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VINGT-DEUXIÈME SERMON. Les quatre dettes.
1. Mes frères, vous êtes dans la voie qui conduit à la vie, dans la voie droite et sans souillures qui mène à la sainte cité de Jérusalem, je veux parler de la Jérusalem qui est libre, qui est d'en haut, qui est notre mère enfin. La montée qui y mène est ardue sans doute, car elle est tracée dans le roc vif qui couronne la montagne où elle est. assise ; mais il est, pour y aller, nue voie plus courte qui diminue, qui fait même disparaître entièrement ce que la fatigue de la route a de grand. Pour vous, vous marchez, ou plutôt vous courez dans cette voie, avec une heureuse facilité, et avec une facile félicité, parce que vous avez mis bas tout fardeau pesant, vous vous êtes ceint les reins et ne portez plus rien de lourd sur vos épaules. Il n'en est pas ainsi pour .tout le monde; non il n'en est pas ainsi pour ceux qui, par exemple, traînant derrière eux de vrais quadriges avec tout leur pesant attirail, veulent faire le tour de la montagne ; la plupart du temps ils tombent de ses flancs ardus au fond des précipices, en sorte que c'est à peine s'ils peuvent trouver la fin de leur vie. Heureux donc êtes-vous, vous qui avez quitté tout ce que vous possédiez sans aucune exception, et qui vous êtes quittés vous-mêmes, vous préparez et aplanissez la voie sur la crête même de la montagne, à celui qui la gravit, vers le couchant, le Seigneur est son nom (Psal. LXVII, 4). Les autres, au contraire, même après avoir quitté l'Égypte, n'en soupirent pas moins du fond de l'âme après tout ce qui tient à l'Égypte, et ils n'ont pas pu trouver la route qui conduit à la cité où ils pourraient habiter (Psal. CV, 4). Accablés sous le pesant fardeau de leur volonté propre, ils tombent soit avec, soit sous le faix qu'ils portent, et ne peuvent, qu'à grand'peine, atteindre au but qu'ils se proposent. 2. Mais quoi, et de cela rendons-en grâce à celui par la grâce de qui il en est ainsi, votre vie n'est elle pas la reproduction de la vie des apôtres (a) mêmes? Ils ont tout quitté, et, réunis sous les yeux du Sauveur, et à son école, ils ont puisé avec joie des eaux pures à sa fontaine (Isa. XII, 3), ils ont bu la fontaine de la vie à cette fontaine même. Heureux les yeux qui virent ces merveilles. Mais vous, mes frères, D'avez-vous pas fait quelque chose d'analogue, non pas en sa présence, mais en son absence, non pas à sa voix, mais à la voix de ses messagers ? Revendiquez pour vous la prérogative d'avoir cru sur la parole
a Saint Bernard explique sa pensée plus loin dans le vingt-septième de ses Sermons divers, n. 3 et dans le trente-septième n. 7.
de ceux qui vous ont parlé de sa part, tandis que c'est au Sauveur lui-même qu'ils voyaient de leurs yeux et dont ils entendaient la voix, que les apôtres ont cru- C'est pourquoi, mes très-chers frères, demeurez fermes comme eux dans le Seigneur (Philip. IV, 1), et, de même qu'ils se sont maintenus dans la voie royale de sa justice, malgré les souffrances de la faim et de la soif, malgré le froid et la nudité, au milieu des fatigues et des jeûnes, dans les veilles et les autres observances, ainsi estimez-vous en quelque sorte semblables à eux, sinon par vos mérites, du moins par votre genre de vie, et dites au Seigneur votre Dieu quand vous vous présenterez au pied du trône de sa gloire : « nous nous sommes réjouis à proportion des jours où vous nous avez humiliés, et des années où nous avons éprouvé des maux (Psal. LXXXIX, 17). » Je vous dis en vérité que vous êtes dans la vérité, dans la voie droite, dans la voie sainte, dans la voie qui mène au saint des saints. Je mentirais, je le dis pour votre consolation, je mentirais, si je niais que des âmes de religieux profès, de novices et de convers se sont envolées des mains d'un pauvre pécheur, comme moi, vers les joies du ciel, aussi libres que libérées de la prison de notre mortalité. Si vous me demandez comment je le sais, sachez qu'il m'en a été montré et donné des signes très-certains. 