PENTECOTE I
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CANTIQUE III
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NATIVITÉ DE MARIE I
NATIVITÉ DE MARIE II
TOUSSAINT
CANTIQUE

PREMIER SERMON POUR LA FÊTE DE LA PENTECOTE.

 

1. Dieu est ineffable, ineffable est sa miséricorde. Ses oeuvres sont comme son nom. La bonté de sa charité envers nous est vraiment ineffable. C'était peu pour le Père, d'avoir livré son Fils pour racheter son esclave, sil ne donnait aussi le Saint-Esprit par qui il adopterait cet esclave en en faisant son Fils. Son Fils, il l'a donné pour prix de la rédemption, le Saint-Esprit, il l'a donné pour produire et assurer le privilège de l'adoption : il se réserve tout entier pour être l'héritage de ses fils adoptifs. O Dieu, s'il est permis de parler ainsi : ô Dieu prodigue de lui-même dans son attachement pour l'homme ! Ne se prodigue-t-il pas, en effet, ce Dieu qui s'est dépensé pour recouvrer l'homme, non pas tant pour lui, que pour l'homme même ? N'est-il pas un Dieu prodigue celui qui, de même qu'il s n'a point épargné son propre Fils, et l'a livré pour nous tous (Rom. VIII, 32), » de même, si je puis tenir ce langage, il n'a pas ménagé le Saint-Esprit, mais l'a répandu sur toute chair avec une profusion nouvelle et merveilleuse ? Il fut bien prodigue de lui-même, cet enfant prodigue (Luc. XV, 11), qui donna aux femmes de mauvaise vie son patrimoine et sa personne, mais le Père le fut encore plus pour recouvrer ce malheureux enfant, que celui-ci ne l'avait été pour se perdre : si toutefois on peut établir quelque comparaison entre la grâce et l'argent, l'esprit et la chair, Dieu et l'homme. Voyez, en effet, avec quelle abondante profusion, la grâce du Saint-Esprit s'est répandue dans tout l'univers, non-seulement pour confirmer les justes, mais encore pour justifier les pécheurs comment, dans toutes les contrées du monde, après que le divin esprit eut créé une race nouvelle d'hommes, la face de la terre s'est trouvée renouvelée ; bien plus, comment la droite du Très-Haut opère chaque jour d'étranges changements, en sorte que les plus perdus des hommes, les publicains et les prostituées, précèdent beaucoup de justes dans le royaume de Dieu, les derniers étant devenus les premiers. « Il n'en est pas du don, comme il en avait été du délit : parce que où le péché a abondé, la grâce, en surabondant (Rom. V, 15) , » a non-seulement remis les crimes , mais encore entassé les mérites des vertus : et la rédemption rétablit ceux qui étaient tombés, bien plus haut que ne les avait mis leur création première. Et ici, plus on présente la grâce de Dieu admirable, plus ou condamne fortement la dureté de l'homme, s'il refuse le bienfait qui lui est offert, ou s'il ne le conserve pas après l'avoir reçu. A qui le don de Dieu n'est-il pas offert? Sur qui ne tombe pas sa lumière? Qui se dérobe à sa chaleur ? Dieu, en effet, ne s'est point laissé sans témoignage dans la conscience des hommes, il les éclaire des lueurs brillantes de la vérité, ils les réchauffe aux ardeurs de sa bonté : puisque la lumière véritable illumine tout homme venant en ce monde, (Joan. I, 9) et que Dieu lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et tomber sa pluie sur les justes et sur les impies (Matth. V, 45). Mais, malheur à ceux qui sont rebelles à la lumière et résistent au Saint-Esprit , qui n'acquiescent point à la vérité qu'ils confirment, qui s'endurcissent à tous les bienfaits et à la bonté du Seigneur, comme la boue aux rayons du soleil, et provoquent même audacieusement celui qui leur a tout mis en main.

