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SEIZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT DE L’ÉVANGILE : « OR, DEUX JOURS APRÈS, IL SORTIT DE LÀ, ET S’EN ALLA «EN GALILÉE », JUSQU’À CET AUTRE: « ET IL CRUT, LUI ET TOUTE SA MAISON ». (Chap. IV, 43-53.)

LE SERVITEUR D’UN OFFICIER GUÉRI.

 

Après avoir séjourné à Samarie, Jésus vint en Galilée, et alors se vérifia, une fois de plus, ce proverbe « Un prophète n’est jamais honoré dans son pays ». En effet, sans voir un seul prodige, à sa seule parole, les Samaritains crurent au Christ. En Galilée on avait sous les yeux ses miracles, et l’on ne croyait pas en lui; un seul, un officier, eut la foi, et encore, pour l’y amener, fallut-il d’abord guérir son serviteur. Les Galiléens préfiguraient donc le peuple Juif, qui demeura incrédule en dépit des merveilles opérées par le Sauveur; pour les Samaritains, ils étaient l’image du peuple chrétien, qui a embrassé la toi sans avoir été le témoin d’aucun de ses miracles, et qui est devenu ainsi, par adoption, la race spirituelle d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

 

 

1. Le passage de l’Evangile, que nous avons lu aujourd’hui, suit immédiatement la leçon d’hier: c’est de ce passage qu’il nous faut vous donner l’explication. Il n’est pas difficile à comprendre, mais il mérite qu’on vous en développe le sens, qu’on vous le fasse admirer, et qu’on en prononce l’éloge devant vous, En vous l’expliquant, nous avons donc plutôt à vous en recommander l’excellence, qu’à vous aider à en résoudre les difficultés. Après avoir séjourné à Samarie, « Jésus s’en alla dans la Galilée », où il avait été élevé. L’Evangéliste ajoute: « Car, Jésus témoigna lui-même qu’un Prophète n’est point honoré dans son pays ». Le Sauveur ne quitta point Samarie après le séjour qu’il y avait fait, parce que les Samaritains ne l’honoraient pas; car Samarie n’était point son pays natal, c’était la Galilée; néanmoins, puisqu’il la quitta sitôt pour retourner en son pays d’origine, c’est-à-dire en Galilée, pourquoi l’Evangéliste dit-il « qu’un Prophète n’est point honoré en son pays? » Cette réflexion aurait été, ce semble, plus opportune, pour le cas où le Sauveur eût dédaigné de retourner en Galilée, et fût resté à Samarie.

2. Que votre charité veuille bien y faire attention: ce passage nous indique un grand mystère: daigne le Seigneur me suggérer et m’accorder ce que je dois vous en dire! Vous voyez la difficulté: cherchez à la résoudre. Mais recommençons à vous la proposer: il nous sera, par là, plus aisé de vous donner une réponse satisfaisante. Nous sommes surpris d’entendre dire à l’Evangéliste: « Car Jésus témoigna lui-même qu’un prophète n’est point honoré dans son pays ». Dans notre embarras, nous avons lu à nouveau les paroles qui précèdent, afin de découvrir le motif pour lequel l’Evangéliste a ainsi parlé; mais nous n’y avons rencontré que ces mots: « Deux jours après, il partit de là et s’en alla en Galilée ». O Evangéliste, vous avez dit que, au témoignage de Jésus lui-même, un Prophète n’est point honoré dans son pays; et pourquoi? parce que, deux jours après, il a quitté Samarie et s’est hâté de retourner en Galilée? Il me semble pourtant plus raisonnable de supposer que si Jésus n’était pas honoré dans son pays, il ne se hâterait point de quitter Samarie pour y retourner. Mais, si je ne me trompe, ou plutôt, c’est la vérité, et je ne me trompe pas, 1’Evangéliste a su mieux que moi ce qu’il devait dire: il voyait mieux que moi la vérité ; car il la puisait au coeur même du Sauveur. Il est, en effet, ce même apôtre Jean, qui, préférablement à tous ses autres collègues, reposa sur la poitrine du Christ: c’est lui que Jésus aimait par-dessus tous les autres, bien qu’il dût éprouver à leur égard les sentiments affectueux de la charité (1). Pourrait-il donc se tromper, et moi, pourrais-je me trouver dans le vrai? Mais non et même, si je me montre pieusement sage, j’écouterai avec soumission ce qu’il a dit, pour mériter de comprendre ce qu’il a lui-même compris.

