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LETTRE IV.  A ARNOLD, ABBÉ DE MORIMOND (a).

 

Vers l’an 1127

 

Saint Bernard engage l'abbé Arnold qui avait abandonné son couvent à venir en reprendre la conduite, et lui remet sous les yeux le scandale qu'il cause à ses frères et les périls auxquels il expose son troupeau.

 

A l’abbé dom Arnold, le frère Bernard de Clairvaux, salut et esprit de componction et de prudence.

 

1. Avant tout, je vous dirai que le général de Cîteaux n'était pas encore de retour de Flandre où il se rendait en passant par ici peu de temps avant que votre messager arrivât ici ; voilà pourquoi il n'a pas encore reçu la lettre que vous me chargiez de lui remettre, ni appris la grande résolution que vous avez osé prendre. Laissez-moi vous dire, en attendant, qu'à mes yeux c'est un bonheur pour lui de l'ignorer le plus longtemps possible. Quant à vous, vous nous jetez le désespoir dans l'âme en nous détournant de vous écrire et en déclarant inutiles les efforts que nous serions tentés de faire pour vous engager à revenir, attendu, dites-vous, que votre parti est irrévocablement pris. Si je n'écoutais que le langage de la raison, peut-être suivrais-je votre conseil et ne vous écrirais-je point; mais la douleur que je ressens est telle que je ne puis me résoudre à garder le silence; bien plus, au lieu de vous écrire, je prendrais même le parti de vous aller trouver si je savais où vous rencontrer, afin d'essayer si mes paroles auraient plus de succès que mes lettres n'en peuvent obtenir.

Peut-être l'espérance dont je me flatte vous fait-elle sourire, tant vous êtes convaincu que rien ne pourra vous faire revenir sur votre résolution. Et vous vous sentez si bien résolu à persévérer dans la voie où vous vous êtes engagé, que vous croyez qu'il n'est raisons ni prières qui puissent vous fléchir. Mais moi j'ai confiance dans celui qui a dit: « Tout est possible à celui qui croit (Marc., IX, 22). » Et je n'hésite pas à m'appliquer ces paroles de l'Apôtre : « Je puis tout dans celui qui fait ma force (Philip., IV, 13). » Et, quoique je connaisse toute votre obstination et la dureté de votre coeur, je voudrais néanmoins, quoi qu'il en dût résulter

 

a Morimond est la troisième fille de Citeaux. Fondée en 1115, au diocèse de Langres, cette abbaye eut pour premier abbé un certain Arnold, issu d'une des plus nobles familles de Cologne. Ce religieux, ne pouvant supporter les vexations de ses voisins, comme nous le voyons dans la cent quarante et unième lettre de saint Bernard, prit le parti de quitter son couvent sans consulter l'abbé Etienne, de Cîteaux, et emmena avec lui, en s'en allant, plusieurs religieux, parmi lesquels s'en trouvait un nommé Adam, à qui la lettre suivante est adressée.

 

pouvoir vous prendre en particulier et vous dire en face, soit que je dusse réussir ou non, tout ce que j'ai sur le coeur contre vous, et vous le dire non-seulement de la bouche et des lèvres,'mais encore de l'air et du regard. Ensuite, tombant à vos pieds, je les tiendrais embrassés, puis je me collerais à vos genoux, et me jetant ensuite à votre cou, je baiserais cette tête qui m'est si chère, et qui a porté plusieurs années avec moi le joug aimable du Seigneur, je l'arroserais de mes larmes ; enfin je vous prierais et vous supplierais de toutes mes forces, au nom du Seigneur Jésus, de ne pas être l'ennemi de sa croix, par laquelle il a racheté ceux que vous perdez, autant qu'il dépend de vous, et rassemblé ceux que vous dispersez aujourd'hui. Car ne perdez-vous pas ceux que vous abandonnez et ne dispersez-vous pas ceux que vous emmenez avec vous ? N'exposez-vous pas les uns et les autres à un péril égal quand il ne serait pas le même ? Je vous prierais ensuite de nous épargner aussi nous-mêmes, nous vos amis que vous condamnez maintenant aux gémissements et aux larmes, quoi que nous n'ayons pas mérité ce triste sort. Oh! si j'avais pu aller jusqu'à vous, peut-être aurais-je touché par le langage du coeur celui que la voix de la raison laisse insensible, peut-être n'aurais-je point essayé en vain d'amollir par la tendresse d'un frère cette âme d'airain qui maintenant résiste à la crainte même du Christ. Mais, hélas ! vous nous avez ravi par votre départ la possibilité de tenter même ce suprême effort.

