ANNONCIATION III
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TOUSSAINT
CANTIQUE

TROISIÈME SERMON POUR L'ANNONCIATION DU SEIGNEUR.

 

1. « Ecoutez, maison de David. voici que le Seigneur lui-même vous donnera un signe : une Vierge concevra (Isa. XVII, 14). » Aujourd'hui cette prophétie a été accomplie à vos oreilles. Ce miracle ineffable de la conception d'une vierge, vous avez entendu qu'il s'est accompli en ce jour, comme il avait été promis : aujourd'hui la vierge a conçu. Et ce prodige, inouï dans les siècles passés, le Seigneur l'a fait éclater de nos jours. C'est ce que Jérémie avait prédit dans le même sens et dans le même esprit. « Le Seigneur créera une merveille nouvelle sur la terre: une femme entourera un homme (Jerem. XXXI, 22). » Qu’est-ce que dit ce Prophète : « Le Seigneur créera une merveille nouvelle sur la terre, une femme entourera un homme, » sinon ce que dit Isaïe : « Le Seigneur fera éclater un prodige, une vierge concevra un Fils? » Elle « entourera, » c'est-à-dire, elle ne le concevra point d'un homme, mais seule, elle le concevra d'elle-même dans ses entrailles, et le revêtira de l'enveloppe du corps seul de sa mère. Autrement, que les Juifs expliquent, s'ils le peuvent, quel est ce grand prodige que le Seigneur a donné, si c'est une jeune fille, ainsi qu'ils l'interprètent faussement, non point une vierge, qui a conçu : ou qu'y a-t-il de nouveau, à ce qui une femme porte en son sein un homme conçu d'un antre homme? L'iniquité peut se mentir à elle-même, mais dans la grandeur de votre puissance, ô Seigneur, vos ennemis vous mentiront, tendis que les Juifs pervers, et en petit nombre, nient l’oeuvre de votre pouvoir, la foi des peuples la proclame plus glorieusement et par des suffrages plus nombreux. « Que les peuples chantent vos louanges, ô Dieu, que tous les peuples les fassent retentir » parce que « la terre a donné son fruit (Psalm. LXVI, 5), » la vierge a enfanté « Jésus. » Que les Juifs le veuillent, qu'ils ne le veuillent pas, Dieu a accompli ce miracle nouveau en témoignage contre leur incrédulité : c'est un prodige auquel ils font opposition jusques à ce jour, plus, si je ne me trompe, par un entêtement odieux que par une ignorance misérable.

2. En allant contre ce prodige, maintenant qu'il s'est opéré, cette race de vipères ne fait rien de contraire à son origine et à ses habitudes, car, dès le commencement, leur roi et père, l'impie Achaz, s'efforça d'empêcher qu'il se fit. «Le Seigneur e en effet « parla à Achaz, lui disant : Demande un miracle au Seigneur. Je ne le demanderai point, » répondit-il, « et je ne tenterai pas le Seigneur (Isa. VII, 12). » O religion perverse! ô piété exécrable ! ô humilité artificieuse. Pour ne pas tenter le Seigneur, comme tu dis, tu le méprises. Comment, en effet, le tenterais-tu, en lui obéissant fidèlement? Est-ce qu'à présent, tu ne le tentes pas, en l'irritant par ton mépris manifeste? Nous reconnaissons, certainement, nous reconnaisson la ruse et l'envie de la race des Juifs qui, avant que Jésus-Christ naquit, commença à éprouver de la jalousie contre sa gloire. En effet, cet Achaz, autant qu'on peut le comprendre par sa vie et ses moeurs, car il adorait les idoles, ne refusa ni par religion ni par crainte, de demander un prodige selon qu'il était invité à le faire, il ne le refusa que pour que le Seigneur ne fût point glorifié. Etonnante et juste colère de Dieu et des hommes , affreuse perversité des Juifs, qui refusent de demander des prodiges lorsqu'on le leur ordonne, non, comme ils le prétendent par ruse, afin de ne pas tenter le Seigneur, mais pour ne le point glorifier; et lorsqu'on ne le leur commande pas, ils en cherchent et tentent Dieu. Car c'est comme par nature et par habitude que les Juifs veulent voir des prodiges, et si on leur en donne, ils les calomnient et s'efforcent de les nier, afin de montrer par là que ce n'est que par ruse et artifice qu'ils en demandent, non pour croire en celui qui les fait, mais pour insulter celui qui ne les fait pas. O nation pécheresse, « race mauvaise, fils criminels, » s'écrie Isaïe (Isa. I, 4), » est-ce peu pour vous d'être hostile aux hommes, à moi et aux autres prophètes, bien plus à tout le genre humain, « vous voulez l'être aussi à mon Dieu ( Isa. VII, 13)? C'est pour cela que le Seigneur lui-même vous donnera un prodige. » En effet, parce que vous agirez envers lui avec perversité, lui aussi, comme il le dit, agira de même avec vous. Vous ne voulez pas de prodige, pour que l'auteur du miracle ne soit pas glorifié, et il en fera éclater un pour être glorifié et pour vous couvrir de confusion. Faites, Seigneur, « faites éclater en moi un signe pour le bien, afin que ceux qui me haïssent, le voient et soient confondus, » dit le Fils à son Père, en parlant des Juifs (Psalm. LXXXV, 17).

