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LETTRE XLII. A HENRI, ARCHEVÊQUE DE SENS.

LETTRE XLIII. AU MÊME HENRI.

LETTRE XLIV. AU MÊME.

LETTRE XLV. AU ROI DE FRANCE LOUIS LE GROS.

LETTRE XLVI. AU PAPE HONORIUS II, SUR LE MÊME SUJET.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE XLVII. AU MÊME PAPE, AU NOM DE GEOFFROY, ÉVÊQUE DE CHARTRES.

 

LETTRE XLII. A HENRI, ARCHEVÊQUE DE SENS.

 

L'an 1128.

 

Voir parmi les traités au nombre desquels on l'a rangée.

 

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LETTRE XLIII. AU MÊME HENRI.

 

Vers l'an 1128.

 

Saint Bernard lui écrit pour le prier en faveur de l'abbaye de Molesme.

 

Le bon accueil que vous avez fait à la prière que je vous ai adressée dernièrement me donne lieu d'espérer que j'obtiendrai davantage cette fois-ci: aussi après avoir commencé par vous remercier vivement de la bienveillance que vous m'avez témoignée, j'ose vous prier aujourd'hui de m'obliger à vous exprimer une seconde fois toute ma reconnaissance, en permettant aux. religieux de Molesme de posséder librement l'église (b)

 

b Maison de Bénédictins, au diocèse de Langres, fondée par l'abbé Robert, qui fut aussi abbé de Citeaux; c'est ce qui fait que saint Bernard prend souvent les intérêts de cette abbaye. Voir les lettres quarante-quatrième, soixantième et quatre-vingtième. Pierre de Celles en parle ainsi dans sa quatorzième lettre aux religieux de Molesme, livre VII. « Molesme est la poule ayant plumes et ailes et des poussins qu'elle a couvés, aussi nombreux que remarquables; c'est d'elle qu'est sorti le germe de Citeaux. » Il est question dans cette lettre, comme on le voit dans la suivante, du prieuré de Senan, diocèse de Sens, doyenné de Courtenay.

 

pour laquelle ils sont désolés d'avoir attristé votre sérénissime personne. Il est bisa certain d'ailleurs qu'ils l'ont possédée ainsi sous vos prédécesseurs.

 

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LETTRE XLIV. AU MÊME.

 

L’an 1127.

 

Voyez combien je compte sur votre bonté ! Quand j'ai tant reçu de vous, je me fais encore solliciteur et ne crains pas de vous adresser de nouvelles demandes, après avoir été si souvent exaucé.

Sans doute, je suis bien entreprenant; mais ne m'en veuillez pas : c'est la charité qui en est cause, et non l'indiscrétion.

Votre paternité n'a pas oublié, je pense, que dernièrement, comme je me trouvais à Troyes, Elle a bien voulu, pour l'amour de Dieu et en ma considération, renoncer aux prétentions qu'Elle avait élevées précédemment contre les religieux de Molesme au sujet du monastère de Senan. Or ces religieux se plaignent encore maintenant que vous réclamez dans ce monastère je ne sais quels droits et usages nouveaux qui e vous appartiennent pas. Je vous conjure de faire une nouvelle concession en ce point; et j'espère que vous ne me refuserez pas une chose aussi minime après m'en avoir accordé de si importantes. Adieu.

 

 

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LETTRE XLV. AU ROI DE FRANCE LOUIS LE GROS.

 

L’an 1127

 

Les religieux de Cîteaux prennent la liberté d'adresser de grands reproches au roi Louis le Gros de ce qu'il inquiète injustement l'évêque de Paris, et ils déclarent qu'ils sont disposés à se plaindre à, !tome si le roi ne cesse pas ses mauvais procédés.

 

A Louis, glorieux roi de France, Etienne, abbé de Citeaux, tous les abbés et tous les frères de Citeaux, salut, santé et paix en Jésus-Christ.

