SERMON XXXI
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TRENTE ET UNIÈME SERMON. Soin avec lequel on doit veiller à ses pensées.

 

1. Mes frères, saint Benoît nous recommande de veiller à nos pensées (Reg. cap. VII); il suit en cela le conseil du sage, qui engage les hommes à veiller tout spécialement à la garde de leur coeur « parce qu'il est la source de la vie (Prov. IV., 23). » Or, je trouve qu'il y a trois sortes de pensées dont doit se garder quiconque se convertit dans son coeur et a hâte d'offrir à Dieu, au dedans de soi, un temple digne de lui. Ainsi, il y a dès pensées oiseuses et qui ne mènent à rien; il est aussi facile à l'âme de les rejeter que de les recevoir, pourvu qu'elle habite  avec elle-même au fond de son coeur et qu'elle se tienne en présence du maître de la terre entière.

2. Il y en a d'autres qui sont plus violentes et plus tenaces; ce sont celles qui ont rapport aux nécessités du corps et qui sont nées en quelque sorte, du même limon que nous. Pour peu qu'elles séjournent dans l'âme, on ne peut plus les en arracher sans peine et sans blessure. En effet, il arrive souvent que la pensée du boire, du manger et du vêtement nous préoccupe tellement, qu'on a toutes les peines du monde à en débarrasser le coeur. Cela ne vient que de ce qu'étant limoneuses et gluantes, si je puis ainsi parler, elles trouvent une terre aussi limoneuse et aussi gluante qu'elles; car ce n'est pas sans raison qu'il est dit que l'homme a été fait non pas de la première terre venue, mais du limon (Gen. II, 7). Voyez, en effet, comme le corps tient du limon; il est collé à l'esprit même avec tant de force et d'une manière si indissoluble, qu'il ne peut s'en séparer sans une grande douleur. Que faut-il donc faire quand ces pensées limoneuses s'emparent de notre esprit? Il ne nous reste plus qu'à nous écrier avec le saint homme Jacob : « Ruben, mon fils aîné, vous ne croîtrez plus, parce que vous êtes entré dans le lit de votre père (Gen. XLIX, 4). » En effet, cette sorte de concupiscence est rouge (a), charnelle et couleur de sang, et elle monte sur notre lit quand, non contente de toucher à notre mémoire par ce seul souvenir, elle se met sur la couche même de notre volonté et la souille de ses jouissances dépravées. Or, c'est avec raison que l'appétit charnel est appelé notre premier-né, car il se manifeste en nous dès les premiers jours de notre existence, tandis que les autres vices ne se montrent qu'avec le temps et ne naissent que de la malice des siècles et de diverses occasions. Il faut donc réprimer cet appétit que nous ne pouvons éteindre tout à fait, et, sitôt qu'il entre dans notre lit, au lieu de le laisser grandir, dominons-le, selon le mot de l'Écriture : « Votre concupiscence sera sous vous et vous la dominerez (Gen. IV. 7). »

3. La troisième sorte de pensées comprend les pensées sales et immondes auxquelles nous ne devons donner accès dans notre âme sous aucun prétexte que ce soit; il faut que de loin même leur mauvaise odeur nous les signale, et nous devons les écarter de toutes nos forces et les repousser de tout notre esprit. Puisa, nous tournant aussitôt vers les gémissements, invoquer, avec des larmes et des soupirs, l'Esprit Saint qui vienne en aide à notre infirmité. Chassé ainsi avec confusion, le malin esprit n'osera plus si facilement présenter ni offrir rien de semblable à une âme qui résiste avec tant de vigueur. Or, les pensées que j'appelle sales et immondes, ce sont celles qui ont rapport à la luxure, à l'envie, à la vaine gloire et à tous les autres vices que nous devons détester.

Si nous voulons conserver nos âmes pures, il faut, de si loin que ces pensées s'avancent vers nous, les repousser avec indignation, les écarter de notre esprit et ne leur en, point ouvrir les portes. La première sorte de pensées dont je vous ai parlé, comprend les pensées oiseuses et qui ne mènent à rien; c'est de la boue, mais de la boue

 

a Il y a dans le texte latin, en cet endroit, un jeu de mots par à peu près, qu'il est impossible de faire passer dans notre langue: il consiste tout entier dans le rapprochement du nom Ruben et de l'adjectif rubea : Ruben a souillé la couche de son père, et la pensée rouge, c'est-à-dire charnelle, souille la couche de notre volonté.

 

simple, c'est-à-dire qui ne s'attache point et ne sent pas mauvais, à moins toutefois qu'elles ne séjournent trop longtemps en nous et que, par notre incurie et notre négligence, elles ne se changent en une autre sorte de pensées; c'est ce que nous éprouvons tous les jours. En effet, en méprisant les pensées oiseuses comme étant de fort peu d'importance, nous tombons dans les pensées honteuses et déshonnêtes. La seconde sorte de pensées n'est pas de la boue simple, mais, comme je l'ai déjà dit, c'est une boue tenace et limoneuse. Quant à la troisième sorte, il faut nous en garder, non pas seulement comme de la boue et du limon, mais comme d'un bourbier on ne peut plus immonde et fétide.

 

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