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SIXIÈME TRAITÉ.

SUR LE MÊME ENDROIT DE L’ÉVANGILE. « POURQUOI DIEU A VOULU MONTRER LE SAINT-ESPRIT VU SOUS LA FORME DE COLOMBE », (Chap. I, 32, 33.)

LA COLOMBE.

 

Pourquoi l’Esprit-Saint a-t-il été figuré par une colombe au baptême de Jésus-Christ? Comme le corbeau est l’image de l’orgueil, de la cruauté et de la discorde, ainsi la colombe est l’emblème de l’humilité, de la simplicité, de la douceur et de la paix : et le est le signe de l’unité en Dieu, dans le baptême, dans l’Eglise, et, par conséquent de l’union des coeurs dans la charité. Hors de là point de salut : le baptême est inutile et même nuisible: témoin celui de Simon le Magicien La colombe rapportant un rameau d’olivier dans l’arche est la preuve de ce que nous disons : d’ailleurs la foi sans les oeuvres est stérile, et les oeuvres sans la charité ne servent de rien pour le ciel; sur quoi alors les Donatiens peuvent-ils s’appuyer et se tranquilliser?

 

1. J’en fais l’aveu à votre sainteté : la rigueur du temps m’avait donné lieu de craindre que votre zèle se refroidît et que vous ne vous réunissiez pas ici; mais, je le vois, et votre affluence en est la preuve, la solennité que nous célébrons a trouvé en vous des coeurs chauds : d’où je conclus que vous avez prié pour moi, afin de m’aider à vous payer ma dette. En effet, la brièveté du temps m’empêchant de vous dire avec les développements convenables pourquoi Dieu a voulu montrer le Saint-Esprit sous la forme de colombe, je vous ai promis de traiter aujourd’hui cette question au nom du Christ; le moment est donc venu de l’expliquer, et je sens que le désir de m’entendre, ainsi que votre pieuse dévotion, vous ont rassemblés en plus grand nombre. Que Dieu tire de ma bouche de quoi remplir votre attente. C’est par affection à coup sûr que vous êtes venus, mais cette affection, quel en est l’objet? Si c’est nous, il n’y a rien en cela que de bien ; car nous voulons être aimé de vous, mais nous ne voulons pas l’être en nous. Comme Dieu, nous vous aimons en Jésus-Christ, à votre tour aimez-nous en lui et que notre affection mutuelle nous porte à élever vers Dieu les gémissements de notre âme; car gémir c’est le propre de la colombe.

2. Le propre de la colombe est de gémir, nous le savons tous, et c’est l’amour qui la fait gémir aussi, prête l’oreille à ce que dit l’Apôtre, et ne sois plus étonné que le Saint-Esprit ait voulu se montrer sous la forme d’une colombe : « Ce que nous devons demander comme il faut », dit-il, « nous l’ignorons ; mais le Saint-Esprit interpelle lui-même pour nous par des gémissements ineffables (1) ». Quoi donc, mes frères! dirons-nous que l’Esprit-Saint gémit dans cette éternelle et parfaite béatitude où il est avec le Père et le Fils? Car l’Esprit-Saint est Dieu, comme le Fils de Dieu est Dieu ; comme le Père est Dieu. J’ai dit trois fois Dieu, mais je n’ai pas dit trois dieux, parce que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu: vous le savez parfaitement. Donc, ce n’est pas en soi-même, ni sans sortir de soi-même, dans la Trinité, dans la béatitude, dans l’éternité de substance que gémit l’Esprit Saint; c’est en nous, parce qu’il nous fait gémir. Et ce n’est pas peu de chose que l’Esprit-Saint nous apprenne à gémir. En effet, il nous apprend que nous sommes pèlerins, il nous apprend à soupirer vers la patrie, et ces soupirs eux-mêmes sont nos gémissements. Celui à qui tout sourit en ce monde, disons mieux, celui qui pense que tout va bien pour lui, qui tressaille de la joie des choses charnelles, de l’abondance des biens temporels et de la vaine félicité du siècle, celui-là a la voix du corbeau ; car la voix du corbeau est stridente: il ne gémit pas. Celui au contraire qui se sait sous le pressoir de cette mortalité et qui reconnaît en lui-même un pèlerin éloigné du Seigneur (2) celui qui sait ne pas être encore en possession de cette béatitude éternelle qui nous est promise, mais la possède en espérance puisqu’il y entrera seulement, lorsque le Seigneur viendra manifesté dans la gloire, après être d’abord venu sous le voile de

 

1. Rom. VIII, 26. — 2. II Cor. V, 6.

 

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l’humilité; celui-là gémit, et aussi longtemps qu’il gémit pour ce motif il gémit bien, l’Esprit-Saint lui a enseigné à gémir, la colombe lui a appris à le faire. Car plusieurs gémissent plongés dans les malheurs de cette vie, brisés par les pertes, accablés par les maladies, enfermés dans les prisons, retenus par des chaînes, battus sur les flots par la tempête, ou embarrassés dans les pièges que leur tendent leurs ennemis ; ils gémissent donc, mais ils ne gémissent pas du gémisse. ment de la colombe et par l’amour de Dieu, en esprit. Aussi, lorsque de tels gens se voient sortis de l’épreuve, ils poussent de grands cris de joie, d’où il paraît bien qu’ils étaient des corbeaux, et non des colombes. Aussi, lorsque le corbeau fut mis hors de l’arche, il ne revint pas; la colombe au contraire y revint. Noé envoya hors de l’arche ces deux sortes d’oiseaux (1). Il avait sous la main un corbeau, il avait aussi une colombe ; car l’arche renfermait ces deux espèces d’animaux: et s’il est vrai que l’arche figurait l’Eglise, vous le voyez facilement, c’est nécessaire que dans le déluge du siècle l’Eglise renferme tout à fois le corbeau et la colombe. Qui sont les corbeaux?Ceux qui cherchent leurs intérêts. Qui sont les colombes? Ceux qui recherchent les intérêts du Christ (2).