 

1. Le Roi du ciel et de la terre qui vous a donné un royaume ici-bas, ?vous en donnera un dans le ciel si vous mettez tous vos soins à gouverner avec justice et avec sagesse celui que vous tenez de lui sur la terre; c'est ce que nous souhaitons à Votre Majesté et ce que nous demandons à Dieu tous les jours pour vous dans nos prières. Mais pourquoi mettez-vous tant d'obstacles aujourd'hui à l'effet de ces prières que vous recherchiez autrefois avec tant d'humilité, s'il vous en souvient bien ? Comment oserions-nous continuer à lever encore avec confiance nos mains vers l'Époux de l'Église pour vous qui affligez son Epouse inconsidérément et sans aucune raison, du moins que nous sachions? Elle se plaint amèrement de vous à son Epoux divin et à son Seigneur, parce due vous l'opprimez, au lieu de la défendre et de la protéger. Avez-vous réfléchi à qui vous vous attaquez en agissant de la sorte ? Vous savez bien que ce n'est pas à l'évêque de Paris (a), mais au maître du paradis, à un Dieu « terrible qui frappe de mort les princes eux-mêmes (Psalm. LXXV, l2), » et qui a dit aux évêques : « Celui qui vous méprise, me méprise (Luc., X, I6). »

2. Voilà ce que nous avons à vous dire; peut-être le faisons-nous avec hardiesse, mais c'est aussi avec amour. Nous vous prions ardemment, au nom de l'amitié dont vous payez la nôtre de retour, et de cette association fraternelle que vous avez daigné faire avec nous, mais que vous blessez profondément aujourd'hui, de cesser au plus vite un si grand mal. Si vous ne daignez nous écouter, et si vous ne tenez aucun compte de ceux que vous traitez de frères et d'amis et qui prient Dieu tous les jours pour vous, pour vos enfants et pour votre royaume, nous sommes forcés de vous dire que, malgré notre néant, il n'est rien que nous ne soyons disposés à faire, dans les limites de notre faiblesse, pour l'Église de Dieu et pour son ministre, le vénérable évêque de Paris, notre père et notre ami. Il implore le secours de pauvres religieux contre vous, et il nous prie, au nom de la fraternité (b), d'écrire en sa faveur à notre saint père le Pape. Mais nous jugeons que nous devons d'abord commencer par nous adresser à Votre Excellence royale, comme nous le faisons par la présente, d'autant plus que l'évêque de Paris offre de vous donner toute satisfaction par l'entremise de notre congrégation, pourvu qu'au préalable , comme cela ne nous semble que trop juste, on lui restitue ce qu'on lui a injustement enlevé; nous

 

(a) Etienne, qui fut évêque de Paris, de 1124 à 1144. Il ne faut pas le confondre avec Etienne de Garlanda, officier de la bouche du roi. La cause de ces persécutions était, comme on peut le voir dans les notes développées, la retraite d'Étienne, qui avait quitté la cour, et l'indépendance de l'Église, qu'il réclamait. L'archevêque de Sens, Ileuri, eut une affaire presque pareille et pour une cause à peu près semblable, lettre quarante-neuvième. Louis le Gros ne se laissa pas toucher par cette lettre, et la mort de son fils Philippe, qu'il avait associé au trône, passa pour une punition du Ciel à cause de ce qu'il avait fait. Il est étonnant qu'à sa mort les grands du royaume et les évêques aient conçu la pensée, au dire d'Orderic (livre XIII, page 895, et suiv.), de s'opposer à l'avènement de Louis le Jeune.

b On regardait comme frères tous ceux qui dans mue société avaient droit de suffrage. C'est à ce titre que les religieux de la Chaise-Dieu donnent à Louis le Jeune le nom de Frère, dans la trois cent huitième lettre de Duchesne, tome IV.

 

attendrons ce que vous déciderez avant de faire ce qu'il nous demande. Si Dieu vous inspire de prêter l'oreille à nos prières, de suivre nos conseils et d'acquiescer à nos vœux les plus ardents en vous réconciliant avec votre évêque ou plutôt avec Dieu, nous sommes disposé aller vous trouver partout où il vous plaira pour terminer cette affaire ; mais s'il en est autrement, nous serons obligé d'écouter la voix d'un ami et d'obéir au prêtre du Seigneur. Adieu.

 

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LETTRE XLVI. AU PAPE HONORIUS II, SUR LE MÊME SUJET.

 

L'an 1128.

 

Plaintes adressées au souverain Pontife de ce que, par la levée d'un interdit, il a rendu plus opiniâtre le roi de France, qui se montrait auparavant assez disposé à la paix.

 

Au souverain Pontife Honorius, les abbés des pauvres du Christ, Hugues de Pontigny et Bernard de Clairvaux , salut et tout ce que peut ta prière des pécheurs.