3. Le premier prodige que le Père et le Fils ont opéré pour la confusion des infidèles et la gloire des fidèles, en témoignage de leur puissance,et pour opérer notre salut, c'est, à mon avis la conception de la Vierge opérée en ce jour. Car après qu'il avait été dit, « le Seigneur donnera un signe, » comme s'il était demandé quel est ce signe, le contexte du Prophète répond, avec les paroles empruntées cependant à l'évangéliste. «Voici que une vierge concevra et enfantera un fils (Matth. I, 23), » en sorte que, ou bien. le contexte manque de conséquence et de vérité, ou, ce qui est probable, le mensonge des Juifs n'a pas de subterfuge. C'est donc avec raison que cette « génération perverse et adultère cherchant un signe, on ne lui en donne point d'autre que celui de Jonas (Matth,. XII, 39), » en sorte que ceux qui, à raison de la malice de leur esprit, ne sont pas édifiés par le signe de la puissance, soient scandalisés par le signe de l'infirmité, c'est-à-dire de la mort et du séjour de trois jours dans le tombeau. Car le mystère de la croix et de la mort est un scandale pour les Juifs qui périssent(I Cor. I, 18); quant à ceux qui se sauvent, c'est-à-dire quant à nous, il est la vertu de Dieu. Pour nous, le fils de l'homme n'est ni moindre ni plus faible dans le coeur de la terre, qu'assis à la droite de son Père. Ce signe qu'ils ont refusé, soit dans la profondeur des abîmes, soit dans les hauteurs des cieux, nous le recevons avec pleine foi et un respect plein de dévotion; nous reconnaissons le Fils que la vierge a conçu, comme un signe de délivrance et de pardon         dans les abîmes profonds, et, dans les hauteurs des cieux, comme un signe et une espérance de tressaillement et de gloire. En effet, celui qui descendit d'abord dans les parties inférieures de la terre, pour retirer, par la vertu du sang du Testament, les captifs, du lac où il n'y a point d'eau, est celui-là même qui est monté au dessus des cieux pour remplir toutes choses. Déjà le Seigneur a commencé à lever l'étendard dans le gibet de la croix et ensuite dans le trou de sa puissance : et il a levé ce signe pour attirer les peuples des nations, parce que les Juifs lui ont fait opposition, et chaque jour il rassemble des quatre vents du ciel, autour de ce signe, les fidèles dispersés du véritable Israël. Racine de Jessé, qui êtes debout comme un signe pour les nations, devant lequel les rois tiennent maintenant leur bouche fermée, vous fermez aussi la bouche de ceux qui profèrent l'iniquité,  c'est-à-dire des Juifs blasphémateurs, qui font encore opposition au signe immaculé de votre conception et ne croient pas à l'assurance que donne l'ange Gabriel, qui affirme que rien ne vous sera impossible (Luc. I, 37). Bienheureuse la créature que cette raison a contentée, et qui, après avoir demandé comment elle aurait un fils, elle quine connaissait aucun homme, se tint pour certaine de conserver son intégrité aussi bien que d'avoir un fils.

