PENTECOTE II
Précédente ] Accueil ] Remonter ] Suivante ]

Accueil
Remonter
GUERRIC
AVÈNEMENT I
AVÈNEMENT II
AVÈNEMENT III
AVÈNEMENT IV
AVÈNEMENT V
NATIVITÉ I
NATIVITÉ II
NATIVITÉ III
NATIVITÉ IV
NATIVITÉ V
ÉPIPHANIE I
ÉPIPHANIE II
ÉPIPHANIE III
ÉPIPHANIE IV
PURIFICATION I
PURIFICATION II
PURIFICATION III
PURIFICATION IV
PURIFICATION V
PURIFICATION VI
CARÊME I
CARÊME II
SAINT BENOIT I
SAINT BENOIT II
SAINT BENOIT III
SAINT BENOIT IV
ANNONCIATION I
ANNONCIATION II
ANNONCIATION III
RAMEAUX I
RAMEAUX II
RAMEAUX III
RAMEAUX IV
RÉSURRECTION I
RÉSURRECTION II
RÉSURRECTION III
ROGATIONS
ASCENSION
PENTECOTE I
PENTECOTE II
JEAN-BAPTISTE I
JEAN-BAPTISTE II
JEAN-BAPTISTE III
JEAN-BAPTISTE IV
PIERRE ET PAUL I
PIERRE ET PAUL II
CANTIQUE III
ASSOMPTION I
ASSOMPTION II
ASSOMPTION III
ASSOMPTION IV
NATIVITÉ DE MARIE I
NATIVITÉ DE MARIE II
TOUSSAINT
CANTIQUE

DEUXIÈME SERMON POUR LA FÊTE DE LA PENTECOTE.

 

1. « Les apôtres redisaient en diverses langues les grandes œuvres de Dieu (Act. II, I et 11). » C'est-à-dire, leurs langues parlaient de l'abondance de leurs coeurs. Les louanges du Seigneur éclataient sur leurs lèvres, parce que la charité de Dieu était répandue dans leur coeur. O Seigneur, mon Dieu, moi aussi, je vous louerais pareillement, si j'avais bu comme eux. Mais, parce que mon âme est desséchée, ma langue est tiède. Que mon âme se remplisse de graisse et d'embonpoint, et ma bouche vous louera avec des lèvres agitées d'allégresse. Mes lèvres rediront une hymne da louanges, mais lorsque vous m'aurez appris vos justices (Psalm, LXII, 6), c'est-à-dire quand vous m'aurez donné à goûter combien vous êtes doux, afin que j'apprenne à vous aimer de tout mon coeur, de toute mon âme et de toute ma force. Vous êtes bon, dans votre bonté, apprenez-moi vos justices (Psal. CXVIII, 68). Car votre bonté, c'est votre onction, par laquelle vous instruisez ceux dont il a été dit : « Ils seront tous dociles à Dieu (Joan. VI, 45). » Heureux l'homme que vous aurez instruit, Seigneur, et à qui vous aurez appris votre loi (Psal XCIII, 12). La loi immaculée du Seigneur, la loi qui convertit les âmes, c'est la charité (Psalm. XVIII, 8) : loi de feu, qui est dans la droite de Dieu, qui est écrite avec son doigt sur l'étendue du coeur, et qui embrase le cœur de l'incendie du divin amour, et fait éclater la bouche en paroles pleines de feu. « Du haut des cieux, » dit le Prophète, «il a envoyé le feu dans mes os et il m'a instruit (Thren. I, 13). » Oh ! avec quelle promptitude et quelle facilité, avec quelle puissance et quelle abondance, ce feu que Notre-Seigneur Jésus-Christ a allumé sur la terré, a non-seulement instruit les ignorants,mais encore dégagé ceux qui étaient chargés de biens ! Oui, ce sont des langues de feu, ces langues par lesquelles se distribuera ce feu divin, puisqu'elles embrasèrent non-seulement les âmes, mais encore les langues des apôtres, au point que, même aujourd'hui, celui qui les écoute avec piété s'enflamme à leur discours. Oui, la langue de Pierre était de feu, la langue de Paul était de feu; encore aujourd'hui, le feu brille dans leurs paroles et il brille sur nos cœurs, si nous nous en approchons, si nous ne détournons pas l'oreille des enseignements qu'ils nous ont laissés.

