TRAITÉ XXXIX
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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TRENTE-NEUVIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CE PASSAGE : « J’AI BEAUCOUP DE CHOSES À DIRE DE VOUS », JUSQU’À CET AUTRE : « ET ILS NE COMPRIRENT PAS QU’IL LEUR PARLAIT DU PÈRE ». (Chap. VIII, 26, 27.)

LA TRINITÉ, PRINCIPE.

 

Jésus se dit le principe, mais il ne l’est pas seul; car il partage avec les deux autres personnes de la Trinité, et celles-ci partagent avec lui cette propriété. La paternité est propre au Père, la filiation au Verbe, la Procession au Saint-Esprit; mais en tout le reste, les trois personnes divines ont la même nature et ne font qu’un Dieu, un principe. Par là même qu’il est inséparable du Père, et que le Père est véridique, les jugements du Fils sont fondés sur la vérité même.

 

1.Les paroles du saint Evangile qu’on vient de nous lire, ont été adressées aux Juifs par Notre-Seigneur Jésus-Christ ; en cette circonstance, le Sauveur s’est exprimé avec une si grande réserve, que les aveugles sont restés aveugles, et que ceux qui croyaient en lui ont ouvert les yeux. Voici ce passage dont on vous a donné lecture : « Les Juifs lui disaient : Qui es-tu ? » Car il leur avait fait cette déclaration : « Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos péchés (1) ». Ils lui adressèrent donc cette question : « Qui es-tu?» comme s’ils désiraient savoir pour qui ils devaient le prendre, afin de ne pas mourir dans leurs péchés. A cette demande : « Qui es-tu? »  Jésus répondit : « Le Principe, parce que je vous parle moi-même ». Dès

 

1. Jean, VII , 25, 24.

 

lors que, suivant sa déclaration formelle, il est le principe, on peut chercher à savoir si le Père est aussi principe. Si le Fils, qui a un Père, est principe, il est bien plus naturel encore de penser qu’il en est de même du Père, puisqu’il est le Père de son Fils et qu’il n’est lui-même engendré par aucun autre. Le Fils est Fils du Père, et le Père est évidemment Père du Fils; mais on appelle le Fils Dieu de Dieu, lumière de lumière; au Père, on donne le nom de lumière, mais jamais on ne l’a dit: lumière de lumière; il est appelé Dieu, et non pas Dieu de Dieu. Que si le Dieu de Dieu, la lumière de lumière, est principe, combien plus facilement on petit regarder comme principe la lumière qui engendre la lumière, le Dieu qui engendre un Dieu. Très-chers frères, il est donc absurde [598] de dire que le Fils est principe, et de refuser au Père cette perfection.

2. Que faire alors? Reconnaître qu’il y a deux principes? Cela est impossible. Qu’est-ce donc? Si le Père est principe et le Fils aussi, comment n’y a-t-il pas deux principes? Par la même raison que nous ne reconnaissons pas deux dieux, en confessant un Dieu Père et un Dieu Fils. Il est défendu de dire qu’il y a deux dieux; il n’est pas plus permis d’en reconnaître trois; et, pourtant, le Père n’est pas le Fils; le Fils n’est pas le Père; le Saint-Esprit, qui procède du Père et du Fils, n’est ni le Père ni le Fils. Nous l’avons appris sur les genoux de notre, mère, l’Eglise catholique: quoique le Père ne soit pas le Fils, quoique le Fils ne soit pas le Père, quoique l’Esprit de l’un et de l’autre ne soit ni le Père, ni le Fils, nous ne disons pas qu’il y ait trois dieux; et, néanmoins, si l’on nous interroge sur chacun d’eux, si l’on nous demande de l’un ou de l’autre des trois s’il est Dieu, nous devons nécessairement répondre d’une manière affirmative.

