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DIXIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT DE L’ÉVANGILE « APRÈS QUOI IL DESCENDIT A CAPHARNAÜM, AINSI QUE SA MÈRE », JUSQU’A : « OR, IL DISAIT CELA DU TEMPLE DE SON CORPS ». (Chap. II, 12-21.)

LE TEMPLE DE DIEU.

 

Jésus vint à Capharnaüm avec sa mère, ses frères, c’est-à-dire ses parents charnels; puis il monta à Jérusalem. Arrivé au temple, il en chassa les vendeurs avec un fouet fait de cordes. Ce fouet était une image de nos péchés, qui nous précipitent dans les ténèbres extérieures ; les vendeurs de brebis et de colombes représentaient ceux qui cherchent leur profit temporel dans la dispensation des dons du Saint-Esprit; les vendeurs de boeufs figuraient ceux qui altèrent les oracles des Prophètes et des Apôtres pour s’attirer mie gloire humaine; à l’exemple de Jésus nous devons être animés, même dans nos il maisons, du zèle des intérêts de Dieu. Les Juifs lui demandèrent une preuve du pouvoir en vertu duquel il agissait ainsi, et il répondit : « Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours ». Il s’agissait de son corps.

 

1. Vous venez d’entendre dans le psaume les gémissements de ce pauvre dont, jusqu’à ta fin des siècles, les membres souffrent persécution par toute la terre. Faites donc tous vos efforts, mes frères, pour être avec ces membres et du nombre de ces membres; car toute persécution passera. « Malheur à ceux qui se réjouissent», dit la Vérité (1); « bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés (2) ». Dieu s’est fait homme; que deviendra l’homme en faveur de qui Dieu s’est incarné? Que cette espérance nous console dans toutes les tribulations et les épreuves de cette vie. Notre ennemi ne cesse de nous persécuter, et quand il ne sévit pas à découvert, il nous tend secrètement des embûches. Que fait-il en effet? « A leur fureur ils ajoutaient la ruse ». C’est pourquoi il est appelé lion et dragon. Mais qu’est-ce qui est dit à Jésus-Christ ? « Vous foulerez aux pieds le lion et le dragon (4)». Il est lion, à cause de sa vigueur qui agit à découvert; il est dragon, à cause de ses embûches cachées. Dragon, il a chassé Adam du paradis terrestre; lion, il a persécuté 1’Eglise, selon cette parole de Pierre: « Car le diable votre ennemi tourne comme un lion rugissant qui cherche quelqu'un à dévorer (5) ». Ne pense pas que le diable ait rien perdu de sa fureur, quand il flatte; c’est alors qu’il est plus à craindre. Mais que faire au milieu de ces tentations et de ces embûches? Ce que nous recommande le Psalmiste: « Pour moi, quand mes ennemis

 

1. Luc, VI, 25. — 2. Matth. V, 5.— 3. Ps. XXXIV, 20.— 4. Id. XC, 13. — 5. I Pierre, V, 8.

 

m’étaient à charge, je me revêtais du cilice et j’humiliais mon âme par le jeûne ». Il a quelqu’un pour t’exaucer; prie avec confiance; Celui qui t’exauce demeure en toi. Ne dirige pas tes regards vers les montagnes, ne lève pas les yeux vers la lune, le soleil ou les étoiles; ne pense pas qu’il t’exauce de préférence, quand tu vas sur la mer pour le prier; au contraire, aie de telles prières en horreur. Purifie seulement la chambre de ton coeur, et, n’importe où tu sois, n’importe où tu lui adresses tes prières, celui qui peut t’exaucer au dedans de toi, dans cette retraite intérieure que le Psalmiste appelle son sein, lorsqu’il dit: « Ma prière retournera dans mon sein »; celui qui t’exauce n’est pas hors de toi; ne va pas au loin, ne t’élèveras comme pour l’atteindre avec la main. Bien plus, si tu t’élèves, tu tomberas; mais si tu t’abaisses, il s’approchera de toi. C’est le Seigneur notre Dieu, le Verbe de Dieu, le Verbe fait chair, le Fils du Père, le Fils de Dieu, le Fils de l’homme; il est grand pour nous élever; il s’est humilié pour nous racheter; il a vécu au milieu des hommes, il a souffert ce que souffre l’homme, et caché ses grandeurs divines.

