LET. CLVIII-CLXIII
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LETTRE CLVIII. AU PAPE INNOCENT, AU SUJET DU MEURTRE DE MAITRE THOMAS (b), PRIEUR DE SAINT-VICTOR DE PARIS.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE CLIX. AU MÊME PONTIFE, AU NOM D'ÉTIENNE, ÊVÊQUE DE PARIS, SUR LE MÊME SUJET.

LETTRE CLX. AU CHANCELIER HAIMERIC, AU NOM DU MÊME ÉVÊQUE ET SUR LE MÊME SUJET.

LETTRE CLXI. AU PAPE INNOCENT.

LETTRE CLXII. AU CHANCELIER HAIMERIC (a), SUR LE MÊME SUJET.

LETTRE CLXIII. A JEAN DE CRÉMA , CARDINAL-PRÊTRE (a) SUR LE MÊME SUJET.

 

LETTRE CLVIII. AU PAPE INNOCENT, AU SUJET DU MEURTRE DE MAITRE THOMAS (b), PRIEUR DE SAINT-VICTOR DE PARIS.

 

L’an 1135

 

Au bien-aimé pape Innocent, Bernard, abbé indigne de Clairvaux salut avec l'offre de ses très-humbles services et l'assurance de ses faibles prières.

 

1. La bête cruelle qui dévora Joseph, traquée de tous côtés par notre meute, s'est réfugiée, dit-on, sous votre égide. Quelle folie ! Un meurtrier que la pensée de son crime poursuit partout et glace de terreur en tous lieux, choisit'pour1sa retraite précisément l'endroit où il a le plus à craindre! O le plus scélérat des hommes, prends-tu le siège même de la souveraine justice pour une caverne de brigands ou pour un antre de lions ? Tu viens de dévorer un fils et tu accours, les lèvres rouges de son sang, les dents chargées encore des lambeaux de sa chair, te réfugier dans le sein de sa mère et te cacher sous les regards de son père ! Si c'est pour faire pénitence de ton crime, à la bonne heure; mais si c'est pour obtenir une audience, puisses-tu être traité comme les adorateurs du veau d'or le furent par Moïse; les fornicateurs, par Phinées; le Juif qui sacrifia aux idoles à Modin, par Mathathias; Ananie et Saphire, par saint Pierre, pour vous citer un exemple qui vous touche de plus près, et les vendeurs du temple, par le divin Sauveur lui-même. II y a des crimes si évidents qu'il n'est pas besoin d'un jugement en forme pour qu'on en soit sûr. Le sang de ton frère ne crie-t-il pas, de la terme qui l'a bu, vengeance contre toi? Ah ! je crois entendre la voix de notre martyr s'élever de dessous l'autel avec celle de tous ceux qui ont péri pour la justice, et demander qu'on le venge d'autant plus haut et plus fort qu'il y a moins de temps que ta main cruelle l'a massacré.

2. Mais, dis-tu, ce n'est pas moi qui l'ai frappé du coup mortel. Tu as raison, ce n'est pas toi, mais ce sont les tiens et c'est pour toi qu'ils

 

a Petite ville au sud d'Orléans, sur la Loire, où se trouve l'église collégiale de Saint. Lifard. L'évêque d'Orléans y possédait aussi une maison de campagne.

b Thomas, prieur de Saint-Victor, fut assassiné à Gournay un dimanche, comme il est dit dans la lettre suivante, le 19 août de l'année 1133, et non pas 1131, comme on l'a gravé sur la pierre de son tombeau. Cela est rendu évident par la note de la fin du volume où se trouvent rapportées plusieurs lettres sur cet événement.

 