4. Quoi que nous oppose donc l'impiété des infidèles, que, pour nous, la vierge conçoive et enfante son Fils : car pour nous, nous prenons pour un bon signe la mère et le Fils. La mère est entièrement un miracle, elle qui est, singulièrement et sans antre exemple, mère et vierge : le Fils est entièrement un miracle, lui qui est, non-seulement d'une façon singulière, mais encore incompréhensible, Dieu et homme. La mère vierge concevant et enfantant, nous est un signe que celui qui est conçu et enfanté est homme Dieu : le Fils opérant des oeuvres divines, et souffrant des impressions humaines, nous est un signe qu'il transportera en Dieu l'homme pour lequel il est conçu et enfanté, et pour lequel aussi il souffre. Cependant, de toutes les infirmités ou de toutes les injures humaines qu'a subies pour nous la bonté divine, la première dans l'ordre du temps et presque la plus grande par rapport à son abaissement, c'est que sa majesté infinie a souffert d'être conçue dans le sein d'une femme et d'y être renfermée durant l'espace de neuf mois. Quand, en effet, un homme s'est-il ainsi anéanti ? quand a-t-il paru défaillir ainsi de lui-même? Durant une espace si considérable, cette sagesse ne dit rien, cette puissance n'opère rien au dehors, cette majesté emprisonnée ne se révèle par aucun signe. Sur la croix, il ne parut pas aussi faible, sa faiblesse parut même plus forte que ce qu'il y a de plus puissant parmi les hommes, puisque, en mourant, il donna la gloire au bon larron, et en expirant, il inspira le centurion: sa souffrance d'une heure excita la compassion des créatures, et, ce qui est plus encore, soumit ses ennemis à d'éternelles douleurs. Dans le sein de sa mère, il est comme s'il n'était pas : sa puissance infinie sommeille comme si elle était impuissante, et le Verbe se cache sous le silence.

5. Pour vous cependant, mes frères, pour vous ce silence parle : il vous recommande de ne point parler. « Dans le silence et l'espérance sera votre force, u ainsi que le promet Isaïe qui a appelé le silence le « culte de la justice (Isa. XXX,15 et XXXII, 17). » En effet, de même que cet enfant, après sa conception, grandit dans le sein de sa mère, dans un silence profond et prolongé, jusqu'à la maturité de l'enfantement, ainsi la règle du silence nourrit, forme, fortifie l'homme, et lui donne des accroissements d'autant plus sûrs et plus salutaires qu'ils sont plus cachés. L'homme animal, ne saisissant pas ce qui est de l'esprit de Dieu, ne sait point quelle est la voie de l'esprit et comment les os se forment dans les entrailles d'une femme grosse (Eccle. XI, 5) ; mais le saint crie à Dieu, « ma bouche n'a point caché pour vous ce que vous avez fait » pour moi dans le secret de l'âme, dans la profondeur du silence (Psalm. CXXXVIII, 15). Ce mystère ne vous est point caché, mes frères, votre expérience et vos aveux m'attestent combien l'ânm tranquille et modeste se fortifie, s'engraisse et fleurit dans le silence; combien, au contraire, en parlant, elle se répand et s'épuise comme par une sorte de paralysie, combien elle maigrit, se dessèche et se trouble d'épuisement. S'il ne se trouvait pas de force dans le silence, Salomon n'aurait jamais dit : « L'homme qui, en parlant, ne peut retenir son esprit, est comme une ville ouverte qu'aucun rempart ne protège (Prov. XXV, 23). » Du reste, si vous demandez à quoi doit être occupé l'esprit durant le silence, nous ne vous imposons rien d'onéreux : mangez votre pain, ainsi que le Seigneur lui-même vous le montre par l'exemple de sa conception. Que dit, en effet, le Prophète à son sujet, lorsqu'il parlait de la porte orientale toujours fermée dans le temple de Dieu, mais qui néanmoins laissa entrer et sortir le Dieu d'Israël ? « Le prince lui-même, » dit-il, « y siégera, afin de manger son pain devant le Seigneur (Ezech. XLIV, 3). Il s'y assiéra,» parce qu'il s'y reposera ; le Seigneur lui-même dit d'elle: « Voilà le lieu de mon repos (Psalm. CXXXI, 14) : » il se reposera en elle, comme sur le grand trône que Salomon se fit construire (III. Reg. X, 18), ainsi que je l'ai dit ailleurs. Si vous regardez l'espace de ce flanc, il est fort étroit : si vous regardez l'étendue du coeur, le trône est grand; c'est à raison de cette dimension que le sein de la vierge a eu une capacité suffisante pour contenir une si grande majesté. Le prince s'y assied donc et y mange son pain, parce que, dit-il, « si quelqu'un m'ouvre j'entrerai chez lui, et je souperai avec lui et lui avec moi (Apoc. III, 20). »

