ÉPIPHANIE III
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TOUSSAINT
CANTIQUE

TROISIÈME SERMON POUR LE JOUR DE L'ÉPIPHANIE DE NOTRE-SEIGNEUR.

 

1. « Lève-toi, sois inondée de clarté, Jérusalem, pai te que ta lumière s'est fait voir. » Lumière bénie, qui vient au nom du Seigneur, qui est Dieu et Seigneur, et qui a brillé à nos yeux : lumière par la grâce de qui ce jour sanctifié par l'illumination de l'Église, a luit sur nous. Grâces vous soient rendues, lumière véritable qui éclairez tout homme venant en ce monde et qui êtes venue, à cette fin, en ce monde, sous la forme d'homme. Jérusalem notre mère, la mère de tous ceux qui ont mérité d'être illuminés, a été éclairée, brille à présent aux yeux de tous ceux qui sont dans le monde. Grâces vous soient rendues, lumière véritable qui êtes devenue un flambeau qui éclaire Jérusalem, et qui dirige mes pas, ô Verbe de Dieu. Grâces soient rendues de ce que Jérusalem, après avoir été éclairée, est devenue, elle aussi, ne lampe qui brille pour tous ceux qui se trouvent dans la maison du grand père de famille. Non-seulement elle a été éclairée, mais exaltée, mais élevée sur  le chandelier d'or massif; autrefois abandonnée et détestée, elle a été placée sur la Crète des montagnes pour être l'orgueil des siècles, afin que son Evangile se répande aussi loin dans toutes les directions que s'étendait l'empire du monde. Et si son Evangile est caché, il l'est pour ceux qui périssent (II. Cor. IV, 3), pour ceux dont le Dieu de ce Verbe a aveuglé l'esprit infidèle, en sorte, qu'ils n'aperçoivent point l'éclat et la gloire de l'Église de Jésus-Christ. Ceux que cette lueur ne fait pas voir, elle les remplit de jalousie, et la splendeur de l'Église cause le tourment de ceux qui ne veulent pas être éclairés de sa grâce. Mais ne se glorifiant point de la gloire dont elle brille, n'étant nullement envieuse de la grâce quelle a, l'Église implore en ces termes la lumière qu'elle a reçue, en faveur de ceux qui lui sont à charge : « Parce que vous éclairez ma lumière, ô Seigneur mon Dieu, éclairez mes ténèbres (Psalm. XVII, 29). » Ces malheureux m'appartiennent peut-être, parce qu'ils sont prédestinés : mais ils sont encore ténèbres, parce qu'ils ne sont point appelés ou justifiés. Appelez-les en votre admirable lumière et ils prêcheront avec moi votre nom adorable. Chaque juste et chaque saint dans l'Eglise se réjouit d'être illuminé, en sorte cependant qu'il se voie en grande partie dans les ténèbres, spectacle qui lui cause la douleur : et ainsi, bien qu'il soit illuminé, il demande nécessairement de l'être davantage. Plus son flambeau sera brillant, plus il apercevra avec vérité les ténèbres qui sont en lui. Ne croyez pas que ce mot de la Vérité dans son Evangile : « La lumière de votre corps c'est votre oeil. Si votre oeil est simple tout votre corps sera lumineux (Matt. VI, 22),» contredise ce que j'avance. De ce que tout le corps est lumineux, à raison de l'œil de notre intention sincère, il ne s'en suit pas que de suite toutes les ténèbres de notre ignorance soient éclairées. La mesure de notre illumination, c'est de croire que nous avons fait bien des progrès dans la lumière de la vérité, quand nous avons pu connaître ce qui nous manque. De là vient que pour les sages de ce monde qui ont le mieux parlé sur la science, le premier degré du savoir, c'est de savoir qu'on ne sait pas.

