AVÈNEMENT IV
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TOUSSAINT
CANTIQUE

QUATRIÈME SERMON SUR L'AVÈNEMENT DU SEIGNEUR.

 

1. « La voix de celui qui crie au désert : préparez la route du Seigneur (Isa. XL, 3). » Je crois qu'avant toute chose, nous devons considérer la grâce que renferme le désert, le bonheur de la solitude, la retraite a mérité dès le commencement d'être consacrée au repos et à la vie pleine de grâce des saints. La voix de celui qui est dans le désert, saint Jean, en prêchant et en donnant le baptême de la pénitence, a consacré pour nous l'habitation de la solitude, bien que, avant lui, plusieurs saints prophètes aient singulièrement aimé la retraite, comme l'endroit où le Saint-Esprit se fait entendre. Le désert reçut pourtant une grâce de sainteté encore plus excellente et plus divine, lorsque Jésus remplaça Jean. Avant de se mettre à prêcher la pénitence, le divin maître crut devoir préparer une place pour recevoir les pénitents : pendant quarante jours il demeura au désert, comme pour le purifier, et pour consacrer un lieu nouveau pour une vie nouvelle, et il y vainquit le démon qui y séjournait, avec toute sa malice et sa subtilité, non pas tant pour lui que pour ceux qui devaient y habiter dans la suite des siècles. Si donc vous avez pris la fuite et vous êtes fixé dans la solitude, restez-y, attendez-y celui qui vous délivrera de la pusillanimité d'esprit et de la tempête. Quelque guerre qui éclate, quelques épreuves que vous trouviez au désert, et même si vous y manquiez d'aliments, ne retournez jamais, dans la faiblesse de votre âme, en Egypte. Le désert vous nourrira mieux avec sa manne, c'est-à-dire avec le pain des anges, que l'Egypte, avec ses marmites pleines de viande. Jésus jeûna, à la vérité dans le désert, mais souvent il y nourrit miraculeusement la foule qui l'y avait suivi. Souvent il vous alimenta d'autant plus merveilleusement que vous l'y aviez suivi avec plus de mérite et d'amour. Quand vous croirez qu'il vous a oublié, bien loin de perdre de vue sa bonté, il vous consolera et vous dira : « Je me suis souvenu de vous, j'ai eu compassion de votre jeunesse et de l'amour que je ressentis pour vous le jour de vos fiançailles, quand vous m'avez suivi au désert (Jerem. II, 2).» Alors il fera trouver dans le désert, comme les délices du paradis, et vous avouerez vous-même que « la gloire du Liban lui a été donnée avec la beauté du Carmel et et de Saron (Isa. XXXV, 2). » En plusieurs endroits, nous voyons s'accomplir à la lettre cet oracle du prophète : « La vaste surface du désert sera fertile (Psalm. LXIV, 43), les étrangers se nourriront de sa solitude changée en richesses (Isa. V, 17); » de même, tout passage de l'écriture qui, auparavant, paraissait aride et stérile, soudain, par un effet de la bénédiction de Dieu, se remplira d'une merveilleuse abondance et de la richesse de l'esprit, et votre âme rassasiée de cette nourriture amie, produira en vous cette hymne de louange «Que le Seigneur soit célébré par ses  miséricordes, direz-vous, ainsi que par ses merveilleuses tendresses pour les enfants des hommes : parce qu'il a rassasié l'âme indigente et rempli de biens le coeur affamé (Psalm. CVI, 8). »