6. Ce repas n'est point sans pain, puisque celui qui le prend est lui-même le pain de vie, le pain descendu du ciel en ce jour et qui donne la vie au monde. Mais, chose merveilleuse, celui qui prend le festin est celui qui en est la matière, celui qui mange est celui qui est mangé; chose surprenante, mais véritable, le Christ ne se nourrit point d'autre pain que de lui-même. Car il est tout pain, Verbe à cause de lui, chair à cause de son union avec le Verbe. Autrement, « la chair ne sert de rien, puisque c'est l'esprit qui vivifie (Joan. VI, 64), et l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu (Matth. IV, 3). » Toute parole procédant de la bouche de Dieu est le Verbe du Père, un et fils unique; étant simple, il contient néanmoins en lui la raison et la forme de toute parole divine. Le Verbe donc se nourrit du Verbe, et le Fils s'alimente de lui-même parce que, comme le Père a la vie en lui, ainsi, il a donné au Fils d'avoir le vie en lui (Joan. V, 26). C'est, d'une autre façon il est vrai, mais avec un bonheur ineffable, que l'âme, unie au Verbe dans l'unité de personne, se nourrissait de ce même Verbe : et le prince assis avec une incomparable félicité, à la porte du sein de la vierge, mangeait, devant le Seigneur, le pain de la parole. Vous aussi, par conséquent, si vous êtes sages, vous ferez la même chose dans le silence, vous mangerez en présence du Seigneur le pain du Verbe divin, et conserverez, comme Marie, et repassant dans votre coeur, ce qui est dit de Jésus-Christ, (Luc. II, 51), vous trouverez des jouissances à manger ce pain avec Jésus-Christ : En vous nourrissant, il se nourrira lui aussi en vous : et plus vous prendrez de ce pain, plus il abondera, parce que la grâce ne diminue point, mais plutôt augmente par l'usage qu'on en fait.

7. Que Jésus conçu et porté dans le sein de sa mère vous serve donc d'exemple . de même que ce fardeau doux et léger remplit les entrailles de Marie, sans la charger, de même, que le sein de l'Église ne vous sente pas pesants et. incommodes. Oui, mes frères, l'Église est grosse aussi, non comme Marie quine portait que Jésus, mais comme Rébecca qui portait Jacob et Esaü; ses entrailles reçoivent et contiennent non-seulement les bons et les modestes, mais encore les méchants et les indisciplinés, qu'elle regarde à cause du nom de Jésus, et considère comme devant être, un jour peut être le commencement de sa substance. Mais quand les enfants de Rébecca luttaient dans son sein, cette mère, qui avait prié pour devenir mère, sentant ses entrailles déchirées par la souffrance, se repentait presque d'avoir été exaucée : « s'il devait m'arriver ces douleurs, disait-elle, qu'était-il nécessaire de concevoir (Gen. XXV, 22) ? » Mes frères, si à propos de l'un d'entre nous, il arrive à notre mère de se plaindre de la sorte, je crains bien qu'il n'eût mieux valu pour ce malheureux ne point naître : pourtant celui qui suscite des pierres môme des enfants d'Abraham (Luc. III, 3), ne nous permet point de désespérer de ceux qui se trouvent dans ce cas: s'il en est quelques-uns, que Dieu amollisse leur coeur de pierre, pour qu'ils ne déchirent plus les entrailles de leur mère : qu'ils consolent le cœur de celle-ci, afin qu'elle ne se fatigue point de les porter, quels qu'ils soient, jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en eux, lui qui, Dieu parfait, homme parfait, vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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