l'ont tué. Dieu jugera si ce n'est pas par tes mains qu'il a péri. Si tu n'es pas coupable, toi dont la bouche a lancé les traits et les flèches qui l'ont blessé, dont la langue a été la pointe du glaive qui l'a percé, ne disons plus que les Juifs ont tué le Sauveur, car ils se sont bien donné de garde de porter la main sur lui. La vigilance et le zèle du bienheureux Thomas qui avait pris en main avec amour la cause du droit et de la justice, entravaient les exactions de toutes sortes que l'assassin exerçait habituellement sur les prêtres de son archidiaconé; aussi ne tarda-t-il point à prendre en haine cet ami du droit, ce défenseur de la justice, et son ressentiment homicide s'exhala quelquefois en menaces de mort que plusieurs personnes dignes de foi affirment avoir entendues. Aussi je le défie bien de dire que ses neveux ont eu d'autre motif de porter leurs mains sacrilèges sur l'oint du Seigneur. Après cela, si celui qui a conseillé le meurtre, qui a excité les assassins à l'accomplir, qui a présidé au forfait et dirigé les coups, comme on le croit généralement, obtient de la bouche même du successeur des Apôtres, comme il a l'audace de se vanter qu'il l'obtiendra, l'impunité de son crime, de quel déluge de maux l'Eglise ne va-t-elle pas se voir inondée? Il arrivera alors qu'on n'admettra plus les grands du siècle et les nobles selon le monde aux dignités ecclésiastiques, ou qu'on sera forcé de fermer les yeux sur les abus de toutes sortes auxquels le clergé fera servir son sacré ministère, attendu que tous ceux que le zèle de la gloire de Dieu anime n'essaieront plus de s'opposer à ces désordres, de peur de tomber sous les coups d'un fer assassin ou d'être traités en coupables. Que serviront alors le glaive spirituel et les censures de l'Eglise ? que deviendra le christianisme avec ses règles et sa morale ? c'en sera fait du respect dû au caractère sacerdotal et de la crainte salutaire de Dieu, si la crainte d'une puissance séculière ferme la bouche à tous ceux qui voudraient protester contre l'insolence 'du clergé. N'est-il pas tout à fait inouï et n'est-ce pas une flagrante indignité, que dans l'Eglise on appuie les dignités ecclésiastiques sur la force et la violence, au lieu de les orner de l'éclat des vertus ? Ainsi, Très-Saint Père, vous voyez qu'il est d'une extrême importance que vous preniez contre cet homme une décision qui rassure l'Eglise, remédie aux maux présents et serve de règle à la postérité ; il faut qu'en apprenant le crime dont cet homme s'est rendu coupable, on sache aussi de quelle manière il a été puni; mais si vous ne combattez le poison qui se glisse dans l'Eglise par un antidote aussi puissant que lui, il est à craindre qu'il fasse périr bien du monde.

 

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CLVIII.

 

132. Saint Bernard, à l'occasion de l'assassinat impie de Thomas, prieur de Saint-Victor de Paris, presse vivement, dans cette lettre, 10, souverain Pontife d'infliger aux sacrilèges auteurs de ce meurtre la peine qu'ils méritent en les frappant des censures ecclésiastiques. Saint Bernard insinue dans cette lettre pour quel motif l'assassinat a été commis : c'était l'opposition que Thomas faisait, par amour pour la discipline ecclésiastique, à l'avarice d'un certain archidiacre de Paris, et aux injustes exactions dont il accablait le clergé. L'archidiacre en conçut un tel dépit qu'il forma dans son coeur le projet de se venger. Ses neveux, qui partageaient peut-être son ressentiment et sa haine parce qu'ils regardaient la cause de leur oncle comme la leur, ou qui avaient été excités et encouragés par lui à cet assassinat, fondirent sur Thomas pendant un voyage où il avait suivi son évêque et le tuèrent. Celui-ci nommé Etienne frappa, sur-le-champ, d'anathème les auteurs, complices et hauteurs du meurtre. il fût tellement ému par l'horreur de ce crime, qu'il alla à Clairvaux chercher un peu de soulagement à sa douleur dans cette pieuse retraite où il demeura quelque temps; c'est de là qu'il écrivit à Geoffroy, légat du saint Siège et de la sainte Eglise romaine et évêque de Chartres, la lettre suivante.

Au vénérable Geoffroy, par la grâce de Dieu, évêque de Chartres et légat du saint Siège, Etienne par la grâce du même Dieu, ministre indigne de l'Église de Paris et actuellement héraut de misère et d'affliction, salut en Notre-Seigneur.

« Je ne sais si je pourrai trouver des paroles capables de vous rendre si la nouvelle et affreuse calamité que je vais confier à vos oreilles, ou plutôt à votre coeur. Ce que j'ai à vous dire est bien pénible et bien dur à entendre pour tous ceux qui souffrent des opprobres qui rejaillissent sur Jésus-Christ et sur l'Eglise notre sainte mère; mais plus particulièrement pour nous qui portons les livrées de la religion. Ces malheurs doivent nous affecter d'autant plus péniblement que la chute de l'un d'entre nous semble plus faite pour nous accabler nous-mêmes et pour entraîner notre perte et notre ruine à tous.

