TRAITÉ XLVIII
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QUARANTE-HUITIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT : « LES FÊTES DE LA DÉDICACE SE FIRENT A JÉRUSALEM », JUSQU’À : « OR TOUT CE QUE JEAN DIT DE LUI ÉTAIT VRAI, ET BEAUCOUP CRURENT EN LUI ». (Chap. X, 22-42.)

LE CHRIST, FILS DE DIEU.

 

A l’occasion de la Dédicace, les Juifs rencontrèrent Jésus au temple, et voulant le surprendre dans ses paroles, ils lui demandèrent s’il était le Christ. En leur faisant dire ce qu’ils ne voulaient pas, il les amena jusqu’à leur parler de sa qualité de Fils de Dieu, de sa puissance, de ses oeuvres ; puis, comme ils prenaient des pierres pour les lui jeter, il se retira au-delà du Jourdain, et y trouva des hommes qui crurent en lui.

 

1. Ainsi que je l’ai déjà recommandé à votre charité, vous devez certainement vous rappeler que Jean l’évangéliste ne veut pas que nous soyons toujours nourris de lait, mais bien de mets plus solides. Quiconque n’est pas encore propre à prendre la solide nourriture de la parole de Dieu, doit se nourrir du lait de la foi, et la parole qu’il ne peut comprendre, il doit la croire sans hésiter; car la foi, c’est le mérite; l’intelligence en est la récompense; dans le travail même de son attention, notre esprit épuise toute sa perspicacité pour écarter les ténèbres inhérentes à notre humanité et s’éclairer à la parole de Dieu. Nous ne refuserons donc pas la peine du travail, si l’amour nous anime ; car, vous le savez, celui qui,aime ne se fatigue pas, et tout travail est pénible pour ceux qui n’aiment point. Si la cupidité aide les avares à supporter tant de peines, l’amour n’en fera-t-il pas autant pour nous?

2. Ecoutez l’Evangile : « Or, les fêtes de la Dédicace (encoenia) se firent à Jérusalem ».  C’était la fête de la Dédicace du temple. En grec, en effet, le mot xainon veut dire nouveau. A chaque fois qu’une chose nouvelle est dédiée, on appelle cela (encoenia), et même aujourd’hui l’usage a consacré cette expression : si quelqu’un revêt une tunique neuve, on dit de lui : encoeniat. Le jour où le temple avait été dédié, les Juifs l’observaient avec solennité, et c’était cette fête même qu’on solennisait quand le Seigneur prononça les paroles qu’on vient de lire.

3. « C’était l’hiver, et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon ; les Juifs l’environnèrent donc et ils lui disaient : « Jusques à quand tiendrez-vous notre âme en suspens? Si vous êtes le Christ, dites-le nous ouvertement ». Ce n’était pas la vérité qu’ils désiraient, mais une calomnie qu’ils préparaient. « C’était l’hiver » ; et ils étaient froids, car ils étaient lents à s’approcher de ce feu divin : s’approcher, c’est croire; qui croit, s’approche; qui nie, s’éloigne. Ce n’est pas avec les pieds que l’âme se met en mouvement, mais par les sentiments. Ils étaient devenus froids faute de charité et d’amour, et ils brûlaient du désir de nuire : ils étaient loin de lui, et ils étaient- là ; ils n’approchaient pas de lui en croyant, et ils le prenaient en le persécutant. Ils voulaient entendre dire au Seigneur : Je suis le Christ; et peut-être n’avaient-ils du Christ que des idées humaines. Les Prophètes ont annoncé le Christ, mais les hérétiques ne reconnaissent la divinité du Christ ni dans les prophéties, ni même dans l’Evangile; combien les Juifs le pouvaient-ils moins, tant qu’ils avaient un voile sur le coeur (1) ! Enfin, dans un certain endroit de l’Evangile, le Seigneur Jésus sachant qu’ils ne connaissaient le Christ que comme homme et non comme Dieu, en tant qu’il était homme et non en tant qu’il restait . Dieu, même après s’être revêtu de notre humanité, leur dit : « Que vous semble-t-il du Christ? de qui est-il fils? » Ils répondirent selon leur manière de penser : « De David » ; ils avaient lu ainsi, et ils ne retenaient que cela, car ils lisaient bien qu’il était Dieu, mais ils ne comprenaient pas. Cependant, pour les étonner et les porter à chercher sa divinité, lui dont ils méprisaient

