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LETTRE CCLXXIX. AU COMTE HENRI (c).

LETTRE CCLXXX. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'AFFAIRE D'AUXERRE.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE CCLXXXI. A BRUNO, ABBÉ DE CIARRAVALLE (c).

LETTRE CCLXXXII. AU ROI DE FRANCE LOUIS LE JEUNE, AU SUJET DE L'ÉLECTION DE L’ÉVÊQUE D'AUXERRE.

 

LETTRE CCLXXIX. AU COMTE HENRI (c).

 

Saint Bernard le prie de raire réparer le dommage que ses sujets avaient causé.

 

Le pieux abbé d de Châtillon m'a établi gardien, après Dieu, de tous ses biens, en partant pour Rome; or il est arrivé que des gens de Beaufort

 

a Il en est parlé dans deux lettres d'Anselme au pape Urbain II ; ce sont les trente-troisième et trente-quatrième du livre II, et dans une d'Yves dont Horstius parle dans ses notes.

b C'était Héloïse, connue aussi sous le nom d'Helwide, comme on peut le voir par deux lettres de Hugues Metellus, « A la vénérable Helwide, abbesse du Paraclet. Il n'est bruit parmi nous que de la supériorité dont vous faites preuve sur les personnes de votre sexe ; vous les dépassez toutes dans l'art d'écrire en prose ou en vers, et, qui mieux est, dans la vie exempte de toute mollesse féminine que vous menez..... »  Saint Bernard lui rendit plusieurs fois visite et daigna la justifier dans ses discours, comme on le voit dans la lettre cinquième d'Abélard. Voir aux notes de la fin du volume ce que Horstius dit d'Héloïse et de l'abbaye du Paraclet, située dans le diocèse de Troyes.

c Fils deThibaut, comte de Champagne,et lui succéda en 1151.

d C'était Baudouin., le même que celui à qui est adressée la lettre quatre cent unième, et que la quatre cent deuxième nous montre évêque de Noyon. L'abbaye de Châtillon dont il est question est celle des chanoines réguliers de Saint-Augustin de Châtillon-sur-Seine, diocèse de Langres, où saint Bernard apprit les premiers éléments des lettres et qu'il fit devenir régulière de séculière qu'elle était auparavant. Voir la Vie de saint Bernard, livre I, chap. Ier , n. 3, C'est à tort que plusieurs auteurs out cru qu'il s'agissait ici d’un autre Châtillon, situé en Neustrie ; en effet, le monastère dont Baudouin était abbé se trouvait à peu de distance de Clairvaux, puisqu'en partant pour Rome cet abbé confie la garde de ses biens à saint Bernard; de plus, Beaufort, que le contexte de la lettre de saint Bernard nous présente comme peu éloigné de Châtillon, est situé sur la Voire, qui se jette dans l'Aube au-dessous de Clairvaux et de Bar-sur-Aube. Enfin dans les plus anciens titres de l'abbaye de Châtillon-sur-Seine, de même que dans la liste de ses abbés, on voit que le successeur d'Aldon, premier abbé de Châtillon, est Baudouin, second abbé de ce monastère.

 

fort au service d'un certain Simon ont volé un troupeau de porcs qui lui appartiennent; j'aurais préféré, je l'avoue, qu'ils eussent pris les nôtres. Je vous prie de les lui faire rendre. Le Roi des rois vous a fait prince afin que vous fissiez servir votre pouvoir à protéger les gens de bien, à réprimer les méchants, à défendre les pauvres et à rendre la justice aux opprimés. Voilà quel est votre devoir en qualité de prince. Si vous le remplissez, vous avez lieu d'espérer que Dieu étendra et fortifiera votre domination. Si au contraire vous négligez de l'accomplir, il est à craindre pour vous que Dieu vous fasse descendre du rang que vous occupez et vous dépouille du pouvoir que vous avez reçu. Fasse le ciel qu'il n'en soit jamais ainsi !

 

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LETTRE CCLXXX. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'AFFAIRE D'AUXERRE.

 

Vers l’an 1152

 

Saint Bernard, que le souverain Pontife avait chargé de notifier sa sentence dans l'affaire de l'élection de l'évêque d'Auxerre, se plaint du peu de cas qu’il en fait.