« Maître Thomas, prieur du monastère de Saint-Victor, qui jouissait de l'estime, de l'affection et de l’amour de tous les gens de bien, qui nous prêtait pour la défense de la sainte Eglise, le concours le plus dévoué et le plus habile, a péri sous les coups des impies; oui, il est mort pour nous, mais j'espère, je crois qu'il est vivant pour Jésus-Christ. C'est pour le Seigneur qu'il est mort, le Seigneur ne peut donc lui faire entièrement défaut dans la gloire. En rendant le dernier soupir entre mes mains, il disait, avec assurance, qu'il mourait pour la justice; il laissait en effet une preuve éclatante de la justice qui l'avait toujours animé et l'animait encore dans sa lutte contre les méchants au sein de l'Eglise du Christ, puisqu'il couronnait sa vie en mourant à cause d'elle. C'est elle qui fut la première et la dernière cause de cet affreux malheur, car c'est pour elle qu'il se trouvait avec moi an moment où il, fut frappé.

«En effet, c'était particulièrement sur ses instances, car il ne cessait de penser à ces choses, ainsi que sur la demande et du consentement du roi qu'il avait fait entrer dans ses vues, que je me rendais à l'abbaye (les religieuses de Chelles,pour y opérer une réforme et y rétablir l'ordre. Je m'étais fait accompagner d'hommes pieux, des abbés de Saint-Victor et de Saint-Magloire, du prieur de Saint-Martin, et de plusieurs autres personnes, tant religieux que chanoines et clercs. Après avoir de mon mieux conduit toute cette affaire à bonne fin, je revenais à Paris, quand arrivé au château de Gournay, qui appartient au seigneur Etienne, je me suis vu tout à coup attaqué par les gens, c'est-à-dire, par les neveux de l'archidiacre Thibaut qui s'étaient placés en embuscade, sur mon passage. Nous étions tous sans armes, c'était un dimanche, et nous avancions paisiblement; ils tirent aussitôt l'épée, fondent sur nous, et, sans respect pour Dieu ni pour la sainteté, du jour, non plus que pour moi-même et pour les religieux qui m'accompagnaient, ils massacrent l'innocent dans mes bras et nie menacent d'un soit semblable si je ne. m'éloigne à l'instant de leur présence. Mais nous, sans perdre courage, no i is nous précipitons an milieu des armes, nous arrachons le prieur des mains de ses meurtriers, à demi mort et cruellement percé de coups, puis nous lui faisons un rempart de nos personnes et nous le pressons de se confesser et de pardonner à ses ennemis l'attentat impie 'qu'ils avaient commis sur sa personne. Et lui, après avoir pardonné de bon cœur à tous ceux qui s'étaient rendus coupables à soit égard, et demandé pardon lui-même pour ses propres péchés, il reçut la communion du corps et du sang de Jésus-Christ; puis, après s'être écrié d'une voix claire qu'il mourait pour la justice, il expira sous nos yeux.

« Sans doute je n'ai point l'ombre d'inquiétude pour ce qui concerne son salut et je devrais nie réjouir de ce qu'il a maintenant reçu sa récompense, la mort des saints, nous le savons, est précieuse devant Dieu; mais je ne puis éloigner la profonde tristesse et le chagrin poignant que me causent la perte d'un ami et la confusion où ce crime nous a tous jetés; j'en suis inconsolable. C'est moi qu'ont atteint les coups qui lui ont donné la mort; oui, je puis bien dire qu'ils m'ont fait beaucoup plus de mal qu'à lui, car en le faisant périr ils m'ont laissé exposé seul à toutes sortes de périls, tandis qu'ils l'ont du même coup mis en sûreté contre tout danger. Et maintenant, puisque vous me savez dans une telle affliction et dans une désolation si profonde, ne tardez pas à venir pour me prodiguer vos consolations et nie donner des conseils. Ne pouvant plus supporter la vue des lieux témoins d'un si horrible forfait, je suis venu me réfugier à Clairvaux, où je vous attends; nous verrons ensemble ce que nous devons faire pour la sainte Eglise à l'occasion de l'attentat horrible dont elle a été l'injuste objet. Ce qui s'est passé est une menace pour nous tous, et notre tour ne peut manquer de venir, si Dieu n'y met ordre. Je vous prie donc et vous supplie de venir sans aucun délai à Clairvaux, car je ne vois que périls de tous côtés, et j'ai le besoin le plus pressant de vos conseils pour les éviter. »