 

1. II Cor. III, 15.

 

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l’infirmité, le Seigneur leur répondit: « Comment donc David inspiré l’appelle-t-il Seigneur, disant: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je place vos ennemis sous vos pieds? Si donc David inspiré l’appelle Seigneur, comment est-il son fils (1) ? » Il ne nie point, il interroge. Que personne, en entendant ces paroles, ne pense que le Seigneur Jésus a nié qu’il fût vraiment fils de David: si Jésus-Christ eût nié qu’il était le fils de David, il n’aurait pas rendu la vue aux aveugles qui l’invoquaient sous ce nom-là. Comme il passait un jour, deux aveugles, assis le long du chemin, se mirent à crier : « Fils de David, ayez pitié de nous » ; entendant ces paroles, Jésus eut pitié d’eux; il s’arrêta, les guérit et leur rendit la vue (2), parce qu’il reconnut son nom. Aussi l’apôtre Paul dit : « Il est né du sang de David,   selon la chair (3) » ; écrivant à Timothée, il dit encore « Souviens-toi que Jésus-Christ, qui est né de la race de David, est ressuscité d’entre les morts, selon mon Evangile (4)». Comme la Vierge Marie tirait son origine de la race de David, le Seigneur était du sang de David.

4. Ce n’était pas sans intention que les Juifs interrogeaient Jésus-Christ; s’il répondait le suis le Christ, comme ils ne voyaient en lui que sa descendance de la race de David, ils l’accuseraient malicieusement de s’arroger le pouvoir royal; mais il leur fit une réponse bien plus relevée; ils ne voulaient l’accuser que de se faire le fils de David, il leur répondit qu’il était le Fils de Dieu. Et comment? Ecoutez : « Jésus leur répondit: Je vous parle et vous ne me croyez pas ; les oeuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi ; mais vous, vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis». Déjà plus haut (5) vous avez appris quelles sont ces brebis; soyez donc ces brebis : on devient brebis en croyant, en suivant le Pasteur, en ne méprisant pas le Rédempteur, en entrant par la porte, en sortant et en trouvant les pâturages, en jouissant de la vie éternelle. Comment donc leur dit-il: « Vous n’êtes pas de mes brebis ? » Parce qu’il les voyait prédestinés à la mort éternelle, et non pas rachetés au prix de son sang pour la vie éternelle.

 

1. Matth. XXII, 12-I5. — 2. Id. XX, 30-34.— 3. Rom. I, 3.— 4. II Tim. II, 8.— 5. Traité XLV.

 

5. « Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles me suivent, et moi je leur  donne la vie éternelle». Voilà les pâturages. Si vous vous le rappelez, il avait dit plus haut : « Et il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages». Nous sommes entrés en croyant, nous sortons en mourant. Mais comme nous sommes entrés par la porte de la foi, de même soyons pleins de foi en sortant de notre corps. C’est ainsi qu’il nous faut sortir par la porte même, pour trouver les pâturages. Ces bons pâturages, c’est la vie éternelle. Là, aucune herbe ne sèche; tout y est vert, tout y est vigoureux. Il est une herbe qu’on appelle toujours vivante ; mais là seulement se trouve la vraie vie. « Je leur donnerai », dit-il, « la vie éternelle », à mes brebis. Pour vous, vous cherchez une occasion de me calomnier , parce que vous ne pensez qu’à la vie présente.

