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HUITIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT : « TROIS JOURS APRÈS, DES NOCES SE FIRENT A CANA EN GALILÉE », JUSQU’À : « FEMME, QU’EST-CE QUE CELA FAIT A VOUS ET A MOI? MON HEURE N’EST PAS ENCORE VENUE ». (Chap. II, 1-4.)

LES NOCES DE CANA.

 

Tontes les oeuvres visibles ou invisibles qu’opère la Verbe sont admirables. Néanmoins l’habitude de les contempler affaiblit notre admiration nous ne l’accordons qu’à celles dont le spectacle s’offre moins souvent à nos yeux. Aussi, le Fils de Dieu fait homme a-t-il accompli des prodiges pour frapper nos sens et nous amener à la foi; il en est de celui-ci comme des astres. Jésus est venu aux noces de Cana, comme par son Incarnation il était venu célébrer les noces de sa divinité avec son humanité, de son Eglise avec lui-même. De ces paroles à Marie: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi?» Certains hérétiques concluent que le Christ n’avait pas un véritable corps : le contexte les condamne; d’ailleurs on demandait un prodige que le Sauveur ne pouvait opérer qu’en tant que Dieu : comme tel, il ne reconnaissait pas Marie pour mère, puisqu’il n’en avait pas; il ne devait la reconnaître pour telle que sur la croix. D’autres infèrent de ces autres paroles «Mon heure n’est pas encore venue », que Jésus n’était pas libre; cette interprétation est fautive, car il a dit : « J’ai le pouvoir de quitter ma vie et de la reprendre ». Son oeuvre n’étant pas accomplie au moment des noces de Cana, l’heure n’était pas encore venue de reconnaître Marie pour sa mère. Voilà le vrai sens de ces paroles.

 

1. Assurément le miracle par lequel Notre-Seigneur Jésus-Christ a changé l’eau en vin, l’a rien d’étonnant pour ceux qui savent que l’est un Dieu qui l’a fait. Aussi bien Celui qui en ce jour de noces a changé l’eau en vin dans ces six urnes qu’il avait ordonné de remplir (1), est le même qui chaque année opère dans les vignes un prodige pareil. En effet, comme l’eau versée dans les urnes par es serviteurs a été convertie en vin par l’oeuvre du Seigneur, ainsi par l’oeuvre du même Seigneur l’eau que versent les nuées est convertie en vin. Ce dernier prodige ne nous étonne point, parce qu’il se renouvelle tous les ans; oui, parce qu’il s’opère continuellement, il n’a plus rien de merveilleux pour nous : cependant, il exigerait bien plus d’attention de notre part que celui qui a été opéré dans les urnes remplies d’eau. Où est, en effet, l’homme capable de considérer ce que Dieu fait dans le gouvernement et l’administration des choses de ce monde, sans tomber dans la stupeur et se voir comme écrasé sous le poids des merveilles qu’il

 

1. Jean, II, 6-11.

 

opère? Si l’on se rend compte de la vertu d’un seul grain, de n’importe quelle semence, l’oeuvre divine apparaît avec des proportions si étonnantes, qu’on éprouve involontairement une impression d’effroi. Mais les hommes attentifs à d’autres objets ont perdu de vue les oeuvres de Dieu qui devaient les porter à offrir chaque jour, au Créateur, leurs louanges. Aussi Dieu s’est-il, en quelque sorte, réservé d’opérer certaines oeuvres inaccoutumées, voulant, par ces merveilles, tirer les hommes de leur assoupissement et les rendre plus vigilants pour son culte. Qu’un mort reparaisse, tout le monde s’en étonne; des milliers d’hommes naissent tous les jours, et personne ne s’en occupe. A considérer les choses avec attention, c’est une plus grande merveille de donner la vie à qui ne l’avait pas, que de la rendre à qui l’avait précédemment; néanmoins, le même Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, fait tout cela et gouverne ses créatures par son Verbe. Il a fait les premières de ces merveilles par son Verbe, Dieu en lui; les secondes, il les a faites par son Verbe incarné et devenu homme [378] pour nous. Comme nous admirons les oeuvres de Jésus-Christ homme, admirons les oeuvres de Jésus-Christ Dieu, Par Jésus-Christ Dieu ont été faits le ciel et la terre, la mer, toute la parure des cieux, la richesse de la terre, la fécondité de la mer; en un mot, tout ce qui s’étale à nos regards, c’est Jésus-Christ Dieu qui l’a fait. Nous le voyons, et si l’esprit de Jésus-Christ se trouve en nous, la joie que nous cause un pareil spectacle nous anime et nous porte à en louer l’auteur, et ainsi nous ne nous tournons pas tellement vers l’oeuvre, que nous nous détournions de l’ouvrier; nous n’appliquons pas notre visage à l’ouvrage, au point de tourner le dos à celui qui l’a fait.