 

1. Vous faites bien pour consoler mes ennuis et soutenir ma faiblesse de ne pas vous lasser de m'écouter favorablement pendant le peu de jours que j'ai encore à passer sur la terre; oui, vous faites bien d'agir de la sorte et de me traiter sinon comme je le mérite, du moins comme il vous sied de le faire. Je me donnerai bien de garde d'abuser de votre extrême bonté en la faisant servir à mes propres vues, et je me sens dans la disposition de recevoir avec la même égalité d'âme vos refus ou vos grâces selon qu'il vous plaira. Sans doute, comme tout le monde, j'aime bien qu'on abonde dans mon sens, mais je. serais bien fâché que ce fût au détriment de la justice et de la vérité ou en opposition avec votre propre volonté. Je vous parle de la sorte afin que vous ne me croyiez ni insensible ni ingrat. A présent je prie Votre Sainteté de me permettre de lui exposer ce dont il est question. Tant qu'on n'attaque que moi, je ne trouve pas qu'il y ait lieu pour moi de m'en préoccuper beaucoup, le tort qu'on peut me faire est facile à réparer: d'ailleurs je ne connais rien de tel pour guérir les blessures de mon âme due les affronts et les injures, et je dois d'autant moins m'en émouvoir que mon néant ne mérite pas autre chose que cela. Mais lorsque les injures des méchants rejaillissent jusque sur l'oint du Seigneur, la patience m'échappe, je l'avoue, et je ne puis plus conserver mon calme habituel. Vous ai-je jamais demandé le pouvoir de gouverner les diocèses, de disposer des évêchés et de faire des évêques? Quel plaisant spectacle je donnerais! — Ce serait la fourmi attelée à un char. Vous avez confirmé l'élection d'un sujet si évidemment digne de la place qui lui est destinée, que ses adversaires mêmes ne trouvent rien à lui reprocher!

2. La résolution que vous avez prise a été signifiée à qui de droit et publiée où elle devait l'être ; mais si nous en attendons encore aujourd'hui les heureux résultats, ne vous en prenez qu'à celui à qui vous vous en êtes rapporté pour cette affaire , la religion n'a pas de plus grand ennemi que lui, la raison le gêne et la justice l'épouvante; il a eu l'audace de trahir votre secret et de rendre votre décision illusoire, et n'a pas reculé à la pensée de se montrer tel qu'il est, en sacrifiant à son ambition le respect qu'il vous doit. J'ai eu le dessous, mais qu'importe? J'accepte cette humiliation que je ne dois qu'à mon zèle pour l'obéissance. J'ai bu le calice, mais l'amertume en passe jusqu'à vous, car il est évident qu'en blâmant votre arrêt ou plutôt en en altérant le sens, il s'attaque à plus haut que moi qui n'ai fait que le publier, c'est-à-dire à vous-même qui l'avez porté. Eh quoi! on rendra invalide l'élection d'une personne a en tous points irréprochable? De deux choses l'une: il faut que la décision dont vous m'avez fait porteur produise son effet, ou que je passe pour menteur aux yeux de tout le monde. Mais il vaut mieux pour vous et il est plus digne du successeur des Apôtres que celui qui a fait tout le mal ne puisse pas s'en glorifier.

3. Cependant on n'a pas laissé d'exécuter la plus grande partie de vos ordres. Des trois commissaires chargés de cette affaire, un seul a refusé de donner son consentement comme les deux autres, il ne vous reste donc qu'à parler pour y suppléer et vous ne risquez rien à le faire. Vous ne sauriez craindre en effet de scandaliser ceux dont le Seigneur a dit « Laissez-les, ce sont des aveugles et des conducteurs d'aveugles (Matth., XV, 14) ; » et pour le reste, tous les fidèles, la plus saine partie du clergé, le roi lui-même, enfin l'Église entière s'en réjouira. Vous avez déjà signalé votre vertu par une foule de bonnes oeuvres; mais je ne crois pas que vous puissiez en faire une plus glorieuse que celle-là. Je ne disconviens pas que les gens du parti opposé ont nommé plusieurs religieux, mais ce fut moins parce qu'ils étaient religieux que parce qu'ils devaient être impuissants à réprimer leur malice et à repousser leurs violences, leur vertu les touchait peu, mais leur faiblesse les rassurait. Le

 

a on ne sait si saint Bernard veut parler ici d'Alain ou de celui à qui Alain fut subssitué par une seconde élection, lequel était probablement de Regny, bourgade du diocèse d'Auxerre, s'il faut lui appliquer ce que saint Bernard dit un peu plus loin, au n. 4 de cette lettre. Begny est une abbaye de Cisterciens. Mais Alain était Belge de naissance, des environs de Lille. Voir aux notes de la fin du volume.