6. « Et elles ne périront pas à jamais ». C’est comme s’il leur eût dit : Mais vous, vous périrez à toujours , parce que vous n’êtes pas de mes brebis. « Personne ne les a arrachera de ma main ». Ecoutez encore plus attentivement : « Ce que mon Père m’a donné est plus grand que toutes choses». Que peut le loup ? que peuvent le voleur et le larron? Ils ne perdent que-les prédestinés à la mort. Mais pour les brebis dont l’Apôtre dit : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui (1) » ; et encore: « Ceux qu’il a connus d’avance, ceux-là il les a aussi prédestinés; ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu’il a appelés, il les a aussi  justifiés; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés (2) »; pour ces brebis, le loup ne peut les ravir, ni le voleur les enlever, ni le larron les mettre à mort. Il est assuré de leur nombre, Celui qui sait ce qu’il adonné pour elles, et c’est ce qu’il dit : « Nul ne les arrachera de ma main » ; et encore ce qu’il dit pour son Père : « Ce que mon Père m’a donné est plus grand que toutes choses». Qu’est-ce donc que le Père a donné au Fils, qui soit plus grand que toutes choses ? Il lui a donné d’être son Fils unique. Qu’est-ce donc à dire : « Il a donné ? »Etait-il déjà pour qu’il lui donnât, ou lui a-t-il donné en l’engendrant ? Car s’il était déjà pour, que le Père lui donnât d’être le Fils, alors il aurait existé pendant

 

1. II Tim. II, 19.— 2. Rom. VIII, 29, 30.

 

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un certain temps sans être le Fils; loin de nous de dire qu’il y a eu un temps où le Seigneur-Christ a existé sans être le Fils. De nous cela peut se dire; pendant un temps nous étions fils des hommes, nous n’étions pas fils de Dieu. Nous, c’est la grâce qui nous a faits fils de Dieu ; Lui, c’est sa nature, parce qu’il est né tel, et vous n’avez pas lieu de dire : Il n’était pas avant d’être né ; car en aucun temps on ne peut dire: Il n’était pas né, Celui qui est coéternel au Père. Que celui qui goûte ces choses comprenne; s’il ne comprend pas, qu’il croie ; qu’il s’en nourrisse et il comprendra. Le Verbe de Dieu est toujours avec le Père et toujours Verbe ; et parce qu’il est le Verbe, il est le Fils. Il est donc toujours le Fils et toujours égal au Père. Car ce n’est pas en raison de sa croissance, mais en raison de sa naissance qu’il est égal au Père, lui qui toujours est né Fils du Père, Dieu de Dieu, coéternel de l’Eternel. Le Père n’est pas Dieu par son Fils, tandis que le Fils est Dieu par son Père. C’est pourquoi le Père, en engendrant son Fils, lui a donné d’être Dieu et de lui être coéternel et égal. Voilà ce qui est plus grand que toutes choses. Mais comment le Fils est-il la vie, et comment le Fils a-t-il la vie ? C’est qu’il est lui-même ce qu’il a : pour toi, autre chose est ce que tu es, autre chose est ce que tu as. Par exemple, tu as la sagesse, es-tu pour cela la sagesse même? C’est pourquoi, comme tu n’es pas toi-même ce que tu as, si tu perds ce que tu as, tu reviens à ne plus l’avoir ; et tantôt tu le reprends, et tantôt tu le perds. C’est ainsi que notre oeil n’a pas en lui-même la lumière, de manière à n’en être jamais séparé: il s’ouvre et il la reçoit ; il se ferme et il la perd. Mais ce n’est pas ainsi que le Fils de Dieu est Dieu ; ce n’est pas ainsi qu’est le Verbe du Père; ce n’est pas ainsi qu’est cette Parole qui ne s’évanouit pas avec le son, mais qui, étant née, demeure toujours. Il a la sagesse de telle sorte qu’il est lui-même la sagesse et qu’il fait les sages. Il a la vie de telle façon qu’il est lui-même la vie et qu’il fait vivre tout ce qui vit. Voilà ce qui est plus grand que toutes choses. L’évangéliste Jean, voulant parler du Fils de Dieu, a considéré le ciel et la terre; et après les avoir considérés, il s’est élevé au-dessus d’eux; il a considéré les milliers d’anges rangés en bataille bien au-dessus du ciel, et comme l’aigle s’élève au-dessus des nues, son âme s’est élevée au-dessus de toute créature; il s’est élevé au-dessus de tout ce qui est grand; il est parvenu à ce qui est plus grand que toutes choses, et il a dit : « Au commencement était le Verbe (1)». Mais comme Celui dont il est le Verbe n’est pas du Verbe, et que le Verbe est de Celui dont il est le Verbe, il dit: « Ce que m’a donné le Père », c’est-à-dire que je sois son Verbe, que je sois son Fils unique, que je sois la splendeur de sa lumière, « ce que m’a donné le Père est plus grand que toutes choses ». C’est pourquoi « personne ne ravit », dit-il, « mes brebis de ma main. « Personne ne peut les enlever de la main de mon Père ».

