ASSOMPTION II
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TOUSSAINT
CANTIQUE

DEUXIÈME SERMON POUR L'ASSOMPTION DE LA B. V. MARIE.

 

1. « Filles de Jérusalem, annoncez à mon bien-aimé que je languis d'amour (Cant. V, 8). » Nous voulons, s'il vous plait, examiner avec votre charité comment ces paroles que nous avons chantées cette nuit, se rapportent à l'assomption de la bienheureuse vierge Marie. Il faut traiter cette question en employant le genre de style dont se sont servis non-seulement les auteurs séculiers, mais encore les écrivains ecclésiastiques, surtout quand il s'est agi d'expliquer le Cantique des cantiques, d'où ce texte est tiré. Dans ce genre, tout en respectant la vérité, l'orateur se donne plus de liberté que dans les autres, et après avoir pris son texte pour thème, comme dit saint Jérôme, sans s'attacher à redire ce qui a été dit ou fait, il s'applique plutôt à montrer que l'affaire dont il s'agit est telle que, si ce qu'on rapporte n'a point été dit ou fait, il aurait néanmoins pu se faire ou se dire, ou peut être regardé sans invraisemblance comme ayant eu place dans le sentiment de celui qui l'a dit ou l'a fait. Marie donc, sur sa couche, était sur le point de quitter son corps, ainsi que le veut l'infirmité humaine. Or, les filles de la Jérusalem d'en haut, c'est-à-dire les vertus célestes, sachant qu'il faut mériter la grâce du Fils en rendant service à la mère, visitaient avec beaucoup de dévotion leur souveraine, la mère de leur Seigneur. Et il se peut que les anges, après l'avoir saluée, lui aient tenu à peu près ce langage, en conformant leur extérieur à son regard humain, et leurs paroles aux sentiments et aux habitudes ordinaires de la vie.

2. Que veut dire, ô souveraine, cet état de langueur et de maladie qui parait en vous? Pourquoi plus triste et plus lente que d'ordinaire, depuis hier et le jour précédent, ne revoyez vous plus les lieux saints dont la vue nourrissait votre amour? Depuis quelque temps, nous ne vous avons point vue, gravissant la roche du Calvaire pour y remplir de vos larmes la place où fut dressée la croix, ou vous rendre au tombeau de votre Fils pour adorer la gloire de sa résurrection, ou sur le mont des Oliviers pour baiser les derniers vestiges de ses pas. Car c'était pour cela, croit-on, qu'elle avait fixé sa demeure dans la vallée de Josaphat, où l'on montre encore son sépulcre, au dire de saint Jérôme. C'est un monument en pierre, élevé dans l'église, avec un merveilleux parquet; elle n'avait pas voulu s'éloigner trop des saints lieux qu'elle visitait souvent, bien qu'elle conservât en sa mémoire tous les souvenirs auxquels ils étaient liés, afin d'embrasser plus doucement l'impression qui s'y trouvait comme gravée pour consoler ainsi en quelque manière son amour.