3. Voici ce que j’imagine: Mes très-chers, écoutez-moi donc , mais sachez-le bien

 

1. Jean, XIII 25; XXI, 20.

 

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je ne veux nullement porter préjudice à ce que vous pourriez supposer de plus juste: car nous avons tous un seul et même maître; nous sommes tous des condisciples réunis dans la même école. Voici mon sentiment: à vous de voir s’il n’est pas conforme à la vérité ou s’il ne s’en approche pas. Jésus passa deux jours à Samarie, et les habitants de cette ville crurent en lui: il vécut longtemps en Caillée, et les Galiléens n’ajoutèrent aucune foi à sa mission. Rappelez-vous et composez à nouveau, dans votre esprit, la leçon et le sermon d’hier. Jésus était venu à Samarie; près de cette ville et à côté du puits de Jacob, il avait entretenu une femme de grandes et mystérieuses choses, et cette femme l’avait fait avantageusement connaître à ses concitoyens: ceux-ci vinrent le voir et l’écouter, et alors ils crurent en lui sur la parole de cette femme, et leur foi comme leur nombre s’accrut en raison de ses propres paroles. Voilà le récit évangélique. « Après deux jours passés à Samarie » (ce nombre de jours était le mystérieux symbole des deux préceptes qui renferment la loi et les Prophètes (1): nous vous l’avons ainsi expliqué dans notre instruction d’hier: vous ne l’avez pas oublié), Jésus retourne en Galilée et se rend dans la ville de Cana, de Galilée, où il avait précédemment changé de l’eau en vin. A la vue de ce prodige étonnant de l’eau changée en vin, ses disciples avaient cru en lui : l’Evangile de Jean en fait foi (2). On ne saurait non plus le nier la maison des noces se trouvait alors remplie d’une multitude de convives. Le Sauveur opéra en leur présence ce miracle inouï, et toutefois nul d’entre eux, en dehors des disciples, ne crut en lui. Dans la circonstance présente Jésus se dirigea encore vers cette ville de la Galilée. « Or, il y avait un  grand de la cour dont le fils était malade à Capharnaüm ; celui-ci alla vers lui, et le pria de descendre » dans cette ville ou dans sa maison, « et de guérir son fils, car il était près de mourir». L’homme qui le priait ne croyait-il pas en lui? Pourquoi attendre ma réponse à cet égard? Interroge le Sauveur lui-même, il te dira ce qu’il en pensait ; car à cette demande de l’officier il a répondu : « Si vous ne voyez des prodiges et des miracles, vous ne croyez point ». Par là, il reprenait cet homme de la tiédeur ou de la

 

1. Matth. XXII, 37-10. — 2. Jean, II, 1-11.

 

