|
|
QUATRIÈME SERMON POUR LE DIMANCHE DES RAMEAUX.
1. « Hosanna au fils de David ( Matth. XXI, 9). » Voilà un cris d'allégresse et de salut, un cri de joie et de piété, un cri de foi et d'amour, qui acclame l'arrivée du Rédempteur, et annonce, par une jubilation prophétique, le bonheur de la délivrance tant désirée. « Hosanna au fils de David, » s'écrie cette famille de David ; ce salut s'adresse à celui qui est sorti de la race de David pour sauver ceux qui sont héritiers de la foi de ce saint roi. Enfants, « louez le Seigneur, louez son saint nom (Psalm. CXII, 1). » Dites : « Béni soit le nom du Seigneur, béni celui qui vient au nom du Seigneur. » De la bouche de ces enfants, ô Père, vous avez tiré la louange parfaite de votre Fils, afin de détruire par ce témoignage incorruptible d'une innocence sans tache, l'en nemi et l'adversaire, le Pharisien et le Pontife ; non le vengeur de la loi divine, comme l'iniquité s'est mentie à elle-même, mais le vengeur de sa propre colère et de sa fureur (Psalm. VIII, 3), mais que sa douleur retombe sur sa tête, et que son iniquité descende sur lui (Psalm. VII, 17). « O Dieu, dit le fils à son Père, ne taisez point ma louange, parce que la bouche du pécheur et de l'homme rusé s'est ouverte sur moi (Psalm. CVIII, 2). » Le père ne peut rien refuser à son fils : la voix de ce père souvent entendue du haut du ciel n'a pas tu la louange du fils, les créatures ne l'ont point tue non plus, puisque, par tant de signes et de prodiges, elles l'ont proclamé auteur de la nature. Les anges lui ont rendu témoignage, les démons l'ont confessée, et, faisant écho aux uns et aux autres, le choeur des prophètes l'a chantre à son tour. Mais la louange parfaite, c'est celle que fait entendre cet âge qui ne sait pas flatter, et qui ne cache pas ce que le Saint Esprit lui inspire. Quoi de plus manifeste que le témoignage que cette jeunesse si neuve et si inexpérimentée rendait, mais ne faisait pas, et que le Saint-Esprit, parla bouche, des simples, selon sa coutume, prodiguait à Jésus-Christ Fils de Dieu? 2. Certainement le Saint-Esprit, au courant des oeuvres du Christ, sachant ce que son avènement préparait de bonheur, ce que sa passion devait produire de paix et de salut pour le genre humain, suscitait dans le cur des enfants des joies révélatrices, et, pour prophétiser au genre humain l'allégresse de la rédemption, employait le ministère des simples et des petits. Ce divin esprit qui appelle ce qui n'existe pas aussi bien que ce qui est, s'adressait à eux, lorsque, par son prophète, il disait ce qui a été fait aujourd'hui par lui : il ordonnait alors, et maintenant il exécute. « Tressaille, fille de Sion, dit-il, livre-toi à l'allégresse, fille de Jérusalem ; voici que ton roi arrive juste et sauveur, pauvre et monté sur un âne (Zach. IX, 9). » Tressaille désormais, toi qui as été dans la tristesse: rassasie-toi, si tu le peux, de cette joie ineffable, que ne rassasie qu'en excitant une plus heureuse et plus vive soif. Que ta bouche soit remplie de joie, et ta langue d'allégresse : si la bouche et la langue ne peuvent suffire à les traduire, que le transport répande au dehors ce que l'affection ne comprend pas. «Tressaille, fille de Jérusalem,» s'écrie le prophète (Zach. IX, 9). Bienheureux, en effet, le peuple qui connaît la jubilation (Psalm. LXXXVIII, 16). Oui, heureux le peuple qui sait et qui comprend qu'il doit aujourd'hui se réjouir d'une joie ineffable, puisque le Sauveur promis et attendu depuis le commencement des siècles, lui arrive. Bienheureux le peuple qui accourt à sa rencontre en ce jour avec toute la vivacité de sa dévotion, et s'écrie de cur et de voix tout ensemble : « Béni soit, celui qui vient au nom du Seigneur (Matth. XXI, 3). » Le fils est béni du Père, en ce que celui qui le bénira sera comblé, non pas d'une seule, mais de plusieurs bénédictions, car la bénédiction qu'il donne ait Seigneur retombera avec abondance sur sa tête. Malheur à la nation pécheresse, à la race coupable, aux fils criminels que regarde cette plainte redoutable du Seigneur : « Je n'ai point prêté, nul ne m'a prêté : tous me maudiront, s'écrie le Seigneur (Jerem. XV, 20). » C'était là le peuple juif, qui dédaigna d'entrer en relation avec le Seigneur et d'échanger avec lui le dons et les présents, parce qu'il ne voulait pas bénir le béni du Père pour être béni, mais l'appelait Samaritain,démoniaque (Joan. VIII, 48), outrageait Dieu de ses malédictions, blasphématrices et impies. « Ils maudiront, dit le Prophète, et vous bénirez (Psalm. CVIII, 28). » Car cette bénédiction qu'ils n'ont pas voulu ira vers les nations infidèles. Nations, bénissez notre Dieu, parce que le premier, il vous a prêté, en vous prévenant des douceurs de sa bénédiction, il vous rendra avec de grandes usures dans les bénédictions de la béatitude, ce que vous aurez donné. 