2. Mes frères, vous êtes tous les enfants de la lumière et les fils de Dieu. Nous ne sommes point les fils de la nuit, ou des ténèbres. « La nuit est finie, le jour est venu (Rom. XIII, 12). Et si jadis nous fûmes ténèbres, à présent nous sommes lumière dans le Seigneur (Eph. V, 8). Cependant, si parce que nous ne sommes ni ténèbres ni enfants des ténèbres, nous disons que nous n'avons en nous aucunes ténèbres, nous nous trompons nous-mêmes, et nous introduisons en nous les ténèbres de la mort qui ne méritent pas d'être illuminées. Que dit, en effet, la lumière du monde qui est en ce monde pour le jugement afin que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles (Joan. IX, 39)? « Parce que vous dites: Nous voyons, votre péché demeure. » Je vois quelque peu, « parce que vous éclairez ma lampe, Seigneur (Psalm. XVII, 29) ; » mais parce que je vois peu, « Seigneur, illuminez mes ténèbres. » Nous voyons le plus souvent en énigmes et en figures, mais ce mode est bien éloigné de la vision par la claire vue, par la pure vue face à face. C'est pour cela peut-être que l'aveugle que Notre Seigneur avait commencé à guérir selon le récit de saint Marc (Marc. VIII, 24), voyait les hommes comme des arbres qui marchent, parce qu'il ne voyait que par reflet et par énigme; mais le Seigneur, lui ayant imposé une seconde fois la main, le guérit tellement qu'il voyait clairement toutes choses. Ce qui aura lieu quand le Seigneur nous rétablira et achèvera notre guérison par la seconde imposition de ses mains, et achèvera ce qu'il avait commencé en nous établissant à une lumière parfaite.

3. Mais cette vue même par reflet et par énigme, à qui, quand et combien de temps peut-elle être accordée ? Avec quelle miséricorde ne serais-je point traité, avec quel bonheur ne me croirais-je pas illuminé, si je pouvais apercevoir mes péchés, moi qui dois tous les jours les pleurer et dire: « Des maux sans nombre m'ont entouré et je n'ai pu les voir (Psalm. XXXIX, 13) » car qui comprend ces manquements, » quand le vice donne la mort, en se cachant sous l'apparence de la ver tu, quand il est vrai que l'ange des ténèbres se change en ange de lumière. Il est grand assurément et puissamment illuminé celui qui a pu clairement connaître ses péchés et l'a voulu, car l'homme rusé n'a pu, ni « voulu comprendre pouf ne pas être porté à bien faire (Psalm. XXXV, 4). » Dieu qui éclairez toutes les nations, c'est de vous qu'on nous chantait : voici que le Seigneur viendra, et éclairera les yeux de ses serviteurs. Or vous êtes venu , ô vous qui êtes ma lumière, éclairez mes yeux pour que jamais je ne m'endorme dans la mort : de peur que le péché, à la mort, ne ferme nos yeux par quelque charme, ne nous entraîne à un fatal consentement, ou ne nous donne la mort en nous trouvant endormis comme Isboseth ( II. Reg. IV, 6). Vous êtes venu, ô vous qui êtes la lumière de tous les fidèles, et aujourd'hui, vous nous avez accordé la grâce de nous réjouir à la lumière de la véritable foi, c'est-à-dire, de notre véritable flambeau donnez-nous aussi, toujours la joie de voir s'éclairer les ténèbres qui restent en nous. Vous avez donné la lumière de la vraie foi, donnez celle de la vraie justice, celle de la science et de la sagesse divine.