2. Si j'avais mérité de recevoir une de ces langues, je dirais, moi aussi : « Le Seigneur m'a donné une langue pour ma récompense, par son moyen, je le louerai (Eccli. LI, 30), » ainsi qu'il est écrit de celles des apôtres: « Les apôtres célébraient en diverses langues les grandes oeuvres de Dieu. » la dirais aussi : « Le Seigneur m'a donné une langue érudite, afin que je susse soutenir par la parole celui qui est tombé (Isa. L, 4).» Les apôtres et ceux qui ont reçu des langues semblables aux leurs, prêchent les grandeurs de Dieu, ils frappent les tyrans, ils flagellent les démons, ils inondent la terre, ouvrent les cieux, parce que leurs langues sont devenues les clefs du ciel, attendu qu'ils les ont reçues du ciel même. Pour moi, plût au ciel que j'eusse reçu au moins une langue de chien, afin de lécher d'abord mes propres ulcères, et ensuite celles des autres, s'il y avait quelqu'un qui voulût bien m'admettre à lui rendre ce service. Heureux ceux dont l'amour et la dilection des louanges de Dieu remplissent le cœur de joie et la bouche de transports d'allégresse. Mais je proclame bienheureux aussi ceux qui, en léchant la pourriture et le venin des âmes, attirent en eux l'esprit et la grâce qui engraisse leur coeur. Ils ont faim et soif de la justice, et sont affamés comme des chiens, aussi ne repoussent-ils rien de ce qui peut entrer dans le corps; ils n'ont en horreur aucun pécheur qu'ils peuvent convertir. Ce que Dieu a purifié, ne le dis pas immonde, fut-il révélé au prince des apôtres (Act. X, 15), et, en sa personne, à tous les autres. A raison de cet oracle, il tue et mange toute espèce de reptiles et d'oiseaux, et dit : « Ce que mon âme auparavant ne voulait point toucher est maintenant ma nourriture, tant un désir impatient me presse (Job. VI, 7). » Bien plus, par un effet merveilleux, plus un pécheur nous cause d'amertume avant sa conversion, plus son retour nous donne de douceur; plus il était désespéré, plus son salut nous est agréable; parce que nous admirons davantage la grâce de celui qui le sauve, de celui qui, en rapportant sur ses épaules la brebis perdue, cause plus de joie aux anges, par le retour d'un seul pécheur, que quatre-vingt-dix-neuf justes (Luc. XV, 10) ne leur en donnaient.

3. Qu'ils s'écrient donc, ceux qui ont reçu cette faveur: Seigneur que vos paroles sont douces à ma bouche (Psalm. CXVIII, 113). Mon âme épuisée et affamée comme un chien, prendra l'amer pour le doux et l'abominable pour ce qui est désirable. Que d'autres trouvent leurs délices à lécher le miel des Écritures, pour, moi, ma jouissance sera de lécher les ulcères des pécheurs, les miens et ceux de mes semblables. L'ulcère du péché est hideux, il est horrible à voir, mais cependant, la grâce et le goût qu'il y a à la lécher, nul ne le sait, nul ne le comprend que celui qui a faim du salut des âmes qui se perdent, et qui est affamé comme le chien. C'est de ceux qui lui ressemblent qu'il est dit : « La langue de vos chiens sera teinte du sang de vos ennemis (Psalm. LXVII, 24). » Mais malheur à ces misérables qui ont une telle volonté de mourir, et qui tiennent tant à périr, qu'ils cachent leurs blessures, refusent les services des chiens et regardent la dureté de la langue qui les guérirait comme la morsure d'une haine mortelle. « Ils ont haï celui qui les réprimandait à la porte et ils ont eu en horreur celui qui parlait parfaitement (Amos. V, 10). » Je dis, qui parlait parfaitement, non pas tant parce qu'il dissertait sur la perfection, que parce qu'il corrigeait avec une charité parfaite. Dirai-je, charité parfaite ou haine parfaite ? C'est l'un et l'autre, c'est une haine parfaite et une charité parfaite; parce que la haine parfaite n'est point autre chose que la charité parfaite; l'une et l'autre ont pour perfection ce que l'Apôtre désigne en ces termes : « Haïr le mal, s'attacher an bien (Rom. XII, 9). »