2. « Il descendit », comme dit l’Evangile, « à Capharnaüm, ainsi que sa mère, ses frères et ses disciples, et ils y demeurèrent peu de jours ». Jésus-Christ a donc une mère, des frères et des disciples; il a des frères par la même raison qu’il a une mère. Nos livres saints ont l’habitude d’appeler du nom de

 

1. Ps. XXXIV, 13.

 

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frères les enfants d’un même père et d’une même mère, ou d’une même mère, ou d’un même père, quoique d’une mère différente, et les cousins germains , enfants à degré égal, de deux frères ou de deux soeurs; mais ils ne sont pas seuls à être appelés frères par I’Ecriture. Comme elle parle, il fan! la comprendre. Elle a sa manière de parler; quiconque ne la saisit pas) se trouble et dit Comment? Jésus-Christ a eu des frères? Marie a-t-elle mis au monde d’autres enfants? Non: c’est de là qu’est venue la dignité des vierges. Marie a pu être mère, elle n’a pu être femme. Si on lui a donné ce nom, c’est en raison de son sexe, et non à cause de la perte de son intégrité virginale. On le lui a donné d’après la manière de s’exprimer propre à l’Ecriture même. Vous le savez, Adam n’a pas connu Eve aussitôt après qu’elle a été formée d’une de ses côtes, et pourtant elle a porté le nom de femme, immédiatement après sa création; «et de cette côte il forma une femme (1)». Quels étaient donc ces frères du Seigneur? C’étaient les parents de Marie, n’importe à quel degré. Comment le prouvons-nous? Par l’Ecriture. Loth a été appelé frère d’Abraham (2); or, il était le fils de son frère. Lis 1’Ecriture, et tu verras qu’Abraham était l’oncle paternel de Loth (3); cependant ils ont été appelés frères. Pour quelle raison, si ce n’est à cause de leur parenté. De même Jacob avait pour oncle maternel Laban, le Syrien; en effet, Laban était frère de la mère de Jacob, c’est-à-dire de Rébecca, femme d’Isaac (4). Lis 1’Ecriture, et tu verras que l’oncle et le fils de sa soeur sont appelés frères (5). Cette règle établie, tu comprendras que tous les parents de Marie étaient les frères de Jésus-Christ.

3. Mais ses disciples pouvaient plus justement encore être appelés ses frères. En effet, ses parents n’auraient pas été ses frères, s’ils n’avaient été ses disciples, ou ce titre de frère ne leur aurait servi de rien, si dans leur frère ils n’avaient reconnu leur maître. Aussi, un jour qu’il s’entretenait avec ses disciples, on vint à l’endroit où il se trouvait, pour lui annoncer que sa mère et ses frères l’attendaient dehors; « ma mère », dit-il, « et qui sont mes frères? Puis étendant la main sur ses disciples: Voici mes frères. Et quiconque fait la volonté de mon Père, celui-là

 

1. Gen. II, 22. — 2. Id. XIII, 8 ; XIV, 14. — 3. Id. XI, 21, 31. — 4. Id. XXVIII, 2. — 5. Id. XXIX, 12-15.

 

est ma mère, mon frère et ma sœur (1) ». Ainsi Marie elle-même a été sa mère, parce qu’elle a fait la volonté du Père. Ce que le Seigneur a loué en elle, c’est d’avoir fait la volonté du Père, et non pas de l’avoir enfanté selon la chair. Que votre charité soit attentive. Le Sauveur excitait un jour l’admiration de la multitude par les merveilles et les prodiges qu’il opérait, par les preuves qu’il donnait de sa divinité cachée sous les apparences d’un homme. Aussi certaines âmes émerveillées s’écrièrent-elles: « Heureux le sein qui vous a porté ». « Bien plus heureux », reprit-il, « ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique (2) ». C’était dire: Ma Mère elle-même, que vous appelez bienheureuse, l’est en raison de la fidélité avec laquelle elle garde la parole de Dieu, et non parce que le Verbe s’est fait chair en elle, pour habiter parmi nous (3). Elle est heureuse parce qu’elle garde cette Parole de Dieu par qui elle a été faite et qui s’est faite chair en elle. Que les hommes ne se réjouissent donc pas de la fécondité de leur union temporelle, qu’ils se réjouissent si leur âme est unie à Dieu. Nous avons ainsi parlé à cause de ce passage de 1’Evangileoù il est dit que Jésus habita peu de temps à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples.