2. Par une grâce admirable, la Providence a disposé les choses de telle sorte que, dans notre désert, nous avons le repos de 1a solitude et que néanmoins nous ne sommes point privés de la consolation et du profit de la sainte société de nos frères. Chacun peut se tenir solitaire et se taire, parce que personne ne le trouble par ses questions : et cependant il n'encourt pas la malédiction lancée contre celui qui est :seul, qui n'a personne pour le soutenir ; pas un compagnon pour le relever s'il vient à tomber. Nous sommes au milieu des hommes et nous ne sommes pas dans la foule : nous sommes comme dans une ville, et cependant nous n'entendons aucun tumulte qui nous dérobe la voix de celui qui crie dans le désert : en sorte que tantôt nous avons les silence au dedans, tantôt au dehors. « Car les paroles des sages, » comme le dit Salomon, « s'entendent plus dans le silence, que le cri poussé par un prince parmi les insensés (Eccli. IX, 17). » Et maintenant aussi, si tout ce qu'il y a en vous garde le silence, une parole toute puissante arrivera en vous et descendra du siège de votre Père. Heureux donc celui qui s'est éloigné de la sorte, qui a fui le tumulte du mal, et s'est enfoncé si avant dans le secret et dans la solitude du repos de l'âme, qu'il mérite d'entendre non-seulement la parole du Verbe, mais le Verbe lui-même, non pas Jean mais Jésus. Ecoutons, en attendant, ce que nous crie la voix du Verbe, afin de pouvoir passer de la voix au Verbe. « Préparez, » dit-elle, la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers (Isa. XI, 3).» Celui-là prépare la voie, qui corrige sa vie : on rend droit le sentier, quand on marche par les chemins les plus étroits. Certainement la voie droite est la vie corrigée; c'est par ce moyen que bien vient à nous et nous prévient. Le Seigneur dirigera les pas de l'homme, et il voudra que sa voie soit dirigée de sorte que, par elle, il vienne avec plaisir vers l'homme, et marche constamment avec lui. Car si celui qui est la voie, la vérité et la vie ne nous prévient avant son avènement, notre route ne peut être rectifiée selon la règle de la vérité , ni, par là même, dirigée vers la vie éternelle. En quoi le jeune homme corrige-t-il sa voie, sinon en observant les ordres de Dieu (Psal. CXVIII, 9), sinon en marchant sur les traces de celui qui a fait de sa personne la voie par laquelle nous venons à lui? « Plût au ciel, » Seigneur, «que mes voies fussent dirigées de manière à garder vos préceptes : » et que, à cause des paroles tombées de vos lèvres, je suivisse même des sentiers rudes : bien qu'ils paraissent difficiles à la chair, parce qu'elle est faible, ils paraîtront doux et beaux à l'esprit, s'il est prompt. « Ses voies, » est-il dit, « sont belles et tous ses sentiers sont pacifiques (Prov. III, 17). » Les voies de la sagesse sont non-seulement apaisées, mais pacifiques, parce que « lorsque le chemin suivi par l'homme plaira au Seigneur, il amènera même ses ennemis à la paix (Prov. XVI, 7). Si Israël avait marché dans mes voies, s'écrie-t-il, peut-être aurais-je humilié ses ennemis pour rien, et j'aurais mis la main sur ceux qui les persécutaieut (Psal. LXXX, 14). » Pourquoi le remords et l'infortune se trouvent-ils sur leur route, sinon parce qu'ils n'ont par connu le chemin de la paix (Psalm. XIII, 3) ? C'est pourquoi lorsque je vois un homme inquiet, disputeur, hargneux, livré à une tentation très forte, ou fatigué par l'épreuve, je me rappelle ce proverbe : « Le méchant cherche toujours des disputes : l'ange du Seigneur sera envoyé contre lui (Prov. XVII, 11), » il est livré entre ses mains pour le châtiment de la chair, mais pour que l'esprit soit sauvé au jour du Seigneur. Si parfois les impies prospèrent, ne soyez point jaloux de celui à qui la fortune sourit, et qui commet l'injustice (Psalm. XXVI, 1) : parce que ce bonheur est pour lui une occasion de chute, sa route le conduit d'autant plus facilement à la mort qu'elle est moins entourée d'épines. C'est de ces hommes que le sage dit : « la route des pécheurs est pavée de pierres: mais à leur terme, ils trouveront l'enfer, les ténèbres et les châtiments (Eccli. XXI, 11). » Et encore : « Ils passent leurs jours dans l'abondance, mais en un clin-d'oeil, ils descendent dans les abîmes (Job. XXI, 13). » Heureux donc ceux qui sont immaculés dans leur voie, qui suivent le chemin du Seigneur : s'ils boivent, en chemin, de l'eau du torrent, c'est pour cela qu'ils lèvent la tête, et ils rejoindront, à la fin, pour demeurer avec lui, le chef après lequel ils marchent dans la route de la souffrance.