2. Toutes ces merveilles, nous les voyons, elles sont exposées à nos regards; mais que dire de ce que nous ne voyons pas, des Anges, des Vertus, des Puissances, des Dominations et de tous les habitants de cette demeure céleste que nos yeux ne peuvent contempler? Les Anges, quand il l’a fallu, se sont néanmoins souvent montrés aux hommes. N’est-ce point par sou Verbe, c’est-à-dire par son Fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur, que Dieu a fait toutes ces créatures? Que dire de l’âme humaine, invisible aux yeux du corps, mais qui parles oeuvres qu’elle opère dans son corps offre un merveilleux spectacle aux yeux de ceux qui savent y être attentifs? Qui est-ce qui l’a créée? N’est-ce pas Dieu? Et par qui a-t-elle été faite, sinon par son Fils? Mais je ne parle pas encore de l’âme humaine. Quel empire l’âme de n’importe quelle bête n’exerce-t-elle pas sur la matière de son corps? Elle met en mouvement tous ses sens, ses yeux pour voir, ses oreilles pour entendre, ses narines pour percevoir les parfums, son palais pour discerner les saveurs, tous ses membres enfin, pour faire remplir à chacun d’eux son office particulier. Est-ce le corps, ou plutôt, n’est-ce pas l’âme, c’est-à-dire, l’habitant du corps qui fait tout cela? Cependant elle demeure invisible, mais par ce qu’elle fait elle excite l’admiration. Considère maintenant l’âme de l’homme elle-même, cette âme douée par Dieu d’intelligence pour connaître son Créateur, pour distinguer et discerner le bien du mal, c’est-à-dire, le juste de l’injuste. Que ne fait-elle point par l’intermédiaire du corps? Voyez comme toutes les parties de l’univers sont admirablement coordonnées dans la république des hommes! Quelle organisation des gouvernements ! Quelle hiérarchie dans les pouvoirs, quels agencements dans la constitution des villes ; quelles lois, quelles moeurs, quels arts ! C’est l’âme qui dirige tout cet ensemble de choses, et pourtant, cette puissance de direction qu’elle exerce, personne ne la voit. Retirez-la du corps, il ne reste plus qu’un cadavre; laissez-la dans le corps, sa première action est d’en relever, en quelque sorte, le mauvais goût. Car la chair est sujette à se corrompre ; elle tombe en pourriture à moins que l’âme, pareille à un assaisonnement, n’en retarde la putréfaction. Ce privilège, l’âme des bêtes le partage avec elle; mais bien autrement admirables sont les facultés spéciales de l’homme, dont j’ai parlé, qui découlent de son esprit et de son intelligence et par lesquelles il renouvelle en lui les traits du Créateur, à l’image de qui il a été formé (1). Quelle sera la puissance de l’âme, lorsque le corps aura revêtu l’incorruptibilité et que, de mortel, il sera devenu immortel (2) ? Si l’âme peut faire de si grandes choses au moyen d’une chair corruptible, que ne pourra-t-elle pas faire après la résurrection des morts avec un corps spiritualisé? Cette âme, comme je l’ai dit, si merveilleuse par sa nature et sa substance, est néanmoins invisible a des yeux autres que ceux de l’intelligence; toutefois elle a été faite par Jésus-Christ Dieu, parce qu’il est le Verbe de Dieu, car toutes choses ont été faites par lui, sans lui rien n’a été fait (3).

3. Puisque nous voyons de si grandes choses faites par Jésus-Christ Dieu, y a-t-il rien d’étonnant à ce que l’eau ait été changée en vin par Jésus-Christ homme? Aussi bien, il ne s’est pas fait homme pour perdre ce qu’il était comme Dieu: l’humanité s’est approchée de lui, la divinité n’en a pas été éloignée. Celui qui a fait ce miracle est donc le même qui a fait toutes choses. Par conséquent, ne soyons pas surpris que Dieu ait fait ce prodige, mais aimons-le parce qu’il l’a fait parmi nous et pour notre salut. D’ailleurs ses actions mêmes ont un but; celui de nous instruire. Selon moi, il n’est pas venu à ces noces sans motif. Indépendamment du miracle, cette action de Notre-Seigneur cache un secret et un mystère. Frappons à la porte,

 

1. Coloss. III, 10. — 2. I Cor. XV, 53, 51. —  3. Jean, I, 3.

 

afin qu’il nous ouvre et nous enivre d’un vin invisible; car nous aussi, nous étions de l’eau, et il nous a changés en vin; nous étions des insensés, et il nota a rendus sages de la sagesse que donne le goût de la foi qui vient de lui. Et sans doute, il est de cette sagesse de chercher, à l’honneur de Dieu, à la louange de sa majesté, en reconnaissance de sa miséricorde toute-puissante, à avoir l’intelligence des circonstances de ce miracle.