3. C’est pourquoi, lorsque Dieu a envoyé l’Esprit-Saint, il l’a montré visiblement en deux manières, par la colombe et par le feu. Par la colombe, sur le Seigneur après son baptême; par le feu, sur les Apôtres réunis. En effet, lorsque le Seigneur eut passé quarante jours avec ses disciples et qu’il fut remonté au ciel après sa résurrection, il leur envoya, le jour de la Pentecôte, l’Esprit-Saint qu’il leur avait promis. Venant alors, l’Esprit remplit le lieu où ils étaient ; d’abord un grand bruit, pareil au bruit d’un vent violent, se fit entendre du ciel, ainsi que nous lisons dans les Actes des Apôtres; et « il parut des langues comme de feu qui se divisèrent et reposèrent sur chacun d’eux, et ils se mirent à s’exprimer en diverses langues selon que « l’Esprit leur donnait de parler ». D’un côté, nous avons vu la colombe descendre sur le Seigneur, de l’autre les langues de feu se partager sur les Apôtres réunis; d’un côté la simplicité, de l’autre la ferveur. Car il y en a qui passent pour simples et qui sont

 

1. Gen. VIII, 6-9. — 2. Philipp. II, 21. — 3. Act. II, 1-4.

 

paresseux; on appelle simples des personnes qui en réalité sont nonchalantes. Tel n’était pas Etienne, cet homme rempli du Saint-Esprit. Il était simple, parce qu’il ne nuisait à personne; il était fervent, parce qu’il gourmandait les impies. En effet, il ne garda pas le silence devant les Juifs. De lui sont ces paroles de feu : « Coeurs et oreilles incirconcis, vous avez toujours résisté au Saint-Esprit». Paroles grandement impétueuses; toutefois, même en sévissant, la colombe n’y met pas de fiel. Voici la preuve qu’elle n’y mettait pas de fiel. Les Juifs, qui étaient des corbeaux, ayant entendu ces paroles, coururent aussitôt aux pierres pour écraser la colombe; Etienne commence à être lapidé; tout à l’heure, sous l’émotion et la ferveur de son esprit, il avait fait sur eux comme sur des ennemis cette sortie impétueuse; sa violence apparente s’était emportée en ces paroles de flamme et de feu que vous avez entendues : « Têtes dures, « coeurs et oreilles incirconcis ». C’était au point que celui qui les aurait entendues se serait imaginé que si Etienne l’avait pu il les aurait fait passer par le feu ; néanmoins, lorsque les pierres lancées par eux vinrent le frapper, il se mit à genoux et s’écria: « Seigneur, ne leur imputez point ce péché (1)». Il s’était étroitement attaché à l’unité de la colombe. Ainsi avait agi le premier le maître sur lequel est descendue la colombe. Cloué à la croix, il dit : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font (2)». La colombe signifie que les fidèles sanctifiés par l’Esprit ne doivent pas user de ruse, et le feu, que leur simplicité ne doit pas être de glace. Or, ne sois pas effrayé de la division des langues. Les langues sont à une certaine distance les unes des autres ; c’est pourquoi l’Esprit-Saint est apparu sous forme de langues divisées: « Des langues comme de feu se divisèrent et se reposèrent sur chacun d’eux ». Les langues sont distantes les unes des autres ; mais cette distance des langues les unes par rapport aux autres, n’est pas le schisme. Dans la division des langues ne redoute pas de rencontrer la désunion, sache que dans la colombe se trouve l’unité.

4. Ainsi donc, ainsi fallait-il que se montrât l’Esprit-Saint en venant sur le Seigneur; car par là chacun doit comprendre que s’il a reçu l’Esprit-Saint il doit être simple comme

 

1. Act.  VII, 51, 59. — 2. Luc, XXIII, 34.

 

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la colombe, avoir avec ses frères cette paix désirable dont le baiser des colombes est le symbole. Les corbeaux donnent aussi leur baiser, mais en eux se trouve une fausse paix; dans les colombes est la véritable. Il ne faut donc pas écouter comme des colombes tous ceux qui disent Que la paix soit avec vous. Comment alors distinguer les baisers des corbeaux d’avec les baisers des colombes? Les corbeaux donnent leur baiser et déchirent en même temps; par nature, les colombes sont innocentes de pareils procédés; où il y a déchirements, les baisers ne sont pas le signe d’une paix véritable; ceux-là ont la véritable paix qui n’ont pas déchiré l’Eglise. Les corbeaux se repaissent de chairs mortes, ce que ne fait pas la colombe ; elle se nourrit des fruits de la terre, sa nourriture est innocente, ce qui est, mes frères, véritablement à admirer dans la colombe. Il est des oiseaux très-petits qui se nourrissent néanmoins de mouches; rien de pareil chez la colombe, car elle ne se nourrit pas de chairs mortes. Ceux qui ont déchiré l’Eglise cherchent à se nourrir avec des morts. Dieu est puissant, prions-le que ceux-là revivent qui sont dévorés par eux et ne le sentent pas. Plusieurs le reconnaissent parce qu’ils revivent, et tous les jours nous nous félicitons en Jésus-Christ de leur retour. Pour vous, soyez simples de manière à être aussi fervents, et que votre ferveur se montre dans vos paroles : ne gardez pas le silence, parlez avec feu, embrasez ceux qui sont froids.

5. Qu’ajouter, mes frères? Qui ne voit ce que les Donatistes refusent de voir? En cela rien d’étonnant. En effet, ceux qui ne veulent pas revenir sont comme le corbeau envoyé hors de l’arche. Qui ne voit ce qu’ils refusent de voir? Mais ils sont ingrats envers le Saint-Esprit. La colombe est descendue sur le Seigneur, et sur le Seigneur baptisé; elle est aussi apparue au même endroit, cette sainte et véritable Trinité qui pour nous est un seul Dieu. Car le Seigneur sortit de l’eau, ainsi que nous le dit l’Evangile, « voilà que les cieux furent ouverts, et il vit le Saint-Esprit descendre et demeurer sur lui en forme de colombe, et aussitôt cette voix se fit entendre: Vous êtes mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu (1) ». Là paraît manifestement la sainte Trinité, le Père dans la voix, le Fils dans l’homme, l’Esprit dans

 

1. Matth. III, 16, 17.

 

la colombe. Dans cette Trinité au nom de laquelle les Apôtres ont été envoyés, apercevons ce qu’il est surprenant que les Donatistes n’y aperçoivent pas. Car il est sûr qu’ils ne l’y voient pas et qu’ils ferment leurs yeux à ce qui leur frappe le visage. Où donc les Apôtres ont-ils été envoyés, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, par Celui de qui il a été dit: « C’est Celui-là qui baptise? » Celui qui se réservait le pouvoir de baptiser le leur a dit.

6. Voilà ce que Jean a vu en lui, voilà ce qu’il ne connaissait pas et ce qu’il a appris à connaître. Certes, il le connaissait comme Fils de Dieu, comme Seigneur et comme Christ. Il n’ignorait même pas qu’il dût baptiser dans l’eau et le Saint-Esprit; il le savait. Mais qu’il dût se réserver le pouvoir du baptême et ne le transmettre à aucun de ses ministres, voilà ce qu’il a appris par la colombe. En effet, ce pouvoir que le Christ a gardé pour lui seul et qu’il n’a transmis à aucun de ses ministres, bien qu’il ait daigné baptiser par leur ministère, ce pouvoir maintient l’unité de l’Eglise. Cette unité est symbolisée par la colombe dont il est dit: « Une est ma colombe, elle est une pour sa mère.(1) » Comme je l’ai déjà dit, en effet, mes frères, si le Seigneur avait transmis à ses ministres le pouvoir de baptiser, autant il y aurait de ministres, autant il y aurait de baptêmes, et l’unité du baptême serait détruite.