3. Les anges lui demandent pourquoi elle cesse de les visiter, pourquoi elle était ainsi étendue sur sa couche : je languis, leur répond-elle. Pourquoi êtes-vous languissante ? Quelle place la langueur trouve-t-elle en votre corps où le salut du monde a habité si longtemps? Du corps de votre Fils sortait une vertu qui guérissait tous les malades , la frange même de son vêtement rendait la santé à l'hémorrhoïde (Matth. X, 20), et vous qui l'avez porté, si longtemps dans votre soin, dans vos entrailles, vous pouvez être accessible à quelque infirmité, à quelque langueur? Il n'y a pas là de quoi vous étonner, répond-elle, si vous vous rappelez quel fut jadis le corps de mon Fils. Combien il a été faible, à quelle défaillance il a été exposé, en vertu toutefois de sa volonté; je le sais, moi qui l'ai nourri dans mes flancs, qui l'ai allaité de mes mamelles et qui l'ai réchauffé sur mon sein : j'ai vu non-seulement la faiblesse de son enfance, mais j'ai été témoin de celle des âges suivants, et ja me suis attachée à le soigner, ainsi que je l'ai pu : à la fin, j'ai assisté, non sans souffrir beaucoup, aux insultes et aux tourments qu'il eut à supporter dans sa passion et sur la croix, et j'apprenais à chaque instant alors avec quelle vérité notre Isaïe avait dit : « Il a réellement porté nos langueurs, et a souffert nos douleurs (Isa. LIII, 4). » Pourquoi me plaindrais-je qu'il n'ait pas donné à mon corps ce qu'il n'a pas refusé au sien ? Je ne suis pas assez délicate ni assez orgueilleuse, pour ne pouvoir on ne vouloir pas, faible créature que je suis, ce qu'il a daigné souffrir lui-même. Lui par une volonté miséricordieuse, moi en vertu d'une nécessité naturelle. Autre chose est la santé, autre chose est la sainteté. Il a donné à mon corps la sainteté, par le sacrement de son corps que j'ai conçu en moi ; il m'a promis de me donner la santé, selon le modèle de son corps ressuscité. Afin que vous soyez moins surpris de ma langueur, je vous le dirai e fin, je languis d'amour. Je languis plus par l'impatience de mon amour, que par la souffrance de la douleur, je suis blessée par l'amour plutôt que chargée d'infirmité.

4. Hélas! disent-ils, que de causes fréquentes et continuelles de langueur. Bon Jésus, comment se fait-il que votre mère, après vous avoir enfanté, n'a presque jamais été sans langueur? Elle languit d'abord de crainte, ensuite de douleur, maintenant, d'amour. De crainte, depuis votre naissance jusqu'à votre passion, en voyant la vie de son Fils toujours exposée aux embûches ; de douleur, tout le temps de la passion, jusqu'à ce qu'elle le vit ressuscité ; maintenant l'amour et le désir lui font subir ces souffrances plus heureuses mais plus étonnantes, parce qu'elle ne possède pas ce divin Fils assis dans la gloire du ciel. Comment, tendre Jésus, vous qui êtes le fruit de la joie souveraine, lui avez-vous occasionné un martyre si long, comment avez-vous permis que tant de glaives pénétrants blessassent sans discontinuer cette âme qui vous était si chère? Mais, nous vous en supplions, ô notre souveraine, que voulez-vous que nous vous fassions? Voulez-vous qu'au moins Gabriel reste à côté de vous, pour vous servir et vous assister, lui qui a su et connu dés le commencement votre mystère, et a mérité d'être placé comme le gardien de votre appartement? Cela n'est pas nécessaire, dit la Vierge. C'est assez pour moi d'avoir cet ange dans la chair, je veux dire le disciple que Jésus aimait. Mon Fils m'a laissé héritière de son amour, lorsqu'il a confié moi à lui et lui à moi; rien ne m'est plus agréable que les services qu'il me rend, parce que rien n'est plus chaste que sa conduite et que ses sentiments, rien de plus doux que ses mœurs, rien de plus sincère que sa foi, rien de plus saint que ses discours. Mais nous, disent-ils, en quoi pourrions-nous vous être utiles ? « Filles de Jérusalem, » répond Marie, « annoncez à mon bien-aimé que je languis d'amour. » Il tonnait le moyen de guérir ma langueur.