4. Invité aux noces, le Seigneur s’y rendit. Quelle merveille que des noces l’aient fait venir en cette maison, lui que des noces ont fait venir en ce monde? Car si ce ne sont pas des noces qui l’ont fait venir, ici donc il n’a pas d’Epouse. Mais alors qu’a voulu dire l’Apôtre : « Je vous ai fiancés à un unique Epoux, Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure? » Pourquoi craindre que la pureté de cette Epouse du Christ ne soit flétrie par l’artifice du diable ? « Je crains»,dit-il, «que comme Eve a été séduite par l’artifice du serpent, vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité et de la pureté qui est en Jésus-Christ (1)». Ici donc il a une épouse rachetée par lui avec son sang, et à laquelle il a donné comme arrhes le Saint-Esprit (2). Il l’a délivrée de l’esclavage du diable , il est mort pour ses péchés , il est ressuscité pour sa justification (3). Quel époux offrira de tels présents à son épouse? Que les autres hommes offrent des ornements mondains, de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, des chevaux, des esclaves, des champs et des terres; y en aura-t-il un seul parmi eux pour offrir son sang? car s’il s’en trouvait un pour donner son sang à son épouse, il ne pourrait plus se marier avec elle. Mais le Seigneur n’a pas eu cette crainte à l’heure de sa mort. L’Epouse pour laquelle il a donné son sang et qu’il s’était déjà unie dans le sein d’une Vierge, il est assuré de l’avoir après sa résurrection. L’Epoux, c’est le Verbe ; l’épouse, c’est la nature humaine; et la réunion des deux forme Jésus-Christ, Fils de Dieu, et en même temps Fils de l’homme. Le lit nuptial où il est devenu chef de l’Eglise, c’est le sein de la Vierge Marie; c’est de là qu’il est sorti comme l’époux de son lit nuptial, suivant cette prophétie contenue dans les Ecritures: « Semblable à un époux, sortant de son lit nuptial,

 

1. II Cor. XI, 2, 3.— 2. Id. I, 22. — 3. Rom. IV, 25.

 

il s’est élancé comme un géant pour courir sa voie (1) ». Jésus-Christ est donc sorti de son

lit nuptial comme un époux, et il est venu aux noces, auxquelles il avait été invité.

5. Certainement ce n’est pas sans mystère qu’il semble méconnaître sa Mère, du sein de laquelle il est sorti comme de son lit nuptial, et qu’il lui dit: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? mon heure n’est pas encore venue ». Et quoi ! est-il venu aux noces pour y apprendre aux enfants à mépriser leur mère? Certes, celui dont les noces l’avaient fait venir ne prenait une épouse que pour mettre des enfants au monde, et ces enfants qu’il souhaitait en voir naître, il désirait aussi les voir honorer leur mère. Jésus-Christ serait-il venu aux noces pour mépriser sa mère, quand les noces se célèbrent et qu’un homme prend femme pour avoir des enfants, et quand Dieu fait à ces enfants un commandement exprès de respecter leurs pères et mères? Mes frères, il y a sous cette conduite du Sauveur un mystère. Oui, il y a là un grand mystère, car certains hommes dont l’Apôtre nous a avertis de nous garder, ainsi que nous l’avons rapporté plus haut, lorsqu’il nous dit : « Je crains que comme Eve a été séduite par l’artifice du serpent, vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité et de la pureté qui est en Jésus-Christ », certains hommes qui abusent de l’Evangile et prétendent que Jésus n’est pas né de la Vierge Marie, se sont efforcés d’y trouver des arguments pour la défense de leur erreur. Voici leurs paroles: Comment serait-elle sa mère, puisqu’il lui a dit: « Femme, qu’y a t-il de commun entre vous et moi? » C’est à ceux-là qu’il faut répondre, et c’est à eux qu’il faut expliquer pourquoi le Seigneur a parlé ainsi, de peur qu’ils n’aient pas l’air d’avoir, dans leur fureur contre la vraie foi, trouvé le moyen de corrompre la pureté de l’Epouse, c’est-à-dire d’ébrécher la foi de l’Eglise. Assurément mes frères, elle est corrompue la foi de ceux qui préfèrent le mensonge à la vérité. Car ceux qui, sous prétexte d’honorer le Christ, nient qu’il ait pris une chair, ne font rien moins que le signaler comme un menteur. Et ceux qui élèvent parmi les hommes un édifice de mensonge, que bannissent-ils de leur coeur, sinon la vérité? Ils introduisent le