 

comte (a) de Nevers ne marche point sur les traces de son père, il s'est mis, en cette circonstance comme dans toutes les autres, du parti opposé au bien; il se jette sur les terres et les propriétés des églises comme un lion affamé sur sa proie, et aimerait mieux avoir un Juif ou un Mahométan que celui qu'on a élu pour évêque, parce que c'est le seul qui semble capable de découvrir sa mauvaise foi et de s'opposer à ses mauvais desseins. j'ai même appris d'un certain nombre d'ecclésiastiques que pour affaiblir le parti qui lui est contraire, il leur a imposé silence à force de menaces et de mauvais traitements.

4. En un mot, si l'on veut dans ce diocèse ruiner les maisons religieuses, exposer les églises au pillage, faire outrager la religion et réduire en servitude l'évêché mêmes dont les biens excitent la convoitise du comte, ii n'y a qu'à empêcher celui de Regny d'être évêque. Qu'est devenu ce zèle que vous avez déployé dans l'affaire d'Yorck? ne le verrons-nous point éclater en cette circonstance comme alors ? Cet homme, à l'exemple de l'intrus d'Yorek, est venu à la cour, m'a-t-on dit, pour vous brouiller avec elle, et je ne doute pas qu'il ne mette tout en oeuvre pour y réussir. Permettez-moi de vous rappeler l'affaire de l'évêque de Lunden, puisqu'il n'y a plus de motifs pour en retarder la solution quelle qu'elle doive être. Je finis en ajoutant qu'il est de la plus glande importance pour l'honneur du saint Siège, du plus grand avantage pour le gouvernement de l'Eglise, et du plus grand intérêt pour la tranquillité de votre conscience, que vous ayez un chancelier (b) juste, vertueux et aimé de tout le monde, car il est fâcheux de publier un décret oit l'on puisse trouver à redire, mais il est honteux de le faire tel après y avoir longtemps réfléchi.

 

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CCLXXX.

 

190. Eh quoi! on rendra invalide l'élection d'une personne. A la mort de Hugues, évêque d'Auxerre, en 1151, « le reste du clergé se mit en devoir de lui donner un successeur, comme c'est la coutume, dit saint Bernard, livre III de la Considération, chapitre II; mais un jeune homme interjeta cet appel, demandant qu'il ne fût pas procédé à l'élection avant qu'il eût eu le temps d'aller à Rome et d'en revenir; mais il ne tint lui-même aucun compte de son propre appel. Voyant qu'on se mettait peu en peine de sa personne et qu'on regardait son opposition comme déraisonnable, il réunit autour de lui le plus d'électeurs qu'il put (voir la lettre deux cent soixante-quinzième), et trois jours après que les autres eurent fait leur élection, il fit lui-même la sienne. »

En apprenant ce qui s'était passé, le pape Eugène remit l'élection à trois commissaires, comme on le voit dans cette lettre; saint Bernard en était un. S'étant mis d'accord avec un des deux autres commissaires sans pouvoir faire accepter leur candidat au troisième, il demande au pape Eugène de suppléer, par sa propre décision, à la voix qui leur manque pour être unanimes. On croit que l'élu fut Alain qui succéda en effet à Hugues. Voici en quels termes le livre des Sépulcres de Clairvaux parle de lui . « A droite de monseigneur Geoffroy, en son vivant évêque de Langres, faisant face au chœur, git monseigneur Alain, évêque d'Auxerre. Elevé dès son enfance dans un monastère d'une petite ville de France appelée Lille, il reçut l'habit à Clairvaux, des mains de saint Bernard. Plus tard il devint abbé de La Rivour; il gouverna ce monastère pendant douze ans et, avec l'aide de Dieu, il l'enrichit de toutes manières, tant en propriétés qu'en bons religieux ..... La dernière année de la vie de saint Bernard, il fut élu à l'unanimité évêque d'Auxerre, où il exerça l'hospitalité d'une manière admirable envers les religieux ..... Après treize ans d'épiscopat, il se démit de sa charge pastorale du consentement du souverain Pontife et revint à son cher Clairvaux, où il mourut le 14 octobre 118l. »

Quand on dit qu'il a été élu à l'unanimité, cela doit s'entendre en ce sens qu’il finit par réunir tous les suffrages, comme saint Bernard lui-même l'expose au roi Louis dans sa lettre deux cent quatre-vingtdeuxième (Note de Mabillon).