5. Mais vous savez, répliquent-ils, que bien qu'il sache tout, il adresse beaucoup de questions comme s'il ne connaissait rien. Si donc il nous demande, quel remède vous voulez qu'on applique à votre douleur, que lui répondrons-nous ? Vous êtes, dit elle, les compagnons de l'Époux, Gabriel est mon Paranymphe, je ne crois pas devoir vous cacher le mystère de l'amour. Je vous le déclarerai donc : seulement ne me regardez pas comme téméraire, ne croyez pas que je veuille chercher des choses plus hautes que moi. « Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche. » Si j'avais conscience de quelque faute, comme Marie Madeleine, je me contenterais de lui baiser les pieds, c'est là qu'on trouve le pardon de ses péchés. Mais parce que mon coeur ne m'adresse aucun reproche au sujet de toute rua vie, je ne crois pas qu'il y ait de la présomption à lui demander un baiser de sa bouche, une grâce de joie. Et pourquoi paraîtrai-je indigente, si je demande pour moi ce même baiser que, créé et Créateur, il s'est donné de moi ? Que de fois, lorsque je le tenais petit enfant entre mes bras, je prenais le plaisir qui m'était permis, d'embrasser le plus beau des enfants des hommes : jamais il ne détournait son visage, jamais il ne repoussait sa mère. Et si peut-être l'impatience de mon désir était excessive, selon son habitude, il se conformait à ce que souhaitait sa mère. Il prenait plaisir à la remplir de cette grâce qui était répandue sur ses lèvres et de la douceur dont il débordait, lui qui est le désiré et le bien-aimé des chastes âmes. Aussi, comme il l'avoue à son sujet : « Ceux qui me mangent auront encore faim et ceux qui me boivent auront encore soif (Eccli. XXIV, 29) : » Plus j'ai trouvé de douceur à goûter cette grâce de sa bouche, plus je redemande avec ardeur cette nième ce faveur. Il a crû en gloire et en majesté, mais il n'a point perdu sa douceur et sa bonté naturelles. Cet éloge adressé à l'orgueil du siècle ne le regarde en rien : « Les honneurs changent les moeurs. » Il est plus élevé, il n'est pas superbe; il est plus glorieux, il n'est pas dédaigneux. Il ne rebutera point la mère qu'il a choisie, et il ne rejettera pas, dans un nouveau jugement, celle qu'il a élue de toute éternité.

6. Ne craignez rien, Marie, répond à son ordinaire Gabriel, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Même pour ceux qui sont bien bas sous vos pieds, le Seigneur a coutume d'approuver la vivacité de ces désirs et de ces prières; il ne tient pour excessif ou injurieux rien de ce que la véritable charité fait oser envers lui. Et se  tournant vers la foule d'anges qui l'entoure : Partons, dit-il, partons, de crainte de paraître faire injure au Fils, si nous retardons la gloire de sa mère. Lorsque rentrés au ciel, ils eurent porté ces nouvelles à leur Seigneur, quel langage pensons-nous que Jésus leur tint, sinon celui ci? C'est moi qui ai recommandé aux enfants d'honorer leur père et leur mère; pour pratiquer ce que j'ai enseigné et pour donner l'exemple aux autres, pour honorer mon Père, je suis descendu sur la terre cependant c'est pour honorer aussi ma mère que je suis rentré au ciel. J'y suis monté, je lui ai préparé une place, un trône de gloire, afin que, Reine, portant le diadème, elle soit assise à la droite du Roi, vêtue d'habits dorés, ornée d'une variété admirable. Je ne dis point qu'on lui prépare un trône à l'écart, elle sera plutôt elle-même mon trône. Venez donc, ô mon élue, et j'établirai mon trône en vous. En. vous je fixerai le centre de mon gouvernement, de là je rendrai des jugements, par vous j'exaucerai les prières. Personne ne m'a rendu de plus grands services dans mon état d'humilité. Entre autres choses, c'est à vous que je dois d'être homme: je vous communiquerai du privilège que j'ai d'être Dieu. Vous demandiez un baiser de ma bouche, bien plus vous serez unie tout entière à votre fils dans un saint embrassement. Je n'imprimerai pas mes lèvres sur les vôtres, mais j'unirai mon esprit au vôtre par un baiser perpétuel et indissoluble, parce que j'ai désiré votre beauté avec plus d'ardeur que vous ne désirez la mienne; et je ne serai pas assez glorifié à mes yeux, tant que vous ne partagerez point ma gloire. Gloire à vous, Seigneur Jésus, répond le choeur des anges. Que le choeur des fidèles, faisant écho, redise : gloire à vous, Seigneur Jésus. Que le triomphe de votre mère tourne à votre gloire dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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