 

Nous ne pouvons vous laisser ignorer les larmes et les gémissements les évêques et de l'Église dont nous avons l'honneur d'être les enfants, quelque indignes que nous soyons. Nous ne vous disons que ce que nous avons vu de nos yeux, lorsque la nécessité pressante de l'Église nous a contraints de quitter nos cloîtres et de paraître en public, et nous ne vous rapportons que ce dont nous avons été les témoins. Nous avons été navrés de douleur en voyant ce dont nous avons la tristesse de venir vous parler; l'honneur de l'Église a reçu, sous le pontificat d'Honorius, les plus profondes blessures.

Déjà l'humble fermeté des évêques avait fléchi la colère du roi, quand l'autorité suprême du souverain Pontife vint, hélas! tout à coup abattre la constance des uns et ranimer l'orgueil de l'autre (a). Il est vrai qu'on a surpris votre religion et qu'on a eu recours au mensonge, c'est évident par votre lettre, pour obtenir que vous fissiez cesser lin interdit si juste et si nécessaire ; mais à présent que le mensonge est dévoilé, ne tournera-t-il pas contre lui-même, et souffrirez-vous que l'iniquité ait impunément trompé une Majesté telle que la vôtre ?Après tout, nous sommes bien étonnés qu'on ait jugé sans entendre les deux parties, et qu'on ait condamné les absents. Nous n'avons pas la témérité de blâmer ce qui s'est fait; mais avec la confiance d'enfants pour leur père, nous osons lui faire remarquer que l'impie triomphe et que le pauvre est atterré.

 

a En levant l'interdit que les évêques de la province avaient lancé sur les terres du domaine royal à cause de la persécution dont l'évêque de Paris était l'objet. Voir la lettre suivante.

 

Au reste, ce n'est pas à nous de vous prescrire, mais c'est à vous, très-saint Père, de consulter votre coeur et de voir combien de temps vous pouvez souffrir qu'il en soit ainsi, et dans quelle mesuré vous devez compatir à l'affliction du malheureux. Adieu.

 

 

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE XLV.

 

31. Que nous ne soyons disposés à faire pour... l'évêque de Paris. On ne saurait trop admirer l'indépendance du langage des saints et le zèle intrépide dont ces humbles et pieux moines ne craignaient pas de faire preuve pour la défense d'un évêque contre le roi de France lui-même. Il n'est pas facile de savoir, par des témoignages contemporains, pour quel motif le roi Louis le Gros se mit à persécuter l'évêque de Paris, Etienne ; ce fut peut-être pour une raison analogue à celle que saint Bernard insinue avoir été la cause de persécutions semblables qu'eut aussi à essuyer l'archevêque de Sens, Henri. Or, dans sa quarante-neuvième lettre, adressée au pape Honorius, il dit : « Le roi en veut moins aux évêques qu'à leur zèle » et pour expliquer davantage sa pensée, il ajoute plus loin : « Ceux que le roi comblait de distinctions, dont il estimait la fidélité et qu'il honorait même de son amitié lorsqu'ils étaient dans le monde, sont précisément ceux qu'il persécute à présent comme ses ennemis personnels, parce qu'ils soutiennent la dignité de leur sacerdoce et l'honneur de leur ministère.» L'illustrissime cardinal Baronius explique longuement ce point en ces termes, à l'année 1127 : « Les évêques de la province de Sens avaient fait de grands progrès dans la vertu par suite des exemples que leur donnaient les religieux de Cîteaux, ainsi que par l'effet des lettres et des discours de saint Bernard; mais ceux qui en avaient le plus profité étaient l'évêque de Paris, Etienne et Suger abbé de Saint-Denis : celui-ci rétablit la plus exacte discipline dans son abbaye, où les liens de la règle s'étaient complètement relâchés; ce. changement inspira une si grande joie à saint Bernard qu'il écrivit à Suger pour le féliciter. L'archevêque métropolitain de Sens, Henri, touché également des exhortations de saint Bernard et des lettres mêmes assez longues qu'il lui adressait, rentra sérieusement en lui-même, fit pénitence, et se mit à remplir exactement tous les devoirs d'un bon et excellent pasteur; c'est ce qui lui valut aussi l'indignation du roi... etc. Mais en quoi dut consister cette réforme pour déplaire si fort au roi très-chrétien de France? Sans doute en ce que tous ces prélats qui avaient eu jusqu'alors, la coutume de laisser leurs diocèses pour venir à la cour du roi et pour s'acquitter même du service militaire, quittèrent la cour et les camps pour retourner à leurs églises et rappelèrent également auprès d'eux les ecclésiastiques de leurs diocèses qui les avaient imités. Or on en comptait un très-grand nombre qui faisaient le service militaire, non-seulement auprès du roi, à la cour et dans le palais, mais même en campagne et à la guerre. Saint Bernard a souvent déploré cet état de choses, mais surtout, ce qui n'est pas sans intérêt pour nous, dans sa lettre à l'abbé Suger. u Tel est le récit de Baronius. Mais pour jeter quelque jour clans la narration restée profondément obscure, des historiens de cette époque, nous allons citer une lettre adressée à l'évêque de Paris, Etienne, par un de ses amis que notre Acher a publiée dans son Spicilège, tome III.

