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SEIZIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIII.LUNION A DIEU.
Tout homme qui garde la loi du Seigneur, a le Seigneur en partage. Mais comme il ne saurait garder cette loi sans le secours de lEsprit-Saint, il doit linvoquer. Fortifié par ce secours, il se détournera de liniquité, ne craindra ni les embûches du démon, ni les scandales des hommes, et confessera plus hautement le Seigneur à mesure que sélèvera la persécution. Alors le Christ sunit à son serviteur, et par une faveur nouvelle, il en fait un serviteur par amour, et non par crainte.
1. Dans notre long psaume nous entreprenons dexpliquer, avec le secours de Dieu, les versets suivants: « Le Seigneur est ma portion », ou, comme dautres ont traduit: « Seigneur, vous êtes mon héritage 1 ». Ces deux expressions signifient-elles que tout homme a sa part en Dieu, dès lors quil sattache à lui, selon cette parole : « Il mest bon de mattacher au Seigneur 2? » Ce nest point en effet parce quun homme existe quil est dieu, mais il le devient par sa participation à celui qui est seul et vrai Dieu. Ou bien le Seigneur est-il notre portion à la manière dont les hommes se choisissent ici-bas, ou obtiennent par le sort, celui-ci telle portion, celui-là telle autre qui le fait vivre; et quen un certain sens le partage des justes serait le Seigneur qui leur donne la vie éternelle? Ces deux sens nont rien dabsurde. Mais écoutons ce qui suit : « Je lai dit, cest de garder
1. Ps. CXVIII, 57. 2. Id. LXXII, 28.
votre loi ». Quest-ce à dire: « Ma portion, Seigneur, je lai dit, cest de garder votre loi », sinon que le Seigneur sera notre héritage à mesure que nous garderons sa loi? 2. Mais comment la peut-il garder sans le don et le secours de lEsprit qui vivifie, de peur que la lettre ne tue 1, et que le péché à loccasion du précepte ne soulève dans lhomme toute concupiscence 2? Il faut donc invoquer cet Esprit, et cest alors que la foi obtient de lui ce quordonne la loi : quiconque en effet invoquera le nom du Seigneur sera sauvé 3. Aussi voyez ce quajoute le Prophète : « Jai imploré votre présence du fond de mon coeur ». Et pour montrer comment il a prié : « Ayez pitié de moi », dit-il, « selon votre parole ». Et comme il a été exaucé et secouru par celui quil avait invoqué: «Jai réfléchi », nous dit-il, « à mes voies, et jai ramené mes pieds
1. II Cor. III, 6. 2. Rom. VII, 8. 3. Joël, II, 32 ; Rom. X, 13.
dans le sentier de vos préceptes 1 ». Je les ai ramenés de mes voies qui mont déplu, et je les ai fait marcher dans vos préceptes qui seront leur sentier. Dans plusieurs exemplaires, on ne lit point : « Parce que jai réfléchi », comme dans quelques-uns, mais simplement: « jai réfléchi ». Cette phrase encore : « Jai détourné mes pieds», se lit ailleurs: «Parce que jai réfléchi et que vous avez détourné mes pieds », pour attribuer plutôt à la grâce de Dieu une telle conversion, selon cette parole de lApôtre: « Cest Dieu qui agit en vous 2 »; cest à lui que lon dit: « Détournez mes yeux afin quils ne voient point la vanité ». Si donc il détourne les yeux afin quils ne voient point la vanité, pourquoi ne détournerait-il pas les pieds de peur quils ne ségarent? Cest encore pour cela quil est écrit : « Mes yeux sont toujours fixés sur le Seigneur, parce quil détournera tues pieds des embûches 3». Mais quon lise: vous avez détourné mes pieds, ou bien jai détourné mes pieds, nous ne pouvons le faire que par celui dont le Prophète a imploré la présence de tout son coeur, et à qui il a dit: « Ayez pitié de moi, selon votre parole », cest-à-dire selon votre promesse. Car ce sont les fils de la promesse qui composent la postérité dAbraham 4. 3. Enfin, après avoir obtenu ce bienfait de la grâce: « Je suis prêt », dit le Prophète, « et rien ne une trouble dans laccomplissement de vos préceptes 5 ». Quelques-uns ont traduit: « Pour garder vos préceptes »; dautres, « afin de garder »; dautres encore, «à garder », daprès le grec tou phulaxastai. 4. Pour montrer combien il est prêt à garder les préceptes du Seigneur, le Prophète ajoute: « Les filets des pécheurs mont environné, mais je nai point oublié votre loi 6». Ces filets des pécheurs sont les obstacles des ennemis, soit spirituels, comme le diable et ses anges, soit charnels, comme les incrédules, en qui le démon agit comme il lui plaît 7. Car ces funes peccatorum du latin, ne signifient point filets des péchés, mais bien filets des pécheurs, comme on le voit par le grec 8. Quand par leurs menaces ils effraient les justes, et les détournent de souffrir pour la loi de Dieu, ils les environnent de leurs filets, et les retiennent, pour ainsi dire, de leurs cordes. Ils
1. Ps. CXVIII, 58, 59. 2. Philipp. IX, 13 3. Ps. XXIV, 15. 4. Rom. IX, 8, 9. 5. Ps. CXVIII, 60. 6. Id. 61, 7. Ephés. II, 2. 8. Amartolon .
