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SIXIEME SERMON POUR LA FÊTE DE LA PURIFICATION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE.
1. « Après que les jours de la purification furent accomplis, ils portèrent Jésus à Jérusalem (Luc. II, 22). » O qu'il est heureux, l'homme dont on peut dire : les jours de sa purification ont été accomplis : il ne lui reste plus qu'à être transporté dans la Jérusalem céleste et présenté au Seigneur. Tel était notre vieillard Siméon, aussi désirable que plein de désirs, dont les jours de la purification avaient été autrefois accomplis, comme le furent en cette journée, ceux de son attente; en sorte que, selon la parole du Seigneur, il ne lui restait plus, après avoir vu l'oint du Seigneur, le Christ, la paix de Dieu et des hommes, qu'à être renvoyé en paix et à dormir en repos sur son sein, c'est-à-dire, qu'à être porté dans la Jérusalem de l'éternelle tranquillité, et à être établi dans ses parvis, pour y contempler la paix, qui surpasse tout sentiment. O Siméon, homme de désirs, votre souhait a été accompli dans le bien. Heureux vieillard, votre jeunesse a été renouvelée comme celle de l'aigle. Déjà cous êtes entré à l'autel de Dieu, à cet autel élevé, éternel, d'or massif, auprès du Dieu qui renouvelle votre jeunesse par l'éternelle vision qu'il vous accorde de lui, lui qui en ce jour a réjoui votre vieillesse en vous montrant son Christ. Déjà, devant cet autel invisible vous avez été présenté au Père, à l'autel visible duquel vous avez aujourd'hui offert son Fils. Là, vous étreignez dans un baiser éternel et inséparable, ce Fils lui-même qui vous avez porté sur votre poitrine. 2. Le désir de ce bienheureux vieillard a donc été rempli dans le bien, lui dont toute l'attente et le souhait était celui qu'attendaient et qu'appelaient de leurs vieux toutes les nations. Sa jeunesse a été renouvelée comme celle de l'aigle, parce que les jours de sa purification ont été accomplis dans une heureuse vieillesse. Jamais il n'aurait pu être capable de ce renouvellement, s'il n'avait soigneusement purifié en ces jours ce qu'il y avait en lui de vieux. Mes frères, enlevez le vieux levain pendant que vous avez le temps de le purifier, afin que lorsque les jours de votre purification seront accomplis, vous soyez trouvés dignes, vous aussi, de cette joie dont est remplie, à présent, l'âme de Siméon. Et, que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, nous coulons les jours qui nous ont été accordés pour nous purifier: mais malheur à nous si ces jours s'écoulent sans que la purification s'accomplisse, s'il est nécessaire que nous soyons purifiés par ce feu, qui est plus cruel , plus vif et plus violent que tout ce que l'on peut imaginer en cette vie. Mais quel est l'homme si parfait et si saint, qui, en quittant cette terre, ne doive rien au feu ? Qui aura si parfaitement brillé toutes ses souillures, qu'il puisse se vanter d'avoir un cur pur, et dire: mon coeur est sans tache, je suis exempt de péché? Les élus sont en petit nombre, et parmi eux, plus rares encore, du moins c'est ma pensée, sont ceux qui se trouvent parfaits, au point d'avoir accompli la purification dont le sage dit « Purifiez-vous avec feu au sujet de votre négligence (Eccli. VII, 34). » Si nous nous purifions entièrement de nos négligences, nous serions de ce petit nombre. Mais parce que maintenant nous sommes négligents , non-seulement dans les petites, mais encore dans les grandes choses, nous sommes séparés et mis loin de ce petit troupeau sur la terre, et celui qui préfère le petit nombre des saints à la multitude de négligents s'écrie à notre sujet : « Ils étaient avec moi au milieu d'un grand nombre (Psalm. LIV, 19). » 3. Et aujourd'hui, qui y a-t-il de si particulier et de si commun à la fois que la négligence dans ceux qui ont un extérieur de religion ? Que de fois, pour ne parler que de moi, les ennemis tournent-ils mes sabbats en dérision? Que de fois mon âme s'endort-elle dans son ennui; que de fois la paresse dévore mes journées entières, comme si le temps pouvait être rappelé. Et plût au ciel que mon âme dormît de telle sorte, que les yeux ouverts et éveillés je ne me forgeasse pas à moi-même, malheureux que je suis, des songes vains et illusoires! Mais, pour donner un sens tout détourné à ce