 

1. Ps. XVIII, 6.

380

 

démon, ils chassent Jésus-Christ ; ils introduisent un adultère, ils chassent l’Epoux: para. nymphes, ou plutôt entremetteurs du serpent, ils n’élèvent la voix que pour faire régner le serpent et pour détrôner le Christ, Quand le serpent règne-t-i!? Lorsque règne le mensonge. Où règne le mensonge, là règne le serpent; où règne la vérité, là règne le Christ. Car le Sauveur a dit de lui-même: « Je suis la vérité (1) » ; au lieu qu’il a dit du serpent: « Il ne s’est pas tenu dans la vérité, parce que la vérité n’était pas en lui (2) ». Le Christ est tellement la vérité que tout en lui doit être par toi considéré comme vrai, un vrai Verbe, Dieu égal au Père, une vraie âme, une vraie chair, un vrai homme, un vrai Dieu, une vraie naissance, une vraie passion, une vraie mort, une vraie résurrection. Si un seul de ces points te semble faux et que tu le dises tel, la corruption entrera dans tous les autres; du venin du serpent naîtront les vers du mensonge; rien ne demeurera intact.

6. Mais, dira l’adversaire, que signifient ces paroles du Sauveur: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? » Peut-être dans ce qui suit nous montrera-t-il pourquoi il a ainsi parlé. « Mon heure », dit-il, « n’est pas encore venue ». Car, voici ses paroles « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? Mon heure n’est pas encore venue», Pourquoi a-t-il ainsi parlé? C’est ce qu’il faut essayer de découvrir. C’est par là qu’il nous faut d’abord résister aux hérétiques. Que dit le vieux serpent, l’antique siffleur et souffleur de poisons? Que dit-il ? Jésus n’a point eu pour mère une femme. Quelle preuve en donnes-tu ? C’est que le Christ a dit: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » Pour le croire, nous voudrions savoir qui l’a dit. Qui donc l’a dit? L’évangéliste Jean. Mais le même évangéliste Jean a dit : « Et la mère de Jésus y était ». Car voici son récit: « Trois jours après, il se fit des noces à Cana, en Galilée, et la mère de Jésus y était. Il y vint aussi, convié avec ses disciples ». Nous avons cette double assertion de l’Evangéliste. « La mère de Jésus y était », l’Evangéliste le dit. Ce que Jésus dit à sa mère, l’Evangéliste le dit aussi. Il rapporte la réponse de Jésus à sa mère, mais seulement après avoir dit : « Sa mère lui dit ». Faites attention à ceci, mes frères, afin de fortifier la pureté de

 

1. Jean, XLV, 6. — 2. Id. VIII, 44.

 

votre coeur contre la langue du serpent. Là, dans le même Evangile, le même Evangéliste vous dit : « La mère de Jésus y était »; et encore: «Sa mère lui dit ». Qui a fait ce récit? L’évangéliste Jean. Et qu’est-ce que Jésus a répondu à sa mère? « Femme, qu’y a-t-il de « commun entre vous et moi? » Qui fait ce récit? Le même évangéliste Jean. O Evangéliste très-fidèle et très-véritable, vous me rapportez que Jésus a dit: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ?» Pourquoi lui avoir donné une mère qu’il ne connaît pas? Car vous avez dit aussi: « La mère de Jésus était là » ; et encore : « Sa mère lui dit ». Pourquoi n’avoir pas dit de préférence: Marie était là, et Marie lui dit? Vous rapportez l’un et l’autre: « Sa mère lui dit », et : « Jésus lui répondit : Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi?» Pourquoi cela, sinon parce que l’un et l’autre sont vrais. Mais les hérétiques consentent à ajouter foi à l’Evangéliste lorsqu’il raconte que Jésus dit à sa mère: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? » et refusent de le croire lorsqu’il dit : « La mère de Jésus était là », et: « Sa mère lui dit ». Maintenant, quel est celui qui résiste au serpent, qui garde la vérité, qui ne laisse pas la pureté de son coeur se corrompre aux artifices du diable ? C’est celui qui regarde l’un et l’autre comme vrais, à savoir que « la mère de Jésus était là », et que Jésus a ainsi répondu à sa mère. Mais si cet hérétique ne comprend pas encore en quel sens Jésus a dit « Femme, « qu’y a t-il de commun entre vous et moi?» qu’il croie du moins que Jésus l’a dit et qu’il l’a dit à sa mère. Qu’il ait d’abord la soumission pieuse de la foi, et le fruit de l’intelligence viendra ensuite.

