CONFÉRENCES

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CONFÉRENCES.

 

CONFÉRENCES.

PREMIÈRE CONFÉRENCE. Sur l'incarnation du Verbe.

DEUXIÈME CONFÉRENCE. De la crainte du Seigneur.

TROISIÈME CONFÉRENCE. De l'obéissance.

QUATRIÈME CONFÉRENCE. De la modestie.

CINQUIÈME CONFÉRENCE. Sur le silence.

SIXIÈME CONFÉRENCE. Sur la dévotion.

SEPTIÈME CONFÉRENCE. De la diligence.

HUITIÈME CONFÉRENCE. De la discipline.

 

PREMIÈRE CONFÉRENCE. Sur l'incarnation du Verbe.

 

O mon âme, considère les merveilles renouvelées par la Vérité. Nous pouvons les contempler toutes dans cette union qui a associé Dieu et l'homme en la personne du Verbe, union vraiment accomplie et faite par le Seigneur, union manifestée par lui à nos yeux.

I. Voici d'abord une éternité qui commence : Le Fils de Dieu existe éternellement et il s'est fait chair dans le temps. Il ne pouvait te racheter qu'en offrant le prix de ta rançon , et selon la loi il ne le devait pas s'il était d'une nature différente de la tienne. L'homme était bien ton frère , mais il n'avait point en son pouvoir le prix d'une telle oeuvre; Dieu le possédait, mais il n'était point notre frère. Ainsi l'homme seul était redevable ; Dieu seul avait le prix de la dette. Dieu s'est donc fait homme pour devenir notre frère. Notre Jésus est devenu pour nous un homme plus précieux que l'or, plus cher que l'or le plus pur : Il a, dit Isaïe , emporté avec lui un sac d’argent (1). En effet, Dieu a apparu homme dans la chair ; le Verbe s'est caché dans cette chair comme dans un sac, et il a racheté l'homme coupable.

 

1 Is., 15.

 

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II. En second lieu , l'immensité se renferme dans un espace étroit , car Dieu a rendu sur la terre son Verbe comme diminué de lui-même. Son Verbe , dis-je, est immense par sa divinité, et il semble comme abrégé lorsqu'il est placé dans une crèche. Contemple donc , ô mon âme , ces merveilles pleines de douceur et vraiment nécessaires à tes besoins. Le Fils de Dieu seul pouvait combler ta misère, mais ta petitesse te rendait impuissante à embrasser l'immensité, et ainsi cette misère l'emportait sur ta capacité. La charité divine, par une disposition admirable de ses desseins , a donc voulu nous donner son Fils dont nous avions besoin , et nous le donner enfant afin de le proportionner à notre infirmité. Ainsi un petit enfant nous est né , et tin fils nous a été donné

III. En troisième lieu , la beauté s'est environnée d'obscurité. En effet, de quoi me servira le don de cette immense charité si je ne puis contempler tout ce qu'elle renferme de délices? Notre Jésus a donc manifesté sous le voile de notre mortalité cette face auguste sur laquelle les anges désirent en tout temps tenir leurs regards attachés. Nous avons pu non-seulement voir de nos yeux celui qui est invisible, mais encore l'aimer en notre chair et rendu semblable à nous. De là cette parole de l'Apocalypse : Le soleil est devenu noir comme un cilice (2), le Soleil de justice , sans doute , Jésus-Christ notre Dieu , qui , selon l'Apôtre , est la splendeur de la gloire du Père, l'image parfaite de sa substance (3). Sa beauté l'emporte

 

1 Is., 9. — 2 Apoc., 6. — 3 Hebr., 1.

 

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sur celle du soleil ; elle est plus élevée que l'armée des étoiles et , comparée à la lumière , elle lui est supérieure. Et cependant à cause de nous il s'est revêtu de l'obscurité d'un cilice , il en a pris toutes les aspérités.

IV. La hauteur a embrassé l'abjection, la puissance s'est faite esclave quand celui dont les pieds étaient à peine accessibles aux anges les plus élevés, est descendu non pas jusqu'à moi , mais au-dessous de moi , quand il a été couché , comme je le vois aujourd'hui , aux pieds de vils animaux. Le Dieu béni n'a rien négligé pour que nous puissions le posséder : il se fait homme pour me donner d'arriver jusqu'à lui ; il se fait petit enfant pour que je le presse dans mes bras; il se rend visible pour être connu de moi, et il devient humble afin que je l'atteigne.