4. Que dit ensuite l’Evangéliste? « La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem ». L’Evangéliste passe à un autre récit, selon que sa mémoire le lui fournit. « Et  ayant trouvé dans te temple des gens qui vendaient des boeufs, des brebis et des colombes et des changeurs assis, il fit un fouet avec des cordes et les chassa tous du temple, ainsi que les moutons et les boeufs ; il répandit par terre l’argent des changeurs et renversa leurs tables, et il dit à ceux qui vendaient des colombes: Otez tout cela d’ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». Que venons-nous d’entendre, mes frères? Ce temple n’était qu’une figure, et cependant le Seigneur en chasse tous ceux qui n’y venaient que pour leurs intérêts, qui s’y rendaient comme à un marché. Cependant, qu’y vendaient-ils? Ce dont les hommes avaient besoin pour les sacrifices de ce temps-là. Car votre charité ne l’ignore pas; afin d’empêcher les Juifs de se laisser entraîner au culte des idoles, Dieu

 

1. Matth. XII, 46-50. — 2. Luc, XI, 27, 28. — 3. Jean, I, 14.

 

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leur avait ordonné des sacrifices proportionnés à la grossièreté de leur esprit et à la dureté de leur coeur; aussi immolaient-ils dans le temple des boeufs, des brebis et des colombes; vous le savez, pour l’avoir lu. Ce n’était donc pas un grand mal de la part de ces marchands de vendre dans le temple ce qu’on leur achetait pour l’offrir ensuite dans le temple; et cependant, Jésus-Christ les en chasse. Que ferait-il donc s’il trouvait ici des ivrognes? Que ferait-il? Ceux qui vendaient des choses permises par la loi, sans enfreindre les règles de la justice (car ce qu’on achète sans blesser l’honnêteté, se vend licitement), le Sauveur n’a pas hésité à les exclure du temple; il n’a pas souffert que la maison de la prière devînt une maison de commerce. Si la maison de Dieu ne doit pas devenir une maison de négoce, doit-elle devenir une maison de débauche? Quand nous parlons de la sorte, les coupables grincent des dents contre nous; mais nous trouvons notre consolation dans les paroles du psaume que vous venez d’entendre : « Ils ont grincé des dents contre moi ». Nous savons aussi, par ce que nous entendons, nous guérir de leurs coups, bien qu’à vrai dire leurs fouets retombent sur Jésus-Christ; car c’est sa parole qui est flagellée: « Leurs traits se sont réunis contre moi, et ils ne l’ont pas su ». Jésus-Christ a été flagellé par les fouets des Juifs, il est flagellé aujourd’hui par les blasphèmes des mauvais chrétiens; ils multiplient les coups de fouet contre leur Seigneur, et ils ne le savent point. Faisons, nous autres, avec le secours de sa grâce, ce qui est marqué au même psaume: « Pour moi, lorsqu’ils m’étaient à charge, je me revêtais d’un cilice  et j’humiliais mon âme dans le jeûne (1)».

5. Disons-le pourtant, mes frères, Jésus-Christ n’a pas épargné les Juifs, et celui qui devait être flagellé par eux les a flagellés le premier. Et ce n’est pas sans vouloir nous signaler un mystère que, pour flageller ces indisciplinés qui faisaient du temple de Dieu une maison de commerce, il a composé un fouet avec de petites cordes. En effet, tout pécheur se fait à lui-même une corde de ses péchés. «Malheur », dit le Prophète, « à ceux qui traînent leurs péchés comme une longue corde (2) ». Quel est l’homme qui fait de ses péchés une longue corde? C’est celui qui

 

1. Ps. XXXIV, 13-16. — 2. Isa. V, 18, selon les Septante.

 