7. « De ma main » et « de la main de mon Père » . Qu’est-ce que cela veut dire: « Personne ne ravit de ma main », et: « personne ne ravit de la main de mon Père ? » Est-ce que la main du Père est la même que la main du Fils? ou bien le Fils lui-même est-il la main de son Père? Si, par la main, nous entendons la puissance, une est la puissance du Père et du Fils, parce que une est leur divinité. Mais si cette main nous l’entendons dans le sens du Prophète: « Et le bras du Seigneur à qui a-t-il été révélé (2) ? » le Fils est lui-même la main du Père. Ce qui ne veut pas dire que Dieu a la forme humaine et un corps composé de membres. Car les hommes eux-mêmes ont coutume de nommer leurs mains les autres hommes par l’intermédiaire desquels ils font ce qu’ils veulent. Quelquefois aussi on appelle main d’un homme l’oeuvre que cet homme fait avec sa main; c’est ainsi que chacun dit reconnaître sa main lorsqu’il reconnaît ce qu’il a écrit. Si donc on entend de plusieurs façons la main de l’homme qui a réellement une main parmi les membres de son corps, à combien plus juste titre ne devons-nous pas entendre d’une seule manière ce qui est dit de la main de Dieu qui n’a aucune forme corporelle? En cet endroit il vaut mieux, par la main du Père et du Fils, entendre la puissance du Père et du Fils; car nous prenons la main du Père pour le Fils. Quelqu’un, dans une pensée toute charnelle, pourrait s’imaginer que le Fils a aussi un Fils, et regarder celui-ci comme la main du Christ. Donc :  « Personne ne ravit de la main de mon Père » ; c’est-à-dire, personne ne ravit à moi-même.

 

1. Jean, I, 1.— 2. Isa. LIII, I.

 

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8. Mais n’hésite plus, car écoute ce qui suit: « Mon Père et moi sommes un». Jusque-là les Juifs avaient pu supporter ce qu’il leur disait; mais quand ils entendirent : « Mon Père et moi sommes un », ils ne l’endurèrent plus, et, pleins de dureté selon leur coutume, ils coururent aux pierres: « Ils prirent des pierres pour le lapider ». Mais comme le Seigneur ne souffrait pas ce qu’il ne voulait pas souffrir, et qu’il n’a souffert que ce qu’il a voulu, il continue à leur parler, quoiqu’ils veuillent le lapider. « Les Juifs prirent des pierres pour le lapider. Jésus leur répondit: Je vous ai montré beaucoup de bonnes oeuvres de la part de mon Père ; pour laquelle de ces oeuvres me lapidez-vous? Et ils lui répondirent: Ce n’est pas pour une bonne oeuvre que nous te lapidons, mais pour ton blasphème et parce qu’étant homme, tu te fais toi-même Dieu » . Ainsi répondaient-ils à ce qu’il avait dit « Mon Père et moi sommes un ». Les Juifs comprenaient donc ce que ne comprennent pas les Ariens. Et ils s’indignèrent, parce qu’ils comprenaient qu’on ne pouvait dire : « Mon Père et moi sommes un », que s’il y a égalité du Père et du Fils.

