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VINGT-SEPTIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CXVIII.LE SECOURS DE LA GRÂCE.
Etudier à fond les témoignages du Seigneur, cest là une tâche difficile à un homme, et toutefois il est bon détudier ce quil y a dadmirable, détonnant dans sa loi. Cette loi, oeuvre dun Dieu bon, ne donnait ni la justice, ni la vie ; le Prophète en a recherché ta cause, et il a trouvé que cette loi se bornait à indiquer le péché, afin de nous humilier, et de nous démontrer quil nous faut le secours de Dieu, et de nous le faire demander. Voilà ce qua compris le Prophète, et il invoque te Seigneur qui nous a aimés le premier, lui demandant de le servir par amour, de résister aux persécutions qui le détournaient du service de Dieu, de connaître la loi dune manière pratique; il shumilie à cause de ses fautes.
1. Voici les versets du psaume que nous allons vous exposer avec le secours de Dieu: « Vos témoignages sont admirables, et cest pourquoi mon âme les a sondés 1 ». Qui peut énumérer au moins sommairement les témoignages de Dieu? Le ciel et la terre, les oeuvres visibles, et les oeuvres invisibles, sont en quelque manière le témoignage de sa bonté, comme de sa grandeur; ce cours si régulier et si répété de la nature, le temps qui entraîne dans son cours toutes sortes de créatures quoique passagères et mortelles, tout cela que lhabitude nous rend moins sensible, nen rend pas moins témoignage au Créateur, quand on le considère avec une pieuse attention. Quy a-t-il dans ces créatures qui ne soit point admirable, quand on en juge, non daprès lusage, mais daprès la raison ? Et si nous embrassons comme dun seul regard tout cet ensemble, ne se vérifie-t-elle point cette parole du Prophète: « Jai considéré vos oeuvres, et jen ai été dans lextase 2?» Et toutefois notre interlocuteur nest point hors de lui-même en admirant ces ouvrages; mais il nous dit quil a dû les étudier avec tant de soin parce quils sont admirables. Après cette exclamation en effet: « Combien sont admirables les témoignages du Seigneur » , il ajoute : « Cest pour cela que mon âme les a sondés»; comme si la difficulté de les sonder avait stimulé sa curiosité. Plus un effet est caché dans sa cause, et plus il est admirable. 2. Quun homme donc sen vienne dire quil étudie les témoignages du Seigneur, parce quil les trouve admirables; ne pourrions-nous pas, en voyant que toutes les créatures qui se révèlent ou qui se dérobent à nos yeux,
1. Ps. CXVIII, 129. 2. Habac. III, 1.
sont pleines de ces témoignages, larrêter en disant: « Ne cherche point au-dessus de toi, et ne sonde point ce qui est plus fort que toi, mais repasse toujours en ton esprit ce que Dieu ta commandé 1? » Mais il nous répond en disant : Ces préceptes du Seigneur, que vous me recommandez de méditer, sont ces mêmes témoignages que je trouve admirables, car ils nous attestent que cest le Seigneur qui commande, et quil est grand et bon dès lors quil donne de semblables préceptes: oserions-nous dès lors le détourner détudier ces commandements, et ne serions-nous pas les premiers à lexciter à sadonner de toutes ses forces à un travail si important? Ou bien en viendrons-nous à confesser que les préceptes du Seigneur sont des témoignages de sa bonté, tout en niant quils soient admirables? Quy a-t-il dadmirable, en effet, quun Dieu qui est bon commande le bien? Ce qui est tout à fait étonnant, au contraire, cest quun Dieu qui est bon et qui ordonne le bien, ait néanmoins donné une loi qui est bonne à des hommes quelle ne pouvait justifier, puisque cette loi, quelque bonne quelle fût, ne leur donnait point la justice ? « Car si la loi qui a été donnée pouvait donner la vie, la justice viendrait de la loi 2». Pourquoi donc en donner une qui ne pouvait ni donner la vie, ni donner la justice? Voilà ce qui doit nous étonner, nous effrayer. Voilà ce quil y a dadmirable dans les témoignages de Dieu : et lâme du Prophète les a sondés, parce que lon ne saurait lui dire à ce sujet : « Ne sonde pas ce qui est plus fort que toi, mais repasse toujours en ton esprit ce que Dieu ta commandé 3 » ; puisque cest cela
