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CINQUANTE ET UNIÈME TRAITÉ.

DEPUIS LE PASSAGE OU IL EST ÉCRIT : « AU LENDEMAIN LE PEUPLE, QUI ÉTAIT VENU EN GRANDE FOULE A LA FÊTE, ETC » , JUSQU’À CET AUTRE : « SI QUELQU’UN M’A SERVI, MON PÈRE L’HONORERA ». (Chap. XII, 12-26.)

HOSANNA.

 

Après la résurrection de Lazare, une foule de peuple vint au-devant de lui, le saluant du nom de Fils de David, etc., et Jésus entra à Jérusalem sur une ânesse accompagnée de son ânon, figure de ceux d’Israël qui ne croiraient pas et de ceux qui croiraient en lui. Alors s’approchèrent de lui des Gentils qui étaient venus à la fête, et il en prit occasion de parler de sa glorification précédée de sa passion. Promettant une participation à sa gloire à ceux qui renonceraient même à leur vie pour le servir. 

 

1. Après que le Seigneur eut, au grand étonnement des Juifs, ressuscité Lazare mort depuis quatre jours, les uns crurent en lui parce qu’ils l’avaient vu, les autres en conçurent contre lui une envie qui les fit périr, à cause de la bonne odeur, qui est une odeur de vie pour les uns, et une odeur de mort pour les autres (1); Jésus se mit donc à table dans la demeure, et en compagnie de Lazare qui était mort et qu’il avait ressuscité ; un parfum, dont l’odeur remplit toute la maison, fut répandu sur ses pieds, et les Juifs, dans leur coeur corrompu, formèrent le projet aussi cruel que vain et insensé de tuer Lazare. Nous vous avons parlé de tout cela comme nous avons pu, dans les discours précédents, et selon que le Seigneur nous a donné de le faire. Maintenant, que votre charité veuille bien remarquer quel fruit, même avant sa passion, avait produit la prédication du Seigneur, et combien était grand le troupeau des brebis perdues de la maison d’Israël qui avaient entendu la voix du pasteur.

2. En effet, l’Evangile, dont vous venez d’entendre la lecture, s’exprime ainsi : « Le lendemain, une grande foule qui était venue à la fête ayant appris que Jésus se rendait à Jérusalem, prit des branches de palmier et s’avança au-devant de lui, en criant : « Hosanna, béni soit le Roi d’Israël qui vient au nom du Seigneur ». Les branches de palmier sont les louanges et sont l’emblème de la victoire ; car, en mourant, le Seigneur allait vaincre la mort, et, par sa

 

1. II Cor. II, 15.

 

croix, triompher du diable, prince de la mort. « Hosanna », comme disent quelques-uns qui connaissent la langue hébraïque, est une exclamation de prière; elle indique un sentiment plutôt qu’une chose précise: ainsi sont les mots que, dans la langue latine, on appelle interjections : par exemple, dans la douleur, nous disons : hélas ! ou dans la joie nous disons : oh ! ou bien dans l’admiration nous disons : ô la grande chose ! car alors le terme ô ne signifie rien, si ce n’est le sentiment, l’admiration où nous sommes. Ce qui doit nous faire croire qu’il en est ainsi, c’est que ni la version grecque ni la version latine n’ont pu traduire ce mot, non plus que cet autre : « Celui qui aura dit à son frère: Racha (1) ». Ce dernier mot semble être aussi une interjection qui indique un mouvement de colère.

3. Mais « béni soit le roi d’Israël qui vient « au nom du Seigneur » ; il semble que par « au nom du Seigneur », il faille entendre au none de Dieu le Père : quoiqu’on puisse l’entendre aussi de son nom à lui, car il est aussi le Seigneur. C’est pourquoi ailleurs il est écrit : « Le Seigneur fit pleuvoir par la puissance du Seigneur (2) ». Mais elles dirigent bien mieux notre intelligence, les paroles de Celui qui a dit : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez pas reçu ; un autre viendra en son nom, et vous le recevrez (3) ». Jésus-Christ, en effet, est le docteur de l’humilité, car il s’est humilié lui-même, en se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à

 

1 Matth. V, 22.— 2. Gen. XIX, 21.— 3. Jean, V, 43.

 

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la mort de la croix (1). Mais il ne perd pas sa nature divine, quand il nous enseigne l’humilité: par la divinité, il est égal au Père; par l’humilité, il nous est semblable. En tant qu’il est égal au Père, il nous a créés pour nous faire exister; en tant qu’il nous est semblable, il nous a rachetés pour ne pas nous laisser périr.