4. Mais je reviens à ma première pensée. Je voudrais avoir une langue pour louer Dieu, ou du moins une langue pour guérir les plaies de ceux qui viendraient m'accuser leurs fautes; d'un côté, je cherche le fruit de la dévotion divine, et, de l'autre, le salut de mes frères; je désire vous devenir agréable par l'une et utile par l'autre. Car voici, au sujet de l'art des séculiers et de l'office des poètes, ce que nous puisons dans l'un d'entre eux  : « Les poètes veulent être utiles ou agréables. Celui-là atteint la perfection, qui mêle l'utile à l'agréable. » Oui, je désirais la grâce de la parole pour vous servir et servir Dieu, afin de compenser par mes discours, ce que je ne puis faire par mes paroles. Quoique je me méfie beaucoup de cette consolation, si je parle sans agir; si j'ai la facilité de la langue, et suis dépourvu des mérites de la vie ; bien plus, il est plutôt à redouter que Dieu ne dise à ce pécheur : « Pourquoi racontes-tu mes justices et prends-tu mon testament dans ta bouche (Psalm. XLIX, 16)? » Mais que ferai-je? Si je parle, ma douleur ne cessera pas; si je me taira elle ne me quittera pas. Une crainte fatigante m'entoure de tous côtés et je suis pris entre deux maux; ma position exige que je parle, et ma vie contredit mes paroles. Je me souviens cependant d'une pensée que j'ai trouvée dans Salomon : « L'âme de celui qui travaille, travaille pour lui, parce que sa bouche l'a poussé (Prov. XVI, 26). » Je parlerai donc, non comme       le demande l'office que je remplis, mais comme mes moyens me le permettent, ou plutôt comme le bon Dieu m'en fera la grâce, lui, en la main de qui nous sommes, nous et nos discours. Je parlerai et me lierai par mes propres paroles, afin qu'elles m'excitent à faire en sorte d'éviter la confusion; et pour que, si mon corps s'exempte du travail des mains, mon âme, en travaillant, travaille pour elle et se dise avec plaisir: « J'ai travaillé en mon gémissement (Psalm. VI, 7). » O, si on me donnait, pour travailler avec eux, ces gémissements ineffables par lesquels le Saint-Esprit prie pour les saints, sans nul doute, le travail de ces saints gémissements compenserait suffisamment pour moi, le travail quotidien que je ne puis accomplir.