7. Faites-y attention, mes frères : avant que Notre-Seigneur Jésus-Christ vînt pour être baptisé (car c’est après son baptême que la colombe est descendue et a appris à Jean une particularité, quand il lui fut dit : « Celui sur qui tu verras le Saint-Esprit descendre et demeurer en forme de colombe; c’est Celui-là qui baptise dans le Saint-Esprit) » ; avant ce moment, Jean savait que Jésus-Christ baptisait dans le Saint-Esprit. Mais que le pouvoir de baptiser il ne dût le donner à personne, bien qu’il dût en confier à d’autres le ministère, voilà ce qu’il a appris alors. Comment prouver que Jean savait déjà que le Seigneur baptiserait dans le Saint-Esprit? Comment le prouver de manière à faire bien comprendre que, d’après l’enseignement de la colombe, le Précurseur a su que le Sauveur baptiserait dans le Saint-Esprit, sans toutefois abandonner à personne ce pouvoir? Encore une

 

1. Cant. VI, 8.

 

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fois, comment le prouver? Le voici. Le Sauveur était déjà baptisé quand la colombe est descendue sur lui; mais avant qu’il vînt pour recevoir le baptême de Jean dans le Jourdain, nous l’avons dit, le Précurseur le connaissait comme il le marque par ces paroles: « Vous venez à moi pour être baptisé, c’est moi qui dois être baptisé par vous ». Voici donc qu’il connaissait le Seigneur, il connaissait le Fils de Dieu. Comment prouvons-nous qu’il le connaissait comme devant baptiser dans le Saint-Esprit? Avant que Jésus-Christ vînt au fleuve, plusieurs accouraient auprès de Jean pour être baptisés et il leur dit: « Pour moi je vous baptise dans l’eau; mais Celui qui vient après moi est plus grand que moi, je ne suis pas digne de délier les cordons de ses souliers; c’est Lui qui vous baptisera dans le Saint-Esprit et le feu (1) ». Il savait donc déjà cela : par conséquent, qu’est-ce que la colombe lui a fait connaître, afin que plus tard nous ne le reconnaissions pas comme un menteur (ce que Dieu nous garde de penser)? C’est évidemment cette particularité, savoir, que la sainteté du baptême serait attribuée à Jésus-Christ seul, quoique beaucoup de ministres justes ou injustes dussent le conférer. En effet, au moment où la colombe descendait sur lui, on entendit une voix qui disait: « C’est Celui-là qui baptise « dans le Saint-Esprit». Que Pierre baptise, c’est Celui-là qui baptise; que Paul baptise, c’est Celui-là qui baptise; que Judas baptise, c’est Celui-là qui baptise.

8. Car si la sainteté du baptême est en proportion des mérites de ceux qui le confèrent, il! aura autant de baptêmes que de sortes de mérites, et chacun croira en avoir reçu un meilleur, d’autant meilleur, que le ministre en paraîtra plus méritant. Les saints eux-mêmes, comprenez bien ceci, mes frères, les gens de bien appartiennent à la colombe, les citoyens de la sainte Jérusalem, les gens de bien qui font partie de l’Eglise, ceux dont l’Apôtre dit: « Le Seigneur connaîtra ceux qui sont à lui (2) », ont reçu des grâces différentes, tous n’ont pas les mêmes mérites; il en est qui sont plus saints et meilleurs que d’autres. Comment dons, par exemple, si l’un est baptisé Par un ministre juste et saint, l’autre par un ministre inférieur en mérites auprès de Dieu, inférieur en élévation, en continence,

 

1. Matth. III, 14, 11. — 2. II Tim. II, 19.

 

en sainteté de vie, comment tous deux cependant reçoivent ils une nième et pareille grâce, une grâce égale en l’un et en l’autre, sinon parce que « c’est Celui-là qui baptise?» Comment donc, selon que le ministre du baptême est bon ou meilleur, l’un ne reçoit-il pas une chose bonne et l’autre une chose meilleure? Et quoique de deux ministres l’un est bon et l’autre meilleur, comment se fait-il qu’on reçoive un baptême unique et égal qui ne soit ni meilleur venant de l’un, ni de moindre valeur venant de l’autre? De même en est-il lorsque le baptême est donné par un méchant , que l’Eglise ne connaît point comme tel, ou qu’elle tolère; car on n’y connaît pas les méchants, ou bien on les y tolère: c’est de la paille; on la tolère donc jusqu’au moment où enfin l’aire sera purgée. Ce que donne un pareil homme est de même nature: il n’est pas de moindre valeur en raison des moindres mérites du ministre; c’est partout et toujours un baptême égal et pareil; car : « c’est Celui-là qui baptise ?».

9. Voyons donc, mes bien-aimés, ce que ne veulent pas voir les Donatistes; (non pas ce qu’ils ne pourraient voir, mais ce qu’ils auraient mal de voir), comme si c’était impénétrable pour eux. Où les disciples ont-ils été envoyés pour baptiser comme ministres au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit? Où les a-t-on envoyés ? « Allez », leur dit Jésus-Christ, « baptisez les nations ». Vous savez, mes frères , comment est venu cet héritage: « Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage, et pour possession toute l’étendue de la terre (1) ».Vous savez comment la loi est sortie de Sion et la parole du Seigneur de Jérusalem (2). C’est à Jérusalem, en effet, que les Apôtres ont entendu ces paroles: « Allez baptiser les nations au nom « du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (3)». Nous sommes devenus attentifs lorsque nous avons entendu ces paroles: « Allez baptiser les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (3) ». C’est un seul Dieu; il n’est pas dit: Aux noms du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; mais: «Au nom du Père et du Fils et du « Saint-Esprit». Dès lors qu’il n’y a qu’un seul nom, il n’y a qu’un seul Dieu. Ainsi l’Apôtre Paul explique-t-il le passage où il est parlé de la race d’Abraham : « En ta descendance seront bénies toutes les nations; Dieu ne lui

 

1. Ps. II, 8. — 2. Isa. II, 3. — 3. Matth. XXVIII, 19.

 

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dit pas: En tes descendances, comme s’il « s’agissait de plusieurs; mais, voulant parler d’un seul : En ta descendance, qui est le Christ (1) ». Comme donc il n’est pas dit en cet endroit: En vos descendances, et qu’en conséquence l’Apôtre a voulu t’apprendre qu’il n’y a qu’un seul Christ; de même, lorsqu’il est dit ici : « au nom », non pas, aux noms, absolument dans le même sens qu’il a été dit ailleurs: « en la descendance », et non, en tes descendances, c’est la preuve qu’il n’y a qu’un seul Dieu, Père, Fils et Saint Esprit.

