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VINGT-UNIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIII.SOUPIRS DE LÉGLISE VERS LE CIEL.
Le Prophète aspire au ciel où demeure éternellement la parole de Dieu, puis il se rabat sur la terre où il voit passer les générations qui se transmettent sa parole. Ces deux générations sont lAncien et le Nouveau Testament, et ceux de lAncien qui se sont sanctifiés appartenaient au Nouveau, étaient fondés sur Jésus-Christ, qui est le véritable jour. Afin de ne point périr tians son abaissement, le Prophète médite la loi de Dieu; il est à Dieu, et non à lui-même; les exemples des pécheurs leussent perdu, sil neût compris par les témoignages de Dieu quil vaut mieux mourir quabandonne cette loi.
1. Il semble que linterlocuteur de notre psaume est pris dennui à cause de linconstance des hommes, qui nous fait de la vie une source de tentations. Environné par la tribulation qui lui fait dire : « Les injustes mont persécuté »; et encore: « Peu sen faut quils ne maient anéanti sur la terre », il senflamme dup saint désir pour la Jérusalem céleste, et élevant les yeux en haut il sécrie : « Cest pour léternité, Seigneur, que votre parole demeure dans les cieux 1 » ; cest-à-dire dans les saints anges qui gardent, sans la déserter jamais, la milice éternelle. 2. Après le ciel, le verset suivant nous parle de la terre, car il est encore un des huit qui appartiennent à cette lettre de lalphabet. A chacune de ces lettres, en effet, sont joints huit
1. Ps. CXVIII, 69.
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versets jusquà la fin de ce long psaume. « Votre vérité passe de génération en génération ; vous avez fondé la terre qui demeure toujours ». Donc, après le ciel, il jette sur la terre un regard de foi; il y trouve des générations qui ne sont point dans le ciel, et il sécrie : « Votre vérité passe de génération en génération ». Cette répétition peut signifier toutes les générations, tantôt plus, tantôt moins fécondes en saints, chez qui sest trouvée la vérité de Dieu. Selon la diversité des temps passés ou à venir, le Prophète peut même avoir en vue deux générations, lune embrassant la loi et les Prophètes, lautre embrassant les temps de lEvangile. Expliquant ensuite pourquoi la vérité ne manque jamais à ces deux générations, « vous avez fondé la terre », dit le Prophète, « et elle demeure » ; appelons terre ceux qui habitent la terre. « Or, nul ne saurait poser un fondement autre que celui qui est posé, et qui est Jésus-Christ ». Car cette génération, qui embrasse la loi et les Prophètes, nen avait pas moins pour fondement Jésus-Christ, à qui la loi et les Prophètes rendaient témoignage 2. Ou bien, faudrait-il ranger Moïse et les Prophètes parmi les fils de cette servante qui engendre pour lesclavage, et non parmi les fils de lépouse libre qui est notre mère 3, à qui un homme dit : Sion, vous êtes ma mère; et cet homme a été fait en elle, et il est lui-même le Très-Haut qui la fondée 4? II est en effet le Très-Haut en son Père, et à cause de nous il sest fait très-humble en cette mère; celui qui était Dieu au-dessus delle, a été fait homme en elle. Tel est, Seigneur, le fondement sur lequel vous avez basé la terre, et elle demeure; car, solidifiée sur un tel fondement, elle ne sera pas ébranlée dans le siècle des siècles 5; elle demeurera dans ceux à qui vous donnerez la vie éternelle. Quant à ceux qui sont nés de la servante, qui appartiennent à lAncien Testament dont les ombres couvraient le Nouveau, ils nont eu du goût que pour les choses terrestres, et ne demeureront point, « car le serviteur ne demeure point toujours dans la maison du maître, mais le Fils y demeure éternellement 6 ». 3. « Le jour se maintient dans votre loi 7 ». Tout ce qui vient dêtre marqué est un jour,
1. I Cor. III, 11. 2. Rom. III, 21. 3. Gal. IV, 24,26. 4. Ps. LXXXVI, 5. 5. Id. CIII, 5. 6. Jean, VIII, 35. 7. Ps. CXVIII, 91.
