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TREIZIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIIILA VIE DANS LE CHRIST.
Le Prophète supplie le Seigneur de le vivifier dans la justice ou dans le Christ, et cest là un acte de miséricorde et de salut envers les enfants de la promesse. Alors il répondra une parole à ceux qui lui reprochent une parole. Cette parole, cest le Christ, que nous reprochent ceux que la croix scandalise; cest le Christ encore, que répondent les martyrs , et ceux qui après une chute Sont revenus à lui comme Pierre : cette parole na donc pas été pour jamais ôtée de leur bouche. Cest alors que le Prophète gardera la loi de Dieu en cette vie et en lautre.
1. Au sermon dhier il faut joindre celui-ci sur les versets suivants du plus long des psaumes. Voici ces versets : « Et que votre miséricorde, ô mon Dieu, vienne sur moi 1». Ces paroles semblent se rapporter aux précédentes; car le Prophète ne dit point: « Que votre miséricorde vienne sur moi » ; mais : « Et que votre miséricorde ». Or, voici les paroles qui précèdent : « Voilà que jai désiré vos commandements ; vivifiez-moi dans votre justice ». Puis il continue : « Et que votre miséricorde, ô mon Dieu, descende sur moi ». Que demande le Prophète, sinon daccomplir par la divine miséricorde les préceptes quil a désirés? Il explique en quelque sorte le sens de ces paroles : « Vivifiez-moi dans votre justice », quand il ajoute : « Et que votre miséricorde, ô mon Dieu, descende sur moi, ainsi que votre salut selon votre parole » ; cest-à-dire, selon votre promesse. De là vient que saint Paul veut que nous nous regardions comme les fils de la promesse 2, afin que nous rapportions tout ce que nous sommes à la grâce de Dieu, sans nous en rien attribuer à nous-mêmes. « Car le Christ nous a été donné par Dieu, comme notre sagesse, notre justice et notre sanctification, notre rédemption, afin que, selon quil est écrit, celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le Seigneur 3». Quand donc le Prophète nous dit: « Vivifiez-moi dans votre justice », il demande la vie dans le Christ, et telle est la miséricorde quil supplie Dieu de faire descendre sur lui. Cest aussi le Christ qui est le « salut de Dieu »; et ce mot nous fait voir quelle miséricorde voulait appeler sur lui le Prophète, quand il disait; « Et que votre miséricorde, ô mon Dieu,
1. Ps. CXVIII , 41. 2. Rom. IX, 8. 3. I Cor, I, 30, 31.
descende sur moi ». Si nous voulons savoir quelle est cette miséricorde, écoutons ce qui suit « Votre salut, selon votre parole u. Voilà ce qui nous est promis par Celui qui appelle ce qui nest point encore, comme sil était déjà 1 ». Il ny avait personne encore à qui il pût faire des promesses, afin que nul ne se glorifiât de ses mérites. Et ceux à qui la promesse a été faite ont été promis eux-mêmes, afin que tout le corps du Christ pût dire: « Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis 2 ». 2. « Et je répondrai », dit le Prophète, «à ceux qui me reprochent une parole 3 ». On ne sait sils me reprochent une parole, ou si je répondrai une parole; mais lun et lautre nous désignent le Christ. Cest lui que nous reprochent ceux pour qui la croix est un scandale ou une folie 4; qui ne savent point que le Verbe sest fait chair et a demeuré parmi nous, et que ce Verbe était au commencement en Dieu, était Dieu 5. Mais, quand même ils ne nous reprocheraient point ce Verbe quils ignorent, puisquils nen reconnaissent point la divinité, eux qui ont méprisé sa faiblesse à la croix, nous leur répondons néanmoins ce Verbe, notas disons que leurs reproches ne nous inspirent ni frayeur, ni confusion. « Sils eussent en effet con nu le Verbe, « ils neussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire 6». Mais pour répondre le Verbe à ceux qui nous font des reproches, il faut que la divine miséricorde soit descendue sur nous, que son salut soit venu pour nous protéger, et non pour nous briser. Car il viendra, pour les briser, sur quelques-uns qui méprisent maintenant son humilité, et qui seront