 

ajoute péché à péché. Comment ajoute-t-on péché à péché? En recouvrant sous d’autres péchés les péchés déjà commis. Quelqu’un a volé: pour que son vol ne soit pas découvert, il s’adresse à un magicien. C’était assez d’avoir volé, pourquoi vouloir ajouter péché à péché? En voilà deux. Lorsque ton évêque te détend d’avoir recours à un magicien, tu b1asphèmes contre lui, voilà trois péchés. Lorsque tu l’entends dire : Mettez-le hors de l’Eglise, tu dis : Je vais m’engager dans le parti de Donat; voilà un quatrième péché ajouté aux trois autres. La corde s’agrandit, prends-y garde. Lorsqu’elle sert ici-bas à te flageller, il est bon que tu te corriges, dans la crainte d’entendre, à la fin des siècles, ces paroles « Liez-lui les pieds et les mains et jetez-le dans les ténèbres extérieures ». « Car chacun est lié par la corde de ses péchés (1) ». La première de ces sentences est tirée de 1’Evangile; la seconde, d’un autre endroit de l’Ecriture; mais c’est le Seigneur qui les a prononcées toutes les deux : Les hommes sont liés par leurs péchés, et ils sont jetés dans les ténèbres extérieures.

6. Maintenant, quels sont ceux qui vendent les boeufs? Cette action est comme une figure dont il nous faut chercher le serfs mystérieux. Quels sont ceux qui vendent des brebis et des colombes? Ce sont ceux qui recherchent leurs intérêts au lieu de rechercher ceux de Jésus-Christ (2). Ceux-là sont prêts à tout vendre, qui ne souffrent pas qu’on les rachète; ils ne veulent pas être achetés, et ils veulent vendre. Il leur serait pourtant bon d’être rachetés par le sang du Sauveur, car ils pourraient, par là, parvenir à la paix qui vient de lui. A quoi sert, en effet, de se procurer en ce monde quelque avantage passager et temporel, l’argent, le plaisir du gosier et du ventre, la gloire qui résulte des louanges. humaines? Qu’est-ce que tout ce1a ? Du vent et de la fumée: autant de choses qui passent et s’en vont avec la rapidité de l’éclair. Malheur à ceux qui s’attachent aux choses passagères, parce qu’ils passeront avec elles! Qu’est-ce que tout cela? Un torrent impétueux qui se précipite dans la mer. Malheur à ceux qui y tombent, parce qu’il les entraînera avec lui dans l’abîme! Nous devons donc éloigner nos affections de pareils objets. Mes frères, ceux qui cherchent à se procurer ces

 

1. Matth. XXII, 13. — 2. Prov. V, 22. — 3. Phi1ipp. II, 21.

 

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sortes de biens sont des vendeurs. Simon le Magicien voulait acheter le Saint-Esprit (1) pour avoir ensuite à le vendre; il pensait que les Apôtres étaient des marchands semblables à ceux que le Seigneur chassa du temple avec un fouet. Car tel il était pour son propre compte, et il voulait acheter pour revendre. Cet homme était du nombre des vendeurs de colombes. En effet, le Saint-Esprit est apparu sous forme de colombe (2). Quels sont ceux qui vendent des colombes, mes frères, sinon ceux qui disent :  Nous donnons le Saint-Esprit? Qui est-ce qui les fait parier ainsi, et quel est le prix de ce trafic? C’est l’honneur qu’ils en retirent. Ils reçoivent pour prix de hautes places, et par là ils ont l’air de vendre des colombes. Qu’ils prennent garde au fouet de cordes. La colombe ne se vend pas, elle se donne gratuitement, parce qu’elle est appelée grâce. Aussi, nies frères, comme les marchands étaient aux yeux de tout venant leur marchandise, ainsi chacun des hérétiques vante ce qu’il vend. Que d’étalages ils ont établis! A Carthage, Primien tient une boutique et Maximien en tient une autre; Rogat en a ouvert une en Mauritanie ; d’autres et d’autres encore, dont la nomenclature serait trop longue, ont placé les leurs en Numidie. Un homme va d’étalage en étalage, pour se procurer une colombe, et chaque trafiquant, assis à son comptoir, fait à ce client l’éloge de sa marchandise. Que celui-ci détourne son coeur loin de ces vendeurs ; qu’il vienne à l’endroit où se donne gratuitement la colombe. Toutefois, mes frères, ces marchands ne rougissent pas du grand nombre de fractions entre lesquelles ils se sont partagés, à la suite d’amers et malicieux dissentiments, en s’attribuant les qualités qu’ils n’ont pas, en se vantant d’être quelque chose, tandis qu’ils ne sont rien (3). Aussi, parce qu’ils ne veulent pas se corriger, se vérifie parfaitement en eux ce qui est marqué au psaume: «  Ils ont été séparés, mais sans être amenés au repentir».