3. Pour moi, cependant, je crains, mes frères, que cette plainte exhalée par le Seigneur, ne s'adresse à ces temps de tiédeur et d'infidélité : « je n'ai point prêté, personne ne m'a prêté.» Parce que, en effet, la grâce est offerte et n'est point reçue : on promet la récompense à l'oeuvre et à peine quelqu'un travaille-t-il dans l'espoir de l'obtenir ? Le Seigneur prête lorsque, distribuant les talents, il donne à ses serviteurs la science de la parole ou la grâce de quelque emploi l'homme bienfaisant, qui a compassion et qui donne, prête au Seigneur, l'Ecriture disant : « Celui qui exerce la miséricorde envers son prochain, prête au Seigneur (Prov. XIX, 17). » Bien plus, quiconque fait quelque action dans l'espoir de la récompense divine, prête au Seigneur, et peut dire : « Je sais à qui je me suis confié (II Tim. I, 12) ; » je sais quia dit : « Si tu dépenses quelque chose de plus, je te le rendrai à mon retour (Luc. X, 35). » Pour nous, cous ne lui prêtons rien, ou si nous lui prêtons, c'est avec timidité et froideur, comme s'il était un débiteur infidèle, ou qu'il n'ait point de quoi rendre. Elle avait une foi bien grande, cette population d'Israël, qui en voyant le Seigneur pauvre, monté sur un âne qui ne lui appartenait pas, le lui prêtait néanmoins en toute dévotion et sécurité, étendait sur la route ses vêtements, et, bien plus, se dépensait tout entière, autant qu'elle le pouvait, pour contribuer à l'honorer. Elle avait l'intelligence du pauvre et de l'indigent, car le Seigneur lui avait donné un signe pour connaître le Sauveur, la pauvreté qui le rend méprisable aux yeux des superbes. « Il est pauvre, » dit-il, « et monté sur un âne. » A ce signe tu pourras reconnaître ton roi, ce souverain dont le royaume n'est pas de ce monde: en effet, pour combattre l'orgueil qui domine en ce monde, il prêchera la pauvreté ou l'humilité, soit par ses paroles, soit aussi par ses exemples. 4. Bienheureuse donc la fille de Sion, qui a appris à vénérer l'humilité comme une armure céleste, comme un insigne royal. Malheureuse est sa mère, la Sion infidèle, qui, en voyant le Sauveur humble, le dédaigna, et lui porta envie, quand elle le vit honoré. Bienheureuse, dis-je, l'Eglise des premiers nés, qui l'a si fidèlement reconnu, et qui l'a reçu avec tant de reconnaissance quand il s'est présenté au nom du Seigneur : infortunée est la Synagogue des perfides, qui, prête à accueillir celui qui viendrait en son propre nom, était tourmentée des honneurs rendus à celui qui cherchait la gloire du Père. « Gourmandez, » dit-elle, « vos disciples (Luc. XIX, 39). » Comme si leur simplicité pouvait l'aduler, ou comme si sa sainteté pouvait se plaire dans de vaines louanges. « Je vous dis, » répond le Sauveur, « que s'ils se taisent, les pierres crieront (Ibid.), » parce que Dieu ne taira point mes louanges. Il en est ainsi, et s'ils se taisent, les pierres crieront, ainsi, au temps de la passion,ils gardèrent le silence, mais les pierres crièrent, lorsqu'en témoignage rendu à la gloire du Christ mourant, « les rochers se déchirèrent et les sépulcres s'ouvrirent (Matth. XXVII, 51). » Oui, il en est bien ainsi, car si la Synagogue se tait aujourd'hui, selon cette parole : « J'ai fait taire sa mère durant la nuit (Ode. IV, 5), » l'Eglise des nations, formée de pierres vivantes, crie ; elles crient ces pierres, dont celui qui est tout-puissant s'est suscité des enfants d'Abraham. « Louez le Seigneur, » s'écrie le Prophète (Isa. XLII, 11), « vous qui habitez les rochers, ils crieront du haut des montagnes.»Voici qu'aujourd'hui, dans les trous de la pierre, dans les cavernes, retentit la voix de la colombe, qui crie