7. Chrétiens fidèles, c’est vous que j’interroge : La mère de Jésus y était-elle? Répondez: Elle y était. Comment le savez-vous? Répondez: L’Evangile le dit. Qu’est-ce que Jésus a répondu à sa mère? Répondez: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? mon heure n’est pas encore venue». Et comment le savez-vous? Répondez: L’Evangile le dit. Que personne ne corrompe votre foi sur ce point, si vous voulez conserver intacte à l’épouse votre virginité. Si l’on vous demande pourquoi il n ainsi répondu à sa mère, que celui qui le comprend le dise; pour celui qui ne le comprend pas, qu’il se [381] contente de croire d’une foi très-ferme que Jésus a fait cette réponse et qu’il l’a faite à sa mère. Par cette soumission pieuse, il méritera de comprendre pourquoi Jésus a fait cette réponse, s’il frappe à la porte de la vérité par ses prières et ne s’en approche pas avec un esprit de contention et de querelle. Seulement, qu’il y prenne garde ; au lieu d’avoir l’intelligence de cette réponse ou de rougir de ce qu’il ne l’aurait pas, il pourrait être forcé de croire que l’Evangéliste a menti en disant: « La mère de Jésus y était » ; ou que le Christ lui-même a souffert pour nos péchés une mort simulée; qu’il a montré pour notre justification de fausses cicatrices; qu’il a dit faussement : « Si vous demeurez en ma parole, vous êtes véritablement mes disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité nous rendra libres (1) ». Car si sa mère n’est que supposée, comme aussi sa chair, comme sa mort, comme les blessures de sa Passion, comme les cicatrices de sa Résurrection, ce n’est plus la vérité qui rendra libres ceux qui croient en lui, mais c’est la duperie. Que plutôt la duperie laisse la place à la vérité, et qu’ils soient confondus ceux qui en paraissant véridiques veulent prouver que le Christ été menteur. Ils ne veulent pas qu’on leur dise: Nous ne vous croyons pas parce que mous mentez, bien qu’ils accusent de mensonge la Vérité même. Cependant, si nous leur demandons: Comment savez-vous que le Christ a dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? » ils répondent qu’ils en croient l’Evangéliste. Pourquoi n’en croient-ils pas l’Evangile, lorsqu’il dit: «La mère de Jésus y était» ; et : « Sa mère lui dit»; ou bien, si l’Evangile est menteur en ce point, pourquoi croient-ils que Jésus a dit: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? » Ou plutôt, pourquoi ces malheureux ne croient-ils pas fidèlement que le Seigneur a ainsi répondu, non à une étrangère, mais à sa mère, et ne cherchent-ils pas pieusement pourquoi il a fait cette réponse ! Car, il y a une grande différence entre celui qui dit: Je voudrais savoir pourquoi le Christ a ainsi répondu à sa mère et celui qui dit : Je sais que la femme à laquelle le Christ a ainsi répondu n’était pas sa mère. Autre chose est de vouloir comprendre ce qui n’est pas clair, autre chose de ne vouloir pas croire ce qui est

 

1. Jean, VIII, 31, 32.

 

évident. Celui qui dit: Je voudrais savoir pourquoi le Christ a ainsi répondu à sa mère, demande qu’on lui fasse comprendre l’Evangile auquel il croit; mais celui qui dit : Je sais que la femme à laquelle le Christ a ainsi répondu n’était pas sa mère, accuse de mensonge l’Evangile lui-même, puisqu’il croit que le Christ a fait cette réponse.

