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LE BIENHEUREUX GUERRIC. ABBÉ D'IGNY.
APPENDICE AU TOME VII DES OEUVRES DE SAINT BERNARD, ABBÉ DE CLAIRVAUX RENFERMANT LES SERMONS DE GUERRIC, ABBÉ DIGNY, SON DISCIPLE : LES LETTRES DE GUIGON, CINQUIÈME PRIEUR DE LA GRANDE CHARTREUSE, ET DIVERS AUTEURS QUI ONT ÉCRITS SUR LES ACTIONS DE SAINT BERNARD.
LE BIENHEUREUX GUERRIC. ABBÉ D'IGNY.
Extrait du livre des comm. de Citeaux, dist. 3. c. 7.
Guerric, de sainte mémoire, autrefois abbé d'Igny, fut moine à Clairvaux, sous la conduite de saint Bernard, et, allaite aux royales mamelles de sa sainte doctrine, il ne se montra point, dans sa vie et dans ses moeurs, fils indigne d'un tel père. Il avait appris à s'élever d'autant plus haut vers les cimes de la perfection, que dans le secret de sa conscience il se glorifiait davantage, par la grâce de Dieu, du don de la pureté. Car, ainsi que le déclaraient ceux à qui il avait été donné de connaître l'intérieur d'un si grand personnage, il conserva, sans tache, jusqu'à la fin de la vie, la robe d'innocence. Le Seigneur déclara manifester par des marques glorieuses et éclatantes, combien sa vie avait été pure, et combien sans souillure l'encens de la dévotion que tous les jours il avait fait consumer sur l'autel de son coeur. Par la suite des temps, Guerric devint abbé d'Igny, « au diocèse de Reims, après Humbert, homme d'une piété remarquable dont il est question dans les sermons de saint Bernard. » Il n'appartient pas à notre faiblesse de dire comment il se conduisit dans ce poste, avec quelle énergie il remplit l'office qu'on lui avait confié. Ce qui lui causait une tristesse excessive et ce dont il s'humiliait beaucoup, c'est que sa mauvaise santé le contraignait de quitter presque tous les jours la société de ses frères et de coucher à l'infirmerie; et qu'il ne pouvait, ainsi donner â la communauté l'exemple du travail quotidien. Mais ce qui lui manquait du côté des exercices du corps, il le remplaçait par les sentiments d'une piété sincère et par un ardent amour de Dieu. Il se plaint lui-même dans un sermon de sa faiblesse et de son insuffisance, en ces termes : Mes amis sont venus à moi, mais je n'ai rien à leur servir. Combien ses paroles furent remplies d'une sainte doctrine, les discours agréables, savants et véritablement spirituels, qu'il prêcha aux principales solennités, dans l'assemblée de ses frères, et qui furent recueillis par un chantre de la même église, le montrent évidemment.
Du même livre et distinct. Ch. 8.
Lorsque le fidèle serviteur de Dieu, Guerric, après avoir distribué avec beaucoup de soin la parole du Seigneur à ses frères, était sur le point de passer de ce monde à son Père, saisi par la maladie, et son mal redoublant d'intensité, il fut réduit à l'extrémité. Il parcourut avec attention les secrets de sa conscience, de peur qu'il ne s'y trouvât quelque action moins droite, ayant échappé à la correction, qui offensât le souverain juge et ne fournit aux malins esprits occasion de l'attaquer; il se souvint du livre des discours qu'il avait composés, et se rappela en même temps que les Pères avaient réglé que nul religieux ne devait composer de livres sans la permission du Chapitre général. Il gémit beaucoup, et ayant convoqué les frères, il leur dit : Mes frères, moi qui devais veiller à votre progrès, et obéir à vos demandes, voilà que j'ai commis le crime de désobéissance, qui, au témoignage de Samuel, est comme le péché d'idolâtrie. J'ai eu la hardiesse de publier témérairement, sans la permission du Chapitre général, le livre des sermons que j'âi dictés à votre prière. C'est pourquoi, apportez-le au plus tôt, et brûlez-le, afin que je ne sois pas livré aux flammes de l'enfer en punition de ma désobéissance. Mais il arriva, par une disposition de la Providence de Dieu, que ce livre était transcrit sur d'autres parchemins. Dieu avait veillé en ceci et en notre faveur pour le bien, et pour éviter que la sainte Église, et l'ordre de Cîteaux surtout fussent privés du bienfait d'une si grande érudition. Car, par un admirable tempérament, en ce livre, la science de la lettre et l'humilité de la simplicité chrétienne brillent tellement réunies, que non-seulement il n'est pas fatigant à lire, mais qu'il est extrêmement agréable. La parole enflammée du Seigneur, qui se trouve dans ses sermons, émeut, touche et enflamme tellement le lecteur, qu'il a un coeur de rocher, celui qui après les avoir parcourus n'est pas pénétré et excité à s'améliorer. » On croit que Guerric était Belge, et même que, de maître de l'école de Tournai, il devint chanoine, avant que saint Bernard l'attirât à ses côtés, en 1131. Manrique place sa mort en 1157. Ses sermons méritent d'être lus avec autant de respect que ceux de saint Bernard.
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