3. Je n'ai donc rien à craindre pour vous, et, à votre place, des forces de Satan et de ses ministres; car je sais que toute sa puissance a été amincie et réduite à rien par les blessures du Rédempteur. En effet, c'est dans un esprit de force que ce plus fort a vaincu le fort armé et brisé ses portes d'airain et leurs gonds de fer. Ce que je crains pour vous, ce sont ses ruses et ses finesses dont il n'ignore pas l'efficacité contre la fragilité humaine; de quelque côté qu'elle se tourne, il la connaît, en effet, en partie, par l'expérience qu'il en a faite, depuis tant de milliers d'années. Voyez, en effet, ce ne sont ni les ours, ni les lions, ni les plus forts animaux de la création que cet homicide insatiable a envoyés à nos premiers parents, mais le serpent, un animal tortueux et rusé, qui, dans ses replis multipliés, recouvre tantôt sa tête de sa queue, et tantôt sa queue de sa tête. D'ailleurs le serpent n'était pas le plus fort, « mais le plus rusé de tous les animaux de la terre (Gen. III, 1), » au dire de. l'Écriture. Aussi, est-ce par une question qu'il commence, pour sonder les dispositions de la femme; il savait qu'il avait plutôt besoin d'esprit que de force pour vaincre.. Pourquoi, dit-il, le Seigneur vous a-t-il défendu de manger du fruit de l'arbre du bien et du mal ? De peur que peut-être nous ne mourrions, répondit-elle, en donnant pour douteux, « de peur due nous ne mourrions, » ce que le Seigneur avait présenté comme une chose très-certaine, en disant : « Le jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort. » Nullement, dit le serpent, vous ne mourrez pas (Ibidem, 2). » Dieu affirme, la femme doute, et Satan nie. Voilà pourquoi j'appréhende aussi que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, vos esprits aussi ne se corrompent et ne dégénèrent de la pureté qui est en Jésus-Christ (II Cor. XI, 3). 4. Pensez-vous qu'il s'en trouve parmi vous à qui Satan suggère aussi cette pensée à l'esprit : Pourquoi Dieu vous a-t-il ordonné de suivre cette règle? Et, selon la pente de votre esprit, si vous êtes tiède, il vous conseille le relâchement; si vous êtes fervent, il vous propose une vie plus sévère, il ne demande et n'attend qu'une chose, c'est, n'importe par quel moyen, de vous enlever de l'assemblée des justes, et de vous séparer de leur troupe. Il est bien certain que l'esprit qui vous suggère ces pensées est un esprit de mensonge, et un esprit puissant qui porte envie à votre place. Aussi, le Sage qui n'ignorait pas cela, a-t-il dit : « Si l'esprit de celui qui a la puissance s'élève contre vous, ne quittez point votre place (Eccli. X, 4). » N'allez pas croire, en effet, que l'esprit de vérité qui vous a conduits ici, veuille vous en éloigner ; car on ne saurait trouver sur ses lèvres le oui et le non, on n'y trouve que le oui, selon le témoignage d'une irréprochable autorité. «Personne, dit l'Apôtre, parlant par l'esprit de Dieu, ne dit anathème à Jésus (I Cor. XII, 3). » Jésus signifie sauveur ou salut; anathème veut dire séparation. Celui donc qui va murmurer à votre oreille des conseils de vous séparer du salut, ne saurait être l'esprit de Dieu, ni lin esprit envoyé de sa part. L'esprit de Dieu ne vient pas dissiper, mais réunir, il ne cesse de rappeler dans leur patrie les enfants d'Israël qui sont dispersés. 