3. Cette doctrine est absurde aux yeux des hommes qui concluent des choses ordinaires à ce qui ne l’est pas, des objets visibles aux êtres invisibles, des créatures au Créateur. Parfois les infidèles nous questionnent et nous disent : Reconnaissez-vous comme Dieu celui que vous reconnaissez comme le Père ? Nous répondons : Oui. —  Celui à qui vous donnez le nom de Fils, dites-vous qu’il est Dieu ?­— Oui. — Celui que vous appelez le Saint-Esprit, le confessez-vous Dieu? —  Oui. —  Ils ajoutent : Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont donc trois dieux? —  Non. Ils se troublent, parce qu’ils ne sont pas éclairés : leur coeur est fermé, parce qu’ils n’ont pas en mains la clef de la foi. Pour nous, mes frères, qui avons d’abord reçu, le don de la foi, qui a purifié l’œil de notre coeur, saisissons, sans rencontrer l’obstacle d’aucune ombre, ce que nous comprenons ; et ce que nous ne comprenons pas, croyons-le sans le mélange d’aucun doute ; n’abandonnons pas le fondement de la foi; par là, nous arriverons au faîte de la perfection. Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu; et, cependant, le Fils n’est pas le Père, le Père n’est pas le Fils ; l’Esprit du Père et du Fils n’est ni l’un ni l’autre: et tous trois ne sont qu’un seul Dieu , tous trois ne forment qu’une seule et même éternité, une seule et même puissance, une seule et même majesté; ils sont trois, mais ils ne font pas trois dieux. Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas; qu’on ne me fasse point cette réponse : Qu’est-ce à dire Trois? S’ils sont trois, il faut me dire ce qu’ils sont tous les trois. —  C’est le Père, le Fils et le Saint-Esprit. —  Tu viens de dire : Trois. Explique-moi donc ce que signifie ce mot Trois. —  Compte plutôt toi-même; car je parfais le nombre trois, quand je nomme le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Relativement à lui-même, le Père est Dieu; relativement au Fils, il est le Père. Par rapport à lui-même, le Fils est Dieu ; par rapport à son Père, il est le Fils.

4. Ce que je dis des comparaisons prises parmi les choses ordinaires peuvent le faire comprendre. J’ai devant moi deux hommes, dont l’un est le père et l’autre le fils. Considéré en lui-même, celui-là est homme; il est père dès qu’on le considère dans ses rapports avec le fils; celui-ci est encore homme, si je ne vois que lui ; mais si je le compare à son père, il est le fils. A l’un on a donné le nom de père, à l’autre le nom de fils, sous un certain point de vue; et, en réalité, ce sont deux hommes différents. Quant à Dieu le Père, il est le Père sous un rapport, sous le rapport du Fils; comme Dieu le Fils est le Fils sous un rapport, sous le rapport du Père; toutefois, il n’en est pas d’eux comme des deux hommes dont nous venons de parler; ils ne sont pas deux Dieux. Pourquoi n’en est-il pas de même? Parce qu’ici c’est une chose, et que là c’est une autre; parce qu’ici c’est la divinité ; parce qu’il y a ici un mystère qu’aucune langue humaine ne peut expliquer: ici, il y a en même temps nombre, et absence complète de nombre. Remarquez-le, en effet, n’y voit-on-pas comme un nombre une Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit? Si l’on y trouve le nombre trois, qu’est-ce ces trois? Il n’y a plus de nombre. Ainsi, tout à la fois en Dieu on trouve un nombre, et il n’y a pas de nombre. Il semblerait qu’on en trouve un, puisqu’on y trouve trois; mais dès qu’on veut savoir ce que sont ces trois, il est impossible de compter. Voilà pourquoi le Palmiste a dit : « Notre Dieu est grand, sa puissance est sans bornes, et personne ne peut mesurer sa sagesse (1) ».