133. A peine Geoffroy eut-il reçu cette lettre qu'il accourut à Clairvaux et manda au nom du saint Siège à tous les évêques des provinces de Reims, de Rouen, de Tours et de Sens, de se rendre au synode de Jouarre. Ils s'y trouvaient réunis quand Hugues, évêque de Grenoble, et les Chartreux leur écrivirent en ces termes:

A nos seigneurs et pères en Jésus-Christ, les très-révérends archevêques, évêques et religieux présentement réunis pour la défense de la justice, Hugues, évêque de Grenoble, et son fils Gui, serviteur inutile des pauvres Chartreux, avec les religieux qui vivent avec lui, salut et souhait qu'ils voient ce qu'ils ont à faire et le fassent ensuite avec courage, par Jésus-Christ Notre-Seigneur.

« La nature nous fait hommes, la grâce justes, et l'Eglise évêques, prêtres, archidiacres et le reste; de la première, nous tenons l'être ; de la seconde, le salut ; de la troisième, le pouvoir d'aider aux hommes dans les choses les plus élevées. La nature et la grâce ne regardent que nous; les fonctions ecclésiastiques, les autres. S'il nous arrive, comme au figuier de l'Evangile qui refusa si longtemps de porter le fruit qu'on attendait de lui, de posséder en vain la charge que nous avons reçue, il n'y aura pas de raison plausible pour que nous la conservions. Mais que sera-ce si, non contents d'être inutiles à l'Eglise, nous lui portons préjudice par nos paroles et par nos exemples? Ne mériterons-nous pas alors non-seulement d'être déposés, mais encore d'être punis? Le bienheureux Thomas et tous ceux qui ont dernièrement lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau avant de s'envoler dans les cieux, n'ont pas besoin que les hommes s'occupent de les venger, car leur mort est précieuse devant Dieu; toutefois l’Eglise, sans laquelle ni la chose publique ni les intérêts privés ne peuvent être sauvegardés, a le plus grand besoin que la discipline soit observée; nous vous prions donc et vous supplions en conséquence de vous revêtir des armes de la foi, de céder au zèle de la justice, et, à l'exemple des saints, de Moïse, de Phinées, de Mathathias, de même que des bienheureux apôtres Pierre et Paul frappant Simon, Ananie et Barjésu, et surtout de Jésus-Christ lui-même chassant les vendeurs du temple un fouet à la main, vous tiriez contre ces assassins sacrilèges le glaive redoutable de l'Eglise; privez-les, s'il est possible, de tous offices et bénéfices; que tout Israël tremble en entendant ce qui leur arrive, et que jamais personne ne soit tenté de les imiter désormais. C'est peu de les appeler assassins, ces hommes qui n'ont pas craint de percer de leurs coups le corps des saints pour assouvir leur haine, satisfaire leurs vœux et pourvoir aux cruelles délices de leur existence : s'il faut que non-seulement ils ne perdent pas le fruit de leur horrible forfait, mais encore qu'ils n'en reçoivent point le châtiment, quiconque parmi nous voudra défendre les droits de la justice doit s'attendre au même sort. Adieu, priez pour nous; élevez vos mains sur la contrée que nous habitons et comblez-nous de vos vœux et de vos bénédictions. Encore une fois, adieu. Que Dieu nous donne part au mérite de ce que vous avez déjà fait et de ce que vous ferez encore. Adieu enfin pour la troisième fois, à vous et aux révérends princes de Blois et de Nevers. »

134. En réponse à la lettre de saint Bernard, le pape Innocent écrivit aux Pères du synode de Jouarre comme il suit, au sujet du décret qu'il avait porté.

Innocent, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses vénérables frères les archevêques Rainaud de Reims, Hugues de Rouen, Hugues de Tours, et aux évêques leurs suffragants, salut et bénédiction apostolique.

