SERMON XXIV
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VINGT-QUATRIÈME SERMON. Utilité multiple de la parole de Dieu.

 

1. Vous n'avez point oublié, je pense, comment dans mon sermon d'hier j'ai attiré votre attention sur la nécessité pour nous de discerner les esprits, avec quel soin vous devez boucher profondément les oreilles de votre coeur contre les sifflements empoisonnés de l'antique serpent, et contre les chants mortels de la sirène, pour ne point entendre l'esprit de la chair, quand il vous parle le langage de la mollesse, ni l'esprit du monde quand il vous suggère des pensées de vanité, ni l'esprit de malice quand il vous pousse à l'amertume et sème le scandale. Mais il faut bien connaître en particulier les ruses de ce dernier esprit, il est important de ne point ignorer ses pensées. En effet, il arrive quelquefois à l'esprit malin, à l'esprit pervers de se transformer en ange de lumière, afin de faire plus de mal par la feinte de la vertu (II Cor. XI, 14). Eh bien, même dans ce cas, il ne cesse point, si vous y faites attention, de répandre encore des germes d'amertume et de discorde. En effet, aux uns il conseille des jeûnes singuliers, qui deviennent une occasion de scandale pour les autres. Ce n'est pas qu'il aime les jeûnes, mais c'est qu'il est charmé par le scandale. Il conseille ainsi une foule d'autres choses qu'on peut toutefois aisément discerner de la sagesse divine, si on a devant les yeux cette définition du bienheureux apôtre Jacques, qui nous dépeint ainsi la sagesse de Dieu: « La sagesse de Dieu premièrement est chaste, puis elle est pacifique (Jacob. III , 17). » Par conséquent, partout où ces deux qualités font défaut, il n'y a. pas de doute, on n'a qu'une sagesse bien éloignée de celle de Dieu. Quant à celle qui semble chaste et ne porte à aucun vice d'une manière ouverte, mais, au contraire, a tous les dehors de la vertu, vous pouvez la tenir pour venant de Dieu, si, de plus, elle est pacifique, si elle obtient l'approbation de votre supérieur, et de vos frères spirituels; car le Seigneur ne fera jamais quoi que ce soit sans le révéler à ses serviteurs.

2. Mais je vous ai dit, hier, en partie du moins, avec quelle dévotion, avec quelle humilité, avec quelle sollicitude on doit accueillir toute bonne pensée, comme la parole de la grâce divine, je veux essayer de vous en convaincre encore davantage aujourd'hui. En effet, « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent (Luc. XI, 28). » Voulez-vous savoir combien ils sont heureux en effet ? Eh bien, le premier effet de la parole de Dieu, quand elle se fait entendre à nos oreilles, c'est de nous troubler, de nous effrayer et de nous juger; mais aussitôt , si nous ne détournons point l'oreille, elle nous vivifie, elle nous fond, elle nous échauffe, elle nous éclaire et nous purifie. En un mot, la parole de Dieu est en même temps pour nous une nourriture et un glaive, un remède et un fortifiant, c'est même le repos, la résurrection, la consommation dans la gloire. Ne vous étonnez pas que la parole de Dieu se trouve être tout en tous, en ce qui concerne la justification, puisqu'elle doit être tout en tous pour ce qui est de la glorification. Que le pécheur entende la parole de Dieu, et il en est troublé jusqu'au fond des entrailles; à cette voix, l'âme charnelle est saisie de tremblement. En effet, cette parole vive et efficace scrute tous les secrets du tacot et les juge, elle sonde les cœurs et les pensées. Aussi, fussiez-vous mort par le péché, si vous entendez la voix du fils de Dieu, vous vivrez, car sa parole est esprit et vie. Si votre coeur est endurci, rappelez-vous ces mots de la Sainte Écriture : « Il lancera ses paroles et il les fera fondre (Psal CXLVII, 7), » et ceux-ci encore : « Mon âme s'est fondue au son de la voix de mon bien-aimé (Cant. V, 6). » Si vous êtes tiède et que vous craigniez d'être rejeté de la bouche de Dieu, ne vous éloignez pas de la parole, et elle vous embrasera; car sa parole est comme un feu brûlant; mais si vous gémissez sur les ténèbres de votre ignorance, écoutez ce que le Seigneur Dieu vous dira au fond de l'âme, et la parole du Seigneur sera la lumière de vos pieds, le phare de votre voie.