V. La force a revêtu l'infirmité , la sagesse la simplicité. Je suis coupable et j'ai honte de paraître devant la sagesse suprême; je suis un ennemi, et je tremble à la vue de sa puissance ; je redoute les fautes dont je suis coupable , et je rougis de paraître devant vous, ô mon Dieu. Mais voilà que l'admirable bénignité du Seigneur, dont la magnificence a toujours éclaté dans ses bienfaits, cache sa sagesse sous le voile de la simplicité afin que je n'aie pas à être dans la confusion en sa présence; voilà qu'elle environne sa force d'infirmité , pour que je ne craigne pas de m'approcher. Celui qui soutient tout par la puissance de sa parole, le verbe de Dieu se fait chair, et non-seulement il devient un homme soumis à la souffrance,

 

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mais encore il est semblable à moi par la faiblesse de son enfance ; il est mortel comme moi par la chair qu'il a voulu prendre.

VI. La justice se soumet au châtiment de la faute, car sans cela vous eussiez dit : A quoi bon m'approcher, si je ne puis posséder ce qui me manque? J'ai été conçu dans toute espèce de mal, déshérité de tout bien pour mon péché et la peine qu'il mérite; il faut donc que je sois tiré sans réserve du mal, que je sois rétabli en tout bien : c'est là mon besoin suprême. Ainsi la justice, par un dessein ineffable du ciel, s'est soumise à la peine du crime afin de nous justifier de tout mal; l'opulence a pris la détresse en partage pour nous rendre riches de tout bien. Celui qui avait ignoré entièrement le péché , Jésus, l'innocence immaculée , à qui toute faute fut toujours étrangère, dont la bouche fut pure de toute parole trompeuse , Dieu l'a traité à cause de nous comme s'il eût été le péché , ou autrement il lui a imposé la peine duc à nos péchés , il a placé en sa personne toutes nos iniquités , afin qu'en lui nous devinssions justes de la justice de Dieu. O besoin vraiment heureux de l'homme ! Par là même que le Dieu fait homme, Jésus , s'est chargé de satisfaire pour nos péchés , il est devenu nécessaire ou que Dieu eût de la haine pour lui-même, ce qui est impossible, ou qu'il se réconciliât l'homme coupable , et cela est agréable à ses yeux , c'est la fin qu'il s'est proposée.

VII. La richesse a pris la misère en partage afin de nous enrichir dans le céleste royaume. En effet, vous

 

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connaissez la bonté de Jésus-Christ Notre-Seigneur étant riche il s'est rendu pauvre afin que nous devinssions riches nous-mêmes par sa pauvreté. Oh! combien abondantes devraient être nos richesses , nous à qui Dieu a tant donné qu'il en est demeuré nu et plongé dans la pauvreté ! Voyez comme elle est heureuse cette détresse à laquelle s'est soumis pour nous , dans l'ivresse de son amour, le Christ béni il est nécessaire que l'homme soit rétabli dans le royaume, ou que Jésus, le Roi suprême, en soit banni, puisqu'il s'est chargé de notre misère, et que le riche et le pauvre ne font plus qu'un. Ainsi , ô mon âme , ton Jésus, le Dieu éternel se réduit à un état nouveau pour que tu puisses l'approcher; le Dieu immense se fait petit pour que tu l'embrasses; le Dieu très-sage se revêt de la simplicité pour t'empêcher de rougir en sa présence; le Dieu très-fort descend jusqu'à la faiblesse pour éloigner de toi la crainte le Dieu très juste accepte la dette du péché pour te justifier de tout mal; le Dieu très-riche prend en partage la misère pour t'enrichir de tout bien.

 

DEUXIÈME CONFÉRENCE. De la crainte du Seigneur.

 

L'eau d'une sagesse salutaire , la fontaine de vie, le commencement de la sagesse , c'est la crainte du Seigneur, dit saint Bernard. Elle rafraîchit l'âme

 