32. « Quoique je ne prévoie ni changement, ni affaiblissement dans vos dispositions, je ne vous en avertis pas moins avec toute la sollicitude de la plus vive amitié pour vous, de ne vous relâcher en rien de la résolution que vous avez prise, et du parti auquel vous vous êtes arrêté dans l'intérêt du bien : ne souffrez pas que cette indépendance de votre Eglise qui brillait d'un si vif éclat du temps de vos prédécesseurs, s'éclipse de vos jours, et rappelez-vous sans cesse ces paroles du Sauveur : Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice. Sachez que je persévère en tout et pour tout avec vous, et que les persécutions que cela m'a values ainsi qu'à mes hôtes ne pourront me faire retourner d'un pas en arrière. Le roi et la reine ont donné douze livres à mes hôtes, et cela pour le rachat de leurs biens. Mes parents et mes amis donnèrent au roi et à la reine, qui voulaient faire détruire mes vignes, la somme de dix livres; tout cela s'est fait à l'instigation du doyen et des archidiacres, et même par suite des plaintes que G. a fait naître pendant la nuit. Mais avec la grâce de Dieu qui ne saurait faire défaut ni à vous ni à moi, je ne m'inquiète pas de savoir si je recouvrerai jamais tout ce que j'ai perdu, et je ne pense pas que vous retrouviez la paix sans moi et sans les choses qui vous ont été enlevées. De plus, si je ne savais que les bonnes pensées ne vous font jamais défaut, je me permettrais, malgré mon néant, de vous conseiller d'engager par vos prières et par celles de vos amis, monseigneur l'archevêque de Sens, et les autres évêques vos co-suffragants, à faire suspendre, dans leurs diocèses, la célébration des saints mystères, pour faire mieux respecter votre bon droit. — Hâtez-vous d'obtenir d'eux, par tous les moyens possibles, qu'ils partagent vos vues lionnes et saintes, qu'ils se mettent avec vous contre tous, et s'il en est besoin, qu'ils viennent avec moi à Home. »

On peut noter trois points dignes de remarque dans cette lettre 1° que le roi a dépouillé de ses biens non-seulement l'évêque lui-même, mais encore ses parents et ses amis; 2° que toute cette persécution était fomentée par quelques membres du clergé, et 3° enfin que le roi avait porté atteinte à la liberté de l'Eglise. Tout cela me fait croire que la première étincelle de la persécution dont il s'agit vient de certains ecclésiastiques qu'avait irrités l'opposition d'Etienne aux exactions arbitraires dont ils accablaient le reste du clergé, du consentement du roi. C'est pourquoi ils excitèrent celui-ci contre l'évêque, le firent dépouiller de tous ses biens, conspirèrent même contre sa vie, comme on peut le voir par une autre lettre qui lui est adressée (Spicil., tom. III, p. 162, épit. 37). C'est ce qui explique comment il arriva que, même après qu'il fut rentré en grâce avec le roi et qu'il eut recouvré ses biens, Thomas, prieur de Saint-Victor de Paris, fut assassiné pour avoir pris en main la défense de la même cause, ainsi qu'on le voit par la lettre cent cinquante-huitième et suivantes.