froideur de sa foi, ou de son manque absolu de foi ; car celui-ci ne cherchait évidemment, à l’occasion de la guérison de son fils, qu’à savoir ce qu’était le Christ, qu’à connaître ce personnage et sa puissance. Nous avons entendu sa prière, sans néanmoins voir les sentiments de défiance qui l’animaient: mais nous avons appris à les connaître de la bouche même de celui qui avait entendu ses paroles et sondé les secrets replis de son coeur; d’ailleurs, l’Evangéliste nous en a donné une preuve dans sa manière même de raconter les choses ; tout en venant prier le Sauveur de descendre dans sa maison pour guérir son fils, l’officier ne croyait pas encore en lui ; Jean nous dit en effet ceci : Lorsqu’on fut venu lui annoncer que son fils était guéri, il s’aperçut que sa guérison avait eu lieu au moment même où le Sauveur lui avait dit: « Va, ton fils se porte bien ; alors il crut, lui et toute sa famille ». Donc, s’il a cru, lui et toute sa famille, parce qu’on est venu lui annoncer la guérison de son fils, et qu’il a remarqué une concordance parfaite entre l’heure désignée par les envoyés et celle où Jésus lui avait parlé, il ne croyait pas encore au moment où il adressait au Christ sa demande. Les Samaritains n’avaient, pour croire, attendu l’opération d’aucun miracle; pour cela, il leur avait suffi de l’entendre; quant à ses concitoyens, ils méritèrent de recevoir de lui cette apostrophe : « Si vous ne « voyez des prodiges et des miracles, vous ne « croyez point». Et, dans la circonstance dont il s’agit, la miraculeuse guérison du fils de l’officier ne réussit toutefois encore qu’à le convertir, lui et sa famille. A l’entendre seulement, une foule de Samaritains avaient cru en lui; à voir ce prodige, la famille en faveur de laquelle il avait été opéré fut la seule pour lui donner sa foi. Mes frères, qu’est-ce que le Seigneur a voulu nous faire remarquer? Alors la Galilée de Judée était la patrie de Jésus, parce qu’il y avait été élevé ; il en est autrement aujourd’hui ; en effet , le fait qui nous occupe renferme une prédiction ; car ce n’est pas sans motif qu’on a donné à de pareils événements le nom de prodiges ; ils sont évidemment l’annonce de quelque chose. Le mot prodige se rapproche du mot prophétie, qui veut dire et signifie : annonce faite d’avance et qui laisse entrevoir un fait à venir. Comme tout cela était l’annonce et la prédiction de [445] quelque événement futur, donnons pour le moment une patrie à Jésus-Christ considéré comme homme (il n’a pu en avoir une sur la terre qu’en raison de l’humanité dont il s’y est revêtu). Supposons que la nation juive lui a servi de patrie. Or, il est sûr qu’il n’y jouit d’aucun honneur. Examine, en effet, en quel état se trouve aujourd’hui la masse du peuple Juif; elle se voit dispersée dans toutes les contrées de l’univers, elle a été arrachée de son sol ; ses rameaux brisés, coupés, jetés de côté et d’autre, ont perdu leur sève, et l’olivier sauvage a été greffé à la place des branches rompues (1). Considère attentivement la masse de ce peuple. Que dit-il maintenant? Celui que vous adorez, devant lequel vous fléchissez le genou, était notre frère. Réponds-lui : « Un prophète n’est point honoré dans sa patrie ». Le Seigneur Jésus a vécu au milieu d’eux ; il a fait des prodiges ; il a rendu la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, l’usage de la langue aux muets, le mouvement aux paralytiques ; il a devant eux marché sur la mer, commandé aux vents et aux flots, ressuscité les morts; et tous ces miracles opérés sous leurs yeux, ont à peine décidé quelques-uns d’entre eux à croire en lui. Je n’adresse au peuple de Dieu; nous formons une multitude innombrable de croyants, et pourtant, de quels prodiges avons-nous été les témoins? Donc, ce qui se passait alors en Judée présageait ce qui se passe aujourd’hui parmi nous. Les Juifs ont été ou sont encore pareils aux Galiléens ; pour nous, nous ressemblons aux Samaritains. Nous avons entendu prêcher l’Evangile et nous y avons donné notre assentiment; 1’Evangile nous a fait croire au Christ; nous n’avons vu opérer aucun miracle , et pour croire, nous n’en avons exigé aucun.

4. Le disciple Thomas a désiré mettre ses doigts dans les plaies du Sauveur: c’est pourquoi il a été un israélite et a fait partie de la nation du Christ. En effet, Jésus lui a fait le même reproche qu’à l’officier. Il a dit à celui-ci: « Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croyez point ». Et à celui-là: « Parce que tu as vu, tu as cru ». Il était venu chez les Galiléens, après avoir quitté Samarie: les habitants de cette ville avaient ajouté foi à sa parole, sans l’avoir vu accomplir aucun prodige; il s’était séparé d’eux plein

 

