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QUARANTE-QUATRIÈME SERMON (a). De ceux en qui les mystères de Jésus-Christ ne semblent pas encore accomplis.
1. Tout ce que nous lisons de notre Seigneur doit servir à la guérison de nos âmes; prenons donc garde qu'on ne dise un jour de nous « Nous avons prodigué nos soins à Babylone, et elle ne s'est point guérie (Jer. LI, 9). » Que chacun de nous réfléchisse sur les effets que produisent en nous des remèdes si salutaires. Il y en a en qui Jésus-Christ n'est pas encore né, il y en a en qui il n'a pas encore souffert, et enfin il s'en trouve en qui il n'est point encore ressuscité. Pour d'autres il n'est pas encore monté aux cieux et il n'a point encore envoyé le Saint-Esprit. Or, comment opère l'humilité de celui « qui, ayant la forme et la nature de Dieu, n'a point cru que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à Dieu; mais qui s'est anéanti lui-même en prenant la forme et la nature de serviteur (Philipp. II, 6)? » Comment, dis-je, l'humilité d'un Dieu opère-t-elle dans un homme superbe? Comment retrouver lés vestiges de cette humilité dans ceux qui soupirent encore de toute la force de leurs désirs après les richesses et les honneurs de la terre? Est-ce que votre âme , mes frères, ne s'épanouissait point tout à l'heure à la joie, quand vous pouviez dire : « Un petit enfant nous est né (Isa. IX, 6) ? » Il en est pour qui le Christ n'a pas encore souffert, qui fuient le travail, et craignent la mort jusqu'à présent, comme s'il n'avait pas lui-même vaincu la peine en supportant la peine et la mort, en mourant. 2. Il y en a pour qui il n'est pas ressuscité; ce sont ceux qui se meurent toute la journée dans l'anxiété et dans l'affliction de la pénitence, et n'ont point encore reçu de consolation. Si ces jours d'épreuves n'avaient pas été abrégés, qui est-ce qui aurait pu les passer? Pour d'autres, le Christ est ressuscité, mais n'est pas encore monté au ciel, ou plutôt il en est avec qui, par une douce charité, il demeure encore sur la terre. Ce sont ceux qui tout le jour dans la dévotion, pleurent dans leurs prières, soupirent dans leurs méditations; tout est joie et fête pour eux, et tant que durent ces jours, ils ne cessent de chanter l'Alleluia. Mais il faut que le lait leur soit refusé et qu'ils apprennent à
a Dans les manuscrits, ce sermon est le troisième des sermons de Pâques.
se nourrir d'un aliment plus fort. Il leur est avantageux que le Christ s'en aille, et que cette dévotion temporelle leur soit ravie. Mais quand pourront-ils le comprendre? Ils se plaignent d'être abandonnés du Seigneur, et privés de sa grâce. Mais qu'ils attendent un peu, qu'ils s'asseoient dans la cité, jusqu'à ce qu'ils soient revêtus d'en haut, d'une sorte de vertu plus solide, et qu'ils reçoivent les dons les plus précieux du Saint-Esprit, de même que les apôtres furent élevés à un degré plus haut, et s'engagèrent dans la voie suréminente de la charité, sans se mettre en peine dès lors du faible don des larmes, mais en ne songeant plus qu'à la manière de triompher comme par une grande victoire de l'ennemi commun et de fouler Satan sous leurs pieds.
FIN DU TROISIÈME VOLUME.
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