et dit : « Hosanna, au Fils de David : béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. (Matth. XXI, 9). » 5. Béni soit-il celui qui, pour me permettre d'établir mon nid dans les trous de la pierre, a souffert qu'on lui ouvrit les mains, les pieds et le côté, et s'est tout ouvert à moi, afin que j'entrasse dans l'enceinte du tabernacle admirable, et que je fusse protégé dans le secret de cette demeure. Cette pierre est une retraite favorable aux hérissons mais c'est aussi un séjour agréable aux colombes : toutes les blessures ouvertes dans son corps, offrent le pardon aux coupables et la grâce aux justes. Si vous voulez une demeure assurée pour vous, mes frères, et une tour redoutable à l'ennemi, c'est de vous arrêter à méditer avec une pieuse attention les blessures de Notre Seigneur Jésus-Christ, et à protéger son amour par la foi et par l'amour du divin crucifié, contre les ardeurs de la chair, le tourbillon du siècle, et les attaques du démon. La protection que nous donne ce tabernacle est au dessus de toute la gloire du monde, le long du jour il défend contre la chaleur, en donnant de l'ombre il fournit un abri contre la pluie et la tempête en sorte que dans le jour, le soleil ne vous brûle point par la prospérité, et que le tourbillon ne vous ébranle pas dans la tempête. « Entre donc dans le rocher, ô homme, cache-toi dans la terre creusée (Lsa. II, 10), » place ta retraite dans le crucifié. Il est la pierre, il est la terre, parce qu'il est homme et Dieu; il est la pierre percée, la terre creusée, parce que, s'écrie-t-il, « ils ont creusé mes mains et mes pieds (Psalm. XXI, 17). Cachez-vous, » dit le Prophète, « dans la terre creusée en face du courroux du Seigneur; » c'est-à-dire, de lui fuyez vers lui, du juge courez au Rédempteur, du tribunal à la croix, de celui qui est juste, à celui qui est miséricordieux ; de celui qui frappera la terre avec la verge de sa bouche, vers celui qui l'enivre, des perles de son sang; de celui qui, du souffle de ses lèvres fera périr l'impie, à celui qui, par le sang tombé de ses blessures, rend la vie aux morts. Non-seulement, fuyez vers lui, mais fuyez en lui entrez dans les trous de la pierre, cachez-vous dans la terre creusée, plongez-vous dans ses mains percées, et dans son côté entr'ouvert. La blessure du côté de, Jésus-Christ, qu'est-elle, sinon l'ouverture pratiquée au flanc de l'arche pour ceux qui devaient être sauvés du déluge? L'une est la figure, l'autre est la réalité ; elle nous conserve la vie mortelle, et, de plus, nous fait recouvrer celle qui est immortelle, Cet ami pieux et miséricordieux a ouvert son côté, pour que le sang, sorti de cette blessure, vous vivifiât, pour que la chaleur de son corps vous ranimât, pour que son coeur vous aspirât par cette ouverture libre et agrandie. Là, vous vous cacherez en sûreté jusqu'à ce que l'iniquité passe; vous n'y ressentirez aucune froide atteinte, parce que la charité ne se refroidit pas dans les entrailles de Jésus-Christ; vous y goûterez des délices en abondance, vous y aurez des joies en plus grande abondance encore, alors du moins que votre mortalité aura été absorbée par la vie de votre chef et de tous ses membres. 6. C'est donc avec raison que la colombe de Jésus-Christ, que sa ravissante amie, qui a trouvé dans ses plaies des ouvertures si assurées et si agréables pour y placer son nid, chante aujourd'hui ses louanges avec joie, et, au souvenir ou à l'imitation produits par la méditation de la passion, comme du fond des trous de la pierre, fait retentir, aux oreilles de l'Époux de suaves mélodies. Du reste, mes frères, à vous qui avez établi votre demeure d'autant plus profondément dans les trous de la pierre, que vous vivez plus secrètement en Jésus-Christ, « ayant votre vie cachée avec Jésus-Christ en Dieu (Gal. III, 3), » à vous d'avoir une dévotion plus tendre, de même que votre existence est plus douce et plus assurée, surtout aujourd'hui, quand le retour du temps et la représentation de la cène nous font assister à la joie solennelle avec laquelle le Sauveur fut reçu à Jérusalem, « Béni parce qu'il venait au nom du Seigneur, » A lui bénédiction, règne et domination, à lui qui est pardessus toutes choses, Dieu béni dans les siècles des siècles. Amen.
|