191. Le comte de Nevers ne    marche point sur les traces de son père..... Saint Bernard parle ici de Guillaume IV, dont le père, Guillaume III, fut un prince très-religieux et très-pieux.     Hugues, moine d'Auxerre, parle ainsi de ce dernier : « En 1147, Guillaume, comte de Nevers, abandonne son comté et foule aux pieds les grandeurs du monde, pour se retirer chez les Chartreux, où il a le bonheur de terminer ses jours, dans l'exercice de l'humilité et de la pauvreté la plus grande, l'année même de, sa conversion. » (Note de Mabillon.)

192. Empêcher celui de Régny ou Réninghe. C'est sans doute par ironie que saint Bernard s'exprime ainsi, car il semble qu'il fait allusion, en cet endroit, à Alain, qu'il désigne parle nom de Réninghe, probablement parce qu'il était originaire de ce petit bourg situé sur I'Yper, en Belgique, car le surnom de Lille, qu'on trouve quelquefois ajouté à son nom, ne lui vient que de ce qu'il fut élevé dans cette ville, comme on peut le conclure d'un passage du livre des Sépulcres de Clairvaux, que nous avons cité plus haut, et dans lequel, sans parler du lieu de sa naissance, il est dit seulement: « Qu'il fut élevé, dès son enfance, dans un monastère d'une petite ville de France appelée Lille. »

Il ne semble pas qu'on doive tirer son nom de Régny, dont nous parlons à l'année 1128 de notre Chronologie ; car, de Clairvaux, nous voyons qu'il alla à La Rivour en qualité d'abbé de ce monastère; il ne le quitta plus tard que pour monter sur le siège, d'Auxerre.

Il est vrai qu'on peut encore expliquer les choses autrement et dire que le candidat qui réunit le plus de voix dans la seconde élection pour l'évêché d'Auxerre, fut un religieux de Régny en faveur duquel saint Bernard se prononce dans sa lettre ; mais cette élection étant encore contestée, il s'en fit une troisième, dans laquelle Alain eut tous les suffrages pour lui (Note de Mabillon).

 

 

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LETTRE CCLXXXI. A BRUNO, ABBÉ DE CIARRAVALLE (c).

 

Saint Bernard reproche à cet abbé sa lettre déraisonnable et passionnée.

 

Avez-vous eu raison de vous monter ainsi la tête? Je ne le crois pas, et votre langage non moins extravagant que passionné prouve assez que

 

a Guillaume IV, dont il est parlé dans la lettre deux cent soixante-quatre. Quoi qu'en dise saint Bernard, il n'en est pas moins certain que ce comte enrichit plusieurs églises de bénéfices ; il restitua aussi au monastère de Vezelay les biens que son père en avait détournés; il donna de grandes propriétés foncières à l'abbaye de Pontigny ; et entre autres monastères qui se ressentirent de ses largesses, on peut citer en particulier celui de Saint-Germain d'Auxerre où il a son tombeau dans le chapitre, bien qu'il n'eût demandé à être enterré que dans le cimetière de cette abbaye.

b Il est probable que le chancelier Guy, à qui est adressée la lettre trois cent soixante-septième, était mort.

c Les premières éditions portent abbé de Clairvaux, mais les manuscrits les plus estimés, d'accord avec les documents de Ciarravalle, donnent la version que nous avons préférée. Ciarravalle est une abbaye de Cisterciens, située dans les environs de Milan ; il en a été parlé plus haut, lettre cent trente-quatrième.

