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ALPHABET DES RELIGIEUX.
(1) Seigneur, montrez-moi vos voies et faites-moi connaitre vos sentiers. Je vous en conjure , ô mon Dieu, daignez m'enseigner les voies d'une vie sainte, afin que je puisse sauver mon âme.
I.
Aimez à être ignoré et compté pour rien ; cela vous est plus utile et plus avantageux que de recevoir les louanges des hommes.
II.
Soyez bienveillant envers tous, envers les bons et les méchants, et évitez d'être à charge à personne.
III.Conservez votre coeur exempt de toute dissipation, votre bouche pure de toute parole inutile, et enchaînez vos autres sens sous une discipline sévère. IV.
Aimez la solitude et le silence : vous jouirez d'un grand repos et de la paix d'une bonne conscience; car où est la multitude, se trouvent des agitations fréquentes et des causes de distractions nombreuses pour le coeur.
1 Ps. 24.
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V.
Choisissez pour votre part ce qu'il y a de plus pauvre et de plus simple; soyez content de peu de chose, et vous ne vous laisserez point aller facilement aux murmures,
VI.
Fuyez le monde et les affaires du siècle; car vous ne pouvez être à la fois à Dieu et aux hommes, aux choses éternelles et à ce qui se passe,
VII.
Rendez grâces à Dieu en tout temps de coeur et de bouche, quelles que soient vos peines et vos tribulations; car dès l'éternité la providence du Seigneur a tout disposé pour cette vie avec une sagesse pleine de rectitude et de vérité.
VIII.
Soyez humble en toutes choses et vis-à-vis de tout le monde, et vous trouverez grâce aux yeux de tous : vous serez aimé de Dieu et chéri des hommes; et le démon s'éloignera bien vite de vous, car il a en horreur la vertu d'humilité. IX.
En toute bonne oeuvre, ayez l'intention sincère de plaire à Dieu : il voit le fond de nos coeurs et il aime ceux qui sont justes et droits.
359 X.
Regardez comme vos amis les plus chers et comme vos protecteurs ceux qui vous reprennent et vous blâment. Si vous jugez et considérez bien, vous trouverez dans cette pratique l'occasion d'un gain pré-cieux , car ceux-là vous aident beaucoup à avancer dans le bien, qui s'efforcent de vous éloigner du mal.
XI.
C'est par le travail, la douleur, les gémissements et les larmes qu'on acquiert le royaume de Dieu. C'est au milieu des délices et des honneurs qu'on perd le ciel.
XII.
C'est un grand bienfait de Dieu, d'être pauvre en ce monde, d'y tenir le dernier rang, et la marque d'un orgueil profond, de chercher sans cesse à s'élever. Le démon nous porte toujours à soupirer après les honneurs et à fuir le mépris. Il sait bien que celui qui s'élève ainsi tombera après avoir exercé quelque temps son empire sur les hommes. Estimez donc les plus petites choses comme des grâces considérables , et vous serez dignes d'en recevoir de plus grandes.
XIII.
Ne méprisez personne ,ne nuisez à aucun , compatissez à l'indigent et à l'homme en proie à l'affliction , et gardez-vous de vous enorgueillir jamais.
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XIV.
Employez utilement à la gloire de Dieu tout votre temps. Rien n'est plus précieux que le temps : vous pouvez par lui mériter le royaume éternel. Soyez aussi avec tout le monde plein d'amabilité , de bénignité , d'affabilité et de gravité. Rapportez tout à la louange de Dieu et ne faites rien sans conseil et sans réflexion.
XV.
En toute action , examinez d'abord si elle plaît ou déplaît à Dieu , et n'agissez jamais par crainte ni par amour contre votre conscience. Dans les choses douteuses recourez à l'Ecriture et à l'obéissance à votre supérieur , et gardez-vous de trop vous confier en vous-même. Apprenez à vous taire avant que de parler, et aimez à écouter plutôt qu'à enseigner les autres , car il est plus sûr de chercher à se cacher qu'il se produire au-dehors.
XVI.
