui était infligée lui causait la douleur la plus poignante. Pensez donc combien ce crucifiement, combien ces blessures de ses pieds et de ses mains, dont le Prophète avait dit : « Ils ont percé mes mains et mes pieds (1); » pensez, dis-je, combien tout cela dut être douloureux et cruel pour la nature si

 

1 Ps. 21.

 

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délicate, si excellente et si pleine de vie de Jésus, dès lors qu'un tel tourment eût été intolérable pour tout homme ordinaire.

Ensuite, cette peine s'accroissait d'autant plus qu'elle lui était infligée par son peuple choisi , à qui il pouvait justement dire : « Mon peuple, qu'ai-je dû faire pour toi et que je n'aie point fait? Et toi, que pouvais-tu faire de pire à mon égard que ce que tu as fait ? » De plus, cette peine était répandue dans tous les sens et dans tous les membres du Sauveur , ainsi que vous le comprendrez si vous méditez attentivement sa Passion.

Vous pouvez aussi pieusement vous représenter la peine intérieure de Jésus, peine qui peut-être n'était pas moindre que la peine extérieure, si même elle ne la surpassait de beaucoup. Elle était causée par l'ardeur de son zèle pour le salut du genre humain , à qui il voyait que ses souffrances seraient inutiles , du moins pour la plus grande partie. La compassion qu'il portait à sa Mère bien-aimée augmentait encore cette douleur intérieure, ainsi que notre aveuglement et notre ingratitude. Lors donc que vous lirez ou que vous méditerez comment Jésus-Christ a été flagellé , méprisé, tourné en dérision, conspué, crucifié, etc., n'arrêtez pas votre pensée seulement à la peine extérieure , mais contemplez le Seigneur au milieu de tels tourments, affligé extérieurement comme Dieu-homme au degré le plus élevé, et en même temps en proie intérieurement à une tribulation et à une douleur que l'esprit humain ne saurait jamais comprendre.

 

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Si, considérant de la sorte votre Sauveur dans chacune de ses souffrances , vous n'éprouvez aucun sentiment de compassion, ce sera en vérité un prodige étonnant. Un animal privé de raison , soumis à une peine aussi inexplicable, exciterait votre sensibilité, si vous compreniez ses tourments; combien plus devez-vous être sensible aux tourments du Seigneur votre Dieu? Voilà ce que nous avons à dire touchant l'oeuvre de la Passion.

Maintenant si vous considérez avec une attention profonde la manière de supporter ces souffrances, vous y découvrirez par-dessus tout l'humilité , la douceur et en général un modèle accompli de toutes les vertus. Mais si vous désirez comprendre plus parfaitement de quelle manière Jésus-Christ a souffert , ayez soin, toutes les fois que vous lisez ou méditez quelque point de sa Passion, de bien rappeler à votre esprit ce qu'il fut dans ses paroles , dans ses réponses, dans ses actions, dans ses souffrances; comment il agissait , tant intérieurement qu'extérieurement ; comment il faisait chaque chose de la manière la plus excellente selon le lieu et les personnes. L'Evangile vous fournira tout cela, ou s'il l'est pas assez explicite, vous y suppléerez de vous-même; car il n'est point de chrétien qui ne sache qu'en toute occasion le Seigneur a agi de la manière la plus parfaite. Ainsi , lorsque vous lirez, par exemple, ces paroles : « Jésus parut devant Pilate, le gouverneur, etc., » représentez-vous d'abord son maintien , combien il fut humble : peut-être inclinait-il la tête et avait-il les

 

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yeux baissés vers la terre. Ensuite, quand il parle, pensez combien sa voix était douce et suave, combien il vous serait agréable d'entendre un homme s'exprimer avec autant de charmes; car sa voix n'était pas moins délicieuse que son visage ravissant. Figurez-vous en même temps comment il se comporta en cette circonstance. Assurément ce fut avec une humilité souveraine , ne conservant aucune haine contre Pilate ni contre les Juifs, mais ayant pour eux la compassion la plus tendre. Pensez comment il entendit les clameurs du peuple lorsqu'il s'écria : « Crucifiez-le, etc. » Ce fut avec une douleur extrême, avec compassion et un désir ardent de son salut , et cependant extérieurement tout en lui annonçait l'humilité. Parcourez ainsi toutes les circonstances de la Passion du Seigneur, imitez sa manière d'être et d'agir selon le lieu et le temps : « vous trouverez en lui toute vertu et un modèle parfait de conduite. Donnez surtout une attention empressée aux sentiments de compassion et de charité brûlante dont son coeur est rempli.

Quant à la cause de la Passion du Sauveur, toutes les fois que vous lisez ou que vous méditez quelque point de ses souffrances, reconnaissez que cette cause n'est autre que vous-même. C'est pour vous racheter, vous illuminer, vous justifier et vous conduire à la gloire qu'il s'est soumis aux tourments. Sachez donc estimer ce bienfait comme si ce n'était que pour vous seul que Jésus eût souffert, selon que je vous l'ai dit plus haut. Quoi que vous lisiez ou que vous méditiez,

 

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figurez-vous toujours qu'il vous adresse la parole et qu'il vous dit : « J'ai agi de la sorte afin que vous suiviez mes traces , afin que vous appreniez à vous humilier, afin que vous deveniez patient, que vous portiez votre croix et que vous me suiviez, car le serviteur n'est pas au-dessus de son maître (1). »

 

1 Mat., 10.

 

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