3. Quelque chose donc qui vous arrive dans la voie du Seigneur, courez, avec un cœur joyeux et dilaté, dans le chemin des commandements de Dieu : parce que si cette route paraît étroite aux âmes pusillanimes, elle est droite : si elle semble rude, elle est immaculée. Bienheureux ceux qui suivent leur chemin sans se tacher, qui passent, par les routes de ce monde, sans souiller leurs pieds, sans salir leurs vêtements; ou qui, après les avoir tachés, ne perdent point la seconde place dans la béatitude, tuais se lavent dans le baptême de la pénitence, que donne saint Jean en préparant les voies au Seigneur. La voie immaculée, c'est la chasteté ; elle est la voie agréable par laquelle marche avec plaisir le Seigneur de la grâce, c'est d'elle que le Prophète a dit : « Mon Dieu, sa voie est sans souillure (Psalm. XVII, 31). » Sans tache fat la chasteté par laquelle il entra dans le sein d'une vierge : il faut que sans souillure soit la pureté de l'homme, pureté par laquelle il vient en son âme. Heureuse la conscience à qui convient cette parole : « Dieu m'a entourée de la vertu de continence et a établi rua voie dans l'innocence (Ibid.). » Néanmoins ne vous glorifiez point de la chasteté sans les autres vertus, comme si vous aviez déjà préparé au Seigneur une voie immaculée : sachez qu'il faut de plus que cette voie soit droite et unie, qu'elle ne soit ni ténébreuse ni glissante. « Car la voie des impies est entouré de ténèbres et on y glisse, et l'ange du Seigneur les poursuit (Psalm. XXXIV, 6). » Le chemin des méchants est enveloppé d'obscurité : ils ne savent où ils tombent (Prov. IV, 19). Pensons-nous, mes frères, que dans un de nous se trouve encore quelque chose de pervers dans les volontés, de rude dans les moeurs, de ténébreux par l'inconstance des sens, de glissant par l'ignorance de la conduite? Comment donc accomplirons-nous la précepte de préparer la voie, si , comme il est écrit, nous ne rendons « pas droit ce qui est de travers, et plane ce qui est raboteux (Luc. III, 5) ? »