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admirablement au milieu des désirs pervers qui l'oppressent , et elle est puissante à éteindre les traits enflammés de notre ennemi. En toutes choses et en toutes circonstances la crainte de Dieu doit être préférée à la tendresse pour ses proches. Celui qui a sans cesse cette crainte devant les yeux , s'avance par des voies vraiment belles et ses sentiers sont des sentiers de paix. Le bon vouloir du Seigneur persévère en faveur de ceux qui le craignent; il a pour eux des pensées pacifiques, il oublie les fautes dont ils peuvent se rendre coupables, il récompense toutes leurs bonnes oeuvres ; et ainsi nous voyons coopérer d'une manière admirable à leur avantage et le bien et le mal. J'ai appris dans la vérité que rien n'est efficace à mériter, à conserver ou à recouvrer la grâce , comme de marcher en tout temps en la présence de Dieu sans se laisser aller aux sentiments de l'orgueil et d'être dans la crainte. — Vous êtes bienheureux si votre coeur est rempli d'une triple crainte; si vous craignez pour la grâce reçue , si vous craignez plus encore pour la grâce perdue , et si vous avez une crainte sans limites pour la grâce recouvrée. Craignez donc lorsque la grâce vous sourit , craignez , lorsqu'elle s'éloigne , craignez lorsqu'elle revient. Lorsqu'elle est présente, craignez d'en faire un usage indigne; lorsqu'elle se retire , craignez encore plus , car vous tombez vous-même en défaillance quand la grâce vous fait défaut; craignez lorsqu'elle vous est enlevée , comme un homme à la veille de sa ruine; craignez : votre garde vous a abandonné. Ainsi craignez le Seigneur

 

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en tout temps et de tout votre coeur, Si votre crainte est entière , si elle est parfaite , il vous fera goûter bientôt les douceurs de sa charité.

 

TROISIÈME CONFÉRENCE. De l'obéissance.

 

L'obéissance d'un religieux , pour être agréable à Dieu , doit être prompte et sans délai , pieuse et sans dédain , volontaire et sans murmure, simple et sans discussion , persévérante et sans interruption , droite et sans déviation , joyeuse et sans trouble , courageuse et sans crainte , universelle et sans exception. Dieu nous écoute en nos prières de la même manière que nous écoutons nos supérieurs. Si donc vous voulez être plus parfait en obéissant, lorsque la voix du supérieur vient frapper votre oreille , croyez entendre la voix de Dieu et non celle de l'homme. Celui-là n'est point obéissant mais un homme négligent , qui attend pour agir un second commandement. « C'est peu, dit saint Bernard, d'être soumis à Dieu si vous ne l'êtes à toute créature à cause de Dieu , à votre abbé comme étant au-dessus de vous , à vos prieurs comme ayant reçu de lui le droit de commander. Je dis plus : vous devez vous soumettre à vos égaux, vous devez vous soumettre à vos inférieurs; et si vous voulez être parfait en toute justice , allez à celui qui est moindre que vous, obéissez à celui

 

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qui est au-dessous de vous , abaissez-vous devant celui qui est moins âgé que vous (1). » Celui , dit saint Jean Climaque, dont la conscience est exempte de toute tache dans l'obéissance due au supérieur, attend chaque jour la mort sans se troubler, comme il attendrait le sommeil, car il sait à n'en point douter qu'au sortir de cette vie l'homme seul établi en dignité aura un compte à rendre et non lui. — Quand celui qui commande est absent , si nous nous souvenons de lui et si , nous le représentant comme présent au milieu de nous , nous nous abstenons soigneusement de tout ce que nous soupçonnons lui déplaire dans nos discours , nos conversations , notre nourriture ou autre chose , c'est alors que l'on reconnaîtra en nous l'accomplissement parfait de l'obéissance.

 

QUATRIÈME CONFÉRENCE. De la modestie.

 

Je ne sais si rien au monde peut orner plus un homme en toute sa personne que la modestie. Combien elle est belle, combien elle est une perle brillante dans la vie et sur le visage du jeune homme ! Comme elle est une messagère vraie et sans nuage d'une espérance heureuse , et l'indice d'un caractère excellent! Elle est une verge de discipline levée pour arrêter les sentiments qui portent le déshonneur, pour empêcher

 

1 Sup. Cant., 41.

 

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les mouvements et les actes les plus légers d'un âge si glissant , pour comprimer ceux qui tenteraient de se produire avec insolence. Qui mettra en fuite comme elle les paroles honteuses et tout ce qui est messéant? Elle est la soeur de la continence , le signe manifeste de la simplicité de la colombe, la compagne de l'innocence , la lampe toujours brillante de l'âme pure. A sa lumière rien de honteux , rien de déshonorant ne saurait prétendre se fixer en cette âme sans être démasqué aussitôt. C'est elle qui attaque le mal , elle qui combat pour la pureté nécessaire à notre âme , elle qui est la gloire spéciale de notre conscience , la gardienne de notre renommée , la splendeur de notre vie , le siége de notre force ; c'est en elle que se trouvent les prémices des vertus, la louange de ce qui est naturel en nous , l'éclat de toute honnêteté... Qu'y a-t-il de cher à un coeur modeste comme le secret de la solitude? Qu'y a-t-il de propre à la modestie comme de fuir les louanges dont elle est digne et d'éviter toute jactance? Qu'y a-t-il d'inconvenant, surtout pour un jeune homme, comme de faire parade de sa sainteté?