«Plus les fautes sont graves, plus doivent être, amères les larmes de la pénitence destinées à les laver. Mais ce qu'il importe particulièrement, c'est que toute atteinte contre les ordres sacrés reçoive sans retard le châtiment qu'elle mérite. En quel endroit pourra-t-on se croire en sûreté, et quel titre mettra les hommes à l’abri des assassins, si l’Eglise même de Dieu n’est plus respectée, si les personnes engagées au service du Seigneur ne sont plus protégées contre les injustices, les violences et les tortures des scélérats, ni même contre les sanglants attentats qui menacent leurs jours sacrés? A la vue du crime odieux et du forfait inouï dont nos fils bien-aimés et de bonne mémoire, Thomas, prieur de Saint-Victor, et Archambaud, sous-doyen d'Orléans, ont été les victimes, vous ne devez plus garder aucun ménagement, mais recourir à toute la rigueur de la justice et des canons, prendre toutes les armes que le droit met à votre disposition, et, s'il en est besoin, écraser ce nouveau forfait sous la sentence d'un nouveau synode. Non-seulement nous approuvons et ratifions de notre autorité apostolique ce que votre charité a décrété dans le. dernier synode de Jouarre, mais comme votre sentence ne nous semble pas encore assez rigoureuse, nous voulons de plus que la célébration des saints mystères soit interdite partout où se trouveront lesdits assassins ; et si quelqu'un ose tendre la main et faire accueil à ces sacrilèges cléricides, à ces perturbateurs du céleste collège, à ces hommes qui n'ont pas craint de répandre le sang même du Seigneur, tant qu'ils seront en ce monde, qu'il soit anathème ! De plus, attendu que des clercs ne peuvent acquérir ni conserver un bien ecclésiastique par le crime et les forfaits de leurs parents, mais qu'ils ne doivent les obtenir et les garder que s'ils le méritent par leurs vertus, Nous statuons encore que Thibaut de Notières, ainsi que tous les autres qui ont obtenu ou conservé par cette détestable voie les honneurs ecclésiastiques, soient privés de tous bénéfices ecclésiastiques par respect pour l'autorité du saint Siège; et, puisque l'iniquité a surabondé, il faut aviser par tous les moyens possibles à ce que désormais les clercs n'aient plus rien à redouter des hommes, nous leur assurons donc l’appui du Siège apostolique, afin qu'ils puissent vaquer en toute sécurité à leurs saintes fonctions. »

Telles sont les lettres qui ont été échangées de part et d'autre dans l’affaire du prieur Thomas.

135. pour ce qui regarde l'époque précise où ce forfait fût accompli, Jean Picard, ainsi que plusieurs autres qui l'ont suivi indique dans ses notes à la lettre cent cinquante-huitième, l'année 1130, taudis que Baronius se prononce pour l'année 1135. Mais l'opinion de Picard, n'est pas soutenable. On voit, en effet, dans la lettre cent cinquante-neuvième que Thomas fut tué un dimanche, le 19 août, selon le Nécrologe de Saint Victor, où il est dit à cette date : « Anniversaire de maître Thomas, prieur de cette église, qui périt pour la justice, que ses ennemis ont cruellement assassiné; dans sa vie comme dans sa mort, il a laissé à ceux qui viendront après lui un modèle bien digne d'être imité. » Le calendrier de Saint-Guinail de Corbeil concorde avec celui de Saint-Victor, à ce que dit Picard. Il s'ensuivrait donc que la lettre dominicale de l'année 1130 devrait être la même que celle du 19 août; or il n'en est pas ainsi, car la lettre dominicale de l'année 1130 est FE, tandis que la lettre du 19 août est un A. Picard fait encore valoir deux arguments en faveur de son opinion : il établit en premier lieu que la mort du prieur Thomas est antérieure à celle de Hugues de Grenoble, puisque ce dernier écrivit aux Pères du synode de Jouarre une lettre en commun avec les Chartreux, pour demander vengeance de l'assassinat de Thomas. Or, dit-il, selon Gui, abbé de la Grande-Chartreuse, dans la Vie de Hugues, ce prélat étant mort en 1132, il faut placer la mort de Thomas, non pas en 1131, car cette année-là le pape Innocent était en France, et il n'y aurait pas eu lieu de lui écrire autant de lettres pour faire appel à son autorité, mais à l'année 1130, qui est celle où le pape Innocent fut élu. La seconde raison que Picard apporte en faveur e son sentiment, c'est que vers la fin de l'année 1131 le pape Innocent étant à Paris et visitant le monastère de Saint-Victor, ordonna le 9 mars de porter le corps de Thomas du cloître dans l'église de l'abbaye; c'est donc au mois d'août de l'année précédente qu'on doit placer sa mort. Mais ces deux raisons ne sont point concluantes; en effet,qui empêche d'abord que nous n'attribuions la lettre de l'évêque de Grenoble, Hugues, non pas à saint Hugues, mais à son successeur, qui portait le même nom que lui? La seconde raison ne nous semble pas plus forte; je veux bien que le pape Innnocent ait fait transporter le corps de Thomas dans un endroit plus convenable ; il ne s’ensuit pas qu'il ait donné cet ordre sur les lieux mêmes; tout au contraire, on voit qu'il donna cet ordre d'Italie par une lettre qui se trouve au tome V du Spicilége d'Acher, et dans laquelle il blâme les archevêques de Reims et de Sens d'avoir trop tardé à prononcer la sentence d'excommunication contre les assassins de Thomas. Voici, en effet, comment il termine cette lettre: « Nous ordonnons de plus que le corps dudit homme de bien qui rend maintenant témoignage de sa justice et de son innocence devant le Juge suprême, qui vécut dans l'obéissance et fut assassiné au moment où il. accompagnait son évêque, soit enterré honorablement dans son monastère. Donné à Pise, le 21 décembre. »