10. Mais, disent les disciples au Seigneur, voici que nous savons au nom de qui nous devons baptiser, vous nous avez faits vos ministres et vous nous avez dit : « Allez baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Mais où irons-nous ? Où? Vous ne l’avez pas entendu? Dans mon héritage. Vous me demandez: Où irons-nous? Dans la propriété que j’ai achetée de mon sang. Où donc? Dans les nations. Je pensais qu’il aurait dit Allez, baptisez les Africains au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Grâces à Dieu, le Sauveur a tranché la question, la colombe a fait entendre ses enseignements ; grâces à Dieu, les Apôtres omit été envoyés vers les nations ; c’est vers les nations, c’est vers toutes les langues. Ainsi l’a marqué le Saint-Esprit en se montrant sous l’apparence de plusieurs langues et d’une seule colombe. D’un côté, les langues signifient la division ; de l’autre, la colombe indique l’union. Les langues des nations se sont mises d’accord ensemble seule la langue des Africains serait en discordance avec les autres ? Y a-t-il rien de plus évident, mes frères? Dans la colombe l’unité, dans les différentes langues des nations l’accord. Car l’orgueil a mis le désaccord dans les langues, et d’une seule en a fait plusieurs. En effet, après le déluge l’orgueil porta les hommes à se fortifier en quelque sorte contre Dieu; et comme s’il y avait un lieu où il ne pût atteindre, comme si l’orgueil pouvait trouver un abri contre lui, ils élevèrent une tour, pour ainsi dire avec l’intention d’échapper au déluge s’il venait à recommencer. Ils avaient entendu dire, et ils s’en souvenaient, que toute iniquité avait été détruite par le déluge; ne voulant pas s’abstenir de l’iniquité, ils cherchaient dans la hauteur d’une tour un abri contre le déluge. C’est

1. Gen. XXII, 18 ; Galat. III, 16.

 

pourquoi ils construisirent une tour élevée. Dieu vit leur orgueil et leur envoya un esprit d’erreur, afin qu’ils ne s’entendissent plus; c’est ainsi que l’orgueil devint la cause de la division des langues (1). Si l’orgueil a été le principe de la division des langues, l’humilité du Christ les a réunies. Ce que cette tour avait dispersé, l’Eglise le recueille. D’une langue il s’en est fait plusieurs : ne t’en étonne pas: c’est le résultat de l’orgueil. De plusieurs langues il s’en est fait une seule: n’en sois pas surpris, c’est le fruit de la charité. Car, bien que dans les diverses langues on ne s’exprime pas de la même manière, le même Dieu est invoqué au fond du coeur, la même paix est gardée par tous. Mes bien-aimés , le Saint-Esprit pouvait-il mieux se manifester comme signe d’unité que sous la forme d’une colombe, afin que l’on pût dire de l’Eglise établie dans la paix : « Une est ma colombe ? » L’humilité pouvait-elle être symbolisée plus parfaitement que par un oiseau simple et gémissant ? Un oiseau aussi orgueilleux, aussi fat de lui-même que le corbeau, était incapable de nous en donner l’idée.

11. Peut-être diront-ils : Il y a une colombe, elle est unique; donc en dehors de cette unique colombe il ne peut y avoir de baptême. Si c’est chez toi que se trouve la colombe, ou si tu es toi-même cette colombe, quand je viens à toi, donne-moi donc ce que je n’ai pas. Vous le savez, mes frères, voila leur langage; vous y reconnaîtrez bientôt le cri du corbeau, et non la voix de la colombe. Que votre charité y soit un peu attentive. Prenez garde, ils sont rusés, défiez-vous; recevez les paroles de ces contradicteurs pour les rejeter aussitôt, et non pour leur dominer accès en vos âmes et les laisser passer jusqu’à votre coeur. Imitez Notre-Seigneur, quand ses bourreaux lui offrirent un breuvage amer, « il le goûta et refusa d’en  boire (2) ». Ainsi doit-il en être de vous écoutez leurs paroles et rejetez-les aussitôt. En effet, que disent-ils? Ainsi donc, ô Eglise catholique, c’est toi qui es la colombe, c’est à toi qu’il a été dit : « Une est ma colombe, elle est une pour sa mère ». Oui, c’est à toi que ces paroles s’adressent.— Attends, ne m’interroge pas. Commence par prouver que c’est à moi que s’appliquent ces paroles. Si c’est à

 

1. Gen. XI, 1-9. — 2. Matth. XXII, 14.

 

360

 

moi qu’elles s’appliquent, je veux le savoir tout de suite. — Oui, c’est à toi. — Je réponds

C’est à moi. Cette réponse que ma bouche seule a prononcée est aussi, je n’en doute pas, sortie de vos coeurs, et tous ensemble nous avons dit : Ces paroles s’appliquent à l’Eglise catholique: « Une est ma colombe, elle est une pour sa mère ». Ils ajoutent: Hors de la colombe, il n’y a pas de baptême; pour moi, j’ai été baptisé hors de la colombe, donc je n’ai pas le baptême: si je n’ai pas le baptême, pourquoi ne me le donnes-tu pas quand je viens à toi?

12. A mon tour je les interroge, En attendant, ne nous inquiétons pas de savoir à qui il a été dit: « Une est ma colombe, elle est une pour sa mère ». Car il s’agit de savoir si c’est à moi ou à toi que s’applique ce passage mais laissons pour le moment cette question de côté. Je demande donc ceci : La colombe est-elle simple, innocente, sans fiel, pacifique dans ses baisers ? Ses ongles font-ils jamais des blessures? Les avares, les hommes de rapine, les trompeurs, les ivrognes, les libertins appartiennent-ils à son corps, sont-ils du nombre de ses membres? Evidemment non. En effet, mes frères, qui oserait le soutenir ? Je veux me borner; je ne parle que des ravisseurs du bien d’autrui, Ils peuvent bien être membres d’un oiseau de proie; mais de la colombe, jamais. Les milans, les éperviers, les corbeaux vivent de rapines. Les colombes ne ravissent rien et ne déchirent pas: les hommes de rapines ne sont donc pas membres de la colombe. Donatistes, n’y a-t-il jamais eu parmi vous, ne fût-ce qu’un seul ravisseur du bien d’autrui? Comment et, pourquoi le baptême donné par l’épervier, et non par la colombe, ne doit-il pas être remplacé par un autre ? Pourquoi chez vous ne baptise-t-on pas après les ravisseurs du bien d’autrui, après les adultères, les ivrognes, les avares qui comptent dans vos rangs? Tous ceux-là sont-ils membres de la colombe ? Vous déshonorez votre colombe, au point de lui donner des membres de vautour. Eh quoi ! mes frères, que disons-nous? Dans l’Eglise catholique il y a des bons et des méchants; parmi eux,il n’y a que des méchants. Peut-être est-ce par animosité que j’en parle? nous en donnerons plus tard la preuve. Eux-mêmes en conviennent, il y a parmi eux des bons et des méchants ; car s’ils disent que parmi eux il n’y a que des bons, que leurs partisans les croient sur parole, et j’y souscris. Qu’ils disent : Il n’y a dans nos rangs que des hommes saints, justes, chastes, sobres il n’y a ni adultères,ni usuriers, ni trompeurs, ni parjures, ni ivrognes, qu’ils le disent leurs paroles ne sont rien pour moi : il me suffit de mettre la main sur leurs coeurs. Vous aussi vous les connaissez ; leurs partisans les connaissent ; et vous membres de l’Église catholique, votre conduite n’est un mystère ni pour vous, ni pour eux : ne leur adressons aucun reproche : qu’ils n’examinent même pas leur conscience. Nous l’avouons, il y a dans l’Eglise des bons et des méchants, mais comme dans une aire il y a du grain et de la paille. Quelquefois celui qui est baptisé par le grain n’est que de la paille, et celui qui est baptisé paria paille est du grain, Autrement, si le baptême était bon par cela même qu’il viendrait du grain, ou mauvais parce qu’il viendrait de la paille, il serait faux de dire: « C’est Celui-là qui baptise ». Si au contraire il est vrai de dire : « C’est Celui-là qui baptise », le baptême est bon, même quand il vient de la paille ; le méchant baptise tout aussi bien que la colombe, non pas que le méchant soit la colombe, ou qu’il soit tin de ses membres; on ne peut le dire, non plus, ni parmi les catholiques, ni parmi les Donatistes, si tant est qu’ils. prétendent que leur Eglise est la colombe. Qu’entendons-nous par là, mes frères ? C’est chose manifeste et connue de tous, et quand même ils n’en voudraient pas convenir, la preuve en est là: quand, chez eux, des méchants confèrent le baptême, on ne le réitère pas; et lorsque parmi nous des méchants baptisent, on ne rebaptise pas non plus après eux. La colombe ne baptise pas après les corbeaux, pourquoi le corbeau pré. tendrait-il baptiser après la colombe?