2. Mais pourquoi parler de ceux du dehors? A vous plutôt nos paroles, à vous qui avez reçu l'esprit d'adoption des enfants, et qui avez ce même esprit en signe de votre adoption et pour gage de votre héritage, en sorte que, comice une marque éclatante, il discerne les vases de miséricorde des vases de colère. Bien que nous ayons à nous réjouir de notre salut, ou plutôt de l'espérance de notre salut, avec modestie, parce que nous craignons encore pour nous, à raison de notre mobilité, le malheur que nous gémissons de voir en eux. En effet, comme il est impie de désespérer d'eux, ainsi il est téméraire de présumer de nous ; car quelque science que nous ayons de leur présent ou du nôtre, nous ne pouvons avoir la prescience de l'avenir : et ce n'est point une légère offense envers la puissance souveraine qui a en sa main et à ses ordres la vie et la mort, de prévenir ses jugements d'une façon si cruelle pour eux et si audacieuse pour nous. Enfin, nous sommes sortis de la même terre qu'eux, puis, après avoir été un peu auparavant enfants de colère par notre nature, et comme eux par notre conduite, nous sommes devenus subitement des enfants de la grâce. Donnons-leur donc l'exemple de l'espoir pour les porter à la pénitence, et qu'ils nous soient un sujet de crainte qui nous maintienne dans la persévérance. La miséricorde éclate en nous, pour qu'on l'aime : le jugement s'exerce sur eux, pour qu'on le craigne. a Je chanterai votre miséricorde et votre jugement, ô Seigneur (Psalm. C, 4), » en vous rendant grâce pour l'une et en vous adressant des prières à raison de l'autre instruit par les deux, je tressaillerai devant vous avec frayeur, parce que j'entrerai dans votre vérité, si mon coeur se réjouit, de manière à craindre votre nom. En effet, cette crainte que l'amour rend chaste, n'enlève point la joie, elle l'a conserve: elle ne la détruit pas, elle l'a forme; elle ne lui donne pas d'amertume, mais lui sert de condiment, en sorte qu'elle est d'autant plus durable qu'elle est plus sainte. O joie chaste et fidèle ! avec quelle justesse s'applique à toi cette sentence du sage : « Il n'y a point d'argent au dessus de la santé du corps, point de délices au dessus de la joie du coeur (Eccle. XXX, 16). » Il n'est pas donné aux impies de se réjouir de cette joie, le sage blâme et déteste leurs rires insensés et leurs allégresses frivoles. « J'ai regardé le rire comme une erreur, n s'écrie-t-il, « et j'ai dit à la joie : Pourquoi es-tu vainement trompée ? Le rire sera mêlé de douleur, et le deuil occupe le terme de la joie (Prov. XIV, 13). »

3. O Jésus ! quelle différence entre la joie par laquelle vous consolez ceux qui renoncent à cette joie fausse et trompeuse! Votre miséricorde vaut mieux que plusieurs vies; nu jour passé dans votre maison vaut mieux que mille autres ! Combien par votre pauvreté même vous rendez vos pauvres plus heureux que le monde ne peut rendre ses amis en leur prodiguant ses richesses ; en lui, tout ce qui abonde s'écoule, et il fait passer comme un flot celui qui s'attache à lui. Elle goûtait d'autres délices cette pauvre famille du Christ, qui inondait de ses eaux le fleuve impétueux qui réjouit la cité de Dieu, lorsqu'en ce jour, le Saint-Esprit, comme un torrent, « remplit toute la maison où se trouvaient les apôtres (Act. III, 2). » La vérité divine accomplissait ce qu'elle avait promis par la bouche du Prophète : Voici que je coule en vous, comme un fleuve de paix, « comme un fleuve couvrant les nations de gloire (Isa. LXVI, 12). » Combien abondait-il en eux puisqu'il coulait avec, tant d'abondance dans leur sein. Et combien coulait-il d'eau puisque des fleuves d'eau vive sortaient de leurs entrailles. Non-seulement la bienveillance de la charité jaillissait de leur coeur, mais encore les paroles s'échappaient de leur bouche fortes comme les eaux d'un torrent; leurs ennemis ne pouvaient y résister ni y contredire, ainsi qu'il est écrit de saint Etienne. « Ils ne pouvaient résister à la sagesse et à l'esprit qui parlait (Act. VI, 10). »