2. O puissant appui de notre ordre! écoutez du moins avec patience, je vous en prie, les plaintes d'un ami absent qui ne peut se faire à la pensée que vous vous êtes éloigné, et qui compatit du fond de ses entrailles à vos propres souffrances et aux périls où vous vous êtes jeté. Oh! Laissez-moi vous le demander encore une fois, ne craignez-vous pas, grand et puissant soutien de notre ordre, d'entraîner bientôt, par votre chute, la ruine aussi certaine que complète de l'édifice tout entier ? Vous me direz peut-être : Je ne suis pas tombé, je sais ce que je fais, et ma conscience ne me reproche rien : je veux bien et je m'en rapporte à votre témoignage pour ce qui vous concerne ; mais en est-il de même pour nous qui gémissons sous le poids accablant du scandale que votre départ a causé parmi nous, et qui tremblons dans la crainte de plus grands malheurs encore ? Si vous savez tout cela, pourquoi feignez-vous de l'ignorer? D'ailleurs, comment pouvez-vous croire que vous n'avez pas fait de chute quand vous avez entraîné la ruine de tant d'autres ? Vous n'aviez pas été élevé en dignité pour songer à vous, mais pour veiller au salut des autres, et pour faire passer les intérêts de Jésus-Christ avant les vôtres. Comment donc pouvez-vous avoir la conscience tranquille quand, par votre départ, vous compromettez le salut du troupeau qui vous était confié? Qui le protégera désormais contre les attaques des loups; qui le soutiendra à présent au milieu des épreuves; qui prendra enfin des mesures pour le mettre à l'abri du tentateur et pour résister au lion rugissant qui ne cherche qu'à dévorer sa proie? Vos brebis sont exposées sans défense à la dent des bêtes féroces; les méchants écrasent le troupeau de Jésus-Christ comme on broie le pain sous la dent. Hélas! que vont devenir les jeunes plantes que le Christ a plantées de vos mains, de tous côtés, au sein d'horribles et vastes solitudes? qui viendra désormais remuer la terre à leurs pieds et y déposer de riches engrais? qui les entourera maintenant d'une haie vive pour les protéger et retranchera avec sollicitude les rejetons avides qui les épuisent? Ah! quand soufflera le vent de la tentation, ces plantes trop jeunes encore et trop faibles seront bientôt déracinées; je vous le demande encore, lorsque les ronces et les épines pousseront avec elles, qui viendra les en débarrasser? elles seront étouffées et ne produiront aucun fruit!

3. Voilà ce que vous avez fait; dites-moi donc où est le bien que vous avez produit; peut-il s'en trouver au milieu de tant de maux? Quelques dignes fruits de pénitence que vous vous flattiez de faire, ne seront-ils pas certainement étouffés partant d'épines? D'ailleurs, quand même « votre victime serait offerte selon les rites, ne péchez-vous pas encore, d'après l'Ecriture, si vous n'en faites pas le partage comme il est prescrit (Gen., IV, juxta LXX)? »