1. Eccli. III, 22. 2. Gal. III, 21. 3. Eccli. III, 22.
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même que le Seigneur a commandé, et que dès lors on doit toujours méditer. Voyons plutôt ce qua trouvé lâme du Prophète après avoir sondé. 3. « La révélation de vos promesses répand la lumière et donne lintelligence aux petits 1 ». Quels sont ces petits, sinon les humbles et les faibles? Loin de toi donc tout orgueil ! arrière toute présomption de tes forces qui sont nulles, et tu comprendras pourquoi Dieu a donné une loi qui était bonne, sans pouvoir néanmoins donner la vie. Car le but de la loi était de rabattre ta grandeur pour te faire petit, de te montrer que tu nas pas en toi-même la force daccomplir la loi, de te forcer dans ton indigence et ton dénuement à recourir à la grâce et de técrier: « Ayez pitié de moi, Seigneur, à cause de ma faiblesses 2». Voilà que la méditation a fait comprendre au Prophète, qui est petit, cette vérité que nous montre celui qui se dit le moindre des Apôtres, saint Paul, lequel se fait petit enfant, cest-à-dire quune loi impuissante à nous vivifier nous a été donnée : « Parce que lEcriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse faite par Dieu fût accomplie par la foi en Jésus-Christ à légard de ceux qui croiront 3 ». Ainsi soit-il, Seigneur! Oui, ainsi soit-il, Dieu de miséricorde! commandez ce quon ne saurait accomplir, ou plutôt commandez ce quon ne saurait accomplir que par votre grâce, afin que cette impuissance des hommes à rien faire par leurs propres forces « leur ferme la bouche », et que nul ne croie plus à sa grandeur. Que tous deviennent petits, tous coupables devant vous. « Parce que nul homme ne sera justifié devant Dieu par les oeuvres de la loi ; car la loi ne donne que la connaissance du péché. Maintenant la justice que Dieu donne sans la loi nous a été découverte, attestée par la loi et par les Prophètes 4». Tels sont vos admirables témoignages qua sondés lâme de cet humble enfant, et il les a découverts, parce quil sest fait humble et petit. Qui pourrait accomplir vos préceptes comme on doit les accomplir, cest-à-dire par la foi qui opère dans la charité 5, si votre Esprit-Saint ne répandait lui-même cette charité dans les coeurs 6? 4. Voilà ce que proclame cet interlocuteur
1. Ps. CXVIII, 130. 2. Id. VI, 3. 3. Gal. III, 21, 22. 4. Rom, III, 19-21. 5. Gal, V, 6. 6. Rom. V, 5.
devenu humble: « Jai ouvert ma bouche », nous dit-il, « et jai attiré lesprit, parce que je brûlais dardeur pour vos commandements 1 ». Que désirait-il, sinon daccomplir ces préceptes? Mais, faible et petit, il ne pouvait accomplir des oeuvres fortes et grandes; il a ouvert la bouche, confessant ainsi ce quil ne pouvait faire de lui-même, et il a attiré la force de le faire; il a ouvert la bouche en demandant, en cherchant, en frappant 2; dans sa soif, il a puisé lesprit de sainteté qui lui a fait accomplir ce quil ne pouvait par lui-même, cest-à-dire une loi sainte, et juste, et bonne 3. Si nous, en effet, quoique méchants, nous savons donner ce qui est bon ànos enfants, à combien plus forte raison Dieu donnera-t-il du ciel lEsprit de sainteté à ceux qui le demandent 4? Ce ne sont point ceux qui agissent par leur sens propre, mais tous ceux qui sont dirigés par lEsprit de Dieu, qui sont fils de Dieu 5; non queux-mêmes ne fassent rien, mais de peur quils ne fassent rien de bon, cest la bonté même qui les fait agir. Car chacun devient de plus en plus enfant de Dieu, à mesure que Dieu répand plus largement en lui lEsprit de sainteté. 5. Enfin le Prophète continue à prier. Il a ouvert la bouche et attiré lEsprit, mais il frappe encore à la porte du Père céleste; il cherche encore. Il a bu; mais plus il a goûté de délices, et plus ardente est sa soif. Ecoutez les paroles de celui qui a soif: « Jetez les yeux sur moi », dit-il, « et prenez-moi en pitié, selon vos décrets envers ceux qui aiment votre nom 6 »; cest-à-dire, selon votre décret envers ceux qui aiment votre nom; afin quils vous aiment, vous les aimez le premier. Cest ce que dit saint Jean : « Nous aimons Dieu », dit-il; et comme si nous lui demandions le motif de cet amour, il ajoute: « Parce quil nous a aimés le premier 7 ». 6. Vois encore ce que nous dit clairement le Prophète: « Dirigez mes pas selon vos préceptes, et que liniquité nexerce point sur moi son empire 8 ». Quest-ce dire autre chose que: Donnez-moi la droiture et la liberté selon votre promesse? Plus en effet lamour de Dieu règne dans une âme, et moins liniquité y domine. Quel est donc lobjet de sa prière, sinon daimer Dieu par le
1. Ps. CXVIII, 131. 2. Matth. VII, 7. 3. Rom. VII, 12. 4. Luc, XI, 10, 13. 5. Rom. VIII, 14. 6. Ps. CXVIII, 132. 7. I Jean, IV, 19. 8. Ps. CXVIII, 133.