8. Si vous y consentez, mes frères, laissons dans leur aveuglement les malheureux destinés à y croupir toujours, à moins que l’humilité ne les guérisse; puis cherchons pourquoi le Seigneur a ainsi répondu à sa mère. Il y a cela de singulier en Notre-Seigneur, qu’il est né d’un père sans le secours d’une mère, et d’une mère sans l’intermédiaire d’un père: comme Dieu, il n’avait pas de mère; comme homme, il n’avait pas de père : avant le temps, il était sans mère; il était sans père, avant la fin des temps. Ce qu’il a répondu, il l’a répondu à sa mère; car, « la mère de Jésus y était » et « sa mère lui dit ». Tout cela se trouve dans l’Evangile. Il nous apprend que « la mère de Jésus y était », et que Jésus lui dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? Mon heure n’est pas encore venue ». Croyons le tout, et ce que nous ne comprenons pas encore, cherchons à le saisir; mais d’abord prenez garde, car de même que les Manichéens ont trouvé un prétexte à leur perfidie dans cette parole du Seigneur: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » ainsi les mathématiciens trouveront peut-être un prétexte à leurs mensonges dans cette autre: « Mon heure n’est pas encore venue ». Et si le Seigneur l’a dite en leur sens,nous avons commis un sacrilège en brûlant leurs livres. Si, au contraire, nous avons eu raison d’imiter ce qui se faisait du temps des Apôtres(1), le Seigneur n’a pas dit en leur sens: « Mon heure n’est pas encore venue ». Les hâbleurs et ceux qui séduisent les autres après s’être laissé séduire eux-mêmes, disent : Tu vois bien que le Christ était soumis à la fatalité, puisqu’il a dit « Mon heure n’est pas encore venue ». Auxquels donc répondrons-nous d’abord: aux hérétiques ou aux mathématiciens? Les uns et les autres procèdent de l’ancien serpent, puisqu’ils veulent tous corrompre la virginité du coeur de l’Eglise qui se trouve dans l’intégrité de sa foi. Commençons, si vous le trouvez

 

1. Act. XIX, 19.

 

382

 

bon, par ceux que nous avons mis les premiers en avant, et auxquels nous avons déjà en grande partie répondu. Cependant, pour leur ôter cette idée que nous n’avons rien à dire sur cette réponse de Notre-Seigneur à sa mère, nous allons achever de vous prémunir contre eux; car, pour les réfuter, je crois que ce que nous avons dit jusqu’ici est suffisant.

9. Pourquoi donc le fils dit-il à sa mère: « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? Mon heure n’est pas encore venue ». Notre-Seigneur Jésus-Christ était Dieu et homme tout ensemble. En tant que Dieu, il n’avait pas de mère, en tant qu’homme il en avait une. Elle était donc la mère de son corps, la mère de son humanité, la mère de l’infirmité qu’il a prise à cause de nous. Or, le miracle qu’il allait faire, il allait le faire selon sa divinité, et non selon son humanité; en tant qu’il était Dieu, et non en tant qu’il était né dans la faiblesse. Toutefois, ce qui est faible en Dieu est plus fort que tous les hommes (1). Sa mère lui demanda donc un miracle; mais comme il allait faire une oeuvre divine, il sembla oublier qu’il était né d’elle et lui dire : Ce qui en moi fait des miracles, vous ne l’avez pas enfanté; ce n’est pas vous qui avez donné l’être à ma divinité; mais comme vous avez donné le jour à mon infirmité, je vous reconnaîtrai lorsque mon infirmité sera attachée à la croix; voilà le sens de ces mots : « Mon heure n’est las encore venue». Alors, en effet, il l’a reconnue, quoiqu’il ne l’eût jamais méconnue. Avant de naître d’elle, et au moment où il la prédestinait, il l’avait connue comme sa mère avant de créer, comme Dieu, celle dont il devait être formé comme homme, il la connaissait comme sa mère; mais à une certaine heure , il la méconnaît mystérieusement, comme encore à une certaine heure qui n’était pas encore venue, il devait mystérieusement la reconnaître. Alors, en effet, il la reconnut, lorsque mourait ce qu’elle avait enfanté; car ce qui mourut en ce moment, ce fut non pas ce qui avait formé Marie, mais ce qui avait été formé de Marie ; non pas la divinité, mais l’infirmité de la chair. Il a donc répondu ainsi, afin de distinguer en lui, dans la foi de ceux qui devaient croire, ce qu’il était, de celle par qui il était venu. Le Dieu et Seigneur du ciel et de la terre a donc

 

1. I Cor. I, 25.

 

