SERMON XIV
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QUATORZIÉME SERMON (a). Les sept dons du Saint-Esprit, opposés à sept sortes de péchés.

 

1. « La sagesse prévaut sur la malignité (Sep. VII, 80), » tant que

 

a On trouve de nombreuses variantes entre le texte que nous donnons ici de ce sermon et celui du manuscrit de Cîteaux ; mais elles ne changent rien au sens général. Ce sermon est cité dans les Fleurs de saint Bernard, livre VII, chapitre XLVI.

 

la vertu de Dieu, la sagesse de Dieu, qui est le Christ, dompte Satan. « Elle atteint depuis une extrémité jusqu'à l'autre avec une force infinie, dans le ciel, en en précipitant le superbe, dans le monde, en prévalant sur le Malin, et dans l'enfer, en dépouillant l'avare. Et elle dispose tout avec une égale douceur (Sap. VII, 1), » dans le ciel où elle affermit les anges fidèles, sur la terre où elle rachète les hommes vendus au péché et dans l'enfer, où elle délivre les captifs. Mais si vous l'aimez mieux, on peut entendre ces paroles d'une autre manière encore. L'Esprit aux sept dons, procède contre sept degrés du péché, comme avec une armée rangée en bataille. Et d'abord, contre la négligence s'élève la crainte qui frappe l'âme, agite la conscience, la tire de son sommeil de mort, et la remplit de sollicitude, car « celui qui craint Dieu ne néglige rien (Eccli. VII, 19), » il tremble dans tout ce qu'il fait.

2. D'ailleurs, pour que la lutte soit plus terrible, les mailles de la cuirasses se resserrent, comme on dit, car en même temps que le coeur de l'homme se néglige lui-même, il s'occupe avec curiosité des antres. Il y a trois choses, dit le Sage (Prov. XXVII, 15), qui font de la maison un désert, ce sort la fumée, la pluie et une femme acariâtre. Or, comment le négligent pourrait-il s'en garder ? Celui qui se néglige, n'a pas soin de chasser la fumée, de corriger sa femme, et de réparer le toit de sa maison. Les péchés, que ni le goût de la miséricorde, ni les ruisseaux de larmes n'éteignent point , répandent de la fumée, une fumée très-épaisse et insupportable. La volonté tourne au mal et devient tous les jours pire, à force de négligence, et le courroux du céleste juge tombe goutte à goutte dans l'âme, par les fentes de la charité qui seule peut couvrir une multitude de péchés. Il faut donc que l'âme sorte de chez elle et porte ses regards curieux sur les choses du dehors, puisqu'elle néglige de considérer celles du dedans, ne tourne plus ses regards vers le passé, ne les arrête plus sur le présent et ne les fixe plus sur l'avenir. Évidemment, la piété est l'ennemie naturelle de la curiosité, et elle fait rentrer en elle-même l'âme que la curiosité en a fait sortir. Or, la piété, c'est le culte de Dieu , et c'est dans le coeur qu'on honore celui qu'on sait avoir établi son séjour dans le coeur. Quant à la curiosité, elle enfante l'expérience du mal , en sorte que l'âme qui se répand aisément au dehors, se heurte, tombe facilement dans les pièges qui lui sont tendus, et trouve sans peine des choses qui lui plaisent pour son malheur. On ne peut douter que l'esprit de science n'aille contre l'expérience du mal, car c'est lui qui nous apprend à choisir le bien et à repousser le mal, et nous instruit de ce qu'il est dangereux ou utile d'expérimenter.

3. Or, il y a bien des hommes chez qui l'expérience semble se changer en concupiscence, comme on peut, en voir un exemple dans Dina, fille de Jacob (Gen. XXXIV, 1) ; sortie d'abord pour regarder les femmes étrangères, elle se vit enlevée et violée par Émor, fils de Sichem; plus tard, dit l'Écriture, elle trouve un adoucissement à sa tristesse, dans les caresses de son ravisseur, et son coeur finit. par s'attacher à celui d'Émor. Je dis donc que l'expérience se change en concupiscence, et, comme dit le Prophète, en un penchant de coeur dans l'homme qui a méprisé la loi de Dieu , répudié l'honnêteté, foulé la pudeur aux pieds, et franchi les bornes de la crainte du Seigneur (Psal. LXXII, 7). Il n'est plus porté que par ses appétits, il ne suit plus que la concupiscence, il n'a d'autre mobile que la volupté, sa volonté seule lui tient lieu de raison. Or, l'ennemie de la concupiscence du mal est l'esprit de force, il n'y a plus, en effet, de salut pour l'âme qui en est là, que dans un bras paissant. Que l'homme se condamna. au jeûne, qu'il mâte sa chair sous le fouet, et la réduise en servitude, s'il ne veut pas que de la racine de la couleuvre ne lui naisse un petit roi, c'est-à-dire, s'il ne veut pas que la concupiscence n'enfante une habitude. Que n'ignorons-nous tous comment la malheureuse et vraiment misérable nature humaine se trouve antérieure an mal parla seule habitude, sans y être portée par les ardeurs de la concupiscence, ou parla violence du désir? C'est que, quiconque fait le péché, devient esclave du péché (Jean. VIII, 35), esclave du diable même qu'il suit dans toutes les voies mauvaises où il l'attire ; il est évidemment son esclave, et n'agit qu'à sa volonté.