3. Mais peut-être votre douleur est-elle d'autant plus vive que vous voyez plus clairement vos moindres fautes même, à l'éclat de sa lumière. Mais le Père vous sanctifiera dans la vérité qui, après tout, n'est autre chose que sa propre parole, et vous mériterez de vous entendre dire comme les apôtres : « Vous êtes déjà purs à cause de la parole que je vous ai dite (Joan. XV, 3): » Et lorsque vous laverez vos mains avec les innocents, il vous tiendra prête une table servie en sa présence, afin que vous ne viviez pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, et que, dans la force que vous puiserez dans cet aliment, vous courriez dans la voie de ses commandements. Et là, s'il s'élève contre vous quelque camp ennemi et s'il vous faut livrer bataille, saisissez le glaive de l'esprit, qui n'est autre que la parole de Dieu, et, par lui, vous triompherez sans peine. Mais vous arrive-t-il d'être blessé dans la lutte, ce qui n'est point rare dans les combats, il vous enverra sa parole qui guérira votre blessure, et vous tirera des mains du trépas, en sorte que vous verrez s'accomplir en vous ce que demandait le centurion dont la foi a mérité de si grandes louanges, quand il disait : « Seigneur, prononcez une parole et mon serviteur sera guéri (Matt VIII, 8). » Enfin, si vous chancelez encore, confessez-le hautement, et écriez-vous : « Les pieds ont failli me manquer, et peu s'en est fallu que je ne tombasse (Psal. LXXII, 2), » il vous affermira par ses paroles, et vous apprendrez par expérience que c'est par la parole du Seigneur que les cieux ont été affermis, et que le souffle de sa bouche a produit toute leur force (Psal. XXXII, 6). »

4. Persévérez dans ces pensées, exercez-vous constamment dans ces pratiques jusqu'à ce que l'Esprit vous dise de vous reposer de vos travaux (Apoc. XIV, 13). Dans cette parole, vous goûterez un doux repos, vous trouverez un doux sommeil jusqu'à ce que vienne l'heure où tous ceux qui sont dans leurs tombeaux entendront la voix de Dieu, et en sortiront. Mais où iront-ils ? les uns au jugement et les autres à la vie éternelle. Or, qui sait s'il est digne de haine ou d'amour? C'est surtout alors, Seigneur, que je vous prie de vous souvenir de votre serviteur, de votre parole dans laquelle vous m'avez donné l’espérance qui fait que je ne crains pas les mauvais discours (Psal. CXI, 7). Bien plus, de bonnes paroles me conduiront à la vision quand vous direz : « Venez, les bien-aimés de mon père, etc. (Matt. XXV, 34) ; car quiconque m'aura confessé devant les hommes, moi je le confesserai devant mon père (Luc, XII, 8), » et ses anges. Que celui qui est établi le juge des vivants et des morts daigne nous accorder cette grâce. Ainsi soit-il (a).

 

a Dans le manuscrit de saint Evroul, ce sermon, à partir du n. 4, se termine ainsi : Mais en attendant, exercez-vous dans ces pratiques jusqu'à ce que la voix de Dieu, qui aide le combattant, appelle au repos le soldat triomphant, et se manifeste dans la gloire après avoir éclaté dans la puissance, alors que l'esprit vous dira de vous reposer do vos travaux (Apoc. XIV, 13). Un jour viendra aussi où votre corps lui-même ressuscitera de la poussière du sépulcre à cette voix, quand . ceux qui sont dans leurs tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu et sortiront de leurs sépulcres (Joan. V, 28). » Il est nécessaire aussi qu'il se souvienne alors pour son serviteur de la parole par laquelle il vous a donné l'espérance pour que vous ne craigniez point les mauvais discours, mais que vous n'entendiez que cette bonne parole : « Venez, les bénis de mon Père (Matth. XXV, 34). »

Voilà la voix qui conduit en face de Dieu où vous pourrez vous écrier : « Je vous ai entendu, ce qui s'appelle entendu, de mes propres oreilles, et maintenant je vous contemple de mes propres yeux (Job. XLII, 6). » Je ne pense pas que vous ayez regret alors d'avoir entendu ses menaces, supporté ses réprimandes et souffert ses remontrances qui étaient comme le chemin par où il vous montrait à chercher son salut. Puisqu'il en est ainsi et que la sainte- Ecriture, non moins que notre propre expérience, nous assure qu'il y a pour nous d’innombrables avantages à écouter la voix de Dieu, pourquoi, malheureux hommes que nous, sommes, nous, laisser distraire par tant de choses, et mendier des consolations fragiles? Comme si nous ne trouvions pas sous la main, sans aucune difficulté et dans la parole de Dieu qui est tout près de nous, dans notre bouche, dans notre coeur (Rom. VIII, 8), tout ce qui peut nous sauver, nous réjouir et nous combler de bonheur. C'est donc avec raison qu'il a dit : a Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent (Luc. IX, 28),  qui la gardent, dis-je, comme un dépôt bien précieux, en sorte qu'ils aient le coeur là où ils ont leur trésor.

Mais je veux vous dire en deux mots ce qui se présente à mon esprit comme étant nécessaire à cette garde. En premier lieu vous devez appliquer votre coeur à écouter bien attentivement ce que Dieu lui dira, à cause de ces paroles de l'Ecriture : « Quiconque l'ignora sera lui-même ignoré (I Cor. XIV, 38). » Ensuite accomplissez ce qui a été dit, attendu que . celui qui connaît le bien et ne le fait pas est plus coupable qu'un autre (Jacob. IV, 17). Enfin souffrez avec patience toutes ces adversités, attendu que la parole de Dieu ne vous dit pas seulement ce que vous devez faire, mais encore ce que vous, devez souffrir. A proprement parler, le vrai culte de latrie, le culte qui n'est dû qu'à Dieu, consiste donc à bien comprendre sa volonté, et, selon la nécessité, à l'accomplir avec force ou à la supporter avec patience.

 

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