passage, je veille et mon coeur dort, et d'un sommeil si profond, qu'à peine s'il peut se réveiller au tonnerre de cette menace d'en haut : « Jusques à quand dormira-tu, paresseux ? Quand sortiras-tu de ton sommeil ? Tu dormiras un peu, tu t'assoupiras un peu, tu serreras un peu les mains pour t'endormir, et l'indigence t'arrivera comme un voyageur, et la pauvreté fondra sur toi, comme un guerrier armé (Prov. VI, 9 et Ibid. X. ). » Ce qu'il y a de plus malheureux, c'est qu'aujourd'hui on ne regarde point comme une perte, mais comme un gain, de passer en dormant, de laisser passer négligemment les jours qui nous ont été donnés pour nous purifier. On rapporte, qu'un païen, au moment de prendre son repas, se souvenant qu il n'avait rien fait ce jour-là de remarquable et de digne de mémoire, repoussa la table en gémissant et s'écria avec douleur : « O mes amis, j'ai perdu ma journée. «Pour nous, nous semblons avoir dit : je l'ai gagnée, si nous la pouvons passer tout entière sans travailler et dans l'inertie. Aussi il n'est presque personne qui estime le temps à sa juste valeur, qui réfléchisse en lui-même, combien vaut un seul jour pour gagner l'éternité. Croyez-vous qu'il y ait parmi nous quelqu'un qui se demande compte chaque soir de ses journées, qui note en lui-même les pertes ou les gains qu'il a faits : en sorte que s'il se trouve négligent aujourd'hui, il se préserve et se comporte avec plus de précaution à l'avenir ? Heureux le serviteur que ce dernier, en arrivant, trouvera agissant ainsi. 4. Nous nous purifierions de nos négligences avec le petit nombre, si nous accomplissions avec droiture et profit les jours destinés à cette purification, en sorte que nous puissions, une fois, obtenir un salutaire accès au Saint des saints. Autrement, tant que l'homme restera dans le sang de sa purification, la justice éternelle a réglé que cela est écrit (Levit. XII, 3) dans la loi de Moïse, qu'il ne doit ni toucher tout ce qui est saint, ni entrer dans le sanctuaire, « jusqu'à ce que soient accomplis les jours des sa purification. » Que ceux donc qui ne sont pas encore sortis du sang, qui n'ont pris aucun soin de se purifier, voient de quel front ils entrent dans le sanctuaire; avec quelle conscience non-seulement ils touchent les choses saintes, mais encore ils prennent en main et reçoivent en eux le Saint des saints. N'entendent-ils pas le Seigneur protester et dire : Quand vous étendrez vos mains, je détournerai mes yeux : car elles sont pleines de sang ? (Isa. I, 15). » Qu'importe, en effet, que je sois pur du sang étranger, si le Seigneur me voit foulé dans mon propre sang, ainsi qu'il parle au sujet de Jérusalem, par la bouche d'Ezéchiel? (Ezech. XVI, 6) De quoi me servira, dis-je, que mes pieds ne soient point rapides pour répandre le sang d'autrui, si mes affections sont très portées à acquiescer à la chair et au sang dont l'Apôtre a dit : « Qu'ils ne possèderont pas le royaume de Dieu (I. Cor. XV, 50). Maudit soit, » s'écrie Jérémie, « celui qui éloigne son glaive du sang (Jerem. XLVIII, 10). » c'est-à-dire qui évite de retrancher en lui les vices de la chair et du sang. O Dieu, Dieu de mon salut, (Psalm. L, 16) délivrez-moi du sang, de sorte que, en entrant dans le sanctuaire avec le sang de ma purification, ou en touchant les saints mystères, je ne me rende coupable de votre corps et de votre sang, en les recevant indignement en moi. Cependant, je vous rends grâce, ô Dieu, Dieu de mon salut, de ce que vous avez versé votre sang précieux expressément pour laver l'impureté de notre sang, de ce que vous n'avez pas eu horreur d'être touché par la pécheresse qui souffrait d'un flux de sang, mais qui désirait son salut, et savait que nul, si ce n'est vous, ne peut rendre pur celui dont l'origine est impure : que ce ne sont point ceux qui se portent bien, mais ceux qui étant malades souhaitent leur rétablissement, qui ont besoin de médecin. Conséquemment, toucher le Saint des saints est une condamnation à mort pour ceux qui se plaisent à croupir dans leur sang, absolument comme un remède salutaire pour ceux qui désirent se purifier, selon la prophétie de Siméon : « Cet enfant est placé pour la ruine et pour la rémission de plusieurs (Luc. II, 34) » 5. Vous aussi, mes frères, vous avez été dans le sang, mais vous avez été