 

 

je fais bien d'en douter; vous savez bien que les coups d'un ami sont préférables aux baisers d'un ennemi. Cela est vrai, me direz-vous peut être, mais vous n'avez aucune raison de me frapper. Je le veux bien, il n'en est pas moins vrai que mes coups viennent d'une main amie ou plutôt d'un coeur de père. Si vous n'avez point de torts, mes coups portent à faux et votre conscience vous met à couvert de tous reproches; mais si vous en avez c'est contre vous et non contre moi que vous devez tourner votre colère. Vous vous plaignez que je n'ajoute pas foi à vos paroles, mais m'avez-vous jamais dit un seul mot ? J'ai ajouté foi, j'en conviens, aux plaintes qu'on m'a faites de vous, mais comment pourrai-je ou non vous croire quand vous ne me dites rien ? Soyez homme de parole, acquittez-vous sans délai de ce que vous m'avez promis, non-seulement nous ne nous brouillerons point ensemble, mais encore nous ne donnerons à personne des sujets de scandale. Pensez de moi aussi avantageusement que je pense de vous; il est bien certain que je ne suis pas prévenu contre ce que vous pouvez nie dire, ainsi que vous m'en faites le reproche, car vous vous laissez aller à un tel emportement et vous écoutez si peu la raison, que vous en venez à ne savoir même plus ce que vous dites. Vous voyez que je vous dis ce que je pense avec franchise, et que je vous parle bien à coeur ouvert.

 

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LETTRE CCLXXXII. AU ROI DE FRANCE LOUIS LE JEUNE, AU SUJET DE L'ÉLECTION DE L’ÉVÊQUE D'AUXERRE.

 

Saint Bernard prie le roi de France de ne pas s'opposer à ce que l'évêque élu d'Auxerre le devienne de fait.

 

1. On ne saurait m'accuser d'avoir jamais voulu porter atteinte en quoi que ce soit à l'autorité ou diminuer les droits de la couronne; je prends Dieu, je vous prends vous-même en toute confiance à témoin de ce que j'avance. Assurément, si vous avez quelques ennemis, ce sont surtout ceux qui mettent des entraves aux élections afin d'exclure des évêchés vos plus fidèles sujets et de s'emparer en même temps des revenus des églises. Pour moi, j'ai assisté en personne à l'élection de l'évêque d'Auxerre, et je puis vous assurer qu'elle s'est faite, grâce à Dieu, d'un commun accord; car le clergé, qui s'était divisé auparavant s'est heureusement entendu pour faire tomber toutes les voix sur un sujet que je connais parfaitement et dont je puis rendre le meilleur témoignage. Je ne crois pas qu'aucun de ceux qui ont pris part à cette élection ait conçu le moindre doute que vous l'approuviez, d'autant plus que précédemment vous aviez consenti, comme votre lettre en fait foi, qu'on y procédât. Car il ne pouvait venir à l'esprit de personne qu'il fût besoin d'un second consentement de votre part, puisqu'il n'y avait point eu de seconde élection. Faudrait-il donc recourir à Votre Majesté toutes les fois que le clergé serait divisé? Ce ne serait pas moins contraire à la raison qu'à la coutume. D'ailleurs on n'a pas oublié ce qui se passa dernièrement à Soissons. Toutes les fois que le clergé s'est réuni pour procéder à l'élection de l'évêque, il fut obligé de se séparer sans rien conclure, parce que les électeurs ne pouvaient se mettre d'accord; or je ne pense pas qu'ils se soient pourvus d'une autorisation nouvelle chaque fois qu'ils ont voulu voter.

2. Voilà le fait. Serait-il juste, Sire, due vous annulassiez une élection après avoir consenti à ce qu'elle se fit? Ceux qui vous conseillent de la tenir pour nulle ne sont que des perturbateurs dont la pensée est de jeter le trouble au sein des diocèse afin de profiter de leurs divisions, et, qui pis est, qui travaillent, par leurs diaboliques intrigues, à rompre la bonne intelligence et les rapports amicaux qui règnent entre le saint Siège et Votre Majesté. Dieu veuille qu'ils n'y réussissent point! mais ils n'en répondront pas moins un jour de leurs mauvais desseins, quoique vous ne cessiez d'agir en très-bon roi, comme vous l'avez fait jusqu'à présent. Je vous supplie donc de donner des ordres pour que le calme et la paix succèdent enfin dans cette Eglise aux troubles et aux tourments dont elle est depuis si longtemps affligée. Quant au sujet élu, je vous engage à n'avoir aucune crainte de ce côté, car je crois pouvoir vous assurer que Votre Majesté n'aura pas de sujet plus fidèle ni plus dévoué à son service. J'espère que vous ne voudrez pas affliger tous les honnêtes gens de ce diocèse ni me causer en particulier le plus cuisant de tous les chagrins en persévérant, ce qu'à Dieu ne plaise, dans votre première résolution.

 

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