9. Mais voyez ce que le Seigneur répondit à ces hommes lents à comprendre; voyant qu’ils ne pouvaient supporter la splendeur de la vérité, il en tempéra l’éclat par ces paroles: « N’est-il pas écrit dans votre loi », c’est-à-dire, dans la loi qui vous a été donnée : «J’ai dit : Vous êtes dieux? » Dieu, en effet, dit aux hommes par son Prophète, dans un psaume : « J’ai dit : Vous êtes dieux  (1 )» . Ici le Seigneur appelle loi toutes les Ecritures en général, quoique ailleurs il désigne la loi d’une manière particulière et la distingue des Prophètes ; comme quand il dit : « La loi  et les Prophètes jusqu’à Jean (2) » ; et encore : « Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les Prophètes (3) ». Quelquefois il partage les Ecritures en trois parties, lorsqu’il dit : « Il fallait que s’accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi, les Prophètes et les psaumes (4) » . Mais maintenant il désigne sous le nom de loi les psaumes eux-mêmes où se trouvent écrites ces paroles : « J’ai dit : Vous êtes dieux. Si la loi appelle dieux ceux à qui la parole de

 

1. Ps. LXXXI, 6.— 2. Luc, XVI, 16.— 3. Matth. XXII, 10.— 4. Luc, XIV, 44.

 

Dieu a été adressée, et l’Ecriture ne peut être détruite : moi que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, pourquoi dites-vous que je blasphème parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? » Si la parole de Dieu a été adressée aux hommes de manière à ce qu’ils fussent appelés dieux, le Verbe même de Dieu qui est en Dieu pourrait-il ne pas être Dieu ? Si par la parole de Dieu les hommes deviennent dieux, si en participant à cette parole ils deviennent dieux, celui auquel ils participent n’est-il pas Dieu ? Si les lumières éclairées sont elles-mêmes des dieux, la lumière qui éclaire n’est-elle pas Dieu ? Si, pour s’être réchauffées à ce feu salutaire, les créatures deviennent dieux, ce feu qui les réchauffe n’est-il pas Dieu ? Tu t’approches de la lumière, tu en es éclairé, et l’on te compte parmi les fils de Dieu ; si tu t’éloignes de la lumière, tu es dans l’obscurité et dans les ténèbres. Mais cette lumière ne s’approche pas d’elle-même, parce qu’elle ne s’en éloigne pas. Si donc la parole de Dieu vous fait dieux, comment le Verbe de Dieu ne serait-il pas Dieu? Le Père a donc sanctifié son Fils et l’a envoyé dans le monde. Quelqu’un dira peut-être: Si le Père l’a sanctifié, il n’a donc pas toujours été saint? Il l’a sanctifié comme il l’a engendré. Qu’il fût saint, il le lui adonné en l’engendrant, parce qu’il l’a engendré saint. Car si ce qui est sanctifié ne pouvait pas être saint auparavant, comment pourrions-nous dire à Dieu le Père : « Que votre nom soit sanctifié (1) ? »