Mais quoi qu'il en soit du principe de cette tragédie, Etienne recourut aux armes spirituelles dé l'Eglise, frappa d'interdit toutes les terres du roi, et, pour échapper à sa vengeance, se réfugia chez l'archevêque de Sens, nommé Henri, avec qui il se rendit au chapitre général de Liteaux, et, en vertu de la confraternité qui les unissait ainsi que le roi Louis à ces religieux,ils demandèrent une lettre aux abbés pour fléchir le roi; saint Bernard l'écrivit de concert avec Hugues, abbé de Pontigny, et plusieurs autres abbés; mais il échoua complètement. « Le roi, dit Emile, ne voulut pas écouter les évêques qui s'étaient jetés à ses genoux; l'abbé Bernard le menaça, dit-on, alors des coups prochains de la colère céleste, s'il continuait dans son endurcissement (Paul-Emile, Vie de Louis; Geoffr., liv. IV de la Vie de saint Bernard, chap. II; Gaguin, Histoire de France, liv. V). » Il ajouta même, selon Geoffroy et Gaguin, « que le fils du roi paierait de la vie l'opiniâtreté de son père. » Cette prédiction se trouva accomplie par la mort de Philippe. Le roi, ébranlé par ces remontrances pleines de liberté, semblait disposé à revenir sur ses pas; mais, en recevant du pape Honorius une lettre qui levait l'interdit dont il était frappé, il reprit courage et se montra plus décidé que jamais à persévérer dans sa manière de faire. Saint Bernard le vit avec peine et écrivit au Pape, de concert avec Geoffroy de Chartres, une lettre de plaintes qui n'étaient que trop fondées. Toute cette affaire, si longue et si envenimée,parait s'être arrangée au concile de Troyes, en 4128; en tout cas, elle le fut peu de temps après, par l'intervention du pape Honorius lui-même, ce dont saint Bernard le remercia dans sa quarante-neuvième lettre, où il s'exprime en ces ternies: «Voilà d'où sont venues ces accusations et ces injures atroces par lesquelles on a tâché d'abattre la constance de l'évêque de Paris, mais on n'a pu y réussir, car le Seigneur s'est servi de votre main pour le soutenir. »

On ne peut douter, d'après les notes de Duchesne sur Abélard, que l'évêque de Paris, Etienne, qui avait été chancelier de France, ne soit différent d'Etienne de Garlande, officier de la table du roi, dont il est parlé dans les Annales de Téulf; c'est ce qui ressort également d'une lettre de Geoffroy de Chartres, où il est dit que saint Bernard fut choisi pour réconcilier ensemble Etienne, évêque de paris et Etienne de Garlande (Voir Spicil., tome III, p. 260).

33. Pour en revenir à Louis le Gros, que saint Bernard appelle un second Hérode dans sa lettre au pape Honorius, on ne doit pas oublier qu'il fit preuve à sa mort, arrivée en 1437, des plus beaux sentiments de pénitence et de religion. « Comme c'était un prince prudent et sensé, dit Suger dans l'Histoire de sa Vie, il n'oublia pas ses intérêts les plus chers et songea au salut de son âme et aux moyens de se rendre Dieu favorable; aussi le vit-on recourir souvent à la prière et à la confession de ses fautes ; il n'avait plus qu'un désir, c'était de se faire porter auprès des reliques de saint Denis et de ses compagnons, martyrs, sous la protection desquels il s'était placé, et là, en présence de ces corps sacrés, de déposer le sceptre et le diadème pour recevoir la couronne des moines à la place de celle des rois, l'humble vêtement des religieux de Saint Benoît au lieu des insignes royaux et du costume des souverains, et de faire profession religieuse. » — « Que ceux qui dérogent à la pauvreté religieuse, s'écrie avec raison le cardinal Baronius, remarquent comment les archevêques et les rois eux-mêmes, préférant la vie qui dure éternellement à celle qui passe, recherchent dans la profession religieuse comme un refuge assuré (Baron., année 1136). »

L'abbé Suger ajoute que le roi, après avoir confessé ses péchés, « se leva tout à coup pour aller au-devant de la sainte Eucharistie, en présence de laquelle il s'arrêta avec le plus profond respect. Alors, continue Suger, devant une foule de clercs et de laïques, qui avaient les yeux fixés sur lui, il se dépouille des insignes de la royauté et renonce au souverain pouvoir; il confesse les péchés qu'il a commis dans l'administration de son royaume; puis, donnant à son fils l'anneau royal, il lui fait promettre, avec serment, de protéger l'Eglise de Dieu, les pauvres et les orphelins. Enfin, après avoir distribué pour l'amour de Dieu tout l'or et l'argent qu'il avait aux églises, aux pauvres et aux indigents, il leur donne tout ce qui lui reste encore, manteaux et vêtements royaux, jusqu'à sa chemise. » Exemple admirable de la part d'un aussi grand prince! Sur les dons précieux qu'il fit à l'église de Saint-Denis, on peut consulter le môme auteur (Note de Mabillon).

