SERMON XVIII
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DIX-HUITIÈME SERMON. De la joie spirituelle, sur ces paroles de l'Apôtre: « Le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire et le manger, etc. (Rom. XIV, 17). »

 

1. Pourquoi nous éloignons-nous de la route, nous qui courons après la joie! Sans doute on se réjouit ans le royaume de Dieu, mais cette joie n'est pas la première. La joie qu'on goûte dans le royaume de Dieu n'a rien de charnel, rien de mondain, ce n'est pas une joie qui à la fin se change en deuil, mais une joie -en laquelle la tristesse elle-même finit par se changer, car ce n'est pas la joie de ceux qui se réjouissent quand ils ont mal fait, ni l'allégresse qu'ils ressentent dans les pires choses, mais c'est une joie qu'on ressent dans le Saint-Esprit. D'où vient une pareille joie, sinon de la justice et de la paix de l'âme ? Que celles-ci donc s'écoulent comme le miel coule de ses cellules, afin qu'il soit plus facile d'en recueillir la douce liqueur, pendant qu'elle est fluide encore, dans des vases plus solides. Un jour viendra où nous mangerons le miel dans toute sa pureté, alors notre joie sera pleine et entière,et nous nous réjouirons non-seulement dans le Saint-Esprit, mais encore par la vertu du Saint-Esprit. Oui, un jour viendra où nous goûterons une joie spirituelle complète, qui ne prendra plus sa source dans des motifs corporels, ni dans les oeuvres de miséricorde, ni dans les larmes de la pénitence, ni dans la pratique de la justice, ni dans les épreuves de la patience, mais bien plutôt dans la présence du Saint-Esprit, sur qui les anges mêmes brûlent du désir de fixer leurs regards. Sans douté, en attendant, la sagesse me tient lieu de sel, et assaisonne le reste comme si elle n'était pas elle-même un aliment, oui, en attendant, je soupire après ma réfection, car je n'ai pas même le loisir maintenant d'avaler ma salive. En effet, il y a le sage qui trouve aux choses le goût qu'elles ont, quant à celui qui trouve, à la sagesse elle-même, le goût qui lui est propre et qu'elle a en effet, celui-là non-seulement est sage mais de plus il est heureux; car c'est là proprement voir Dieu tel qu'il est, et ce qu'on entend par le fleuve de délices dont le cours réjouit la cité de Dieu, par le torrent de volupté, et l'abondance enivrante de sa maison.

2. Mais à présent, Seigneur, voici que le vin fait défaut; oui le vin manque à ces noces, je veux dire le vin des désirs charnels et des concupiscences mondaines. Il est dit : « Le fiel des dragons, et le venin des aspics dont la morsure est incurable, voilà leur vin à eux (Deut. XXXII, 33). » Ah, mes frères, puisse ce vin nous faire constamment défaut, car ce n'est point là de bon vin. Le bon vin ne se récolte pas dans les vignes de l'iniquité, on ne le puise que dans les urnes de la purification. Ce n'est point avec le raisin de Gomorrhe, mais avec l'eau de la Judée qu'il se, fait. « Vous avez conservé le bon vin jusqu'à cette heure (Joan. II, 10), » disait le maître d'hôtel de l'Évangile. Et, en effet, c'est le meilleur vin qui se trouve réservé jusqu’à présent, je veux parler non pas de celui qui se fait avec de l'eau, mais bien de celui qui s'exprime des grandes grappes de raisin de la terre promise, qu'on est obligé de porter en attendant, dans des voiturés, tant que nous ne connaissons que Jésus-Christ et même que Jésus-Christ crucifié. Est-ce que le vin ne faisait point défaut ainsi à celui qui, s'écriait : «Mon âme a refusé toute consolation (Psal. LXXVI)? » Mais il semble avoir goûté de l'eau changée en vin quand il ajoute : « Je me suis souvenu dit Seigneur, et me suis trouvé dans les délices. » En effet, que n'éprouve-t-on point en la présence de celui dont le seul souvenir est plein de délices? C'est de la même manière que les apôtres ont aussi goûté de l'eau qui avait été changée en vin, quand « on les vit sortir du conseil pleins de joie, parce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus (Act. V, 41). » N'est-ce pas. en effet, du vin qui vient de l'eau, que la joie qui naît des opprobres C'était l'accomplissement des promesses de la Vérité qui leur avait dit : «Votre tristesse se changera en joie (Joan. XVI, 20), » c'est-à-dire, votre eau se change en vin. Vous vous étonnez que de l'eau devienne du vin? Mais elle devient même du pain, car vous n'avez pas oublié sans doute de manger votre pain, ce pain dont il est dit : « Vous nous pourrirez d'un pain (le larmes, et vous nous ferez boire l'eau de nos pleurs avec abondance (Psal. LXXIX, 6). » Et la table quelle est-elle ? Ecoutez, le voici : « Il y avait six urnes de pierres placées là pour les purifications des Juifs (Joan. II, 6). » Si vous êtes un vrai Israélite, un Israélite non point selon la chair, mais selon l'esprit , vous serez six ans entiers au service du Seigneur, et la septième année vous serez libre ; vous vous purifierez dans six urnes ; vous travaillerez pendant six jours, vous serez délivré après six épreuves, et le septième jour le mal n'approchera pas, de vous. Non-seulement vous serez délivré dans ces six urnes, mais même vous boirez un vin que vous puiserez en elles, quand vous commencerez, selon le conseil de l'Apôtre, à vous glorifier non pas seulement dans vos espérances, mais même dans vos tribulations (Rom. V, 3).