13. Que votre charité soit attentive. Au baptême de Notre-Seigneur, une colombe, c’est-à-dire le Saint-Esprit en forme de colombe, descendit et demeura sur le Christ; en conséquence la colombe a révélé à Jean qu’un certain pouvoir réservé relativement au baptême se trouvait en Notre-Seigneur. Mais pourquoi une colombe ? et que pouvait-elle signifier? C’est que, selon que je l’ai déjà dit, par ce pouvoir réservé se trouvait assurée la paix de l’Eglise. Il peut donc se faire que quelqu’un reçoive le baptême en dehors de la colombe ; mais qu’alors ce baptême lui [361] serve, c’est impossible. Que votre charité soit attentive et comprenne bien ce que je dis ; car par le moyen de cette ruse nos adversaires trompent souvent ceux de nos frères qui sont indolents et tièdes. Soyons plus simples et plus fervents. Ai-je, disent-ils, reçu le baptême ou ne l’ai-je pas reçu ? Je réponds : Tu l’as reçu. Si je l’ai reçu, il n’y a aucun motif de me le donner; j’ai lieu d’être tranquille, tu en conviens toi-même ; pour ma part, j’affirme avoir reçu le baptême, et toi, tu le reconnais formellement. Notre mutuel accord fait ma sécurité. Alors, que me promets-tu? Pourquoi veux-tu me faire catholique, quand tu n’as rien de plus à me donner, quand d’après ton aveu j’ai déjà reçu ce que tu prétends avoir? Pour moi, quand je dis : Viens à moi, je soutiens que tu n’as pas ce que tu avoues lire en ma possession ; pourquoi donc .me dis-tu: Viens à moi ?

14. La colombe nous le fait savoir. Car, de dessus la tête du Seigneur où elle se trouve placée, elle répond en disant: Tu as le baptême, mais la charité qui me fait gémir, tu ne l’as pas. Qu’est-ce que cela veut dire, répond le donatiste ? J’ai le baptême et je n’ai pas la charité? Ne te récrie pas; montre-moi comment peut avoir la charité celui qui divise l’unité. Moi, j’ai le baptême. Oui, sans doute; mais ce baptême sans la charité ne te sert de rien, parce que sans la charité tu n’es rien. Non pas que, même dans celui qui, n’est rien; le baptême soit rien; car ce baptême est quelque chose, et nième quelque chose de grand, à cause de celui dont il a été dit: « C’est celui-là qui baptise ». Mais ne vas pas supposer que cette chose si grande puisse avoir quelque utilité pour toi, si tu n’es pas dans l’unité; car la colombe est descendue sur Jésus-Christ baptisé, comme pour dire: Si tu as le baptême, sois dans la colombe, de peur que ce que tu as ne te serve de rien. Viens donc, leur disons-nous, viens à la colombe, non pour commencer à avoir ce que tu n’avais pas, mais afin que ce que tu avais commence à te servir, car ayant le baptême en dehors de la colombe, tu l’avais pour ta perte; quand tu l’auras au dedans d’elle, il commencera à te servir pour ton salut.

15. Non-seulement le baptême ne te servait de rien, il était même nuisible pour loi. Car les choses saintes elles-mêmes peuvent nuire. Chez les bons elles contribuent à leur salut; chez les mauvais, elles sont le principe de leur jugement. Il est sûr, mes frères, que nous savons ce que nous recevons; et certainement ce que nous recevons est saint; et personne ne prétend que cet aliment ne l’est pas. Que dit l’Apôtre? : « Celui qui mange et boit indignement , mange et boit son jugement (1) ». Il ne dit pas que ce soit une chose mauvaise; mais il soutient que le méchant, en la recevant mal, reçoit pour son jugement la bonne chose qu’il reçoit. Cette bouchée donnée à Judas par le Seigneur (2) était-elle mauvaise? A Dieu ne plaise. Le médecin n’aurait pas donné le poison, le médecin a donné le salut; mais en le recevant indignement, Judas l’a reçu pour sa perte parce qu’il ne l’a pas reçu dans la paix. Ainsi en est-il de celui qu’on baptise. J’ai, dis-tu, le baptême. Tu l’as, je l’avoue, fais bien attention à ce que tu as. De cela même résultera ta condamnation. Pourquoi? Parce que tu as le bien de la colombe en dehors de la colombe. Si tu l’avais dans la colombe, par cela même que tu l’aurais, tu serais en sûreté. Suppose que tu es soldat: tu portes la marque de ton chef; tu pourras combattre en toute sûreté mais si tu la portes en dehors, non-seulement elle ne te servira de rien pour le combat, mais elle te fera punir comme déserteur. Viens donc, viens et ne dis pas: j’ai le baptême et il me suffit; viens, la colombe t’appelle, elle t’appelle par ses gémissements. Mes frères, je vous le dis, appelez-les par vos gémissements, non par des querelles; appelez. les par vos prières, par vos invitations, par vos jeûnes; qu’ils comprennent que c’est votre charité pour eux qui vous fait trouver la séparation douloureuse. Je n’en doute pas, mes frères, s’ils voient votre douleur, elle les couvrira de confusion et les ramènera à la vie. Viens donc, viens, ne crains pas de venir; crains plutôt si tu ne viens pas, je dirai même: en ce’ cas, ne crains pas, mais verse des larmes. Viens, si tu m’écoutes tu ressentiras une grande joie; à la vérité tu ne laisseras pas de gémir au milieu des tribulations de ce pèlerinage; mais l’espérance te remplira de joie. Viens où est la colombe, à laquelle il a été dit : « Une est ma colombe, elle est une pour sa mère ». Tu aperçois une seule colombe sur la tête du Christ; mais ne vois-tu pas que les langues sont répandues

 

1. I Cor. XI, 29. — 2. Jean, XIII, 26.

 

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par tout l’univers? Le même Esprit qui s’est manifesté par la colombe, s’est aussi manifesté par les langues. Si l’Esprit qui s’est montré dans la colombe est celui-là même qui s’est montré dans les langues, le Saint-Esprit a été donné à l’univers. Tu t’en es séparé pour crier avec le corbeau, au lieu de gémir avec la colombe. Viens donc.