Il faut donc placer la mort de Thomas non point en 1130, mais en 1133, attendu que la lettre dominicale de cette année, ainsi que celle du 19 août, est un E. De plus, cette même année, le siège de Grenoble était occupé par un évêque nommé Hugues, qui avait succédé à saint Hugues; le pape Innocent attendait à Pise le jour fixé pour la tenue du concile, et saint Bernard, après avoir été envoyé d'Italie en Allemagne pour réconcilier ensemble Conrad et Lothaire, revint en France où il s'arrêta quelque temps pour assister au chapitre de Cîteaux, qui devait avoir lieu, selon la coutume, le 13 septembre de cette année, comme on le voit par une lettre que Pierre le Vénérable écrivit au chapitre cette même année, et dans laquelle il est parlé de saint Bernard comme présent. Enfin Orderic, livre XIII, à l'année 1134, abonde dans notre sens; car après avoir raconté en masse plusieurs événements qui ont rapport aux années précédentes, tels que la mort de Jean, évêque d'Orléans et celle du doyen Hugues, son successeur, qui eurent lieu l'une et l'autre en 1133, il ajoute : « Ce fut alors aussi que Thomas, chanoine de Saint-Victor, qui jouissait d'une grande considération, fut assassiné, etc. » Mais c'est assez sur ce sujet (Note de Mabillon).

 

 

 

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LETTRE CLIX. AU MÊME PONTIFE, AU NOM D'ÉTIENNE, ÊVÊQUE DE PARIS, SUR LE MÊME SUJET.

 

L’an 1133

 

Au très-saint Père le pape Innocent, Etienne, évêque infortuné de l'Eglise de paris, salut et prière qu'il soit aussi juste que miséricordieux.

 

1. Maître Thomas, religieux d'uni grande piété, prieur de SaintVictor, s'étant mis en chemin en compagnie de quelques saints religieux pour aller accomplir un devoir de charité, est tombé sous les coups des assassins un jour de dimanche, dans ce voyage que la piété lui avait fait entreprendre: il a été frappé au milieu même de l'oeuvre de Dieu, dans nos bras, pour ainsi dire, et presque sur mon sein, (le sorte qu'on peut dire qu'il fut obéissant jusqu'à la mort. Après cela il est superflu d'implorer votre secours par de longues prières; les pleurs que je verse en silence, les sanglots dont mes voeux sont entrecoupés, sont plus éloquents et plus expressifs que tout ce que je pourrais dire; ce sont, en effet, des preuves peu équivoques d'une douleur trop grande et trop vive pour être feinte; aussi sans vous prier de compatir à ma peine je regarde comme impossible que vous ne le fassiez pas. Il m'aura suffi, pour émouvoir vos entrailles paternelles, de vous rapporter simplement les choses telles qu'elles se sont passées; le récit en est si lamentable et si narrant, qu'il a dit produire sur une âme aussi tendre que la vôtre une vive et profonde impression, sans qu'il ait fallu recourir aux ressources d'une éloquence inutile. Ah! que mes tristes yeux versent de torrents de larmes! J'ai perdu celui qui faisait ma force et ma lumière! Il n'est plus! Mais pourquoi pleurer sur lui? C'est bien plutôt sur moi que je devrais verser des larmes, car pour lui, la mort fut un bienfait, puisqu'elle lui a ouvert les portes de la vie.