et ce jour est celui que le Seigneur a fait: soyons dans la joie, livrons-nous à lallégresse 1, et marchons dans la décence comme au grand jour 2. « Tout vous est assujéti ». Tout, cest-à-dire tout ce qui tient à ce jour, tout ce dont on vient de parler, tout cela vous est assujéti. Mais les impies dont il est dit: « Jai comparé votre mère à la nuit 3 », ne servent point le Seigneur. 4. Le Prophète examine ensuite de quel état la terre sera délivrée, afin de demeurer affermie; il ajoute: « Si je neusse médité votre loi, jeusse probablement péri dans mon abaissement 4 ». Cette loi est celle de la foi; non dune foi stérile, mais dune foi qui opère au moyen de la charité 5. Cest par elle que lon obtient la grâce qui nous donne la force dans les tribulations du temps, de peur que nous ne périssions dans lhumiliation de cette vie mortelle. 5. « Je noublierai jamais », dit-il, « vos ordonnances, parce quen elles vous mavez donné la vie 6 ». De là vient quil na point péri dans son humiliation. Car, si Dieu ne nous vivifiait, que serait-ce que lhomme qui peut se dérober à la vie, mais non se la donner? 6. Ensuite il ajoute : « Je suis à vous, sauvez-moi, car je recherche vos justifications 7 ». Ne passons point légèrement sur cette parole: « Pour moi, je suis à vous ». Quest-ce qui nest pas à Dieu? Et parce quon dit que Dieu est dans le ciel, faut-il croire quil y ait sur la terre quelque chose qui ne soit point à lui; quand surtout nous chantons dans un autre psaume : « La terre est au Seigneur, et tout ce quelle contient, lunivers entier et tous ceux qui lhabitent 8? » Pourquoi donc linterlocuteur a-t-il voulu se recommander tout particulièrement à Dieu, en disant: « Pour moi, je suis à vous, sauvez-moi » , sinon afin de nous prévenir que, pour son malheur, il a voulu être à lui-même, par la désobéissance qui est le premier et le plus grand mal? Comme sil nous eût dit: Jai voulu être à moi, et je me suis perdu. « Je suis à vous», reprend-il, « sauvez-moi, parce que jai recherché vos justifications » ; non plus ces volontés par lesquelles jétais à moi, mais vos justifications, afin dêtre à vous. 7. « Cest moi», dit-il, « que les pécheurs ont
1. Ps. CXVIII, 24. 2. Rom. XIII, 13. 3. Osée, IV, 5, suiv. les Septante. 4. Ps. CXVIII, 92. 5. Gal. V, 6. 6. Ps. CXVIII, 93. 7. Id. 94. 8. Id. XXXIII, 1.
attendu pour me perdre; mais jai compris vos commandements 1 ». Quest-ce à dire, « ont attendu pour me perdre ? » Lui auraient-ils tendu des embûches, attendant son passage pour le tuer? Craignait-il donc la mort du corps? Loin de là. Que signifient donc ces paroles: « Ils mont attendu », sinon quils ont voulu le porter au mal? Ils leussent alors perdu. Or, il nous montre pourquoi il na point péri: « Jai compris vos témoignages », nous dit-il. Mais lexpression grecque: « Jai compris vos martyres », est plus familière dans lEglise. Et quand ils eussent puni de mort ma résistance à leurs impiétés, ce nest point périr que vous rendre témoignage. Mais ceux qui attendaient mon assentiment pour me perdre, me tourmentaient quand je vous confessais : et toutefois il nabandonnait point ce quil avait compris; il envisageait et voyait cette fin qui serait sans fin, sil persévérait jusquà la fin. 8. Le Prophète continue: « Jai vu la dernière consommation de toutes choses, votre loi est dune étendue infinie 2 ». Il avait pénétré dans le sanctuaire de Dieu, et avait compris la fin des choses 3. Or, par consommation, il faut, je crois, entendre ici, combattre à mort pour la vérité 4, endurer tous les maux pour le bien le plus réel et le plus grand; et
1. Ps. CXVIII, 95. 2. Id. 96. 3. Id. LXXII, 17. 4. Eccli. IV, 33.
la fin de cette consommation serait dêtre élevé en gloire dans le royaume du Christ, qui na point de fin, dy posséder, sans craindre la mort ou la douleur, une vie souverainement glorieuse, une vie acquise par la mort, par les douleurs et les opprobres de cette vie. Cette loi dune étendue infinie, je ne saurais lentendre que de la charité. De quoi servirait en face de la mort la plus atroce, et au milieu des plus affreux supplices, de rendre témoignage à la vérité, si la charité ne dictait cette confession? Ecoutons lApôtre: « Quand je livrerai mon corps pour être brûlé, si je nai point la charité, tout cela ne me sert de rien 1. Or, cet amour de Dieu a été répandu « dans nos coeurs, par le Saint-Esprit qui nous a été donné 2». Mais cette effusion nous met au large, et si nous sommes au large, nous parcourons sans peine la voie étroite, avec la grâce de ce même Dieu à qui nous disons : « Vous avez élargi la voie sous mes pieds, et mes démarches nont pas été affaiblies 3 ». Il est donc large ce commandement de la charité, et il est double, puisquil nous fait aimer Dieu et le prochain. Pourrait-elle être plus vaste quand elle renferme la loi et les Prophètes 4?
1. I Cor. XIII, 3. 2. Rom. V, 5. 3. Ps. XVII, 37. 4. Matth. XXII, 37.40.
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