 

CINQUIÈME CONFÉRENCE. Sur le silence.

 

L'homme ami du silence s'approche de Dieu , et celui qui s'entretient avec lui dans le secret en est illuminé. Celui qui pense avec sollicitude à la mort ,

 

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sait borner ses discours ; et celui dont l'une est pleine d'une tristesse salutaire, s'éloigne des longs entretiens comme d'un incendie. Le silence, dit saint Bernard, est bon contre la jactance , il est bon contre le blasphème , il est bon contre le murmure et la détraction. Qu'elle soit donc condamnée au silence la langue médisante , la langue blasphématrice , la langue empressée à s'exalter, car il est bon d'attendre le salut du Seigneur au milieu de ce triple silence. Cependant ne vous taisez pas entièrement sur ces différentes choses , ne vous taisez pas de façon à garder le silence avec Dieu. Mais parlez contre votre jactance en la confessant, afin d'obtenir pardon du passé. Parlez contre le murmure par les actions de grâces , afin de trouver une grâce plus abondante dans le temps présent. Parlez contre la défiance dans l'oraison , afin d'arriver à la gloire dans l'éternité. Confessez, dis-je, vos fautes passées , rendez grâces des biens actuels , priez désormais avec plus d'empressement pour les biens à venir, afin que de son côté Dieu ne demeure pas dans le silence touchant votre pardon , l'envoi de sa grâce et la promesse des récompenses. Un silence non interrompu et un éloignement perpétuel de toute agitation du siècle nous forcent à méditer les choses célestes. Les combats de la continence et la rigueur de la discipline trouvent un secours dans le doux chant des psaumes et des hymnes. La honte des fautes anciennes tempère l'austérité de notre vie nouvelle. La crainte du jugement futur rend facile le pieux exercice de la charité fraternelle , et la variété des

 

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saintes observances dissipe l'ennui et le dégoût... Le travail , la retraite et la pauvreté volontaire sont les insignes d'un religieux; ce sont eux qui ont coutume d'ennoblir la vie monastique.

 

SIXIÈME CONFÉRENCE. Sur la dévotion.

 

Que votre âme refuse de se consoler dans les choses de la terre , si vous voulez vous réjouir dans l'amour de Dieu. C'est là une consolation vraiment délicate , et elle ne saurait être accordée à ceux qui en ad-mettent une autre. Celui dont l'âme soupire après des consolations étrangères et ne renonce pas entièrement à chercher le bonheur dans les choses caduques et passagères, celui-là éloigne de lui assurément la grâce de la consolation céleste. Il se trompe véritablement celui qui croit pouvoir unir cette divine douceur à une chair mortelle , ce baume souverain aux plaisirs empoisonnés du monde , les dons de l'Esprit-Saint aux concupiscences de la terre. La vérité n'aime point à se cacher dans les ténèbres; la discipline se montre au grand jour, elle se réjouit dans les saintes pratiques. O sainte âme , soyez seule afin de vous conserver à celui-là seul que vous avez choisi entre tous. Fuyez les honneurs du dehors , fuyez les gens de votre maison , séparez-vous de vos amis et de vos intimes; qu'il n'y ait rien de commun entre vous et la foule , entre vous

 

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et la multitude des étrangers. Oubliez votre peuple lui-même et la maison de votre père , et le Roi du ciel soupirera après votre beauté. Eloignez-vous donc , mais d'esprit et non de corps , mais par votre intention , votre dévotion , vos pensées. Nous êtes seul si votre esprit n'est point occupé des choses ordinaires de la vie , si vous n'êtes point épris de l'amour des choses présentes , si vous méprisez ce que beaucoup embrassent avec ardeur, si vous avez du dégoût pour ce qui est l'objet des désirs de tous , si vous évitez les contestations , si vous êtes insensible à toute perte , si vous ne gardez le souvenir d'aucune injure. La nourriture de l'âme, c'est la grâce de Dieu; elle est pleine de douceur assurément , cette nourriture; elle renferme toute suavité , elle offre au goût toutes délices. Non-seulement elle réjouit, mais elle rassasie , elle est un remède.

Quatre signes nous font connaître la présence de la grâce. Le premier, c'est quand le coeur goûte en Dieu la paix et le calme , car il ne saurait se reposer en aucun objet terrestre; le Seigneur seul peut le remplir ; le reste peut l'impressionner, mais non le satisfaire. Le second signe , c'est quand l'esprit et le coeur se sentent inclinés à la dévotion. Le troisième , c'est quand le visage de l'homme se montre pénétré d'une joie plus vive et d'une bénignité plus grande. Le quatrième , qui est presque le même , c'est quand l'homme est plus réglé et plus grave dans tout son extérieur.