eu pour mère une femme. Comme Seigneur du monde, comme Seigneur du ciel et de la terre, il est aussi le Seigneur de Marie; comme Créateur du ciel et de la terre, il est aussi le Créateur de Marie; mais en tant que s’appliquent à lui ces paroles : « Formé d’une femme, formé sous la loi (1) », il est le fils de Marie. Le Seigneur de Marie est en même temps le fils de Marie; celui qui a créé Marie a été formé de Marie. Ne sois pas surpris de voir qu’il soit à la fois son fils et son Seigneur; car s’il a été appelé le fils de Marie, il a été aussi appelé le fils de David, et il a été le fils de David précisément parce qu’il a été le fils de Marie. Entends l’Apôtre; il dit formellement « qu’il lui est né de la race de David selon la chair (2) ». Ecoute encore : Il a été aussi appelé le Seigneur de David. Que David le dise lui-même: « Le Seigneur a dit à mon Seigneur, asseyez-vous à ma droite (3) ». Et Jésus lui-même a proposé ce passage aux Juifs, et s’en est servi pour les confondre (4). Comment donc est-il en même temps le fils et le Seigneur de David ? Il est le fils de David selon la chair, il en est le Seigneur selon la divinité. Il est pareillement le fils de Marie selon la chair, et son Seigneur selon la majesté. Comme Marie n’était pas la mère de la divinité, et comme c’était la divinité qui devait opérer le miracle demandé par Marie, il lui dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi? » Ne croyez pas cependant que je vous renie pour ma mère: « Mon heure n’est pas encore venue ». Je vous reconnaîtrai au moment où mon infirmité, dont vous êtes la mère;sera attachée à la croix. Voyons si cela est vrai. Quand fut venue l’heure de la passion du Christ, voici ce qui se passa d’après le témoignage de l’Evangéliste même qui connaissait la mère du Seigneur et qui nous la représente maintenant comme assistant aux noces: « La mère de Jésus était près: de la croix, et Jésus dit à sa mère: Femme, voici votre fils; et au disciple : Voici votre mère (3) ». Il recommande sa mère à son disciple, car il devait mourir avant elle et ressusciter avant sa mort; il la recommande à Jean; homme, il recommande à un homme l’humanité d’où il est sort!. Voilà ce que Marie avait enfanté. Alors était venue l’heure dont il dit aujourd’hui :

 

1. Gal. IV, 4. — 2. Rom. I, 3. — 3. Ps. CIX, 1. — 4. Matth. XXII, 45. — 5. Jean, XIX, 25-27.

 

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«  Mon heure n’est pas encore venue ».

10. Si je ne me trompe, mes frères, rions avons répondu aux hérétiques; répondons maintenant aux mathématiciens. Pourquoi ceux-ci prétendent-ils que Jésus était soumis à la fatalité? C’est, assurent-ils, parce qu’il a dit: « Mon heure n’est pas encore venue ». Donc, nous croyons à sa parole. Et s’il avait dit : Je n’ai pas le moment, il aurait mis hors de cause les mathématiciens. Mais, disent-ils, voici ses paroles : « Mon heure n’est pas encore venue ». Si donc il avait dit: Je n’ai pas le moment, il aurait mis hors de cause les mathématiciens; il n’y aurait pas de prétexte à leurs calomnies; mais comme il a dit: « Mon heure n’est pas encore venue », que pouvons-nous opposer à ses paroles? C’est merveille de voir les mathématiciens ajouter foi aux paroles de Jésus-Christ et s’efforcer en même temps de convaincre les chrétiens que le Christ a vécu nus la fatalité d’une heure. Qu’ils ajoutent donc foi aux paroles de Jésus-Christ lorsqu’il dit: « J’ai le pouvoir de quitter la vie et de la reprendre de nouveau; personne ne me l’enlève, mais je la quitte de moi-même, et de nouveau je la reprends (1) ». Un tel pouvoir dépend-il du destin ? Un homme qui a le pouvoir de décider quand il mourra, et combien de temps il vivra, est-il soumis à la fatalité? Qu’ils nous le montrent donc! Mais ils ne le montreront pas. Qu’ils ajoutent par conséquent foi à ces paroles du Sauveur «  J’ai le pouvoir de quitter la vie et de la reprendre de nouveau »; qu’ils cherchent ensuite pourquoi il a dit : « Mon heure n’est point encore venue», et qu’en raison de ces paroles ils ne soumettent pas à la fatalité l’auteur du ciel, le créateur et l’ordonnateur des astres. D’ailleurs, si les astres étaient les maîtres du destin, celui qui a créé les astres ne pouvait être assujetti à la nécessité qu’ils imposent. Ajoute à cela que ce que tu appelles le destin, le Christ, non-seulement n’y est pas soumis, mais ni toi, ni moi, ni un autre, ni personne, n’en subissons la fatalité.

11. Quoi qu’il en soit, et parce qu’ils se sont laissé séduire, ces malheureux cherchent à séduire à leur tour: ils proposent aux hommes leurs moyens de séductions, ils tendent leurs piéges pour les prendre, et cela sur les

 

1. Jean, X, 18.

 

places publiques. Au moins ceux qui tendent des pièges aux animaux sauvages choisissent pour cela les forêts et les lieux déserts. Combien sont malheureux et vains ceux à qui l’on tend des piéges jusque sur les places publiques, afin de les prendre ! Les hommes reçoivent de l’argent pour se vendre à d’autres hommes, et ceux-ci donnent le leur pour se vendre à la vanité ! Car ils entrent chez un astrologue pour s’y procurer des maîtres tels qu’il plaît à cet homme de leur en donner: Saturne, Jupiter, Mercure, ou tout autre de nom aussi sacrilège. Il est entré libre, afin, pour son argent, de sortir esclave. Que dis-je? Il ne serait pas entré s’il avait été libre; mais il est entré là où l’erreur, où la cupidité l’attiraient pour en faire leur esclave. C’est ce qui a fait dire à la vérité : « Tout homme qui commet le péché est l’esclave du péché (1)».