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secours de Dieu? En aimant Dieu il saime lui-même, afin de pouvoir saintement aimer son prochain comme lui-même, double précepte que renferment la loi et les Prophètes 1: sa prière ne se réduit-elle pas à demander que Dieu lui fasse accomplir par sa grâce les préceptes quil lui impose? 7. Mais que signifie cette parole : « Délivrez-moi des calomnies des hommes, afin que je garde vos commandements 2? » Si les reproches des hommes sont vrais, il ny a point calomnie; sils sont faux, à quoi bon. demander la délivrance de ces calomnies ou de ces fausses récriminations qui ne sauraient lui être nuisibles ? Car une fausse imputation ou une calomnie ne rend un homme coupable quau tribunal dun homme; mais au tribunal de Dieu, il ny a pas de fausse imputation, elle serait plutôt nuisible à laccusateur quà laccusé. Nest-ce point là par avance la prière de lEglise et de tout le peuple chrétien qui a été délivré des calomnies dont les hommes le flétrissaient de toutes parts à cause de ce nom de Chrétiens? Mais est-ce bien à cause de cette délivrance quil garde les commandements de Dieu ? Ne les gardait-il pas au milieu des calomnies, et nétait-il pas plus glorieux pour lui dobéir aux préceptes de Dieu, en dépit des tribulations, et de résister aux persécuteurs qui le poussaient à limpiété? Ces paroles donc : « Délivrez-moi des calomnies des hommes, afin que je garde vos commandements », signifient, répandez en mon âme votre Esprit-Saint, de peur que cédant à la crainte et aux calomnies des hommes, je ne me détourne de leurs préceptes pour adopter leurs vices. Si vous en agissez ainsi avec moi, cest-à-dire si vous me délivrez des calomnies en maccordant la patience, afin que je ne redoute aucunement leurs récriminations, je garderai vos préceptes au milieu même des calomnies. 8. « Faites briller sur votre serviteur la lumière de votre face 3». Cest-à-dire, manifestez votre présence en me fortifiant de vos grâces, « et enseignez-moi vos préceptes », de telle
1. Matth. XXII, 37-40. 2. Ps. CXVIII, 134. 3. Id. 135.
sorte que je les pratique ; ce qui est dit plus clairement dans un autre psaume : « Enseignez-moi, Seigneur, à faire votre volon té 1». Nallons pas croire en effet quils ont appris la loi, ceux qui lont entendue et retenue de mémoire, sans la pratiquer. La Vérité a dit elle-même : « Quiconque a ouï le Père et a eu lintelligence, vient à moi 2». Donc, il na rien appris celui qui ne vient pas, cest-à-dire qui ne pratique pas. 9. Rappelant en son âme la douloureuse pénitence quil fit de son péché, le Prophète sécrie : « Mes yeux ont versé des torrents de larmes, parce quils nont point gardé votre loi 3 », cest-à-dire mes yeux. On lit en effet dans certains exemplaires: « Parce que je nai point gardé votre loi, mes yeux ont descendu des torrents de larmes ». Comme on dirait, mes pieds ont descendu la montagne, et non à travers la montagne, ou par la montagne, comme on dit encore descendre une échelle, et non le long dune échelle. On dit encore en latin, piscinam descendit, descendre la piscine; et non descendit in piscinam, descendre dans la piscine. Le Prophète se sert admirablement du mot descendre, pour marquer lhumiliation dans la pénitence; ses yeux étaient montés en effet quand un orgueil obstiné les avait dirigés en haut. Ils se croyaient fort élevés, lorsque dans leur ignorance de la justice de Dieu, ils prétendaient établir leur propre justice 4; mais fatigués de ces efforts et confus des violations de la loi, ils sont descendus de ces hauteurs, et ont versé des larmes pour obtenir la justice de Dieu par la pénitence. Dans certains exemplaires, au lieu de descendendit, on lit transierunt, mes yeux ont surpassé les torrents deau; ce qui serait une exagération pour dire que ses larmes ont surpassé leau des fontaines, et nous donnerait à comprendre par ces torrents deau que ses larmes ont été plus abondantes que leau des fleuves. Mais, pourquoi pleurer ainsi, parce quon na point gardé la loi, sinon afin dobtenir la grâce qui efface le péché de lhomme pénitent, et qui soutient la volonté du fidèle?
1. Ps. CXLII, 10. 2. Jean, VI, 45. 3. Ps. CXLII, 136. 4. Rom. X, 3.
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