16. Mais peut-être es-tu dans l’inquiétude et dis-tu: Baptisé en dehors de la colombe, je crains que le baptême que j’ai ainsi reçu me rende coupable. Tu as déjà commencé à apprendre de quoi il faut gémir. Tu dis vrai: en effet, tu es coupable, non pas d’avoir reçu le baptême, mais de l’avoir reçu en dehors de la colombe; garde donc ce que tu as reçu, et répare la faute de l’avoir reçu en dehors. Tu as reçu le bien de la colombe en dehors de la colombe; voilà deux choses: tu as reçu, et tu as reçu en dehors de la colombe. Que tu aies reçu, je n’y vois que du bien; que tu aies reçu en dehors de la colombe, je te blâme. Garde donc ce que tu as reçu, on n’y changera rien, on le reconnaîtra: c’est la marque de mon roi; je ne la profanerai pas, je changerai le déserteur, sans changer la marque.

17. Ne te glorifie pas de ton baptême, parce que je dis que c’est un vrai baptême. Oui, je le dis, c’est mm vrai baptême. L’Eglise catholique le dit comme moi : C’est un vrai baptême. La colombe le considère, elle le reconnaît ; elle gémit parce que tu l’as en dehors d’elle ; elle y voit quelque chose à avouer, quelque chose à corriger. C’est bien le baptême, Viens. Tu te glorifies de ce qu’il est un vrai baptême, et tu refuses devenir? Qu’en est-il des méchants qui n’appartiennent pas à la colombe? La colombe te dit: Les méchants parmi lesquels je gémis,et qui ne sont pas du nombre de mes membres, et parmi lesquels il est nécessaire que je gémisse, n’ont-ils pas ce que tu te glorifies d’avoir? Plusieurs ivrognes n’ont-ils pas le baptême? Le baptême n’a-t-il pas été reçu par nombre de gens avares, par beaucoup de gens idolâtres et, ce qui est pire, qui le sont eu secret? Les païens ne vont-ils pas ou n’allaient-ils pas publiquement adorer les idoles? Maintenant les chrétiens vont secrètement à là recherche des sorciers, ils consultent secrètement les devins. Et pourtant, tous ces gens-là ont reçu le baptême, mais la colombe gémit de se trouver au milieu de ces corbeaux. Pourquoi donc te réjouir de ce que tu as? Ce que tu as, le méchant l’a aussi. Aie l’humilité, la charité, la paix; reçois le bien qui te manque, afin que celui que tu possèdes te serve à quelque chose.

18. Car ce que tu as, Simon le magicien l’a eu aussi. Témoin le livre des Actes des Apôtres, ce livre canonique qui doit se lire chaque année dans l’Eglise. Dans les solennités qu’elle célèbre annuellement, après avoir fait mémoire de la passion du Seigneur, vous savez qu’elle fait la lecture de ce livre: on y trouve le récit de la conversion de l’Apôtre, qui de persécuteur est devenu prédicateur (1); et aussi l’histoire de la descente du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte sous forme de feu partagé en diverses langues (2). Là nous lisons que plusieurs habitants de Samarie reçurent la foi par la prédication de Philippe: ce Philippe était l’apôtre ou le diacre; car nous lisons encore qu’on ordonna sept diacres, au nombre desquels se trouvait un nommé Philippe (3). Les Samaritains crurent donc à cette prédication de Philippe, et Samarie commença à se remplir de fidèles. Alors s’y trouvait ce Simon le magicien qui, par ses artifices magiques, avait trompé le peuple au point de se faire passer pour la vertu de Dieu. Cependant cet homme, frappé des prodiges opérés par Philippe, crut aussi à son tour; mais la suite lit bien voir de quelle nature était sa foi. Néanmoins il fut aussi baptisé comme les autres. Les Apôtres qui étaient à Jérusalem apprirent ce qui se passait à Samarie, ils y envoyèrent Pierre et Jean. Ceux-ci y trouvèrent un grand nombre de baptisés, mais ils n’y rencontrèrent personne qui eût reçu le Saint-Esprit, comme il descendait alors sur les fidèles et leur faisait parler différentes langues pour marquer la diversité des nations qui devaient être appelées à la foi. Les Apôtres leur imposèrent donc les mains en priant pour eux, et ils reçurent le Saint-Esprit. Ce Simon n’était pas une colombe dans l’Eglise, ce n’était qu’un corbeau; car il recherchait ses intérêts, au lieu de rechercher ceux de Jésus-Christ (4); dans le christianisme il préférait donc à la justice le pouvoir de faire des miracles. Voyant que les Apôtres donnaient le Saint-Esprit par l’imposition des mains (non qu’ils le donnassent par eux-mêmes, mais parce que leurs prières l’obtenaient de Dieu), il leur dit: « Combien voulez-vous d’argent,

 

1. Act. IX, 1-30.— 2. Id. II, 1-4.— 3. Id. VI, 3-6.— 4. Philipp. II, 21.

 

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afin que par l’imposition de mes mains «l’Esprit-Saint soit donné? » Et Pierre lui répondit: « Que ton argent demeure avec toi pour ta perte, parce que tu as cru que le don de Dieu pouvait s’acquérir par de l’argent». A qui Pierre disait-il: « Que ton argent demeure avec toi tour ta perte? » A un homme baptisé; car Simon avait reçu le baptême, mais il n’était pas uni aux entrailles de la colombe. Ecoute; voici la preuve qu’il n’y était pas uni, fais attention aux paroles de Pierre; il continue ainsi: « Tu n’as pas de part à cette foi, car je vois que tu es plein d’un fiel amer (1) ». La colombe n’a pas de fiel, Simon en avait; aussi était-il séparé des entrailles de la colombe. A quoi lui servait son baptême? Ne te glorifie donc pas du tien, comme s’il suffisait pour ton salut de l’avoir reçu cesse de te mettre en colère, dépose ton fiel, tiens à la colombe. Alors te sera utile ce qui ne te servait de rien, ce qui était même nuisible pour toi, parce que tu l’avais reçu en dehors de la colombe,