Or, je vous le demande, oserez-vous dire que vous avez fait les parts égales quand vous ne vous inquiétez que de vous et lorsque vous privez des conseils d'un père des enfants que vous laissez orphelins? Ils sont bien malheureux, et je les trouve d'autant plus à plaindre qu'ils se voient orphelins du vivant même de leur père. Et puis, laissez-moi vous le demander, songez-vous vous-même véritablement aux intérêts de votre âme lorsque, sans avoir pris conseil des abbés vos confrères, et sans vous être assuré de l'aveu de votre père général, vous avez pris sur vous la responsabilité d'un pareil dessein? Enfin, il est encore un point qui excite contre vous l'indignation de beaucoup de personnes, c'est que vous ayez entraîné avec vous de jeunes religieux faibles et délicats : si vous me répondez qu'ils sont forts et robustes, je vous dirai qu'il fallait les laisser à votre pauvre couvent qui en avait besoin; et si, en effet, ils sont faibles et délicats, pourquoi les exposez-vous aux fatigues d'un long et pénible voyage? D'ailleurs, nous ne pouvons croire qu'en les emmenant vous ayez eu la pensée de continuer de diriger leurs âmes, puisque nous savons que vous avez l'intention de déposer le fardeau de la charge pastorale pour ne plus vous occuper désormais que de votre salut. Au surplus, il serait bien étrange que sans y être appelé vous eussiez la présomption de reprendre ailleurs un fardeau que l'obéissance vous défendait de déposer là où vous en aviez été d'abord chargé.

Mais vous connaissez toutes ces choses et je ne veux pas inutilement  vous en dire davantage; je finis donc, mais je vous promets en même temps que si jamais vous me donnez l'occasion de vous entretenir, je chercherai avec vous et de toutes mes forces le moyen pour vous de continuer licitement et en sûreté de conscience ce que vous avez commencé au mépris de la règle, et au péril de votre âme. Adieu.

 

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE IV.

 

9. A Arnold. Il était originaire de Cologne, d'une. famille distinguée, proche parent de Frédéric, alors évêque de Cologne, et un jeune homme de grande espérance. Il fut fait premier abbé de Morimond par Etienne, abbé de Citeaux. Morimond avait été fondé en 1115 dans le diocèse de Langres. Après avoir, pendant l'espace de dix ans, gouverné son monastère, et en avoir élevé trois autres, Beauval dans le diocèse de Besançon, la Crête-Blanche dans le diocèse de Langres, et Aldevelt dans le diocèse de Cologne, il ne put supporter les vexations de certains laïques, ni l'insubordination de quelques-uns de ses religieux, comme on le voit par la cent quarante et unième, lettre de saint Bernard, adressée à Humbert. Il quitta son couvent en emmenant avec lui plusieurs religieux parmi lesquels s'en trouvaient quatre plus remarquables que les autres, savoir : Adam, Evrard, Henri et Conrad. Pendant que cela se passait ainsi, Etienne, abbé de Cîteaux, se trouvait retenu eu Flandre pour des affaires de son ordre. Manrique rapporte tous ces événement aux années 1125.

Cependant saint Bernard, de son tâté, fit :tout ce qu'il put pour déterminer les fugitifs à rentrer dans leur monastère; il écrivit séparément à ce sujet à Arnold et au moine Adam, puis à Brunon, personnage distingué de Cologne, qui succéda plus tard à Frédéric, pour le prier de faire tout son possible afin d'engager ces religieux à revenir. Toutes ces démarches furent inutiles, et Arnold mourut en Belgique en 1126, le 3 janvier. A cette nouvelle, saint Bernard, sur l'ordre d'un chapitre général, revint de nouveau à la charge auprès des fugitifs en écrivant au moine Adam, pour les menacer d'excommunication s'ils ne revenaient à de meilleurs sentiments. Cette fois ce ne fut pas peine perdue, car les historiens de Cîteaux pensent généralement que cet Adam est le même que celui qui fut premier abbé d'Eberbach au diocèse de Wurtzbourg, en Franconie, en 11127, et qui plus tard prêcha la croisade chez les Germains, comme le rapporte Othon de Freisingen dans les faits et gestes de Frédéric, livre I, chapitre XI.. Il mourut en odeur de sainteté. On peut consulter à son sujet, pour de plus amples détails, Manrique, tomes I et II de ses Annales, particulièrement aux années 1115, 1125 et 1127.

 

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