traînent en effet leurs péchés comme une longue chaîne 1, dont ils sefforcent de garrotter les saints, et quelquefois Dieu le permet. Mais enlacer le corps ce nest point enlacer lâme, puisque notre interlocuteur na point oublié la loi de Dieu, et en effet la parole de Dieu nest point enchaînée 2. 5. « Au milieu de la nuit», dit le Prophète, « je me levais pour vous rendre témoignage, à cause des jugements de votre justice 3 ». Car cest par un jugement de la justice divine que les liens des pécheurs environnent le juste. Cest ce qui a fait dire à lapôtre saint Pierre que voici le temps auquel « Dieu doit commencer son jugement par sa propre maison. Et sil commence par nous», dit-il, « quelle sera la fin de ceux qui ne croient point à lEvangile? Et si le juste à peine est sauvé, que deviendront le pécheur et limpie 4? » Or, il parlait ainsi des persécutions quendurait lEglise, quand les filets des pécheurs lenvironnaient de toutes parts. Dès lors, par milieu de la nuit, on doit entendre, je crois, le plus terrible moment de la persécution. « Je me levais », dit linterlocuteur, parce que la persécution laffligeait, sans labattre; elle lexerçait au contraire et le faisait lever: cest-à-dire que la tribulation lui donnait des forces pour confesser le Seigneur avec plus de courage. 6. Mais commue tout cela ne sopère quau moyen de la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, voilà que tians cette prophétie le Sauveur va joindre sa voix à la voix de son corps mystique. Car cest bien le chef, je crois, que nous entendons dans ces paroles : « Je u suis associé à tous ceux qui vous craignent et u qui gardent vos préceptes 5 ». Ainsi quil est marqué dans lEpître aux Hébreux : « Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés viennent tous dun seul. Cest pourquoi il ne rougit point de les appeler ses frères ». Et un peu après : « Comme donc les enfants sont revêtus de chair et de sang, lui-même aussi en a été revêtus 6». Mais quest-ce dire autre chose sinon quil leur est associé? Nous ne pourrions en effet participer à sa divinité, si lui-même ne participait à notre nature mortelle. Dans un autre endroit de lEvangile cette participation à la divinité est ainsi énoncée: « Il a donné le pouvoir de devenir
1. Isa. V, 18. 2. II Tim. II, 9. 3. Ps. CXVIII, 62. 4. I Pierre, IV, 17, 18. 5. Ps. CXVIII, 63. 6. Hébr. II, 11, 14.
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enfants de Dieu à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de lhomme, mais de Dieu 1 ». Et comme, pour nous accorder cette faveur, il a pris part à notre mortalité, lEvangéliste continue : « Et le Verbe sest fait chair, et a demeuré parmi nous ». Cette participation nous donne la grâce de craindre Dieu dune crainte chaste, et daccomplir ses commandements. Cest donc Jésus-Christ qui parle dans cette prophétie : mais certaines paroles appartiennent à ses membres dans lunité du corps, qui ne forme quun seul homme répandu dans lunivers entier, et qui saccroît avec le cours des
1. Jean, I, 12, 13.
siècles; dautres paroles appartiennent au chef lui-même. Cest ce quil nous marque dans ces mots : « Je suis associé à tous ceux qui vous craignent, et qui gardent vos préceptes ». Et comme il a pris part avec ses frères, Dieu avec les hommes, limmortel avec les mortels, voilà que le grain est tombé en terre, afin dy mourir et de produire ainsi beaucoup de fruits; et cest de ces fruits quil nous dit aussitôt: « La terre est pleine de la miséricorde du Seigneur ». Et comment, sinon parce que limpie est devenu juste? Et afin davancer rapidement dans la science de la grâce, le Prophète ajoute : « Enseignez-moi vos ordonnances ».
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