4. La foule lui adressait ces louanges « Hosanna, béni soit le roi d’Israël qui vient au nom du Seigneur ». Quel cruel tourment de coeur devaient souffrir dans leur envie les princes des Juifs, quand une si grande multitude proclamait roi Jésus-Christ ? Mais qu’était-ce pour le Seigneur que d’être roi d’Israël? Quel avantage y avait-il pour le roi des siècles de devenir roi des hommes? Jésus-Christ n’était pas roi d’Israël pour exiger des tributs, pour former des armées et combattre des ennemis visibles : il était roi d’Israël pour gouverner les âmes, préparer les biens éternels et conduire au royaume des cieux ceux qui croient et espèrent en lui et qui l’aiment. Le Fils de Dieu égal au Père, le Verbe par qui toutes choses ont été faites, a voulu être roi d’Israël, mais c’est par condescendance et non pour s’élever : c’est de sa part une marque de bonté, et non pas une augmentation de pouvoir. Car celui qu’on appelait, sur la terre, roi des Juifs, est dans les cieux le Seigneur des anges.

5. « Et Jésus trouva un ânon et s’assit dessus ». Jean rapporte ce fait en peu de mots: pour les autres évangélistes, ils racontent très au long comment la chose se fit (2); seulement Jean cite le passage du prophète qui a prédit cet événement, afin de montrer que c’était par malice que les princes des Juifs ne reconnaissaient pas Celui en qui s’accomplissait ce qu’ils lisaient. « Jésus trouva » donc « un ânon et s’assit dessus, ainsi qu’il est écrit : Ne crains point, fille de Sion, voici ton roi qui vient assis sur le poulain d’une ânesse ». Au milieu de ce peuple était donc la fille de Sion; et Sion, c’est Jérusalem. Dans ce peuple, dis-je, réprouvé et aveugle, était la fille de Sion, à qui le Prophète avait dit : « Ne crains point, voici ton roi qui vient assis sur le poulain d’une ânesse ». Cette fille de Sion, à qui Dieu faisait dire ces paroles, était du nombre de ces brebis qui écoutaient la

 

1. Philipp. II, 8.— 2. Matth. XXI, 1, 16; Marc, XI, 1-11 ; Luc, XIX, 29-48.

 

voix du pasteur; elle se trouvait dans cette multitude qui louait avec tant d’énergie le Seigneur pendant sa marche et l’accompagnait en si grande foule. Le Prophète lui dit: « Ne crains pas », reconnais celui dont tu chantes les louanges, et ne te laisse pas intimider par ses souffrances, car ce sang qui est répandu est celui qui doit effacer ton péché et te rendre la vie. Ce poulain d’ânesse sur lequel personne ne s’était encore assis (ainsi que nous le lisons dans les autres évangélistes), représente les peuples Gentils, qui n’avaient point reçu la foi du Seigneur. L’ânesse (car l’un et l’autre firent amenés au Seigneur), l’ânesse figurait ,la portion du peuple juif qui vint à Jésus, sans éprouver de sentiments tout à fait hostiles, et qui reconnut la crèche du Sauveur.

6. « Ses disciples ne comprirent point cela d’abord; mais quand Jésus eut été glorifié », c’est-à-dire quand il eut montré la vertu de sa résurrection, « alors ils se rappelèrent que ces choses avaient été écrites de lui, et que les Juifs les avaient accomplies », c’est-à-dire ne lui avaient fait autre chose que ce qui avait été écrit de lui, repassant dans leur mémoire ce qui, d’accord avec l’Ecriture, était arrivé avant ou pendant la passion du Seigneur. Ils trouvèrent que, d’après les Prophètes, il devait s’asseoir sur le poulain d’une ânesse.