19. Ne dis point: Je ne viendrai point parce que j’ai été baptisé en dehors de la colombe. Commence à avoir la charité, commence à porter le fruit de ce que tu as reçu; que l’on trouve ce fruit en toi, et la colombe s’introduira au dedans. C’est ce que l’on trouve dans l’Ecriture. L’arche avait été construite avec du bois incorruptible (2). Ce bois incorruptible n’est autre que les saints, que les fidèles qui appartiennent au Christ, De même, en effet, que les pierres vives dont le temple était construit étaient la figure des fidèles, ainsi le bois incorruptible de l’arche représente les hommes qui Persévèrent dans la foi. Dans l’arche il y avait donc des bois incorruptibles : cette arche, c’est l’Eglise; la colombe y donne le baptêmes car l’arche était portée sur les eaux, et ses bois incorruptibles y ont été plongés. Nous trouvons que d’autres bois étrangers à l’arche y ont été aussi submergés: c’étaient les arbres plantés sur toute la surface de la terre: c’était, néanmoins, partout la même eau, et non une eau différente; car elle était venue soit du ciel, soit des abîmes des fontaines. C’est dans la même eau que furent plongés et les bois incorruptibles dont l’arche était composée, et les bois qui n’étaient pas entrés dans sa construction. La colombe fut envoyée; d’abord elle ne trouve pas où se poser; elle revient

 

1. Act. VIII, 5-23. — 2. Gen. VI, 14.

 

vient à l’arche, car tout était rempli d’eau; elle aima mieux revenir que d’être baptisée de nouveau. Le corbeau fut envoyé avant la disparition des eaux : après avoir été se rebaptiser, il ne voulut plus revenir, et il périt dans ces eaux. Que Dieu nous préserve d’une pareille fin. Aussi bien, pourquoi ne revint-il pas? C’est que les eaux l’en empêchèrent. Pour la colombe, ne trouvant où se poser, quoique l’eau lui criât de toutes parts : Viens, viens, plonge-toi ici, de même que ces hérétiques te crient : Viens, viens, ici on donne le baptême; la colombe, ne trouvant pas où se reposer, revint à l’arche. Et Noé l’envoya de nouveau, de même que l’arche vous envoie pour parler à ces égarés: après cela, que fit la colombe? Parce que les bois étrangers au corps de l’arche avaient été plongés dans l’eau,elle rapporta vers l’arche un rameau d’olivier. Ce rameau portait des feuilles et du fruit (1). Ne te contente pas de parler, de porter des feuilles, porte aussi des fruits : tu reviendras à l’arche, tu n’y reviendras pas de toi-même, mais la colombe t’y rappellera. Gémissez en dehors, afin que ceux qui s’y trouvent soient rappelés au dedans.

20. Car si nous cherchons à savoir ce qu’était ce fruit de l’olivier, nous l’apprendrons. Le fruit de l’olivier représente la charité. Comment le prouvons-nous? De même que l’huile ne peut être maintenue au-dessous d’aucun liquide, qu’elle se fraie un passage et remonte à leur surface, ainsi la charité ne peut être retenue prisonnière en des régions inférieures; elle tend de toute nécessité à monter vers le ciel. C’est pourquoi l’Apôtre dit d’elle : « Il est encore une voie plus élevée qu’il me faut vous montrer ». Nous avons dit que l’huile s’élève toujours au dessus; or, pour ne pas appliquer à autre chose qu’à la charité ces paroles de l’Apôtre : « Il est encore une voie plus élevée qu’il me faut vous montrer », écoutons ce qui suit: « Quand je parlerais le langage des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis devenu comme un airain sonnant et une cymbale retentissante (2)». Va maintenant, Donat, et crie : Je suis éloquent! Va maintenant, et crie : Je suis docte! Combien éloquent? Combien docte? Aurais-tu parlé le langage des anges? Et quand même tu l’aurais parlé, si tu n’as pas la charité, je

 

1. Gen. VIII, 6-11. — 2. I Cor. XII, 31 ; XIII, 1.

 

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n’entendrais qu’un airain sonnant et une cymbale retentissante. Je veux quelque chose de plus solide, je veux trouver du fruit dans les feuilles : que les paroles ne soient pas seules, qu’elles portent l’olive, qu’elles reviennent à l’arche.

21. Mais, diras-tu, j’ai le sacrement. Tu dis vrai. Ce sacrement est divin; tu as le baptême, et je l’avoue. Mais que dit le même Apôtre? « Quand même je connaîtrais tous les mystères, quand je posséderais le don de prophétie et que j’aurais la foi jusqu’à transporter les montagnes ». Il parlait ainsi pour t’empêcher de dire : Je crois, cela me suffit. Mais que dit Jacques? « Les démons aussi croient, et ils tremblent ». Grande chose que la foi! mais chose inutile sans la charité. Les démons aussi confessaient le Christ : c’était de leur part avec foi en lui, mais ils ne l’aimaient pas, quand ils disaient : « Qu’y a-t-il u entre vous et nous (3)? » Ils avaient la foi, mais ils n’avaient pas la charité: c’est pourquoi ils étaient des démons. Ne te glorifie pas d’avoir la foi; car il serait encore possible de te comparer aux démons. Ne (lis pas au Christ « Qu’y a-t il entre vous et moi? » L’unité du Christ te parle, elle te dit: Viens à moi, sache où est la paix, rentre dans les entrailles de la colombe. Tu as été baptisé en dehors d’elle, porte du fruit et tu reviendras à l’arche.

22. Mais, diras-tu, pourquoi nous chercher, puisque nous sommes des méchants? Voilà précisément pourquoi nous vous cherchons, c’est que vous êtes méchants; car si vous n’étiez pas méchants, nous vous aurions trouvés et nous ne vous chercherions pas. Celui qui est bon est déjà trouvé; celui qui est méchant, on le cherche encore; c’est pourquoi nous vous cherchons. Revenez à l’arche. Mais j’ai le baptême. « Quand même je saurais tous les mystères, quand j’aurais le don de prophétie, et une foi jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ». Que je voie du fruit en toi, que j’y voie l’olive, et bientôt tu seras dans l’arche.