2. Pourquoi donc déplorerais-je son sort? Je le trouve bien plus digne d'envie que de larmes; il n'a vécu que pour Jésus-Christ, il a donc tout gagné en mourant pour Lui. Si j'ai le litre d'évêque, il en remplissait les fonctions; il en méprisait l'éclat et la grandeur, mais il en supportait le fardeau ; voilà ce qui fait de sa mort une véritable vie, et de ma vie à moi une vraie mort. Non, le trépas ne l'a point frappé, il a véritablement échappé à ses atteintes ; c'est moi qui suis maintenant dans les étreintes de la mort, presque submergé par un flot d'iniquités. O le plus aimable des frères, mon bien cher Thomas, je suis seul à plaindre du coup qui t'a frappé; mon sort est mille fois plus digne de pitié que le tien ! En te perdant, j'ai perdu les plus douces consolations avec le conseiller le plus prudent de ma vie; tout appui me manque avec toi; mieux eût valu que je mourusse à ta place au lieu de te survivre: aussi ne traîné je plus maintenant qu'une vie languissante, et toutes mes journées se passent-elles dans les larmes et les gémissements. Mon Eglise partage la douleur qui me consume, car la perte que j'ai faite pèse également sur elle, et; dans notre commun malheur, nous laissons couler nos larmes ensemble. La religion désolée attend de vous, Très-Saint Père, que vous la consoliez. Si Thibaut Notier (a) a recours à Votre Sainteté, qu'il sente que le Seigneur a exaucé les voeux de ma douleur; ce sont ses neveux qui ont consommé le forfait, mais c'est lui qui en est la cause; peut-être même a-t-il procédé en personne à la perpétration du crime. N'ajoutez pas foi à ses paroles, jusqu'à l'arrivée de celui que je vous envoie pour vous instruire exactement de la vérité des faits; tenez-vous en garde contre le faux exposé d'une langue artificieuse et maligne.

 

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LETTRE CLX. AU CHANCELIER HAIMERIC, AU NOM DU MÊME ÉVÊQUE ET SUR LE MÊME SUJET.

 

L’an 1133

 

Au très-cher dom Haimeric, vénérable cardinal-diacre et chancelier de l'Eglise romaine, Etienne de Paris, profonds et affectueux respects comme à son supérieur et à son ami.

 

C'est dans le besoin qu'on reconnaît les véritables amis. Si je débute de la sorte, ce n'est pas que je doute de votre bonne amitié pour moi, mais c'est que je ne veux jamais avoir lieu d'en douter, ce qui ne se pourrait, je l'avoue, si je voyais votre zèle faiblir dans les conjonctures présentes. Or je trouverai qu'il faiblit, à n'en pouvoir douter, si vous ne faites, en toute occasion, l'accueil qu'il mérite à Thibaut Notier, dont la cruelle ambition m'a ravi, par la main de ses neveux, la moitié de mon âme, pour livrer celle qu'il m'a laissée à la plus poignante douleur.

 

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LETTRE CLXI. AU PAPE INNOCENT.

 

L’an 1133

 

Contre les meurtriers d'Archambault, sous-doyen d'Orléans.

 

Le sang d'Archambault (b), sous-doyen d'Orléans, crie vengeance avec une force extraordinaire, car, selon la parole du Prophète : « Le sang

 

a On trouve ici une variante dans les manuscrits; les uns portent seulement Nolier, les autres ont Thibaut .Potier, qui fut archidiacre de Paris, d'après la lettre d'Etienne, évêque de Paris, que nous avons placée dans les notes. Je ne suis pas sûr que cette lettre n'ait point été écrite par saint Bernard même, au nom d'Etienne, à Geoffroy clé Chartres, alors légat du saint Siège.

b On peut lire au sujet de ses assassins les notes de la lettre cent cinquantième et le rescrit d'innocent qui s'y trouve rapporté. Pierre le Vénérable parle aussi du meurtre d'Archambault, livre I, lettre dix-septième, et insinue qu'il a été commis avant celui de Thomas de SaintVictor, car il dit: « L'impunité du crime donne dés larmes à ta fureur; l'assassinat du m mi-doyen d'Orléans étant demeuré sans vengeance, le glaive des persécuteurs alla frapper dom Thomas de Paris. » Mais la lettre de saint Bernard établit clairement le contraire. D'ailleurs ce Jean qui fit tuer Archambault est peut-être le même que le doyen d’Orléans, qui eut pins tard le même sort que sa victime. Etienne de Toumay nous a conservé les lamentations que son assassinat inspira à l'église d'Orléans.