5. Mais, vous aussi, mes frères, si vous avez appris à désirer des dons meilleurs, souhaitez que le Saint-Esprit répande en vous des gémissements de ce genre. Je ne sais si, parmi les dons de ce divin Esprit, il en est un plus convenable ou plus utile ; je ne sais si, pour cet Esprit qui parut sous la forme d'une colombe, il y a une voix plus familière ou plus agréable que le gémissement. Ce que je sais, c'est qu'il n'est rien qui trouve en nous autant de matière que les gémissements et les plaintes, à moins que notre orgueil ne nous dérobe notre misère, ou que notre coeur ne soit endurci par l'engourdissement ou la folie. Le premier effet médicinal que le Saint-Esprit, qui est notre lumière et notre salut, opère dans les infirmes dont il apris soin, c'est que le malade se sent et se connaît lui-même, et que, rentré en son coeur, il dit au Seigneur avec le prophète : « Après que vous m'avez converti, j'ai fait pénitence , et après que vous m'avez fait voir, j'ai frappé mes cuisses (Jerem. XXXI, 19). » Si l'homme n'augmente sa science, il n'augmentera pas la douleur : s'il ne souffre point, il ne mérite pas de consolation. Car bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés (Matth. V, 5). Je pense que la consolation du Saint-Esprit n'aurait pas trouvé de quoi s'exercer dans les apôtres mêmes, s'ils n'avaient pas pleuré dans leur désolation, parce que les fils de l'Époux ne pouvaient s'empêcher de pleurer, puisqu'il avait été ravi à leur affection. Par là s'explique la parole que Jésus leur disait: « Si je ne m'en vais point, le Paraclet ne viendra pas à vous (Joan. XVI. 17). » Si la privation de ma présence sensible ne vous afflige pas, la visite de l'esprit ne vous consolera point. « Donnez, dit-il, de la bière à ceux qui sont attristés, et du vin, à ceux qui ont l'amertume dans l'âme (Prov. XXXI, 6), » c'est-à-dire, n'en donnez pas à ceux qui sont enivrés de la joie et du luxe de ce siècle; car qu'y a-t-il de commun entre la justice et l’iniquité ? Peuvent-ils boire le calice du Seigneur et le calice des démons? Que dans leur pauvreté les apôtres plutôt « boivent et ils oublient leur indigence,» en sorte qu'ils s'écrient: « nous sommes comme manquant de tout, et nous enrichissons un grand nombre d'hommes (II Cor. VI, 10). » Qu'ils boivent, eux qui sont attristés de l'absence de l’Époux, qu'ils oublient leurs douleurs, qu'ils disent : « Si nous avons connu le Christ selon la chair, à présent nous ne le connaissons plus de la sorte (Ibid.). » Et vous-même, si vous pouvez dire           avec le pieux sentiment du Psalmiste : « Je suis pauvre et souffrant (Psalm. LXVIII, 30), « la sobre coupe de ce calice précieux vous enrichira, vous réjouira de telle sorte que si vous êtes indigent, l'indigence ne brûlera pas votre  esprit, et que le péché ne fatiguera pas votre conscience, lorsque vous ressentirez de la douleur de l'avoir commis.

6. Voyez aussi si le Saint-Esprit n'est pas venu en ce monde pour le jugement, pour que ceux qui souffrent ne souffrent plus, et que ceux qui rient, se livrent à un deuil éternel et inconsolable. Mieux vaut donc aller dans une maison de deuil que dans une maison de festins (Eccli. VII, 3). Et, bien que le sage mérite parfois de la consolation pour qu'il ne se souvienne plus de ses douleurs quand il en a été consolé, cependant, pour donner lieu à des consolations nouvelles, il recherche toujours en lui-même de nouveaux motifs de douleur : il ne se flatte pas de suite, comme s'il était juste en toutes choses, mais il exerce à son endroit le rôle d'accusateur et de juge, avec d'autant plus de sagacité qu'il a déjà commencé à être éclairé, avec d'autant plus de sévérité qu'il a commencé à être justifié. Dans l'homme animé de ces dispositions, l'Esprit consolateur fait, si je ne me trompe, de fréquentes arrivées, parce qu'il prévient lui-même son avènement : il fait des arrivées pour prodiguer les consolations, il prévient son avènement, afin de lui apprendre à pleurer. En effet, le deuil pieux et religieux, dans la doctrine de l'esprit, se trouve le premier en ordre, et le plus excellent en utilité, parce qu'il est la sagesse souveraine des saints, la garde des justes, la sobriété des humbles, la première vertu de ceux qui commencent, l'aiguillon de ceux qui avancent, le comble de la perfection, le salut de ceux qui périssent, port de ceux qui sont le menacé du naufrage, il a les promesses de consolations de la vie présente et des joies à venir, où daigne nous conduire celui qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

 

Haut du document

 

Précédente Accueil Remonter Suivante