ROGATIONS
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NATIVITÉ DE MARIE II
TOUSSAINT
CANTIQUE

SERMON POUR LES ROGATIONS.

 

1. « Prêtez-moi trois pains (Luc. XI, 5). » « Des amis » nous sont arrivés de voyage et je n'ai rien à leur servir. « Je ne suis point médecin, et en ma maison, il n'y a pas de pain (Isa. III, 7). » Aussi, je vous le disais dès le principe, « ne me constituez pas prince. »   Celui qui ne peut être utile ne doit point commander. Or comment peut-il être utile celui qui n'est point médecin, qui n'a point de pain en sa maison, c'est-à-dire, qui ne connaît pas l'art de guérir, et qui ne possède pas la doctrine suffisante pour nourrir? Voilà ce que je vous disais, mais, hélas! vous ne m'avez nullement écouté; car vous m'avez établi,chef. N'ayant pu éviter le danger, il me restait donc de recourir au remède, et d'entendre à ce sujet le conseil du sage : « On t'a établi supérieur, sois parmi tes inférieurs comme l'un d'entre eux (Eccle. XXXII, 1). » Mais malheur à moi ! Ce refuge ne m'a point été laissé. Car, de même que mon peu d'habileté m'empêche d'être au dessus des autres, de même mon infirmité ne me permet pas d'être parmi eux ;  et, comme par l'esprit je ne suis pas capable de prêcher la parole, de même par le corps, je ne puis donner l'exemple. Ne pouvant donc ni vous gouverner, ni habiter avec vous, où puis-je être placé, sinon à la dernière place, qui est la plus assurée, et qui se trouve après toutes les autres? Et je le puis , en ayant de moi des sentiments humbles mais vrais ; rien ne m'empêche, et la vérité m'y engage beaucoup, rien ne m'empêche d'être, par la pensée, au dessous de tous, bien que ma charge me place à votre tête.

2. C'est vous-même , Seigneur, qui ordonnez qu'on s'abaisse et qui néanmoins voulez qu'on commande; je vous demande, et j'attends de vous, je vous demande de me rendre humble et utile en même temps dans le ministère que vous m'avez confié : humble, en ayant de moi des sentiments véritables ; utile, en parlant, de vous, ô Sion. Mettez l'un de ces biens dans mon coeur, et l'autre dans ma bouche. Mettez sur mes lèvres des paroles justes et bien sonnantes, vous qui avez dit : « ouvre ta bouche et je la remplirai (Psalm. LXXX, 11), » afin que toute votre famille soit remplie de bénédictions. Voici que des amis me sont. venus. S'ils sont les miens, ils sont encore plus les vôtres. Je n'ai rien à leur servir, et il faut qu'on me prête ce qui me manque. Et quel autre est aussi riche ou aussi généreux à donner que le Seigneur de tous? Il est riche envers tous ceux qui l'invoquent (Rom. X, 12), il ouvre sa main et remplit tout être animé de bénédictions (Psalm. CXLIV, 16), il donne à tous sans reproches (Jac. I, 5), si ce n'est peut-être à celui qui demande avec nonchalance et retient avec ingratitude la grâce qu'il a reçue? Que de mercenaires dans la maison de ce père de famille ont en abondance du pain ; comme ils annoncent le Christ, bien que ce soit sans pureté d'intention, néanmoins la grâce de la doctrine ne leur est point refusée, mais c'est dans l'intérêt. des autres. Là où les mercenaires sont dans l'abondance, les fils seront-ils dans l'indigence ? Eh bien  donc, ô Seigneur, je n'ose vous dire mon ami, mais seulement mon Seigneur, prêtez-moi trois pains pour nourrir mes amis, de crainte que si je les renvoie à jeun ils ne tombent en défaillance en route, et qu'on ne me dise « les petits enfants ont demandé du pain, et nul ne s'est trouvé pour le leur rompre (Thren. IV, 4). » Prêtez-moi, Seigneur, un bien qui tourne à votre profit, vous pourrez reprendre avec usure, quand cela vous plaira, ce qui vous appartient : Prêtez-moi trois pains, s'il vous plaît, prêtez-moi si peu que ce soit, une bouchée de pain même ; une seule bouchée de pain peut suffire à je ne sais combien de mille personnes, si vous la bénissez. Vous voulez, je le sais, que nous soyons importuns, bien que vous ne répondiez pas, et que vous donniez pour excuse que vous êtes rentré au ciel, que vos apôtres sont avec vous dans ce lieu de repos, vous voulez que nous continuions à demander, à chercher, à frapper, parce que l'innocence qui nous fait vos amis ne suffit point pour mériter la doctrine si elle n'est accompagnée d'une prière constante et assidue qui nous rende comme importuns. Pour moi, je n'ai aucune de ces deux choses : je ne m'appuie que sur les mérites de ceux qui doivent être nourris de la parole sainte; ils méritent ce que je ne suis pas digne d'obtenir.