3. Voilà en effet, les deux sortes de joie qu'on goûte dans le Saint-Esprit, l'une a la pensée des biens de la vie future, l'autre dans le support des maux de là vie présente. II n'y a là rien de charnel, rien de mondain, rien qui sente la vanité, il n'y a que l'esprit de vérité, la sagesse céleste même dont la douceur se fait sentir également dans la pensée des biens futurs, et dans le support des maux présents. L'Apôtre a dit: «Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, oui je vous le répète, réjouissez-vous; » et, nous faisant connaître aussitôt quels sont les motifs de cette double joie, il continue en ces termes : et Que votre modestie soit connue de tous -les hommes, le Seigneur est proche (Philipp. IV,  4 et 5). » Or, que faut-il entendre par cette modestie, sinon la patience et la mansuétude? Réjouissons-nous donc à la :pensée des choses que nous espérons, car le Seigneur est proche. Oui, je vous le redis, réjouissons-nous des choses que nous avons à souffrir, pour que notre modestie soit connue de tous, car, selon l'Apôtre : « La tribulation produit le, patience, la patience l'épreuve et l'épreuve l'espérance, or cette espérance ne nous trompe point (Rom. V, 4).»

4. Mais pour que notre coeur devienne capable de ressentir cette double joie spirituelle, il y a deux choses également nécessaires pour pratiquer la justice et pour conserver la paix, deux choses que la Sainte-Écriture nous recommande avec instance.. Ainsi l'exercice de la justice semble se renfermer tout entier dans le double précepte de ne point faire aux autres ce que nous ne voudrions point que les autres nous fissent, selon la recommandation que l'Apôtre en fait aux Gentils, dans sa lettre, et selon le précepte même du Seigneur qui a dit à ses propres apôtres : « Faites aux hommes tout ce que vous voulez qu'ils vous fassent (Matt. VII, 11, et Luc. VI, 31). » D'ailleurs, comme nous péchons tous en bien des choses, il est impossible que dans ce lieu et ce temps de scandales , car les anges qui doivent les arracher tous du royaume de Dieu, ne sont pas encore venus s'acquitter de leur mission, et nous ne somme pas encore citoyens de l'heureuse cité jusqu'aux conflits de laquelle le Seigneur fait reposer la paix, il est impossible, dis-je, que nous réussissions à conserver ici-bas une paix inaltérable entre nous, si celui à qui il arrive par hasard de blesser son frère ne prend garde de ne pas se laisser aller à des sentiments pleins de hauteur et d'animosité, en même temps que celui qui se sent blessé fait en sorte de ne pas se montrer inexorable.

5. Etudions-nous donc, mes frères, à nous montrer aussi humbles pour donner satisfaction à ceux qui ont quelque chose à nous reprocher, que faciles à pardonner à ceux qui nous ont offensés, attendu que, non-seulement la conservation de la paix entre nous est à ce prix, mais encore parce que, sans cela, nous ne saurions nous rendre Dieu même propice, il ne veut point, en effet, recevoir le présent que lui offre l'homme qui n'a pas commencé par aller se réconcilier avec son frère (Matt. V, 24), et il réclame rigoureusement le paiement de la dette qu'il avait d'abord remise à son serviteur quand il voit qu'il ne fait pas grâce lui-même à son compagnon, de ce qu'il lui doit. Mais si nous avons ces trois choses en nous, la. justice, la paix et la joie dans le Saint-Esprit, n'en soyons pas pour cela peins d'assurance que le royaume de Dieu est en nous, mais au contraire, travaillons à l'oeuvre de notre salut avec plus de crainte et de tremblement, nous souvenant que nous ne portons encore ce précieux trésor que dans des vases de terre faciles à se briser.

 

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