1. Rom. XI, 17.

 

de sécurité sur la solidité de leur foi, car il restait avec eux par sa divine présence. Au moment où le Sauveur disait à Thomas « Viens, mets ici ta main, et sois, non pas incrédule, mais fidèle », celui-ci toucha les plaies du divin Crucifié, et s’écria : « Mon Seigneur et mon Dieu! » Alors son Maître lui adressa ce reproche : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ». Pourquoi cela? Evidemment, parce qu’ « un Prophète n’est point honoré dans son pays ». Mais comme ce Prophète est honoré chez des étrangers, que lisons-nous ensuite? « Bienheureux ceux qui « n’ont pas vu et qui ont cru (1) ». Voilà une prédiction qui nous concerne : et ce dont le Christ a fait l’éloge bien avant notre naissance, il a daigné l’accomplir en notre personne. Les hommes qui l’ont fait mourir sur la croix l’ont vu et touché, et, cependant, il s’en est trouvé, parmi eux, un bien petit nombre pour croire en lui; et nous, qui ne l’avons ni vu de nos yeux ni touché de nos mains, il nous a suffi d’en entendre parler, et nous y avons cru. Puisse la béatitude, qu’il nous a promise, s’opérer et se perfectionner en nous, d’abord ici-bas, parce que nous avons été préférés à ceux de son pays, et, enfin, dans le siècle à venir, car nous avons été entés à la place des branches rompues!

5. Qu’il dût briser ces branches, et enter à leur place cet olivier sauvage, le Christ nous l’a annoncé par sa conversation avec le centurion. Celui-ci lui avait dit : « Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison; mais prononcez seulement une parole, et mon enfant sera guéri. Je suis, en effet, un homme soumis à d’autres, et j’ai des soldats à mes ordres; je dis donc à celui-ci : Va, et il va; et à celui-là : Viens, et il vient; et à mon serviteur : Fais cela, et il le fait ». Emu d’une foi pareille, « le Sauveur se tourna vers ceux qui le suivaient et leur dit : « En  vérité, je vous le dis, je n’ai pas rencontré une pareille foi en Israël ». Pourquoi n’a-t-il pas trouvé une pareille foi en Israël ? Parce qu’ « un Prophète n’est jamais honoré dans sa patrie ». Est-ce que Jésus ne pouvait pas dire à ce centurion ce qu’il avait dit à l’officier « Va, ton fils est guéri? » Voyez  la différence qui se trouvait entre eux ! L’officier désirait voir le Sauveur descendre jusque dans sa maison: le centurion, de

 

1. Jean, XX, 25-19.

 

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son côté, s’en disait indigne. A celui-ci, Jésus disait : « J’irai et je le guérirai » et à l’autre : « Va, ton fils est guéri ». Il promettait de visiter l’un , et il guérissait l’autre d’une parole; l’officier cherchait à lui arracher la faveur d’une démarche, le centurion s’en proclamait indigne. Le Christ céda à l’orgueil du premier, et concéda à l’humilité du second la grâce qu’elle n’osait demander. Par ces mots : « Va, ton fils est guéri », Jésus semblait dire à t’officier : Laisse-moi donc tranquille; et, par ces autres : « Si vous ne voyez des prodiges et des miracles, vous ne croyez point » : Tu prétends me faire entrer dans ta maison, sache qu’il me suffit de parler pour guérir ton fils ; ne réserve donc pas ta foi pour le cas d’un miracle; car cet étranger, ce centurion a cru qu’il me suffisait d’un mot pour opérer un prodige, et il a eu foi en moi avant même que je le fisse; et vous, « si vous ne voyez des prodiges et des miracles, vous ne croyez point ». Puisqu’il en est ainsi, que les rameaux orgueilleux se brisent donc, et qu’à leur place soit greffé l’humble olivier sauvage ; pourvu, néanmoins, que demeure toujours la racine, malgré la rupture des uns et l’entement de l’autre. Où demeure la racine? Dans la personne des Patriarches; en effet, la patrie du Christ n’était autre que le peuple d’Israël, parce que, selon la chair, il en venait; mais les saints patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, formaient la racine de cet arbre. Et où se trouvent ces personnages? Dans le sein de la paix, en Dieu, au séjour de la gloire suprême : ils s’y trouvent: aussi, le pauvre Lazare, aidé de la grâce, a-t-il été élevé, après sa mort, jusque dans le sein d’Abraham, et placé là si haut, que, de loin seulement le riche orgueilleux pouvait l’y apercevoir (1). La racine demeure donc, et elle obtient des éloges; mais les rameaux superbes ont mérité d’en être retranchés, et de sécher, faute de sève ; quant à l’humble olivier sauvage, il a été greffé au lieu et place des branches rompues.