nettoyés, purifiés; seulement, ainsi que le juste le confesse : « Quand vous auriez été passés à l'eau de neige, vous êtes aussitôt souillés (Job. IX, 30), » non-seulement ar une condition corrompue, mais encore par la volonté infirme , en sorte que des taches nouvelles appellent sans cesse de nouvelles purifications. biais l'étonnante et malheureuse négligence des hommes éclate en ce que, bien que nul n'ose se vanter de n'avoir pas besoin de se purifier, presque tous négligent d'employer à se laver de leurs fautes, la lampe qui a été accordée à cet effet, comme s'il était parfaitement pur. Mes frères, les « jours de l'homme sont courts (Job. IX, 25), » mais très-précieux, d'autant plus précieux qu'ils s'écoulent plus rapidement; ce sont des jours destinés à sa purification, car ils seront bientôt suivis des jours de la récompense. Bienheureux ceux qui, en ce temps, lavent leurs habits et les blanchissent dans le sang de l'Agneau, de crainte que s'ils étaient encore rouges de sang, ils ne fussent livrés aux flammes pour être la pâture du feu (Isa. IX, 5). Non-seulement, la crainte du supplice nous presse, mais encore l'espérance de la récompense nous excite à nous appliquer avec toute sorte d'attention et de soin, à nous purifier, pour nous réjouir d'avoir réellement accompli en nous, ce que le Fils de Dieu a voulu figurer en ce joue en lui par une manifestation extérieure pleine de altesse. Quel est ce mystère ! « Après que furent accomplis les jours de la purification, » dit le texte sacré, «on porta à Jérusalem lenfant Jésus pour le présenter au Seigneur (Luc. II, 22). » Et nous aussi, si les temps de notre purification s'accomplissent fidèlement, les anges nous élèveront vers la Jérusalem d'en haut, afin que, présents à la face du Seigneur, nous lui soyons une oblation agréable et sans tache. C'est là que nous serons entièrement purifiés du péché et de la peine due au péché. Là sera la consumation de notre purification, parce que là en sera la récompense, lorsque le feu divin nous consumera en entier et fera de nous un holocauste pour le Seigneur. 6. La dévotion des saints ne cesse point, même à l'heure qu'il est, d'imiter le mode inexplicable de cette très-heureuse purification, autant que le permettent la corruption du corps et les soucis inséparables du séjour de la terre ; ravis en esprit en cette Jérusalem, véritable lieu de prières, ils offrent, de leur fonds et pour eux, en présence du Seigneur, comme une tourterelle et une colombe, en tressaillant de cur et de corps dans le Dieu vivant, parce que « la colombe se trouve une demeure,et la tourterelle un nid dans vos autels, ô Dieu des vertus (Psalm. LXXXIII, 4). » Je pense, cependant, qu'il y a une pratique aussi méritoire et peut-être plus efficace pour assurer notre purification, celle de faire constamment par la foi cette présentation au Seigneur qui s'opère rarement par reflet et en figures et à quelques âmes rares; celle de placer toujours le Seigneur en notre présence, contemplant, avec une foi sans cesse en éveil et une crainte sans repos, ses yeux et ses desseins arrêtés sur nous. Que cette foi se trouve en vous, mes frères, et vous serez du petit nombre; que cette crainte subsiste dans vos coeurs, et vous vous purifierez de vos négligences avec le petit nombre, parce que cette crainte ne néglige rien facilement. Aussi, ainsi que l'Epoux le promet à l'Epouse, de ce commencement vous irez plus avant, vous marcherez de vertu en vertu, de clarté en clarté, comme conduits par l'esprit du Seigneur (II Cor. III, 18); de cette vision qui a lieu par la foi, vous irez à celle qui se fait par reflet et en image; et enfin de celle qui est en image, à celle qui aura lieu dans la claire vile de ta vérité môme de la face, ou dans la face de la vérité directement contemplée. Si donc vous fixez constamment par la foi vos yeux sur le visage du Seigneur, bien que voilé, plus tard, vous regarderez sa gloire, à visage découvert, bien qu'en reflet et en énigme. Et, lorsque les jours de la purification accomplis, arrivera ce qui est parfait, vous serez présentés au Seigneur à Jérusalem, habitant la clarté de sa face, la contemplant sans terme et immédiatement. A lui bénédiction et gloire dans les siècles des siècles. Amen.
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