10. « Si je ne fais pas les oeuvres de mon Père, ne me croyez pas; mais si je les fais, et si vous ne voulez pas me croire, croyez à mes oeuvres, afin que vous sachiez et que vous croyiez que le Père est en moi et moi en lui ». Le Fils ne dit pas: « Le Père est en moi et moi en lui », comme peuvent le dire les hommes. Car si nos pensées sont bonnes, nous sommes en Dieu, et si nous vivons saintement, Dieu est en nous. Si nous lui sommes fidèles, que nous participions à sa grâce, et que nous soyons illuminés par lui; nous sommes en lui, et il est en nous. Mais il n’en est pas ainsi pour le Fils unique; il est dans le Père et le Père est en lui, comme un égal est dans celui à qui il est égal. Enfin quelquefois nous pouvons dire: Nous sommes en Dieu et Dieu est en nous; mais pouvons-

 

1. Math. VI, 9.

 

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nous dire : Dieu et moi sommes une même chose ? Tu es en Dieu, parce que Dieu te contient; Dieu est en toi, parce que tu es devenu son temple. Mais de ce que tu es en Dieu et que Dieu est en toi, peux-tu dire : Celui qui me voit, voit Dieu : comme le Fils unique a dit: « Qui m’a vu, a vu aussi le Père (1) », et encore : « Le Père et moi sommes un ? » Reconnais le bien propre du Seigneur, et la faveur faite par lui à son serviteur. Le propre du Seigneur, c’est l’égalité avec le Père; la faveur accordée au serviteur, c’est la participation à la grâce du Sauveur.

11. « Ils cherchaient donc à le saisira. Plût à Dieu qu’ils l’eussent saisi, mais en croyant en lui, en le comprenant, et non pas en le maltraitant et en le mettant à mort. Car maintenant, mes frères, quand je vous parle de ces choses, et que, faible, je vous annonce des choses fortes, petit, des choses grandes, fragile, des choses solides, vous qui êtes tirés de la même masse dont je suis sorti, et moi-même qui vous parle, tous ensemble nous voulons saisir Jésus-Christ. Mais qu’est-ce que le saisir? Si tu l’as compris, tu l’as saisi. Mais ce n’est pas ce que voulaient les Juifs. Tu l’as saisi, afin de l’avoir. Eux voulaient le saisir pour ne plus l’avoir, et parce qu’ils voulaient le prendre ainsi, que leur fit-il? « Il sortit d’entre leurs mains ». Ils ne le saisirent pas, parce qu’ils n’avaient pas les mains de la foi.  

 

1. Jean, XIV, 9.

 

Le Verbe s’est fait chair, mais ce n’était pas chose difficile pour le Verbe d’arracher sa chair de ces mains de chair. Saisir spirituellement le Verbe, c’est saisir Jésus-Christ comme il faut.

12. « Et il s’en alla au-delà du Jourdain, en ce lieu où Jean baptisait au commencement, et il resta là. Et beaucoup venaient vers lui et disaient : Jean n’a fait aucun miracle ». Vous vous le rappelez, nous vous avons dit de Jean qu’il était une lampe et qu’il rendait témoignage au jour (1). Pourquoi donc disent-ils en eux-mêmes: Jean n’a fait aucun miracle? Jean, disent-ils, ne nous a montré aucun miracle; il n’a pas chassé les démons ; il n’a pas guéri de la fièvre; il n’a pas rendu la vue aux aveugles; il n’a pas ressuscité les morts; il n’a pas nourri plusieurs milliers d’hommes avec cinq ou sept pains; il n’a pas marché sur la mer; il n’a pas commandé aux vents et aux flots: Jean n’a rien fait de ces choses; mais tout ce qu’il disait lui rendait témoignage. Par le moyen de cette lampe, arrivons donc au jour: « Jean n’a fait aucun miracle ; mais toutes les choses que Jean a dites de lui étaient vraies ». Ceux-là ont saisi Jésus, mais non de la même façon que les Juifs. Les Juifs voulaient le saisir pendant qu’il s’éloignait. Ceux-là l’ont saisi pendant qu’il restait au milieu d’eux. Enfin, que dit l’Evangéliste? «Et beaucoup crurent en lui».

 

1. Jean, V, 33, 35.

 

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