6. Comment se fait-il que les rameaux naturels aient été coupés, et l’olivier sauvage enté à leur place ? Ecoute: l’exemple du centurion, que j’ai cru devoir comparer à l’officier, va te l’apprendre. «En vérité », dit le Sauveur, « en vérité, je vous le dis, je n’ai pas trouvé une foi pareille en Israël; c’est pourquoi

 

1. Luc, XVI, 22, 23.

 

« quoi je vous le déclare, beaucoup viendront d’Orient et d’Occident». Sur quelle immense étendue de terrain s’étaient portées les branches et les racines de l’olivier sauvage? Le monde a été une forêt de bois amers ; mais en raison de leur humilité, parce qu’ils auront dit: «Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison , beaucoup viendront d’Orient et d’Occident  ». Et parce qu’ils viendront, que deviendront-ils ? S’ils doivent venir, c’est qu’ils ont été préalablement coupés dans la forêt: sur quel autre arbre les greffera-t-il pour qu’il ne se dessèche pas ? « Et ils s’assoiront avec Abraham, Isaac et Jacob ». A quelle table? Car ils doivent être invités à prendre un breuvage qui les fasse vivre toujours, et non pas à s’enivrer. « Ils s’assoiront avec Abraham, Isaac et Jacob ». Où? « Dans le royaume des cieux ».Alors, qu’adviendra-t-il de ceux qui sont sortis de la souche d’Abraham? Que fera-t-on des branches qui garnissaient, en grand nombre, le tronc de l’arbre? Qu’arrivera-t-il? Evidemment, on les retranchera pour enter à leur place les rameaux de l’olivier sauvage. Apprends donc qu’elles seront coupées : « Les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures (1)».

7. Puisque le Prophète n’a pas été honoré dans sa patrie, honorons-le donc. Il n’a pas été honoré dans le pays où il est né, puisse. t-il l’être dans la patrie qu’il s’est formée! Celui qui a donné la vie à tous les hommes, a reçu la vie dans la première, selon la forme d’esclave, cela s’entend. Quand il était Verbe de Dieu dans le sein du Père, il a formé Sion, la ville qui lui a donné le jour, la nation juive, en un mot, Jérusalem. Car « toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Cet homme dont nous nous sommes entretenus aujourd’hui, ce médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme (2), a été prédit même par le Psalmiste en ce passage : « Un homme dira : Mère Sion ». Un homme, l’homme qui sert de médiateur entre Dieu et les hommes, dit: « Mère Sion ». Pourquoi dit-il: « Mère Sion ? » Parce qu’en elle il s’est incarné; parce qu’en elle est née la Vierge Marie, dans le sein de laquelle il a pris la forme d’esclave et daigné nous apparaître sous les dehors de la plus profonde humilité. « Un homme dit: Mère

 

1. Matth. VIII, 5-12, — 2. I Tim. II, 5.

 

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Sion » ; et l’homme qui dit: « Mère Sion », s’est formé en elle; « Il s’est fait homme dans son sein ». Car, avant qu’elle fût, il était Dieu, et il s’est fait homme en elle. Celui qui s’est fait homme en elle, « c’est le Très-Haut, et il l’a lui-même fondée (1) ». « Il s’est fait homme », et s’est anéanti; car « le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ».

 

1. Ps. CXXXVI, 5.

 

C’est « le Très-haut », qui « l’a fondée » parce qu’ « au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu toutes choses ont été faites par lui (1) ». Mais parce qu’il s’est formé cette patrie, il y est honoré. La patrie au sein de laquelle il s’est incarné l’a repoussé: puisse la patrie qu’il a régénérée le recevoir!

 

1. Jean, I, 1, 3, 14.

 

 

 

 

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