7. Quels sont donc ceux qui vendent les boeufs? Sous le nom de boeufs sont compris ceux qui nous dispensent !es Ecritures. Par eux sont désignés les Apôtres et les Prophètes. C’est ce qui a fait dire à l’Apôtre : « Tu ne lieras pas la bouche au boeuf qui foule le

 

1. Act. VIII, 18, 19. — 2. Matth. III, 16. — 3. Gal. VI, 3.

 

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grain. Dieu se met-il en peine des boeufs? Ou plutôt, ne parle-t-il pas pour nous? Sans doute, il parle pour nous afin de nous montrer que celui qui laboure doit labourer avec espérance d’en profiter, et celui qui bat le grain , avec l’espérance d’y avoir sa part (1) ». Ces boeufs nous ont donc laissé le mémorial des Ecritures. Ils ne nous les ont pas dispensées comme leur bien propre, parce qu’ils ont cherché la gloire de Dieu. En effet, que dit le Psalmiste? « Qu’ils disent toujours: Glorifié soit le Seigneur, ceux qui aiment la paix de son serviteur (2) ». Voilà le serviteur de Dieu, voilà son peuple, voilà son Eglise. Ceux qui aiment la paix de l’Eglise, qu’ils glorifient le Seigneur, et non pas son serviteur; « et qu’ils disent toujours : Glorifié soit le Seigneur! Qui sont ceux qui parlent ainsi? Ceux qui aiment la paix de son serviteur ». Evidemment, c’est la voix du peuple lui-même; c’est la voix même du serviteur, que vous avez entendue dans les chants si tristes du Psalmiste; vous avez entendu avec, émotion la voix de ce peuple, parce que vous en faites partie. Aussi ces chants d’un seul homme partaient du coeur de tous. Heureux ceux qui se reconnaissaient dans cette voix, comme dans un miroir! Quels sont ceux qui aiment. la paix de son serviteur, la paix de son peuple, la paix de celle qu’il appelle son unique et qu’il désire voir arrachée de la gueule du lion, lorsqu’il dit: « Arrachez mon unique de la gueule du chien (3)? » Ce sont ceux qui disent toujours:

« Glorifié soit le Seigneur! » Ces boeufs ne se sont donc pas glorifiés eux-mêmes, c’est le Seigneur qu’ils ont glorifié. Voyez un boeuf qui glorifie son Seigneur, parce que ce boeuf a connu son maître (4). Considérez un boeuf qui craint que le maître soit abandonné et qu’on mette en lui sa confiance, comme il redoute ceux qui seraient tentés de placer en lui leur espérance ! « Paul a-t-il été crucifié pour vous Est-ce au nom de Paul que vous avez  été baptisés (5)? » Ce que j’ai donné, ce n’est pas moi qui l’ai donné, vous l’avez reçu gratuitement; la colombe est descendue du ciel pour vous l’apporter. « J’ai planté, Apollo a arrosé, mais Dieu a donné l’accroissement. Ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose, mais celui qui

 

1. I Cor. IX, 9, 10. — 2. Ps. XXXIV, 16, 27.— 3. Id. XXI, 21, 22. — 4. Is. 1, 3. — 5. I Cor. I, 13.

 

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donne l’accroissement, Dieu (1)». « Qu’ils disent donc toujours : Glorifié soit le Seigneur, ceux qui aiment la paix de son serviteur ».