12. Pourquoi donc Jésus-Christ a-t-il dit « Mon heure n’est pas encore venue?» C’était surtout parce que, ayant le pouvoir de mourir quand il le voudrait, il ne jugeait pas opportun d’en user encore. Pourquoi , par exemple, mes frères, disons-nous : L’heure est venue de partir afin de célébrer les mys1ères? Si nous sortons avant l’heure convenable, ne nous con luisons-nous pas en dehors de la règle et à contre-temps ? Mais, si nous ne sortons qu’au moment opportun, est-ce que la fatalité dicte nos paroles ? Quel est donc le sens de ces paroles : « Mon heure n’est pas encore venue? » L’heure n’est pas encore venue pour moi de savoir que le moment de souffrir est venu pour moi, et que ma passion sera utile. Quand elle sera venue, alors je souffrirai volontairement. De cette façon seront vrais pour toi ces deux passages : « Mon heure n’est pas encore venue » ; et: « J’ai le pouvoir de donner ma vie et de la reprendre à nouveau ». Jésus-Christ était donc venu avec le pouvoir de choisir le moment de sa mort. Mais s’il était mort avant d’avoir choisi ses disciples, à coup sûr il eût agi à contre-temps. Or, s’il n’avait pas eu le pouvoir de choisir l’heure de sa mort, il aurait pu mourir avant de choisir ses disciples; et s’il était mort après les avoir choisis et instruits, c’eût été un effet, non pas de sa propre volonté, mais de la volonté d’autrui. Mais il était venu avec le pouvoir de s’en aller et de revenir, de s’avancer jusqu’où il voulait,

 

1. Jean, VIII, 34.

 

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de tenir l’enfer devant lui, non-seulement après sa mort, mais même après sa résurrection, afin de faire briller à nos yeux l’espérance de voir son Eglise durer toujours ; par conséquent, il a marqué dans le chef ce que les membres avaient droit d’attendre. Il est ressuscité comme chef, il ressuscitera donc aussi dans ses membres. Son heure n’était donc pas encore venue, ce n’était pas encore le moment opportun. Il lui fallait appeler ses disciples, annoncer le royaume des cieux, opérer des prodiges, prouver sa divinité par des miracles, et son humanité par les souffrances de son corps. En effet, il avait faim parce qu’il était homme, et néanmoins, avec cinq pains il nourrit cinq mille hommes, parce qu’il était Dieu ; il dormait comme homme, et, comme Dieu, il commandait aux vents et aux flots. Il fallait d’abord en donner des preuves, afin que les évangélistes eussent de quoi écrire, et les Apôtres de quoi prêcher au sein de l’Eglise. Mais lorsque le Christ eut fait ce qu’il jugeait utile de faire, alors vint l’heure fixée, non par la nécessité, mais par son choix; non par la condition de sa nature, mais par sa puissance.

13. Toutefois, mes frères, de ce que nous ayons répondu aux hérétiques et aux mathématiciens, s’ensuit-il que nous devions ne pas vous dire ce que signifient les urnes, l’eau changée en vin, le maître d’hôtel, l’époux, la présence de la mère du Christ à cette mystérieuse cérémonie, et ces noces elles-mêmes? Il nous faut vous dire tout cela, mais il nous faut aussi ne pas vous fatiguer. A pareil jour qu’hier, nous avons l’habitude de faire un sermon à votre charité; nous aurions voulu en profiter pour vous en entretenir au nom du Christ : mais des difficultés insurmontables sont venues y mettre obstacle. Si votre sainteté le trouve bon, nous remettrons à demain à vous expliquer ce que cette circonstance a de mystérieux et, ainsi, nous ne surchargerons ni votre faiblesse, ni la nôtre. Peut-être en est-il plusieurs que la solennité du jour, et non le désir d’entendre prêcher, a fait venir ici; que ceux qui viendront demain, viennent pour s’instruire ; par là, nous ne priverons pas ceux qui veulent s’instruire, et nous ne fatiguerons nullement ceux qui n’en ont pas le désir.

 

 

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