4. Or, c'est l'habitude qui est sa chaîne aussi pesante que funeste, mais c'est une chaire qu'y est plus facile de délier que de rompre, car on peut lui appliquer le proverbe , industrie fait plus que violence. De même qu’on repousse la force par la force, et. que l'ardeur des désirs est éteinte, par la ferveur de l'esprit, on déjoue la ruse du Malin par la ruse, et., à l'habitude , on oppose le conseil. An lieu de cela, si vous avez recours à la violence, et si vous espérez triompher de l'habitude par la mortification de la chair, il est bien à craindre que ce ne soit peine perdue de le tenter, et due le corps lui-même ne fasse défaut, avant que la concupiscence cède, une fois enracinée dans l'âme, d'autant plus que l'habitude est. comme une seconde nature. C'est donc une nécessité de recourir au conseil, mais à celui qui nous est donné par l'ange même du grand conseil, ou par un homme spirituel qui connaisse les pensées de Satan, et les remèdes de l'esprit. Il faut nous éloigner des occasions du péché, et en fuir les moyens. Nous voyons, mes frères, que jusque dans le désert, un moine assailli de pensées de fornication, se trouva. guéri de ce mal par une ruse, digne de louanges, de sou abbé. En effet, ce dernier, ayant pris un antre religieux à part, lui ordonna de poursuivre de ses injures celui qui était tenté par le démon de la chair, et de revenir se plaindre à lui, comme s'il avait été lui-même attaqué en paroles, le premier. Le religieux en question, était dans un tel bouleversement , et dans une si grande confusion, qu'il n'avait plus l'esprit à ses tentations passées ; aussi, quand son abbé lui en demanda des nouvelles , il ne put s'empêcher de s'écrier, avec une surprise extrême . Hélas ! mon Père, je n'ai pas même le temps de savoir si je vis, comment l'aurais-je d'être tenté par l'esprit de fornication ?

5. Mais peut-être n'en êtes-vous point encore arrivés au point que la victoire soit assurée, que le triomphe vous soit réservé, que la couronne vous soit due; le mépris naît souvent de l'habitude ; souvent, péchant d'autant plus librement qu'on a plus complètement perdu toute espérance, on lâche la bride à la concupiscence, et on se laisse emporter de toute son ardeur vers l'abîme selon ce qui est écrit du pécheur « qu'une fois arrivé au fond de l'abîme du péché, il n'a plus que du mépris (Prov. XVIII, 3). » Pour combattre ce mépris il faut l'esprit d'intelligence qui illumine les ténèbres du coeur, et y répande à flot la lumière de la miséricorde de Dieu, et les richesses de la compassion divine. En effet, c'est vers les choses de Dieu, aux choses les plus hautes que la raison de l'homme ne saurait comprendre du tout, et que la foi même ne peut que difficilement atteindre , telles que cette proposition : « Là où le péché a abondé la grâce a surabondé (Rom. V, 20), » que l'intelligence doit s'élever.

6. Mais, si le mépris persiste, on ne peut plus que tomber dans la malice, et le malheureux pécheur n'a plus qu'une consolation dans son désespoir, c'est, puisqu'il n'a plus de part dans le bien, de se réjouir au moins dans le mal; d'être heureux de son péché et dans l'allégresse pour les pires choses. Alors il n'y a plais de remède à son mal que dans la sagesse, si elle daigne combattre elle-même pour lui de sa droite, elle qui ne sait pas ce que c'est qu'être vaincue. En effet, comment pourrait être délivré celui qui s'en est allé à Babylone, s'il n'était prévenu des bénédictions de la grâce d'en haut, si le clou n'était chassé par un clou , si la douceur de l'onction spirituelle n'éloignait la douceur pestilentielle des vices ?

7. C'est donc bien d'une extrémité à l'autre que la sagesse victorieuse atteint avec force, en déracinant tous les vices l'un après l'autre., et en les remplaçant un à un par les vertus opposées. Ainsi, la négligence cède la place à la crainte qui remplit l'esprit; la curiosité se retire devant la piété qui lui succède ; l'expérience du mal est mise en fuite par la science qui la remplace. La force l'emporte sur la concupiscence, le conseil rompt l'habitude dans sa racine, l'intelligence, par sa vigueur, écarte le mépris, et, quand toute malice a disparu la sagesse règne à sa place. A peine triomphe-t-elle que la crainte réveille, la piété flatte doucement, la science, en rappelant ce qui s'est fait, attriste, la force, selon sa propre vertu, relève, le conseil délie, l'intelligence fait sortir de sa prison, la sagesse reçoit à sa table, rassasie et répare par des aliments salutaires, cette pauvre âme que la négligence avait endormie d'un sommeil pernicieux, que la curiosité avait animée d'une activité mauvaise, que l'expérience du mal avait attirée, dont la concupiscence s'était rendue maîtresse, que l'habitude avait chargée de fers, que le mépris avait plongée au fond de l'abîme, et que la malice avait égorgée.

 

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