8. Les hérétiques se servent des Ecritures mêmes pour tromper les peuples, pour en recevoir des honneurs et des louanges, au lieu de chercher à ramener les hommes à la vérité. Et comme ils se servent des Ecritures pour tromper les peuples et en obtenir des honneurs, ils vendent les boeufs, ils vendent aussi les brebis, c’est-à-dire les peuples eux-mêmes. Et à qui les vendent-ils, si ce n’est au diable? Car, mes frères, s’il n’y a qu’une Eglise du Christ, elle doit être une; tout ce qui s’en détache, se trouve emporté, et par qui? Par le lion rugissant, qui tourne et cherche quelqu’un à dévorer (2). Malheur à ceux qui se détachent de l’Eglise; pour elle, elle demeure dans son entier; car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui (3). Cependant, autant que cela dépend d’eux, ces trafiquants vendent les boeufs, les brebis et aussi les colombes : qu’ils prennent garde au fouet formé par leurs péchés. S’il leur arrive d’être frappés, en punition de leurs iniquités, puis. sent-ils reconnaître dans leurs péchés les cordes dont Dieu a fait un fouet pour les flageller ! Puissent-ils reconnaître qu’il les avertit de se convertir et de renoncer à leur trafic! Car s’ils ne se convertissent pas, ils entendront à leur mort cet arrêt: « Liez-leur les pieds et les mains, et jetez-les dans les ténèbres extérieures ».

9. «Alors les disciples se souvinrent qu’il était écrit: Le zèle de votre maison m’a dévoré». C’est, en effet, par le zèle de la maison de Dieu que le Seigneur chassa du temple ces vendeurs. Mes frères, que chaque chrétien, puisqu’il est membre du Christ, soit dévoré du zèle de la maison de Dieu. Qui est-ce qui est dévoré du zèle de la maison de Dieu? Celui qui, voyant ici-bas quelque dérèglement, s’efforce de le corriger, désire l’amendement des pécheurs et ne prend aucun repos, tant qu’ils ne sont pas convertis; et s’il ne peut parvenir à les rendre meilleurs, il les supporte en gémissant. Car le bon grain n’est pas jeté hors de l’aire, il y endure le voisinage de la paille, et plus tard, quand on l’a séparé d’avec elle, il entre dans le grenier. Pour toi, si tu es un bon grain, ne désire pas, avant le

 

1. I Cor. III, 6, 7. — 2. I Pierre, V, 8. — 3. II Tim. II, 19.

 

moment d’être enfermé au grenier, être jeté hors de l’aire; car les oiseaux te mangeraient, et l’on n’aurait pas le temps de te mettre au grenier. Les puissances aériennes sont comme les oiseaux du ciel, elles épient l’heure propice où elles pourront enlever le grain; mais elles ne le peuvent que s’i1 est battu hors de l’aire. Que le zèle de la maison de Dieu te dévore donc; que le zèle de la maison de Dieu, dont il est membre, dévore chaque chrétien; car aucune maison n’est plus véritablement tienne que celle où lu as le salut éternel. Tu entres dans ta maison pour y trouver le repos du temps, tu entres dans la maison de Dieu pour y trouver le repos de l’éternité. Si tu fais en sorte qu’aucun désordre n’ait lieu dans ta maison; dans la maison de Dieu où l’on te propose le salut et un repos éternel, supporteras-tu, autant du moins que cela dépendra de toi, qu’il s’y passe quelque désordre sous tes yeux? Par exemple, tu vois ton frère courir au théâtre; si le zèle de la maison de Dieu te dévore, empêche-le, avertis-le, montre-toi affligé. En vois-tu d’autres courir pour aller s’enivrer, et prêts à faire dans l’église ce qui n’est permis nulle part; empêche ce que tu peux, arrête ceux que tu peux arrêter, effraie ceux que tu peux effrayer, retiens par des caresses ceux que tu peux retenir; au moins, ne consens jamais à demeurer tranquille. Est-ce un ami? avertis-le avec douceur. Est-ce ta femme? réprime ses écarts avec la dernière sévérité. Est-ce ta servante? ne crains pas de l’arrêter, même par des châtiments. Fais tout ce que tu peux, eu égard à la qualité des personnes, et tu justifieras pleinement cette parole : « Le zèle de votre maison m’a dévoré ». Que si, au contraire, tu demeures froid, indifférent, attentif à toi seul, satisfait comme s’il ne s’agissait que de toi et comme te suffisant à toi-même, te disant Ai-je besoin de m’inquiéter des péchés d’autrui? mon âme me suffit; c’est assez pour moi de la conserver entière pour Dieu, je te dirai: C’est très-bien, mais ne te souvient-il plus de ce serviteur qui cacha son talent et refusa de le faire valoir? De quoi fut-il accusé? De l’avoir perdu? Non; mais de l’avoir conservé sans en tirer profit (1). Apprenez donc par cet exemple, mes frères, à n’être pas les indolents témoins du péché de vos frères. Je vais vous donner un