23. Mais que dis-tu? Voilà que nous endurons beaucoup d’épreuves, Si seulement vous souffriez pour le Christ, et non pour les honneurs. Mes frères, écoutez ce qui suit : ils se vantent parfois de faire de grandes aumônes, de souffrir de mauvais traitements; mais

 

1. Jacques, II, 19. — 2. Marc, I, 24.

 

c’est pour Donat, ce n’est point pour le Christ. Remarque pourquoi tu souffres: si c’est pour Donat, tu souffres pour un orgueilleux, tu n’es pas dans la colombe dès là que tu souffres pour Donat. Il n’était pas l’ami de l’Epoux ; car s’il avait été l’ami de l’Epoux, il aurait recherché la gloire de l’Epoux au lieu de rechercher la sienne propre (1). L’ami de l’Epoux ne dit-il pas : « C’est celui-là qui baptise ? » Il n’était pas l’ami de l’Epoux celui pour qui tu souffres. Tu n’as pas la robe nuptiale, et si tu viens au festin on te mettra dehors (2). Que dis-je? c’est parce que tu as été mis dehors que tu es misérable; reviens donc enfin et cesse de te glorifier. Ecoute ce que dit l’Apôtre : « Quand même j’aurais distribué tout mon bien aux pauvres et livré mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité». Voilà ce que tu n’as pas. « Quand j’aurais livré mon corps aux flammes », même pour le nom du Christ, comme il en est plusieurs qui le font par orgueil, et non par charité, Paul ajoute : « Quand j’aurais livré mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, il ne me sert de rien (3)». Ceux-la l’ont fait par charité, qui au temps de la persécution ont souffert le martyre ; ils ont agi par charité; mais les Donatistes le font par sentiment d’orgueil et de superbe; car, le persécuteur venant à manquer, ils se jettent d’eux-mêmes dans les précipices. Viens donc, afin d’avoir la charité. Mais nous avons des martyrs. Quels martyrs? Ils ne sont point de la colombe; aussi sont-ils tombés du haut de la pierre, quand ils ont voulu s’envoler.

24. Tout donc, vous le voyez, tout crie contre eux, toutes les pages divines, toutes les prophéties, tout l’Evangile, toutes les épîtres des Apôtres, tous les gémissements de la colombe, et cependant ils ne s’éveillent pas encore, ils ne sortent pas de leur sommeil. Pour nous, si nous sommes la colombe, gémissons, supportons-les, espérons; la miséricorde de Dieu viendra pour échauffer du feu du Saint-Esprit votre simplicité; et alors ils viendront. Il ne faut pas désespérer; priez, prêchez, aimez, Dieu est tout- puissant. Déjà ils ont commencé à reconnaître leur audace; plusieurs l’ont reconnue; plusieurs en ont rougi ; le Christ viendra, et d’autres encore le reconnaîtront. Qu’au moins, mes frères, il ne reste parmi eux que la paille; que tous les

 

1. Jean, III, 29. — 2. Matth. XXII, 11-13. — 3. I Cor. XIII, 2, 3.

 

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grains soient recueillis; que tout ce qui chez eux porte du fruit revienne à l’arche, porté par la colombe.

25. Ainsi mis en défaut sur tous les points, ne trouvant plus rien à dire, que nous objectent-ils? Ils nous ont pris nos maisons de campagne; ils nous ont enlevé nos propriétés; ils exhibent des testaments. Voici, disent-ils, la preuve que Gaïus Seïus a donné un fonds de terre à l’Eglise, à la tête de laquelle se trouvait Faustinus. De quelle Eglise Faustinus était-il évêque? C’est l’Eglise à laquelle présidait Faustinus; Faustinus était à la tête non pas d’une Eglise, mais d’un parti. La colombe seule est l’Eglise. Pourquoi crier? Nous n’avons pas dévoré ces maisons de campagne : que la colombe les possède, que l’on sache qu’elle est la colombe et qu’elle les possède. Car, vous le savez, mes frères, ces maisons de campagne n’appartiennent pas à Augustin; si vous l’ignorez, vous supposez que mon bonheur est de les posséder; mais Dieu ne l’ignore pas, il sait ce que j’en pense, ce que je souffre à leur endroit; il connaît avec quels gémissements, en raison de ce qu’il a daigné me confier des biens de la colombe. En tout cas, voilà ces biens. En vertu de quels droits les revendiques-tu? Est-ce en vertu du droit divin ou du droit humain? Qu’ils répondent, le droit divin, nous J’avons dans les Ecritures; le droit humain, dans les lois des empereurs, Ce que chacun possède, de quel droit le possède-t-il? Car, de droit divin, la terre et tout ce qu’elle renferme est au Seigneur (1). Dieu a fait les hommes, les pauvres et les riches, d’un même limon; pauvres et riches ne sont-ils pas supportés par la même terre? C’est donc de droit humain que l’on dit : Ce bien est à moi, cette maison m’appartient, cet esclave est ma propriété. Si c’est de droit humain, c’est du droit des empereurs. Pourquoi? Parce que Dieu s’est servi des empereurs et des princes du siècle, pour faire entre les hommes le partage de leurs droits. Voulez-vous que nous lisions les lois des empereurs et que nous tranchions’ par elles la question de possession de ces biens? Si vous prétendez posséder de droit humain, récitons les lois des empereurs. Voyons si elles ont voulu

 

1. Ps. XXIII, I.

 

accorder aux hérétiques le droit de posséder. Mais , disent-ils, que me fait l’empereur? Cependant, c’est par son droit que vous possédez quelque portion de terre. Ou bien, fais disparaître le droit des empereurs, et alors qui osera dire : Ce bien est à moi, ou bien cette maison et cet esclave m’appartiennent? Que si pour les avoir il leur a fallu admettre le droit des empereurs, voulez-vous que nous récitions leurs lois pour vous donner le contentement d’y voir que si vous avez mm seul jardin vous ne le devez qu’à ta mansuétude de la colombe, et parce qu’elle vous permet de le conserver? En effet, nous lisons des lois manifestes des empereurs, où ils défendent à ceux qui usurpent le nom de chrétiens sans appartenir à la communion de l’Eglise catholique et qui ne veulent pas adorer en paix l’auteur de la paix, de rien oser posséder au nom de l’Eglise.

26. Mais, objectent-ils toujours, qu’y a-t-il entre nous et l’empereur? Je le leur ai déjà dit: Il s’agit de droit humain. Or, l’Apôtre a voulu que l’on obéît aux princes; il ordonne de les honorer, et il a dit : « Révérez le prince (1) ». Ne dis donc pas : Qu’y a-t-il entre nous et le prince? En ce cas, qu’y a-t-il entre toi et le droit de posséder? C’est par le droit des princes que l’on possède. Tu dis: Qu’y a-t-il entre nous et le prince? Ne parle donc plus de tes possessions, puisque tu as renoncé au droit humain sur lequel elles sont fondées. Mais, reprennent-ils, je me fonde sur le droit divin. En ce cas, relisons l’Evangile, voyons jusqu’où s’étend l’Eglise catholique, l’Eglise du Christ sur lequel est descendue la colombe et dont elle nous a appris « que c’est Celui-là qui baptise ». Lorsque l’Ecriture dit: « Une est la colombe, elle est une pour sa mère »; pourquoi avez-vous déchiré la colombe? Je dis mieux, pourquoi avez-vous déchiré vos entrailles? Car, après que vous vous êtes déchirés, la colombe demeure intacte. Puis donc, mes frères, qu’ils n’ont plus rien à dire, moi je leur dis ce qu’ils ont à faire, Qu’ils viennent à l’Eglise catholique, et ils posséderont avec nous, non-seulement la terre, mais encore celui qui a créé le ciel et la terre,

 

1. I Pierre, II, 17.

 

 

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