 

1. Ps. XIV, 6, 5.

 

599

 

Dès que tu y penses, tu commences à compter; à peine as-tu compté, que tu es dans l’impossibilité de dire ce que tu as compté. Le Père est le Père, le Fils est le Fils, le Saint-Esprit est le Saint-Esprit. Qu’est-ce que ces trois, le Père, le Fils et le Saint-Esprit? Sont. ils trois Dieux?-Non.- Trois Tout-Puissants? — Non. —  Trois créateurs du monde? —  Non. —  Le Père est-il tout-puissant? —  Oui, sans doute. — Le Fils l’est-il aussi? —  Oui, cela est certain. —  Le Saint-Esprit l’est-il également? — Il l’est autant que le Père et le Fils. —  Il y a donc trois Tout-Puissants? — Non, il n’y en a qu’un. On ne peut les compter qu’en les mettant en parallèle les uns avec les autres; si on les considère séparément, c’est impossible. Quant à lui-même, sa effet, le Père est un même Dieu avec le Fils et le Saint-Esprit, et il n’y a pas trois Dieux; relativement à lui seul, il est un même Tout-Puissant que le Fils et le Saint-Esprit, et il n’y a pas trois tout-puissants. Le Père n’est point le Père par rapport à lui-même, mais seulement par rapport au Fils. Le Fils n’est tel que par rapport au Père l’Esprit ne porte pas non plus, indépendamment de l’un et de l’autre, le nom d’Esprit du Père et du Fils. Je ne saurais dire ce que sont ces trois, sinon que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu, un seul Tout-Puissant. Il n’y a donc qu’un seul. principe.

5. Pour vous faire tant soit peu comprendre ce que je dis, je vais vous citer des faits rapportés par la sainte Ecriture. Après la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il monta vers son Père au moment qu’il avait choisi ; puis , dix jours s’étant écoulés, il envoya le Saint-Esprit à ses disciples réunis dans la même salle ; remplis de tous ses dons, ils commencèrent à parler le langage de toutes les nations. Ce miracle saisit d’épouvante ceux qui avaient fait mourir le Sauveur; contrits et repentants, ils trouvèrent dans leur douleur le principe de leur conversion, et leur conversion fut pour eux la source de la foi, et trois mille hommes s’unirent au corps du Christ, c’est-à-dire aux fidèles. Un autre miracle amena à l’Eglise cinq autres mille hommes. Alors, on vit se former un grand peuple, animé des mêmes sentiments. Tous les membres de ce peuple reçurent le Saint-Esprit qui alluma en eux le feu de l’amour divin : sous l’influence de la charité et de la ferveur d’âme, ils formèrent une société si étroitement unie, qu’ils vendaient leurs biens et en apportaient le prix aux pieds des Apôtres, afin qu’il fût réparti entre tous, proportionnellement aux besoins de chacun ; et voici ce qu’en dit l’Ecriture : c’est que, « parmi eux, il n’y avait qu’un cœur et qu’une âme pour Dieu (1) ». De là remarquez, mes frères, et apprenez à connaître le mystère de la Trinité; comprenez comment nous disons : Il y a un Père, un Fils et un Saint-Esprit, et, pourtant, il n’y a qu’un seul Dieu. Les membres de la primitive Eglise se comptaient par milliers, et, parmi eux, il n’y avait qu’un cœur : ils étaient en aussi grand nombre, et ils n’avaient qu’une âme. Mais où étaient leur cœur et leur âme? En Dieu. A bien plus forte raison doit-on trouver en Dieu la même unité. Me trompé-je dans ma manière de parler, lorsque je dis que deux hommes font deux âmes, que trois hommes font trois âmes, qu’une multitude d’hommes font une multitude d’âmes? Je parle évidemment avec justesse. Qu’ils s’approchent de Dieu, et ils n’auront tous qu’une âme. Si, en s’approchant de Dieu, plusieurs âmes deviennent, par l’effet de la charité, une seule âme, et plusieurs coeurs un seul coeur, quel effet produit dans le Père et le Fils la source même de la charité? La Trinité ne devient-elle pas plus étroitement encore un seul Dieu ? Selon l’Apôtre, la charité nous vient de là par le Saint-Esprit : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit, qui nous a été donné (2) ». Si donc la charité, répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné, fait de plusieurs âmes une seule âme, et de plusieurs coeurs un seul coeur, à bien plus forte raison fait-elle du Père, du Fils et du Saint-Esprit un seul Dieu, une seule lumière, un seul principe.