4. En attendant, votre consolateur vous invite à ces joies, mes frères. Il désire abreuver au torrent de sa volupté les âmes altérées de son amour. «Si quelqu'un à soif, » dit-il, « qu'il vienne et boive (Joan. VII, 37). » O abondante libéralité de Dieu, ô largesse inépuisable de la bonté divine ! Elle offre à tons les hommes cet esprit dont elle a donné, en ce jour, les prémices aux apôtres. Elle ouvre son trésor, la fontaine d'eau vive, aussi bien aux hommes qu'aux animaux, comme s'il était redevable, lui aussi, aux sages et aux ennemis. « Vous tous qui avez soif, » s'écrie-t-il, « venez à  la fontaine des eaux (Isa. LV, 1). »          II ne fait acception de personne, il ne discerne pas les conditions, il ne cherche pas les mérites, il suffit que celui qui a soif veuille venir. La grâce, en effet, ne reçoit pas ceux qui sont repus, mais, de même qu'elle remplit de biens ceux qui sont affamés, ainsi elle laisse à jeûn les riches. O dégoût, teigne des cœurs, rouille des esprits, langueur désastreuse des âmes, qui fais avoir en horreur la bonne parole de Dieu, mépriser le don céleste, rejeter la manne pour la viande qui cuit dans les chaudières! où trouver un fléau aussi pestilentiel, une maladie aussi mortelle, qui rende l'homme aussi oublieux de son salut, qui le fasse rire et lui donne une sécurité si triste jusqu'aux portes de la mort? Mais, je vous le demande, d'où vient que ce mal a infesté si loin les bergeries du Seigneur, que plusieurs, dans les troupeaux du bon pasteur, regardent comme un lieu d'horreur et de vaste solitude, l'endroit du pâturage où ils ont été établis, et qu'ils périssent misérablement de langueur dans les grasses prairies et ou milieu des herbes verdoyantes ? N'ont-ils pas, je vous le demande, goûté le don céleste, ne sont-ils pas devenus participants du Saint-Esprit n'ont-ils pas savouré la bonne parole de Dieu et les vertus du siècle à venir. (Hebr. VI, 4)? S'ils ne l'ont point goûtée, pourquoi leur coeur reproduit-il si souvent de bonnes paroles, quand leurs lèvres redisent l'hymne qui s'élève du fond du souvenir qu'ils ont conservé de l'abondance de la grâce de Dieu ? Maintenant ils assistent aux louanges du Seigneur et ils dorment, où bien, ils les redisent avec un esprit inappliqué ou ennemi ; ils se mettent à le lire en bâillant : ils écoutent la parole d'exhortation et ils se fatiguent de l'écouter ; ils passent de pâturage en pâturage et dédaignent ales uns aussi bien que les autres: ils se trouvent constamment aux banquets de la vie , et ils meurent de faim. Après cette heureuse expérience, après le goût qu'ils ont ressenti de la douceur de la grâce de Dieu, d'où vient un si grand oubli, d'où viennent cette insouciance du bien et cette langueur de leur âme. Il ne leur reste que cette plainte, si pourtant ils veulent se plaindre: « J'ai été frappé comme le foin et mon coeur s'est desséché, parce que j'ai oublié de manger mon pain (Psalm. CI, 5). » Les malheureux couraient bien : qui les a séduits et les a fait retourner en arrière? Ils avaient commencé par l'esprit, comment achèvent-ils à présent par la chair ? Ils se nourrissaient délicatement, comment à présent tombent-ils expirants dans les chemins ?

5. Qu'ils voient, si l'homme ennemi qui a coutume de semer l'ivraie sur le bon grain du Père de famille, n'a pas humecté leur gosier de fiel, après qu'ils ont goûté la délicieuse nourriture du Christ, et n'a point ainsi détruit en eux, non-seulement le désir, mais encore le souvenir du premier goût, car l'Apôtre dit à ceux qui sont dans ce cas: « Vous ne pouvez pas boire le calice du Seigneur et le calice des démons. Il ne vous est point possible de vous asseoir à la table du Seigneur et à celle des démons (Cor. X, 21). » Ne vous paraît-il pas abreuvé, plus que cela, enivré de la coupe des démons, celui qui est emporté par la passion, la colère, l'impatience ou autres vices de ce genre? Pour moi, afin de ne parler que de ce qui est traité plutôt . comme une habitude que comme un crime, je crois qu'il a participé à la table des démons, et qu'en les nourrissant, il reçoit aussi d'eux son aliment, celui dont la bouche est remplie de malice, dont la langue exprime la ruse, qui s'assied et parle contre son frère, qui place le scandale contre le fils de sa mère; qui, sans dire de mal, écoute volontiers ceux qui en disent, qui fait exciter le rire bruyant par les bouffonneries. Que celui qui est en cet état voie s'il est digne, après s'être roulé dans le sang immolé et dans les souillures des démons, d'être admis aussitôt à la table du Christ et au banquet des anges? Loin de moi, mes frères, en tenant ce langage, d'accuser de crime votre innocence, qui est, pour moi, une source de délices; mais je parle ainsi pour que vous soyez sauvés, pour que vous vous rendiez plus vigilants par l'exemple des autres, et que, lavant vos mains dans le sang du pécheur, vous preniez soin de garder en toute vigilance la grâce du Saint-Esprit que d'autres perdent par leur négligence : à la gloire et louanges de celui qui vous le procure, Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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