 

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SEPTIÈME CONFÉRENCE. De la diligence.

 

Il est une chose qui éloigne bien des hommes d'un amendement parfait et courageux : l'horreur de la difficulté ou autrement la peine que l'on trouve à combattre. Ceux-là , en effet, avancent avec bien plus de rapidité qui s'efforcent de vaincre plus généreusement les obstacles les plus difficiles et les plus repoussants. Car l'homme fait d'autant plus de progrès et il mérite une grâce d'autant plus grande qu'il se surmonte lui-même davantage et qu'il est plus mortifié en son esprit.

Deux choses aident d'une manière spéciale à un grand amendement : la première , c'est de s'éloigner avec force des objets vers lesquels nous incline notre nature corrompue ; la seconde , de s'appliquer avec ferveur au bien dont nous éprouvons plus vivement le besoin.

Combien il est nuisible de négliger la fin de sa vocation et de se porter à des choses qui nous sont étrangères ! Un religieux , appliqué à méditer avec attention et piété la très-sainte Vie et la Passion du Seigneur, trouve là abondamment tout ce qui lui est utile et nécessaire ; il n'a plus besoin de rien chercher hors de Jésus. Un religieux fervent embrasse et accomplit avec joie tout ce qui lui est ordonné. Mais le religieux tiède et négligent souffre tribulation sur tribulation ;

 

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de toutes parts il est dans la peine , car il est privé de la consolation-intérieure et il lui est défendu d'en chercher au dehors. Le religieux qui vit en dehors de sa règle est exposé à une ruine terrible; celui qui cherche ce qu'il y a de plus large et de plus relâché , sera toujours dans l'angoisse. — Toute cette conférence est tirée du pieux livre intitulé Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 

HUITIÈME CONFÉRENCE. De la discipline.

 

Avant tout il nous faut dompter sous le joug de la discipline l'effervescence désordonnée de nos moeurs, jusqu'à ce que notre volonté altière soit humiliée et guérie sous les lois austères et persévérantes des anciens, jusqu'à ce qu'elle retrouve dans l'obéissance le bien de la nature perdu par notre orgueil. Ce bien, en effet, revient quand la conduite tout entière est bien disciplinée; et avec lui l'homme apparaît plein de douceur et de bénignité , ennemi de toute querelle, ne cherchant à tromper personne, ni à se venger, ni à nuire à qui que ce soit, ne s'élevant au-dessus d'aucun, ne se préférant à nul de ses frères. Oh ! comme la discipline concourt à bien régler notre corps tout entier et les habitudes de notre âme! Elle abaisse notre tète, elle incline notre front, elle compose notre visage, elle lie nos yeux, elle comprime les rires immodérés, elle refrène la gourmandise, elle

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apaise les emportements, elle ordonne toute notre démarche. Aussi quelqu'un a-t-il dit des religieux bien ou mal réglés : « Celui qui est querelleur, n'est pas un religieux; celui qui conserve la malice en son coeur, n'est pas un religieux ; celui qui est colère, n'est pas un religieux; celui qui est superbe et répandu en paroles, n'est pas un religieux. Le vrai religieux est toujours doux, humble et charitable; en tous lieux et toujours il a devant les yeux la crainte du Seigneur afin de ne pas pécher. » Jean, abbé du mont Sinaï, dit aussi : « Le religieux est celui dont les actions, les pensées, les paroles n'ont pour objet que les choses de Dieu, celui qui est uni à Jésus-Christ en tout temps, en tout lieu, en toute affaire. Le religieux est celui qui fait sans cesse violence à la nature et veille sans interruption à la garde de ses sens. Le religieux est celui dont le corps est saint, la langue pure, l'âme illuminée. Qui, pensez-vous, sera un religieux fidèle et prudent? Celui qui, sous le joug de l'obéissance et de la soumission, dans le travail et la douleur, conserve en son âme une chaleur inextinguible et ne cesse jusqu'à sa mort d'ajouter le feu au feu, la ferveur à la ferveur, l'amour à l'amour, le désir au désir, la sollicitude à la sollicitude. » — Il est un vrai religieux, dit saint Bernard, celui qui conserve la dévotion au choeur, la patience au chapitre, la discipline dans le travail, la méditation dans la lecture, la ferveur dans l'oraison, la chasteté dans la tentation , le courage dans l'adversité, et l'humilité dans la prospérité. »

 

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