7. « La foule qui était avec lui lorsqu’il appela Lazare du tombeau et le ressuscita d’entre les morts en rendait témoignage; c’est pour cela que le peuple vint en foule au-devant de lui , parce qu’il savait qu’il avait fait ce miracle. Les Pharisiens se dirent donc les uns aux autres : Vous voyez bien que nous ne gagnons rien, voilà que  tout le monde marche à sa suite ». La foule qui le suivait troubla la foule qui le haïssait. Mais pourquoi es-tu jalouse, foule aveugle, de ce que le monde marche après celui par qui le monde a été fait?

8. « Quelques Gentils, de ceux qui étaient venus pour adorer au jour de la fête, s’approchèrent donc de Philippe, qui était de Bethsaïda, en Galilée, et le prièrent en disant : Seigneur, nous voudrions voir Jésus. Philippe alla le dire à André, et André et Philippe le dirent à Jésus ». Ecoutons ce que le Seigneur répondit à cela : voilà que les Juifs veulent le tuer, les Gentils veulent le

 

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voir; mais ceux qui criaient: « Béni soit le roi d’Israël qui vient au nom du Seigneur », étaient aussi du nombre des Juifs. Les uns viennent de la circoncision, les autres de la gentilité, comme deux murs qui s’avancent de différents côtés et se réunissent en un baiser de paix et dans le sentiment de la même foi en Jésus-Christ. Ecoutons donc la voix de la pierre angulaire. « Jésus leur répondit : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié ». Quelqu’un pensera peut-être que Jésus dit qu’il va être glorifié, parce que des Gentils voulaient le voir; mais non : il voyait qu’après sa passion et sa résurrection les Gentils croiraient en lui par toute la terre ; « car », selon l’expression de l’Apôtre, « une partie d’Israël est tombée dans l’aveuglement jusqu’à ce que la plénitude des Gentils entre dans l’Eglise (1) ». A l’occasion de ces Gentils qui voulaient le voir, il annonce la future plénitude des Gentils, et il promet que déjà est proche l’heure de sa glorification, les nations devant croire en lui quand cette glorification aura eu lieu dans le ciel. C’est pourquoi il a été dit d’avance : « Mon Dieu, élevez-vous au-dessus des cieux, et que votre gloire couvre toute la terre (2) ». Voilà la plénitude des nations, dont l’Apôtre dit : « L’aveuglement est tombé sur une partie d’Israël, jusqu’à ce que la plénitude des nations entre dans l’Église ».

9. Mais comme la grandeur de sa glorification devait être précédée par les  abaissements de sa passion, il ajouta ensuite : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de froment jeté en terre ne meurt pas, il demeure a seul; mais s’il meurt, il apporte beaucoup de fruit ». C’est de lui-même qu’il parlait. il était le. grain qui devait périr pour se multiplier ensuite; il devait périr victime de l’infidélité des Juifs et se multiplier par la foi des peuples.

10. Puis il nous exhorte à suivre les traces de sa passion : « Celui », dit-il, « qui aime a son âme la perdra ». Celui peut s’entendre de deux manières : « Celui qui aime son âme la perdra », c’est-à-dire : Si tu aimes ton âme, perds-la. Si tu veux conserver ton âme en Jésus-Christ, ne crains pas de mourir pour lui; ou bien, d’une autre façon : « Celui qui a aime son âme la perdra », c’est-à-dire n’aime pas ton âme de peur de la perdre; ne

 