6. Écoutons donc les paroles que nous adresse le Principe. «J’ai », dit-il, « beaucoup de choses à dire et à juger à votre endroit». Vous vous souvenez qu’il a dit : « Je ne juge personne (3) ». Et voilà qu’il dit : « J’ai beaucoup de choses a dire et à juger à votre endroit ». Mais autre chose est « je ne juge personne » ; autre chose, « j’ai à juger. Je ne juge personne », regarde le présent,

 

1. Act. II-IV. —  2. I Rom. V, 5. —  3. I Jean, VIII, 15.

 

600

 

car le Christ était venu pour sauver le monde, et non pour le juger  (1). Mais ces autres paroles : « J’ai beaucoup de choses à dire et à juger à votre endroit », concernent le jugement à venir; car il est monté au ciel, afin de venir plus tard pour juger les vivants et les morts. Personne ne jugera avec plus de justice, que celui qui a été injustement jugé. « J’ai beaucoup de choses à dire et à juger à votre endroit, mais celui qui m’a envoyé est véridique ». Voyez comme le Fils, qui est égal à son Père, travaille à lui rendre gloire. Il nous donne l’exemple et semble nous parler dans le secret de notre coeur. Homme fidèle, te dit le Seigneur ton Dieu, écoute mon Evangile, tu y verras qu’au commencement était le Verbe, que le Verbe est Dieu en Dieu, égal à son Père, coéternel à celui qui l’engendre, que je suis ce Verbe et que je glorifie celui dont je suis le Fils. Pourquoi donc te montrer orgueilleux à l’égard de Celui dont tu es le serviteur?

7. « J’ai beaucoup de choses à dire et à juger à votre endroit, mais celui qui m’a envoyé est véridique ». C’était dire en d’autres termes : Je juge selon la vérité, parce que je suis le Fils d’un Père qui est véridique, parce que je suis la vérité. Le Père est véridique, le Fils est la vérité; que pouvons-nous imaginer de plus? De ces deux choses, être véridique ou être la vérité même, laquelle des deux l’emporte sur l’autre? Décidons, si nous le pouvons. Cherchons, par quelques exemples, à le comprendre. Un homme pieux est-il pieux ou bien est-il la piété? Il vaut mieux être la piété même qu’être pieux : pieux vient de piété, et piété ne dérive pas de pieux. En effet, la piété peut exister encore , lors même que l’homme , autrefois pieux, serait devenu impie. Il a perdu la piété, mais il ne lui a rien fait perdre. Il en est de même de ces deux choses : être beau et être la beauté même; il vaut mieux être la beauté qu’être beau; car la beauté fait le bel homme, tandis que le bel homme ne fait pas la beauté. Raisonnons encore de la même manière sur ces deux autres états : être chaste et être la chasteté même. Evidemment, la chasteté est préférable à la qualité de personne chaste : si la chasteté n’existait pas, comment un homme pourrait-il être chaste?

 

1. Jean, XII, 47.

 

Jamais il ne posséderait cette vertu; mais si quelqu’un veut être impudique, elle n’en souffre aucune atteinte. La piété a donc plus de prix que la qualité d’homme pieux, la beauté vaut mieux que la qualité d’homme beau, la chasteté est préférable à la qualité d’homme. chaste. Mais dirons-nous, pour cela, que la vérité est plus que la qualité de personne véridique ? Si nous le prétendons, nous affirmerons déjà que le Fils est supérieur au Père; or, le Sauveur a fait cette déclaration formelle : « Je suis la voie, la vérité et la vie (1) ». Si le Fils est la vérité, que sera le Père, sinon ce qu’en a dit la Vérité même : « Celui qui m’a envoyé est véridique? » Le Fils est la vérité, le Père est véridique. Je cherche à savoir en quoi le Fils est supérieur au Père, et je les trouve égaux : le Père est véridique, non pas en ce sens qu’il ne posséderait en lui-même qu’une partie de la vérité, mais en ce sens qu’il l’a engendrée tout entière.