Si vous désirez conserver en tout temps la paix , ayez soin de demeurer étranger à ce qui ne vous re-garde pas , et de ne point vous en constituer le juge. Celui qui s'applique aux choses communes et évite celles qui sont singulières sera aimé davantage et arrivera plus vite à une fin heureuse. Celui qui fait à temps ce qu'il doit , sera ensuite rempli d'une joie plus grande.
361 XVII.
Rentrez au-dedans de votre coeur et fermez la porte de votre bouche , si vous voulez ne point être entraîné par les séductions du démon au milieu des désirs terrestres. Les choses mauvaises sont nuisibles à entendre , celles qui flattent nos yeux sont une source de tentation , et les reproches occasionnent le trouble. Eloignez-vous donc de tout homme emporté, ignorant, dissolu , et demeurez avec Dieu dans le silence.
XVIII.
Soyez sobre en votre nourriture , modeste en vos vêtements , attentif en vos paroles , honnête en vos manières , plein de maturité en vos conseils , courageux dans l'adversité , humble au milieu des injures et dans la prospérité, reconnaissant pour les bienfaits, gai dans les mépris , patient dans la douleur et discret en toutes vos actions.
XIX.
Craignez d'offenser Dieu par vos moindres négligences et par chacun de vos défauts. Soyez sans présomption dans le succès , et ne vous laissez point aller au désespoir dans les choses fâcheuses. La crainte de Dieu nous éloigne du péché et nous porte à accomplir toute bonne oeuvre d'une manière parfaite. Confiez-vous à Dieu sans réserve, et ce qui vous est pénible deviendra tolérable. Que votre paix soit une grande patience : toute tribulation est bien légère emparée à la vie éternelle.
362 XX.
Vendez à Dieu toutes vos jouissances , et sa grâce vous fera goûter en un instant des consolations meilleures. Personne n'est plus riche , ni plus libre que celui qui se donne à Dieu tout entier et achète au prix de son amour le Sauveur immolé sur la croix pour le salut du monde.
XXI.
Que Jésus-Christ soit votre vie , votre livre , votre méditation , le sujet de vos entretiens; qu'il soit votre unique désir, votre gain , votre espérance entière et votre récompense. Si vous cherchez autre chose que Dieu seul, vous dissiperez, vous serez dans la peine et vous n'arriverez pas au repos.
XXII.
L'occupation des religieux et des clercs doit être de chanter les hymnes et les psaumes sacrés. Les choeurs angéliques , appliqués à louer Dieu sans interruption dans les cieux , sont dans la joie à la vue d'un pareil exercice. Servir la chair, c'est la mort, c'est préparer une pâture aux vers, un asile aux démons, un aliment aux péchés, un foyer aux maladies ; c'est la perte du corps, la ruine des moeurs, la dissipation des biens, l'appel de maux et de douleurs sans nombre. Servir Dieu , au contraire, c'est la félicité de l'âme , la santé du corps , la prudence de l'esprit , la vie céleste. Celui-là chante au Seigneur des hymnes délectables,
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qui le loue en tout temps dans la tribulation. Le commencement et la fin de tout bon religieux , c'est d'aimer Dieu de coeur, de le louer de bouche , et d'édifier ses frères par ses bons exemples.
XXIII.
Zachée, mon frère, hâtez-vous de descendre des hauteurs d'une science mondaine; venez et apprenez à l'école de Dieu la voie de l'humilité, de la mansuétude et de la patience, afin que, instruit par Jésus-Christ, vous puissiez arriver à la gloire de l'éternelle béatitude. Ainsi soit-il. O bon religieux, écrivez cet alphabet en votre coeur comme dans un livre de vie; parcourez-en chaque jour les sentences et accoutumez-vous à en observer les saints enseignements. Les paroles en sont peu nombreuses ; mais elles renferment de grands mystères , elles contiennent la vie entière des hommes parfaits. Elles sont un ornement au-dehors et une source de repos au-dedans. La vie d'un bon religieux commence par le mépris et l'abnégation de soi-même , et elle s'élève jusqu'à la contemplation de Dieu.
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