34. Pourvu qu'au préalable... on lui restitue ce qu'on lui a injustement enlevé; car ceux qui ont été dépouillés doivent rentrer dans leurs biens avant que d'être mis en jugement. Voir les Canons de Gratien, cause 3e, question Ire, où le pape Caïus prescrit de rendre aux évêques qu'on a dépouillés de leurs biens ou chassés de leur siège tout ce qui leur a été enlevé avant même de recevoir aucune accusation contre eux. Dans le même recueil, le pape Jean dit également: « Il faut commencer, avant de les mettre en accusation ou de les citer régulièrement devant le synode, par les rétablir dans tous les biens dont ils ont été dépouillés, et remettre toutes choses dans l'état où elles étaient auparavant. » Voyez à l'endroit cité plusieurs autres exemples, ainsi que les capitules des Décrétales de Grégoire, titre De la restitution aux spoliés. Aussi Geoffroy de Vendôme dit-il, dans sa lettre à Yves de Chartres. « Quand nous aurons été remis, comme le veulent les saints canons, en possession des choses que nous avons pendant longtemps regardées comme notre juste propriété, et qu'on nous a enlevées, nous ne refuserons pas ensuite, s'il est porté quelque plainte contre nous, de nous soumettre à la juste décision du juge et aux exigences de la loi divine. » Voyez encore une lettre du même auteur à Ranoulphe, évêque de Saintes, dans laquelle d'accord avec saint Bernard, il déclare que les lois de l'Eglise ne permettent pas « de juger un homme qu'on a dépouillé de ses biens (Note de Horstius). »

 

 

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LETTRE XLVII. AU MÊME PAPE, AU NOM DE GEOFFROY, ÉVÊQUE DE CHARTRES.

 

L'an 1127.

 

Saint Bernard fait au souverain Pontife la relation de ce qui s'était passé dans l'affaire de l’évêque de Paris injustement opprimé par le roi Louis. L'interdit des évêques de France n'avait pas tardé à produire son effet, et le roi promettait de réparer le mal qu'il avait fait, quand d'absolution d'Honorius lui rendit tout son entêtement et l'empêcha de faire la réparation qu'il avait promise.

 

Il est inutile de vous rappeler, très-saint Père, l'origine d'une histoire qui n'est que trop affligeante, et de vous redire ce que déjà vous avez appris par le récit du pieux évêque de Paris. Je suis sûr que votre Paternité en a été profondément affectée; mais je ne veux pas que mon témoignage fasse défaut à mon frère dans l'épiscopat; voilà pourquoi je viens vous instruire en quelques mots de ce que j'ai vu et entendu dans cette affaire.

Lorsque l'évêque de Paris eut porté sa plainte, avec bien de la modération, dans notre assemblée provinciale où se trouvaient, avec l'archevêque de Sens, notre vénérable métropolitain, tous les évêques ses suffragants et quelques religieux que nous .y avions appelés, nous allâmes représenter au roi, avec toute l'humilité convenable, son injuste procédé, et nous le suppliâmes, de restituer à l'évêque de Paris, injustement maltraité, ce qui lui avait été enlevé; nous ne réussîmes à rien. Comprenant alors que pour défendre l'Église nous étions décidés à recourir à l'emploi des armes qu'elle nous met entre les mains, il eut peur et promit de faire la restitution exigée. Mais à peu près sur ces entrefaites arriva votre lettre ordonnant qu'on levât l'interdit qui pesait sur le domaine royal; elle fortifia le roi dans ses mauvaises dispositions et il ne voulut plus tenir sa parole. Toutefois, comme il s'était de nouveau engagé à faire ce que nous lui demandions, nous nous sommes présentés le jour qu'il avait fixé ; mais c'est en vain que nous travaillions pour la paix; elle ne se fit pas. Bien loin de là, les affaires se brouillèrent davantage. Ainsi l'effet de votre bref a été de lui faire retenir injustement les biens dont il s'était injustement emparé, et de l'encourager à piller ce qu'il en reste encore, avec d'autant plus de sécurité qu'il est,plus assuré de garder le tout impunément Comme l'interdit bien justifié, selon nous, de l'évêque de Paris s'est trouvé levé par votre ordre et que la crainte de vous déplaire nous a fait suspendre celui que nous nous proposions de fulminer nous-mêmes, et dont nous attendions le plus grand bien pour la paix de l'Église, nous voilà devenus la risée de nos voisins. Combien de temps cet état de choses durera-t-il? Tant que votre bonté ne daignera pas compatir à nos malheurs.

 

 

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