5. Mais si c'est une vie plus austère que recherche ce religieux, que direz-vous? Je vous répondrai que celle que nous avons embrassée, est très-forte et répond, en tout point, autant que possible, si on ne ferme pas les yeux à la lumière, pour ne pas le voir, à la première école du Sauveur. Mais au contraire, osez-vous bien descendre, en pensée , à un état de vie moins austère ? O si vous pouviez savoir, mes frères, de combien de choses, et à combien de créanciers vous êtes redevables ? vous verriez que ce que vous faites n'est rien, et qu'on ne saurait le mettre en ligne de compte, en présence de vos dettes. Voulez-vous savoir (a) ce que vous devez, et à qui vous le devez ? Et d'abord, vous devez votre vie tout entière à Jésus-Christ, attendu qu'il a lui même donné la sienne pour vous, et qu'il a souffert d'amers tourments pour que vous n'en souffriez point d'éternels. Que pourrez-vous trouver de dur et de pénible, quand vous vous rappellerez, qu'étant en la forme de Dieu, aux jours de son éternité, engendré avant Lucifer, dans la splendeur des saints, splendeur lui-même, et figure de la substance de Dieu, il est venu dans votre prison; il s'est plongé jusqu'au cou, comme on dit, dans votre limon? Qu'est-ce qui ne vous semblera point doux, quand vous vous représenterez à la fois toutes les amertumes de Votre Seigneur, et quand vous vous rappellerez d'abord les nécessités (b)
a Ce passage se trouve reproduit deus le livre IX des Fleurs de saint Bernard, chapitre XI. b Saint Bernard s'est exprimé dans les mêmes termes dans. son sermon du mercredi saint n. II, et dans le quarante troisième sermon sur le Cantique des cantiques, n. 3. C'est ainsi qu'il répète quelquefois, certaines de ses pensées, comme nous avons vu plus haut quil la fait en particulier dans son sermon sur saint Matthieu, n.5.
des jours de son enfance, ensuite les travaux de sa prédiction, les fatigues de ses courses, les tentations qui suivirent ses jeûnes, ses veilles dans les prières, ses larmes de compassion, et les embûches qui lui étaient dressés dans ses entretiens avec les hommes, puis ses périls de la part des faux frères, les sarcasmes , les crachats, les soufflets, les fouets , les dérisions , les moqueries, les reproches, les clous, et le reste qu'il fit ou souffrit sur la terre, pendant trente-trois ans, pour notre salut? Quelle pitié, et combien peu nous l'avions méritée, quel amour, et combien gratuit, comment prouvé ! quel honneur , et combien inopiné ! quelle douceur étonnante, quelle mansuétude invincible! Le roi de gloire, mis en croix pour un si méprisable esclave, pour un misérable ver de terre ! Qui a jamais entendu parler de pareilles choses, ou qui a jamais vu rien de semblable ? Car c'est à peine si quelqu'un voudrait mourir pour un juste (Rom. V, 7), et lui meurt pour des hommes injustes , pour ses ennemis: par choix, il s'exile du ciel, afin de nous ramener au ciel, comme un ami, plein de douceur, un conseiller plein de prudence, un soutien plein de force. 6. Que rendrai-je donc au Seigneur, pour tout ce qu'il m'a donné? Si je réunissais en moi toutes les vies des enfants d'Adam, tous les jours du siècle, et tous les travaux des hommes, tant de ceux qui ont été ou qui sont encore, que de ceux qui seront, ce ne serait rien, en comparaison de ce corps qui attirait les regards et. l'admiration des Vertus d'en haut par sa conception du Saint-Esprit, sa naissance de la vierge Marie, l'innocence de la vie, la prédication de sa doctrine, l'éclat de ses miracles et. la révélation des mystères. Ne voyez-vous pas que sa vie est élevée au dessus de la nôtre, autant que les cieux le sont au dessus de la terre ? et cependant il l'a donnée pour la nôtre. De même qu'il n'y a pas de comparaison possible entre le néant et ce qui est, ainsi n'y a-t-il aucune proportion à établir entre notre vie et la sienne, puisqu'il ne s'en peut voir de plus estimable que la sienne, ni de plus misérable que la nôtre. Ne pensez pas que c'est ici une exagération oratoire, car, en ces matières, la langue manque d'expressions, et 1'il de puissance, pour contempler le mystère d'une telle grâce. Quand je lui donnerais tout ce que j'ai, tout ce que je peux, tout cela n'est-il pas, en comparaison, comme une étoile par rapport au soleil, comme une goutte d'eau en