4. Il est donc avant tout nécessaire, s'il y a en nous quelque volonté perverse et détournée, de la corriger et de la diriger selon la règle de la volonté de Dieu. Autrement nous paraîtrons dire, avec les impies : «la voie du Seigneur n'est point droite (Ezech. XVIII, 25). » Mais, sur le champ, la vérité irréfragable nous confond, et la colère redoutable nous réprimande : « n'est-ce pas que mes voies sont droites et que les vôtres sont perverses ? » Vous donc, qui vous hâtez de préparer la voie au Seigneur, avant tout, que votre volonté soit droite : « parce que la sagesse n'entrera jamais dans l'âme qui veut le mal (Sap. I, 4). » Après avoir rendu droit ce qui était détourné, sachez qu'il n'est pas moins nécessaire de rendre égal ce qui était raboteux : c'est-à-dire qu'il faut aplanir toute l'âpreté des mœurs, et faire que votre conduite offre une apparence égale à ceux qui ont à vivre avec vous, de peur que le doux et tendre voyageur, blessé par l'inégalité de la voie, ne se retire. Pourquoi ne se retirerait-il point ce voyageur « doux et humble de coeur » qui ne se repose que sur celui qui est doux et humble, quand tout l'homme a naturellement aussi horreur de l'homme irascible et intraitable ? Mais si vous avez progressé dans la voie du Seigneur au point d'être arrivé à cette rectitude et à cette mansuétude, vous avez fait quelque pas à la vérité, mais vous n'avez point atteint le terme, tant que la parole de Dieu ne sert pas de lumière à vos pieds, et de lueurs pour diriger vos pas. « Dans le chemin où je marchais,» dit le sage, « ils m'ont tendu un piège (Psalm. CXLI, 4).» Il y a des routes qui semblent droites aux hommes et qui conduisent au fond de l'abîme. « La voie des impies, comme le dit Salomon, « est ténébreuse, ils ne savent où ils tombent (Prov. IV, 19). » C'est ce que dit aussi le Seigneur : « celui qui marche dans l'obscurité ne sait où il va (Joan. III, 35). » Le précepte est une lumière, la loi est un flambeau et les redressements de la discipline sont la voie de la vie (Prov. VI, 23). Celui qui fuit les réprimandes fait fausse route; aussi, si vous êtes sage, vous ne serez point votre, propre guide et votre conducteur dans une route que vous n'avez jamais suivie, mais vous prêterez une oreille docile à l'enseignement des maîtres, et vous acquiescerez à leurs réprimandes et à leurs conseils : vous vous adonnerez à la science et à la lecture, pour ne point dire trop tard dans votre repentir : « Pourquoi ai-je détesté la discipline, pourquoi mon coeur n'a-t-il pas été docile aux avertissements:pourquoi n'ai-je pas écouté la voix de ceux qui m'instruisaient, ni prêté l'oreille à mes maîtres? Je me suis trouvé presque dans toute sorte de maux, dans l'assemblée et la synagogue (Prov. V, 12). » La science de la foi fait éviter les piéges, entendez David qui le reconnaît : « les pécheurs m'ont tendu des piéges, mais je ne me suis point écarté de vos commandements (Psalm. CXVIII, 110). » Comment l'avez-vous pu? « Parce que j'ai acquis en héritage vos témoignages. Et je me suis réjoui dans la voie qu'ils me traçaient, comme dans toutes les richesses du monde. Les pécheurs m'ont attendu pour me prendre : » mais je me suis sauvé, « parce que j'ai compris vos préceptes. La loi, » dit le sage, « est dans le coeur du juste, et, par là, ses pas ne seront pas ébranlés (Psalm. XXXVI, 31). » De là vient que Salomon son fils, dit aussi : « Celui qui est dissimulé trompe de bouche            son ami, mais la science délivrera les justes (Prov. XI, 9). »

5. Mais, fasse le ciel, que cette voie par où nous devons recevoir le salut ou le Sauveur, ne soit pas rendue glissante par l'inconstance de nos oeuvres, de même qu'elle n'est plus dans l'obscurité par l'ignorance de la vérité. Balaam tomba les yeux ouverts (Num. XXI) : la science tient nos yeux ouverts, et nous tombons par notre négligence. Nous péchons le sachant et le voulant, nous glissons parce que nous le voulons bien : aussi devons-nous moins nous en prendre à la pente de la vie, qu'à la volonté de notre âme, c'est-à-dire, au pied sur lequel nous nous appuyons. Qui de nous ne marche point dans un sentier glissant, tant qu’il vit dans le monde et dans ce corps de boue ? Ce n'est donc pas tant à la saute qu'il faut nous en prendre qu'à notre pied qui est moins ferme qu'il ne faudrait. Mais est-ce que celui qui tombe ne se relèvera pas ? Le juste tombe sept fois et sept fois il se relève (Prov. XXIV, 16). Le Seigneur relève ceux qui ont été renversés, il dirige les justes (Psalm. CXLV, 7). Car si jamais mon pied a été ébranlé, votre miséricorde, Seigneur, venait à mon aide (Psalm. XCIII, 18). Quand vous tombez ne pouvant faire autrement, levez-vous, suivez la route, sans cesser de crier vers celui que vous désirez suivre et atteindre : « Affermissez fines pas dans vos sentiers, afin que mes pieds ne soient pas ébranlés (Psalm. XVI, 5). Et si la voie de l'iniquité se trouve en moi, (par un effet de la fragilité humaine), conduisez-moi dans un chemin éternel (Psalm. CXXXVIII, 24), » afin que par vous quiètes la voie et la vérité, j'arrive à vous qui êtes la vérité et la vie éternelle. A vous soit la gloire dans les siècles éternels. Amen.

 

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