 

s'ajoute au sang, et confondus ensemble (Ose., IV, 2), » ils poussent vers vous, du fond de la France, un cri d'un retentissement incroyable; les cieux mêmes en sont ébranlés, tant il est énergique, et des coeurs de pierre en seraient attendris s'ils l'entendaient, tant il est touchant et lamentable. Que faites-vous donc, ami de l'époux, gardien de l'épouse, Pasteur du troupeau de Jésus-Christ? Songez-vous aux moyens d'arrêter l'invasion d'un mal aussi grand qu'extraordinaire ? Il faut absolument trouver un remède capable de guérir dans le présent les plaies récentes de l'église, et de servir de préservatif pour l'avenir. Armez-vous donc de votre toute-puissance, et, nouveau Phinées, sévissez avec énergie, 1e désordre cessera bientôt. Que le nerf de la discipline ecclésiastique retrouve sa vigueur contre Jean et contre Thibaut Notier, qui ont tous deux répandu le sang innocent, sinon de leur propre main, du moins en approuvant le crime et peut-être aussi en conduisant eux-mêmes la main des assassins. Il est impossible de douter due leur impunité, s'ils l'obtiennent, ait des suites fâcheuses et autorise la licence des ecclésiastiques qui chercheront désormais à s'élever dans l'église contre toutes les règles de la justice, en se rendant redoutables par leurs parents beaucoup plus que recommandables par leurs mérites et leurs vertus. Le mal qui travaille l'église est nouveau et demande de nouveaux remèdes. Bien des personnes pensent qu'il n'y aurait pour l'église pas moins d'avantage que de justice à les dépouiller d'un seul coup de toutes leurs dignités ecclésiastiques, en les déclarant incapables, non-seulement de conserver celles qu'ils ont maintenant, mais encore d'en posséder jamais d'autres dans la suite.

 

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LETTRE CLXII. AU CHANCELIER HAIMERIC (a), SUR LE MÊME SUJET.

 

J'ai souvent témoigné, de votre part, à l'évêque de Paris que vous conservez de lui le plus amical souvenir, ainsi que vous me le dites dans presque toutes vos lettres; mais voici une belle occasion de montrer,

 

a Dans le manuscrit de la Colbertine portant le n. 1038, et dans une très-ancienne édition, cette lettre est adressée à Jean de Créma, et la suivante à Haimeric; mais ce qui est rapporté dans la lettre suivante sur la conversion de celui à qui plie est adressée, convient plutôt à Jean qu'à Haimeric.

 

 non plus seulement par des paroles et par quelques fragments de lettre, mais par un fait positif, que vous n'avez écrit et que moi je n'ai dit, de votre part, rien que de parfaitement vrai. Il vous importe beaucoup que vous le fassiez, non pas à cause de l'évêque de Paris seulement, niais pour tous vos amis, que vous ne pouvez manquer d'affliger profondément si l'affaire tourne autrement qu'ils l'espèrent.

 

 

LETTRE CLXIII. A JEAN DE CRÉMA , CARDINAL-PRÊTRE (a) SUR LE MÊME SUJET.

 

L’an 1133

 

Je n'oublierai jamais les bontés et la considération dont je nie suis toujours senti honoré de votre part, quelque obscur et de quelque peu de valeur due je sois; aussi ne cessé-je de demander tous les jours à Dieu, pour vous, que vous fassiez de dignes fruits de pénitence depuis ce retour et cette conversion dont je me suis réjoui avec les anges. C'est en ce moment surtout que notre chère Église Gallicane réclame de vous, par ma voix, ces fruits précieux; l'occasion de les produire ne saurait être meilleure ; il y va de mon honneur autant que du vôtre; que je n'aie pas inutilement compté sur vous. Signalez donc votre zèle pour la justice et pour la vérité contre ceux qui ont trempé leurs mains dans le sang des ecclésiastiques ou qui ont poussé des assassins à le répandre; je verrai alors que je n'ai pas eu tort de me faire honneur de votre amitié.

 

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