1. Rom. IV, 17. 2. I Cor. XV, 10. 3. Ps. CXVIII, 42. 4. I Cor. I, 23. 5. Jean, I, 1, 14. 6. I Cor, II, 8.
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broyés en se heurtant contre lui. Voici ce quil dit dans lEvangile: « Quiconque heurtera cette pierre sy brisera, elle écrasera celui sur qui elle tombera 1 ». Nous reprocher le Christ, cest donc le heurter et sy briser. Pour nous, mes frères, loin de nous heurter et de nous briser contre lui, loin de craindre leurs injures, répondons-leur une parole, « parole de la foi que nous prêchons. Car si tu crois en ton coeur que le Christ est le Seigneur, et si tu confesses de bouche que Dieu la ressuscité dentre les morts, tu seras sauvé. Car on croit de coeur pour être juste, et lon confesse de bouche pour être sauvé 2 ». Cest donc peu davoir le Christ dans son coeur, et de ne point le confesser par crainte des injures; mais à ceux qui nous le rejettent comme un opprobre, il faut répondre hautement le Verbe. Afin que les martyrs pussent le faire, voici ce qui leur fut promis: « Ce nest point vous qui parlez, mais lEsprit de votre Père qui parle en vous 3 ». Aussi, après avoir dit : « Je répondrai une parole à ceux qui minjurient», le Prophète a-t-il ajouté : « Parce que jai espéré en vos paroles » ; cest-à-dire, en vos promesses. 3. Mais comme plusieurs, tout initiés quils étaient au corps du Christ, qui parle ici, accablés sous le poids des persécutions, nont pu supporter ces opprobres, et sont tombés en reniant le Christ, le Prophète continue : « Nôtez pas à jamais de ma bouche la parole de vérité 4 ». Nôtez pas de ma bouche, est-il dit, car cest lunité de tout le corps qui parle, et lon compte parmi ses membres ceux qui ont failli, renégats dun instant, mais sont ressuscités par la pénitence, ou bien ont regagné, par une confession nouvelle, cette palme du martyre quils avaient dabord perdue. Ainsi ce ne fut pas « à jamais », usque valde, ou « pour toujours », usquequaque, comme on trouve en certains manuscrits, cest-à-dire dune manière absolue, que la parole fut retirée à saint Pierre, alors type de lEglise. Bien que troublé par la crainte il ait un moment renié son Dieu, il se releva par ses larmes 5, et mérita par une glorieuse confession la couronne glorieuse. Cest donc tout le corps de Jésus-Christ, lEglise entière, qui parle ici; et dans ce corps entier, la parole na pas été ôtée à jamais de sa bouche,
1. Luc XX, 18. 2. Rom. X, 8-10. 3. Matth. X, 20. 4. Ps. CXVIII, 43. 5. Matth. XXVI, 70-75.
soit parce que devant lapostasie dun grand nombre dautres demeuraient forts, et combattaient jusquà la mort pour la vérité, soit parce que dans ces renégats beaucoup se relevaient. Quand nous entendons dire à Dieu: « Nôtez pas », il nous faut comprendre: Ne souffrez pas que lon môte; dans le même sens que nous disons dans notre prière : « Ne nous induisez pas en tentation ». Le Seigneur lui-même dit à Pierre : « Jai prié pour toi, afin que ta foi ne vienne point à défaillir 2 »; cest-à-dire, afin que la parole de vérité ne fasse point défaut dans ta bouche « pour toujours ». « Parce que jai espéré dans vos jugements », dit le Prophète; ou comme il y a plus expressément dans le grec, « jai surespéré 3»; expression moins usitée, mais qui répond à la nécessité dinterpréter la vérité. Il nous faut donc examiner avec attention le sens de ces paroles, afin de comprendre avec le secours de Dieu ce que signifie : « Jai espéré dans vos paroles, jai surespéré dans vos jugements ». « Je répondrai»,dit le Prophète, « je répondrai à mes insulteurs une parole, parce que jai espéré en vos paroles»; cest-à-dire, parce que vous mavez fait cette promesse : « Et nôtez pas à jamais de ma bouche la parole de la vérité, parce que jai surespéré dans vos jugements » ; cest-à-dire, parce que ces jugements que vous exercez en me redressant et en me châtiant, non-seulement ne môtent point lespérance, mais laffermissent en moi; car le Seigneur corrige celui quil aime, et il flagelle celui quil reçoit parmi ses enfants. Or, voilà que les saints, les humbles de coeur, en mettant leur espoir en vous, nont point failli dans les persécutions : ceux mêmes qui sont tombés en sappuyant sur eux-mêmes, et qui néanmoins appartiennent à votre corps, ont pleuré en reconnaissant leur misère, et ont retrouvé une grâce dautant plus ferme quils ont déposé leur orgueil. Donc u nôtez pas à jamais « de ma bouche votre parole, parce que vos jugements sont toute mon espérance». 4. « Et je garderai toujours votre loi ». Cest-à-dire, si vous nôtez pas de ma bouche la parole de la vérité, « je garderai votre loi, toujours, et dans les siècles des siècles ». Le Prophète nous donne ici la signification de « toujours». Souvent, en effet, « toujours »signifie pendant la vie dici bas; mais alors ce
1. Matth. VI, 13. 2. Luc, XXII, 32. 3. Grec, epelpisa.
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nest point « dans le siècle et dans les siècles des siècles »; toutefois la traduction vaut mieux que celle de certains exemplaires qui portent : « Dans léternité, et dans les siècles des siècles » , parce quils nont pu dire : « Et dans léternité de léternité ». Il faut donc entendre par la loi, celle dont lApôtre a dit : « Lamour est la plénitude de la loi ». Telle est la loi que garderont les saints dont la bouche ne cessera de dire la vérité, cest-à-dire lEglise du Christ qui la gardera non seulement dans le siècle, cest-à-dire pendant
1. Rom. XIII, 10.
la durée du monde, mais encore dans lautre vie, que lon appelle ici le « siècle du siècle». Là, en effet, nous naurons point à garder les préceptes de la loi, comme ici-bas, mais la plénitude de la loi, que nous garderons sans craindre de loffenser, parce que nous aimerons Dieu plus parfaitement quand nous le verrons, ainsi que notre prochain, puisque Dieu sera tout en tous 1, et que nous naurons aucune occasion de soupçonner faussement le prochain, parce que nul ne sera inconnu aux autres.
1. I Cor. XV, 28.
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