1. Rom. XI, 25.— 2.Ps. CVII, 6.

 

l’aime pas en cette vie, de peur de la perdre en la vie éternelle. Ce dernier sens paraît mieux s’accorder avec le texte de l’Evangile ; car il ajoute : « Et celui qui hait son âme en ce monde, la gardera pour la vie éternelle ». Donc quand il est dit plus haut : « Celui qui aime son âme », il faut sous-entendre, en ce monde, celui-là la perdra. « Mais celui qui hait son âme » également en ce monde, la gardera pour la vie éternelle. Grande et étonnante vérité ! l’homme a pour son âme un amour qui la fait périr, et une haine qui l’empêche de périr. Si tu aimes mal, tu détestes; si tu hais de la bonne manière, tu aimes. Heureux ceux qui savent haïr pour conserver, de peur de perdre en aimant. Mais prends-y garde: qu’il ne te vienne pas à l’esprit de te tuer, dans la pensée que tu dois ainsi haïr ton âme en ce monde; c’est par ce principe que quelques hommes méchants et pervers, cruels et détestables, homicides d’eux-mêmes, se jettent dans les flammes ou dans l’eau, ou dans les précipices, et se donnent la mort. Ce n’est pas là ce que Jésus-Christ nous apprend ; au contraire, lorsque le diable lui proposa de se jeter du haut en bas du temple, il lui répondit : « Retire-toi, Satan, il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu (1) ». Pour annoncer à Pierre par quelle mort il devait glorifier Dieu, il lui dit «Lorsque tu étais jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, un autre te ceindra et te portera où tu ne veux pas (2) ». Par là, Jésus-Christ marquait assez que celui qui veut suivre son exemple ne doit passe tuer lui-même, mais seulement se laisser tuer par les autres. Si telle circonstance se présentait, où l’on serait placé dans l’alternative de faire quelque chose contre la loi de Dieu, ou de perdre la vie, et qu’un persécuteur, par ses menaces de mort, obligeât à prendre l’un des deux partis, en choisissant de mourir pour l’amour de Dieu, plutôt que de vivre en l’offensant, alors on hait son âme en ce monde, afin de la garder pour la vie éternelle.

11. « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ». Que veut dire : « Qu’il me suive », sinon: qu’il m’imite ? « Jésus-Christ, en effet, a souffert pour nous », dit l’apôtre Pierre, a nous laissant un exemple, afin que nous « suivions ses traces (3) ». Voilà ce que veut

 

1 Matth. IV, 7.— 2. Jean, XXI, 18, 19.— 3. I Pierre, II, 21.

 

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dire : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive». Mais à quel prix? quel salaire, quelle récompense promet-il? « Et où je serai », dit-il, « là aussi sera mon serviteur». Aimons-le donc sans espérer d’autre récompense de notre service que celle d’être avec lui. Car où sera-t-on bien sans lui, et quand pourra-t-on être mal avec lui? Ecoutez, voici qui est plus clair encore : « Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera ». De quel privilège, sinon du privilège d’être placé à côté de son Fils? Ce qu’il dit en effet plus haut : « Où je serai, là sera aussi mon serviteur », c’est ce qu’il veut expliquer quand il dit : « Mon Père l’honorera ». Quel plus grand honneur pourra recevoir le fils adoptif, que celui d’être où est le Fils unique, et d’être non pas égal à sa divinité, mais associé à son éternité ?

12. Mais qu’est-ce que servir Jésus-Christ? A quelle oeuvre promet-il une si grande récompense? Voilà bien ce que nous devons de préférence chercher à savoir. Il ne faut pas nous imaginer que servir Jésus-Christ, c’est lui préparer les choses nécessaires à son corps, comme le servir à table et lui préparer à manger, ou bien lui offrir à boire et préparer sa boisson. Ceux-là seuls ont pu le servir ainsi, qui ont pu le posséder en personne, comme Marthe et Marie, lorsque Lazare était, avec d’autres, à la même table que lui. Judas lui-même, cet homme perdu, a aussi servi Jésus-Christ de cette manière; car c’était lui qui tenait l’argent, et quoique ce scélérat dérobât une partie de ce qui lui était confié, il pourvoyait néanmoins au nécessaire (1). Aussi quand le Seigneur lui dit : « Ce que tu fais, fais-le promptement », quelques disciples pensèrent qu’il lui ordonnait de préparer ce qui était nécessaire pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres (2). En aucune façon le Seigneur ne dirait donc de ces serviteurs : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur» ; et encore: « Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera »; puisque Judas, qui l’avait servi de cette manière, a été réprouvé au lieu d’être honoré. Mais pourquoi chercher ailleurs ce que c’est que servir Jésus-Christ, et ne pas interroger plutôt ses propres paroles? Quand il dit : « Si quelqu’un me a sert, qu’il me suive », nous devons l’entendre comme s’il disait : Si quelqu’un ne