 

1. Matth. XXV, 25-30.

 

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conseil, ou plutôt, celui qui habite en vos coeurs vous le donnera; car, bien qu’il se serve de mon intermédiaire, c’est lui-même qui vous parle. Vous savez ce que chacun de vous peut faire dans sa famille, avec son ami, son compatriote, son client, avec celui qui est au-dessus de lui et avec celui qui se trouve au-dessous : en quelque façon que Dieu vous donne entrée dans leur âme, en quelque façon qu’il en ouvre la porte à vos paroles, ne perdez pas une seule occasion de les gagner à Jésus-Christ, parce qu’il vous a lui-même gagnés.

10. « Les Juifs lui dirent : Quel signe nous «montrez-vous qui vous autorise à faire ces choses ? » Et le Seigneur : « Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. Les Juifs lui dirent donc: On a mis quarante-six ans à le bâtir, et vous vous dites : je le relèverai en trois jours? » Ils étaient chair et comprenaient but dans un sens charnel, et Jésus-Christ leur parlait dans un sens spirituel. Lequel d’entre eux aurait pu comprendre de quel temple il parlait? Pour nous, nous n’avons nul besoin de chercher longtemps ce qu’il voulait dire ; il nous l’a fait connaître par son Evangéliste, il nous a dit de quel temple il voulait parler. « Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. On a mis quarante-six ans à le bâtir, et vous le relèverez en trois jours? Mais, ajoute l’Evangéliste, il parlait du temple de son corps ». C’est un fait avéré : Le Sauveur a été mis à mort et est ressuscité trois jours après. Cette vérité est aujourd’hui connue de nous tous; si elle est impénétrable pour les Juifs, c’est qu’ils se tiennent hors de 1’Eglise ; nous en avons la claire vue, parce que nous savons en qui nous croyons. Bientôt nous célébrerons la solennité anniversaire de la destruction et de la réédification de ce temple ; nous exhortons ceux d’entre vous qui seraient encore catéchumènes à s’y préparer, afin de recevoir la grâce. Voici le moment favorable pour engendrer ce qui doit naître alors. Cette vérité, nous la connaissons donc.

11. Mais peut-être voulez-vous apprendre de notre bouche si les quarante-six années employées à bâtir le temple n’indiquent pas quelque mystère. Assurément il y aurait beaucoup à dire à ce sujet: quoi qu’il en soit, nous vous dirons ce qui n’exige pas de longs développements et ce que vous pouvez facilement comprendre. Si je ne me trompe, mes frères, nous vous l’avons dit hier, Adam a été un simple homme; et néanmoins il était le genre humain tout entier. Voilà, s’il vous en souvient, ce que nous avons dit (1). Cet homme unique s’est comme fractionné dans les autres hommes; mais en dépit de cette dispersion de 1ui¨-même, il est recueilli pour ainsi dire et comme réuni de nouveau en un seul par le lien de la société et de la concorde des esprits. Ce pauvre unique, cet Adam gémit, mais il se renouvelle en Jésus-Christ ; car ce nouvel Adam est venu sans le péché, afin de détruire en sa chair le péché du vieil Adam et de refaire en sa personne un Adam qui fût l’image de Dieu ; le corps de Jésus-Christ vient donc d’Adam: c’est d’Adam qu’a été formé ce temple détruit par les Juifs et relevé par Dieu après trois jours; car il a ressuscité sa chair. C’est la preuve qu’il était Dieu, égal à son Père. Mes frères, l’Apôtre a dit : « C’est Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts ». De qui parle-t-il? Du Père. « Jésus-Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la croix; c’est pourquoi Dieu l’a tiré d’entre les morts et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom (2) ». Le Seigneur est donc sorti vivant d’entre les morts, et il a été exalté. Par qui ? Parle Père à qui il dit dans un psaume: « Rétablissez-moi, et je les punirai (3) ». Donc c’est le Père qui l’a ressuscité. Le Fils ne s’est donc pas ressuscité lui-même? Mais que fait le Père sans son Verbe ? Que fait le Père indépendamment de son Fils unique? Ecoute: voici la preuve de la divinité du Fils: « Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours ». A-t-il dit: détruisez ce temple, et mon Père le rétablira en trois jours? Non; mais comme, lorsque le Père ressuscite un mort, le Fils ressuscite avec lui; ainsi, lorsque le Fils ressuscite un mort, le Père le ressuscite aussi, parce que le Fils a dit: « Mon Père et moi nous sommes un (4)».