8. Je le vois, il me faudrait épuiser le sujet; mais afin de ne pas vous retenir trop longtemps, je n’irai pas aujourd’hui plus loin dans mes explications, et quand, avec la grâce de Dieu, je serai arrivé à la fin de ce que je veux dire, je me bornerai là. Je vous parle ainsi pour ranimer votre attention. Parce qu’elle est sujette au changement, et quoiqu’elle soit une créature d’élite, toute âme est une créature ; elle a beau être plus estimable que le corps, elle n’en est pas moins sortie des mains du Créateur. Toute âme est sujette à des vicissitudes, c’est-à-dire que tantôt elle croit et tantôt elle ne croit pas; elle veut aujourd’hui, et bientôt ne voudra plus; tout à l’heure elle était chaste, elle est maintenant adultère ; tour à tour elle se montre bonne et mauvaise : elle subit donc des variations dans son être. Pour Dieu, il est ce qu’if est; aussi s’est-il réservé un nom qui ne convient qu’à lui seul : « Je suis Celui qui suis (2) ». Le Fils est aussi ce qu’il est, car il a dit : « Si vous ne croyez pas que je suis » ; à cela se rapportent encore ces paroles : « Qui es-tu? — Le Principe (3) ». Dieu est donc immuable, et l’âme humaine est sujette au changement. Quand elle puise en Dieu la bonté, elle devient bonne par participation avec lui, de la même manière que ton oeil aperçoit les objets en entrant en

 

1. Jean, XIV, 6. — 2. Exod. III, 14. — 3. Jean, VIII, 21, 25.

 

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participation de la lumière; car il ne voit plus rien dès que tu lui retires cette lumière, dont les rayons ont dissipé ses ténèbres en se communiquant à lui. L’âme devient bonne, en puisant en Dieu sa bonté; mais si elle subit un changement et devient mauvaise, la bonté, en participation de laquelle elle était entrée, n’en subsiste pas moins. Pendant qu’elle était bonne, elle possédait la bonté dans une certaine proportion ; devenue mauvaise, elle a laissé la bonté libre de toute atteinte. Cette lumière s’est communiquée à ton oeil, et il voit; se ferme-t-il? l’intensité des rayons lumineux n’est en rien diminuée; s’ouvre-t-il ? leur éclat n’en est nullement augmenté; A l’aide de cette comparaison, mes frères, vous pouvez comprendre que si l’âme est pieuse, la piété elle-même réside en Dieu, qui en communique quelque chose à l’âme ; si l’âme est chaste, la chasteté bien Dieu, et Dieu permet à l’âme d’y participer. Si l’âme est bonne, elle puise à la source même de la bonté qui se trouve en Dieu. Si l’âme est véridique, c’est que Dieu, en qui réside la vérité, l’en a fait participante. Tout homme dont l’âme n’est pas en participation de la vérité, est, par là même, convaincu d’erreur (1); et dès lorsque tout homme est menteur, nul n’est véridique de sa propre nature. Quant au Père, il est véridique, et il l’est de par lui-même, parce qu’il a engendré la vérité. Autre chose est de dire : Cet homme est véridique, parce qu’il est entré en participation de la vérité; autre chose est de dire : Dieu est véridique, parce qu’il a engendré la vérité. Si Dieu est véridique, ce n’est donc point pour être entré en participation de la vérité : c’est pour l’avoir engendrée. Je le vois, vous avez saisi ma pensée, et je m’en réjouis. Que ce que j’ai dit vous suffise pour aujourd’hui; nous vous expliquerons le reste quand Dieu le permettra et selon la mesure de sa grâce.

 

1. Ps. CXV, 11.

 

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