regard d'un fleuve , comme une pierre auprès d'une tour, comme un grain de poussière auprès d'une montagne, comme un grain de blé, en face d'un monceau de grains semblables ? Je n'ai que deux petites, que dis-je, que deux très-petites choses à moi, mon corps et mon âme; disons mieux, je n'ai qu'une seule toute petite chose, ma propre volonté, et je ne la sacrifierais pas à la volonté de celui qui, si grand lui-même, a comblé de si grands bienfaits un être aussi petit que moi, et qui m'a acheté tout entier, en se donnant tout entier lui-même? Autrement, si je la retiens pour moi, de quel front, de quels yeux, de quel esprit, avec quelle conscience irai-je me réfugier dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu , oserai-je percer ce très-fort rempart qui protège Israël, et faire couler, pour mon rachat, non point quelques gouttes, mais des flots de sang des cinq parties de son corps? O génération perverse, ô enfants infidèles ! Que ferez-vous le jour où le malheur fondra de loin sur vous ? A quel refuge aurez-vous recours ? 7. Mais ne suis-je débiteur qu'envers celui-là seul à l'égard de qui je puis à peine m'acquitter quelque peu ? Mes péchés passés réclament tout le reste du temps que j'ai encore à vivre, pour faire de dignes fruits de pénitence, et pour repasser toutes mes années dans l'amertume de mon âme. Or, quel homme est capable de cela? Mes péchés sont plus nombreux que les sables de la mer, ils se sont multipliés, et je ne suis pas digne de voir la hauteur des cieux, à cause de la multitude de mon iniquité, tant j'ai ému votre colère, Seigneur; tant j'ai fait de niai sous vos yeux. « Je me trouve entouré de maux innombrables, mes iniquités m'ont enveloppé, et il m'a été impossible d'en compter le nombre (Psal. XXXIX, 16). » Comment, en effet, pourrais-je nombrer ce qui est innombrable? et comment pourrais-je satisfaire pour elles, si je suis contraint de rendre jusqu'à la dernière obole ce que je dois? D'ailleurs, où est l'homme qui connaît toutes ses fautes (Psal. XVIII 13)? La trompette (a) céleste; saint Ambroise; nous dit : « J'ai plus facilement trouvé des gens qui ont conservé leur innocence, que des hommes qui aient fait, de leur faute, une pénitence convenable ( S. Amb. l. II, de punit. C, X). » Si fortement que je me repente, si rudement que je me mortifie; et si vivement que je m'afflige, « ce n'est toujours que pour la gloire de votre nom que vous pardonnerez mon péché, Seigneur, selon le mot du juste, parce que ce nom est grand (Psal. XXIV, 11). » Ainsi, soit que vous viviez, soit que vous soyez sage, quoi que vous ayez, quoi que vous puissiez en le consacrant à cette oeuvre de pénitence, faut-il en tenir quelque compte ? Il n'y a qu'un instant vous donniez votre vie tout entière à Jésus-Christ en reconnaissance de ce qu'il vous a donné la sienne, et voilà que maintenant le souvenir de toutes vos iniquités passées la réclame encore toute entière. Avez-vous la pensée de vous faire, comme on dit, deux gendres quand vous n'avez qu'une fille? 8. Mais que sera-ce si je vous montre un troisième créancier qui réclamera votre vie tout entière pour lui seul, avec non moins de titre que d'exigence? Je pense que vous avez le désir de posséder un jour cette cité dont il a été parlé en ces termes : « On a dit de vous des choses glorieuses, ô cité de bien (Psal. LXXXVI, 2) ; » cette gloire que l'oeil n'a point vue, que l'oreille n'a point entendue, et que le coeur de l'homme n'a jamais conçue (I Cor. II, 9), le royaume des cieux, en un mot; la vie éternelle et dans de perpétuelles éternités. Je crois que vous voulez, être égal aux anges, dans les places de la céleste Sion, et voir, quelque chose qu'il faille entendre par là, le Christ remettre le royaume à son
a C'est ainsi que dans sa lettre cinquante-sixième, saint Bernard appelle aussi la bouche de saint Norbert, une trompette céleste.