3. Pour vous,mes frères, pour l'usage et en vertu des mérites de qui je demande ces pains, croyez vous que nous suffirons, moi à les rompre, et vous à les manger ! Je crains que l'on ne me dise : « Ne cherchez point les choses qui sont au dessus de vous, et ne scrutez pas ce qui vous dépasse (Eccli. III, 22).» Je crains que l'on ne vous dise: «Vous êtes des enfants qui ont besoin de lait non de pain (Hebr. V. 12). » Je sais, en effet, que chez le père de famille, il y a des pains de telle qualité, qu'ils briseraient plutôt nos dents qu'ils ne garniraient nos estomacs, c'est-à-dire qu'ils n'édifieraient nos âmes, si notre âge tendre avait la hardiesse de les demander. Qui comprendrait, en effet, qui pourrait expliquer ou saisir, comme il faut, le mystère ineffable de la Trinité, comment le père est de lui- même, comment le Fils procède du Père, comment le Saint-Esprit procède et du Père et du Fils , et comment, enfin , trois personnes se trouvent en l'unité de substance ? La femme insensée, la vanité pleine d'audace des hérétiques, sollicite ceux qui ont des démangeaisons dans les oreilles à discuter ces mystères, alors que Dieu doit être l'objet de notre foi, non pas de notre examen. Touchez sans crainte, disent-ils, à ces pains cachés. Comme un insensé, vous toucherez ce qui dépasse la hauteur même des anges. Et que m'importe de porter la main sur des pains cachés que je ne puis rompre ou manger sans péril ? Il me suffit de savoir que ce sont des pains, qu'il y en a trois. Je ne parle pas de la Trinité des personnes, mais de la trinité des discours, ou plutôt des conceptions relatives à ces personnes : ce sont trois pains de même grandeur, de même poids, de même forme et de même goût. Tout ce qu'on dit du Père , il faut le dire du Fils ou du Saint-Esprit : avec cette seule exception, que les propriétés particulières font le nombre des personnes dans la Trinité, comme elles font la différence des intelligences, quand il s'agit de les distinguer.

4. Laissons donc l'intelligence sublime des anges rompre ces pains, jusqu'à ce que, parvenus à la hauteur de ces esprits bienheureux, nous soyons en état de nous asseoir à leur table. Car, dans l'Écriture, nous trouvons ces trinités d'autres pains mieux proportionnés à notre infirmité: par exemple, pour ne pas trop nous éloigner de la Trinité suprême, que toutes choses sont de Dieu, par lui, et en lui: que le Père nous a créés; que le Fils nous a rachetés et que le Saint-Esprit nous a sanctifiés. En ce sens, on peut dire tant de choses, que, quelque affamé que soit l'ami qui arrive de voyage, si vous lui en serviez seulement la moitié, il ne serait pas moins exposé à sentir du dégoût qu'il ne ressentait auparavant les aiguillons de la faim, et l'abondance pourra bien accabler celui que le besoin tourmentait auparavant. Car vous pourrez décrire en trois manières, non-seulement celui qui nous a faits avec tout ce qui a été fait, mais encore ce qui a été écrit pour nous, en sorte que nous trouvons une réfection abondante dans les trois pains de l'histoire, de l'allégorie et de la morale. Tout l'ensemble de l’Écriture, divisé en trois parties, forme comme trois pains quand elle traite de la justice naturelle, ou de ce qui est selon la loi de la lettre ou selon celle de l'esprit, c'est-à-dire de ce qui est avant la loi, sous la loi et après la loi, je veux dire sous la grâce. La nature a donné l'intelligence droite, la loi donne l'acte, et la grâce, l'affection. Le Pasteur et Docteur des nations dans la foi et dans la vérité, nous apprend que l'Église doit être nourrie d'une sorte de trinité de pains, et que celui qui l'édifie doit parler pour « l'édification , l'exhortation et la consolation. » Pour l'édification, afin que vous sachiez ce que vous devez faire. pour l'exhortation, afin que vous vouliez ce que vous connaissez, pour la consolation, afin que dans l'adversité vous puissiez accomplir ce que vous connaissez et ce que vous voulez. Et non-seulement dans la matière, les sens et les parties des Écritures, dans le genre et les tournures de langage qui s'y trouvent, mais même dans toute la fin à laquelle elles aboutissent, vous trouverez une trinité de pains, trinité salutaire et pleine de goût : c'est-à-dire, la foi, l'espérance et la charité. Car la charité seule a été définie comme la fin du précepte, et cette vertu est triple en une certaine façon, puisqu'on doit l'avoir de tout son coeur, de toute son âme, et de toute sa force. Mais comme un repas trop long et composé de mets trop variés est réputé blâmable, nous mettrons fin à ce discours, vous laissant recueillir les miettes qui sont. restées, c'est-à-dire les pensées plus subtiles qui sont tombées de nos mains : quant à vous et à nous, nous chanterons à celui qui nous nourrit : béni soit Dieu en ses dons, lui qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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