12. Cependant, que signifie ce nombre de quarante-six? Nous avons montré hier qu’Adam se trouve dans toutes les parties du monde ; les lettres initiales de quatre mots grecs nous ont servi à le faire. Si, en effet, tu unis l’un sous l’autre les quatre noms des quatre parties dont le monde se compose, c’est-à-dire l’Orient, l’Occident, le Nord et le

 

1. V. Traité neuvième. — 2. Philipp. II, 8, 9. — 3. Ps. XL, 11. — 4. Jean, X, 30.

 

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Midi, ce qui a fait dire au Seigneur que lorsqu’il viendra juger, il rassemblera ses élus des quatre vents (1) si donc tu écris ces quatre noms, l’Orient, anatole, l’Occident, dysis, le Nord, arctos, le Midi, mesembria, les premières lettres de ces quatre mots, anatole, dysis, arctos, mesembria, te donneront le nom d’Adam. Mais comment y trouvons-nous aussi le nombre quarante-six? En ce que le corps de Jésus-Christ venait d’Adam. Chez les Grecs, les lettres servent de chiffres. Notre lettre a, s’écrit dans leur langue, alpha, et s’appelle alpha, un. Si, pour compter un nombre, ils emploient le bêta, qui est leur b, cette lettre représente le chiffre deux; gamma, trois; delta, quatre, et ainsi de suite pour toutes les autres lettres. Ce que nous appelons, ils l’appellent my, et cette lettre, dans les nombres, équivaut à quarante, en grec, tessarkonta. Voyez maintenant quel nombre forment les lettres qui composent le nom d’Adam, et vous trouverez les quarante-six années employées à la construction du temple. Le mot Adam se compose d’un alpha, un ;d’un delta, quatre; ce qui signifie déjà cinq; puis d’un autre alpha, un ; ce qui fait six ; il y a enfin un my, quarante; en tout quarante-six. Mes frères , nos anciens pères ont dit tout cela avant nous et ils ont trouvé dans ces quatre lettres le nombre quarante-six. Et parce que Notre-Seigneur

 

1. Marc, XIII, 27.

 

Jésus-Christ a reçu son corps d’Adam, sans en recevoir le péché, il y a pris le temple de son corps sans y prendre l’iniquité qui devait être chassée du temple. Cette chair qu’il a reçue d’Adam (Marie, en effet, descendait d’Adam, et la chair du Seigneur était de Marie), les Juifs l’ont crucifiée. Mais il devait ressusciter après trois jours, ce corps que les Juifs devaient faire mourir sur la croix. Ils ont détruit le temple bâti en quarante-six ans, et lui l’a ressuscité en trois jours.

13. Nous bénissons le Seigneur notre Dieu de nous avoir rassemblés pour nous remplir d’une joie toute spirituelle. Demeurons toujours humbles de coeur, et que nôtre joie soit en Dieu. Ne nous laissons pas enorgueillir par les prospérités du siècle, mais sachons qu’il n’y aura pour nous de bonheur qu’au moment où seront évanouies toutes les choses du temps. Mes frères, que notre joie ici-bas soit en espérance ; que personne ne la mette dans le présent, de peur de demeurer en chemin. Que l’espérance soit donc la source de toutes nos joies ; que tous nos désirs aient pour objet la vie éternelle. Que tous nos soupirs s’élèvent vers Jésus-Christ: il est l’unique beauté ; il a aimé ceux mêmes que déparait la laideur, afin de les rendre beaux ; souhaitons donc de lui être unis ; dirigeons vers lui seul notre course et nos gémissements, et que ceux-là « disent toujours : Loué soit le Seigneur, qui aiment la paix de son serviteur».

 

 

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