Père, et Dieu être tout en tous; vous voulez enfin être semblable à Dieu et le voir tel qu'il est. Je ne doute pas non plus que vous n'ayez le désir de contempler la décroissance des ombres et le lever du jour, alors que brillera le jour solennel qui doit dissiper tous les nuages. Alors, le jour n'aura plus de déclin, ce sera un éternel midi. Alors, dis-je, on sera en pleine lumière, en pleine chaleur, le soleil demeurera immobile à sa place, les ténèbres seront exterminées, les marécages seront desséchés, et tous les miasmes qui s'en élèvent, dissipés. Est-ce que pour acquérir cela c'est trop de vous donner tout entier, avec tout ce que vous pourrez réunir à votre personne, de quelque côté que vous le tiriez ? Et même quand vous aurez tout réuni, n'allez pas croire que les souffrances de la vie présente, ou du corps, aient quelque proportion avec la gloire qui sera un jour manifestée en nous (Rom. VIII, 48). Seriez-vous donc si impudent, ou si imprudent, que vous osassiez compter, pour acquérir tout cela , sur le petit bien qui vous appartient, et que, soit la vie du Christ, soit la pénitence de vos péchés, réclament à l'envie pour elles-mêmes ? 9. Mais que direz-vous si je vous amène un quatrième créancier, qui, à raison même de son privilège, a le droit de vous réclamer avant les trois premiers ? Voici que celui qui a fait le ciel et la terre se tient là à la porte; il est votre Créateur, et vous sa créature; vous êtes le serviteur, et lui, le Seigneur; il est le potier et vous le vase sorti de ses mains; par conséquent, vous lui devez tout ce que vous êtes, puisque c'est de lui que vous tenez tout, c'est lui surtout qui est le Seigneur, qui vous a fait, et qui vous a comblé de bienfaits, qui a établi pour vous le cours des astres, la tempérie de l'air, la fécondité de la terre, et l'abondance de ses fruits. C'est donc lui que vous devez, en effet, servir de toute l'ardeur de vos entrailles, et de toutes vos forces, si vous ne voulez point qu'il jette sur vous un regard d'indignation et de mépris, et qu'il vous écrase à jamais pour les siècles des siècles. Je ne puis croire que vous soyez assez insensé pour oser, je ne dis pas compter pour quelque chose, mais seulement nommer le peu qui est à vous. Dites-moi auquel de ces quatre créanciers vous avez l'intention de payer votre dette ; chacun d'eux est si pressant (a) qu'il pourrait vous étouffer. Ah ! Seigneur, je souffre des maux d'une violence extrême, répondez-moi (Isa. XXXVIII, 14) ! Seigneur, je remets mon faible avoir entre vos mains, payez tous mes créanciers, délivrez-moi de toutes leurs poursuites, car vous êtes un Dieu non point un homme, et ce qui est impossible à l'homme ne saurait l'être pour vous. Quant à moi, j'ai fait tout ce qu'il était en mon pouvoir de faire, Seigneur, excusez-moi, car vos yeux ont vu toute mon insuffisance. Où donc est l'homme qui murmurerait encore entre ses dents, et dirait : Nous avons trop travaillé, trop jeûné, trop veillé, quand il est hors d'état de donner un pour mille, que dis-je, hors d'état d'acquitter la plus minime partie de ce
a Plusieurs éditions donnent ici une leçon un peu différente et font dire à saint Bernard: . chacun d'eux, tant celui du dedans que du dehors est un créancier pressant..
qu'il doit ? Voilà peut-être bien, mes frères, votre vraie quadragésime, la quadragésime non point extérieure, mais intérieure, qui ne renferme pas seulement l'écorce extérieure du grain de blé, mais qui en contient la riche substance. Si vous devez à chacun de ces quatre créanciers par soi et pour soi, toute la perfection du décalogue, il est évident que multipliés par dix, ils font la quadragésime que vous devez observer tous les jours de votre vie. Que celui qui vous a réunis en ce lieu, conserve votre vie dans son oeuvre sainte, afin que lorsqu'il apparaîtra, lui qui est votre vie, vous apparaissiez, vous aussi, avec lui dans la gloire.
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