 

1. Jean, XII, 2, 6.— 2. Id. XIII, 27, 29.

 

me suit pas, il ne me sert point. Ceux-là donc servent Jésus-Christ, qui ne cherchent pas leurs propres intérêts, mais les siens propres (1). Car, « qu’il me suive » veut dire qu’il marche dans mes voies et non dans les siennes, ainsi qu’il est écrit ailleurs : « Celui qui dit qu’il demeure en Jésus-Christ, doit marcher lui-même, comme Jésus-Christ a marché (2) ». Il doit donc, s’il donne du pain à celui qui a faim, le faire par un sentiment de miséricorde, et non par vanité; il doit ne rechercher que la bonne oeuvre, et sa main gauche doit ignorer ce que fait sa main droite (3). C’est-à-dire : il lui faut éloigner tout sentiment de cupidité de cette oeuvre de charité. Celui qui sert ainsi, sert vraiment Jésus-Christ, et c’est à lui que s’adresseront ces paroles : « Quand tu as fait cela au plus petit de mes frères, c’est à moi que tu l’as fait (4)». Et non-seulement les oeuvres de miséricorde corporelle, mais toutes les bonnes oeuvres faites pour Jésus-Christ, (car alors elles sont vraiment bonnes, puisque « Jésus-Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croiront (5)  ». Toutes ces oeuvres nous rendront serviteurs de Jésus-Christ, au point de nous faire accomplir cette oeuvre de charité parfaite, qui consiste à donner sa vie pour ses frères ; car c’est la donner pour Jésus-Christ. Et c’est d’eux, comme ses membres, qu’il dira : Quand tu as fait cela pour eux, c’est pour moi que tu l’as fait. C’est pour une telle oeuvre qu’il a daigné le faire et se nommer lui-même serviteur, puisqu’il a dit: « Comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour plusieurs (6) ». Ainsi chacun de nous deviendra serviteur de Jésus-Christ, par ce qui a fait de Jésus-Christ notre serviteur. Et celui qui servira ainsi Jésus-Christ, son Père l’honorera d’un honneur si grand, qu’il le placera avec son Fils, et que son bonheur ne finira jamais.

13. Lors donc, mes frères, que vous entendez dire à Notre-Seigneur : « Où je suis, là aussi sera mon serviteur », ne vous imaginez pas qu’il ne s’agisse que des saints évêques et des bons clercs. Vous aussi, selon la mesure de vos moyens, servez Jésus-Christ en vivant bien, en faisant des aumônes, et en prêchant son nom et sa doctrine à tous ceux

 

1. Philipp. II, 21.— 2. I Jean, II, 6.— 3. Matth. VI, 3.— 4. Id. XXV, 40.— 5. Rom. X, 4.— 6. Matth. XX, 28.

 

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dont vous pourrez vous faire entendre; que tout chef de famille reconnaisse que son nom même l’oblige à témoigner à ses enfants une affection paternelle. Que pour Jésus-Christ et pour la vie éternelle il avertisse tous les siens, qu’il les instruise, qu’il les encourage et les corrige; qu’il emploie la douceur, qu’il mette en oeuvre la sévérité. Et ainsi, dans sa maison, il remplira pour ainsi dire une fonction ecclésiastique et épiscopale, puisqu’il servira Jésus-Christ, afin d’être avec lui pendant l’éternité. Beaucoup d’entre vous ont servi Jésus-Christ jusqu’à souffrir pour lui rester fidèles, et ce n’étaient ni des évêques ni des clercs; c’étaient des jeunes gens, des jeunes filles, des vieillards, des enfants, des hommes, des femmes mariés, des pères et des mères de famille ; pour servir Jésus-Christ, ils ont donné leur vie par le martyre, et le Père les a honorés en leur donnant les couronnes les plus glorieuses.

 

 

 

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