4. C'est par ces degrés qu'il faut avancer, c'est dans cette voie qu'il vous faut progresser, à mon avis, ô âme fidèle, pour que, dépouillée des ténèbres de ce monde trompeur, vous arriviez à la patrie d'une éternelle clarté, au séjour sacré, où vos ténèbres seront comme un brillant midi et où la nuit sera étincelante comme le jour. Alors, « vous verrez et vous serez dans l'abondance, votre coeur s'étonnera et se dilatera (Isa. LX, 5) : quand toute la terre sera remplie de la majesté divine de la lumière sans limites, et que sa gloire éclatera en vous. « Maison de Jacob, venez, marchons à la lumière du Seigneur ( Isa. II, 5) » véritables enfants de lumière, marchons de clarté en clarté, comme si nous étions conduits par l'esprit du Seigneur, afin que, par chaque degré de vertu, nous pénétrions plus avant dans le royaume de la lumière. Nous donc, qui déjà sommes dans la lumière par la foi, à elle et par elle avançons vers la lumière plus pure et plus étendue de la justice d'abord, de la science ensuite et enfin de la sagesse. Ce que nous croyons par la foi, il le faut pratiquer ou mériter par la foi, le comprendre ensuite par la science, et enfin le contempler par la sagesse. Avant tout, s'allume le flambeau de la foi, aux lueurs duquel nous travaillons dans la nuit de ce siècle. Aussi est-il écrit à la louange de la femme forte, qui se levait la nuit, et qui travaillait nuit et jour de ses mains et ne mangeait pas son pain dans l'oisiveté : « Son flambeau ne s'éteindra pas durant les ténèbres (Prov. XXXI, 18), » c'est-à-dire, sa foi ne défaillira pas dans la tentation. Ce n'est pas à cette lumière que se font les couvres des ténèbres, elle s'éteint quand elles se font. Car celui qui fait le mal déteste la lumière (Joan, III, 20). » Ainsi l'homme qui a ce malheur, éteint la lumière à la foi, perd la pensée même de Dieu. La crainte du Seigneur n'est pas présente à ses yeux, et il se réjouit en ces termes, des ténèbres qu'il a produites et de l'absence de tout témoin : « Qui me voit? Les ténèbres m'entourent, des murailles m'enveloppent et personne ne me voit (Eccli XXIII, 25). » Que craindrai-je ? « Le Très-Haut n'aura point souvenir de mes excès. Et ce malheureux ne comprend pas que l'oeil de Dieu aperçoit tout (Ibid). « Bien que parfois, pour éviter la vanité, les bonnes oeuvres se font en secret; elles font cependant à la lumière intérieure et éternelle, c'est-à-dire, dans le jugement, la foi et le témoignage de Dieu, parce qu'elles sont des oeuvres de lumière : des lampes ardentes brillent dans les mains de ceux qui les font, en attendant l'arrivée de l'Époux qui fera jaillir votre justice, comme la lumière en présence des hommes et des anges : et, autant la lumière du midi est vive, autant il fera briller vos oeuvres, parce qu'elles sont faites en Dieu, en sorte que l'estime de tous glorifie Dieu en vous, et vous glorifie en Dieu.

5. De quelle clarté la justice brille-t-elle, même dans la vie présente, de quelle lumière réjouit-elle la conscience de l'homme de bien? Le témoignage de votre conscience vous l'apprend d'une manière plus intime et plus douce. Souvent la foi brille et la justice étincelle, et cependant, l'intelligence est encore dans l'obscurité, elle ne sait pas expliquer le mystère de la foi qu'elle vénère en le portant comme enveloppé : le livre des Écritures est fermé pour elle, comme si elle ne connaissait pas ses lettres, comme si elle n'avait pas les sens exercés pour discerner le bien et le mal, le vrai et le faux. Et il y a beaucoup de personnes de ce genre dans l'Église, leur foi est grande, leur justice abondante, mais leur science est presque nulle. Cependant, qu'à la lumière de la justice doivent se joindre la lumière et la science, le Prophète nous l'apprend, lorsque, après avoir dit : « Jetez-vous des semences pour la justice, » afin de nous faire voir les prémices que nous récoltons, dans l'intervalle, de cette semence, il ajoute : « Allumez-vous le flambeau de la science (Ose. X, 12). » C'est dans le même sens que l'Apôtre dit : « fructifiant dans les bonnes oeuvres et croissant dans la science de Dieu (Col. 1, 10). » Et vous aussi, David, prince très-sage, sage sur votre chaire entre trois, comment avez-vous compris plus que les vieillards (Psalm. CXVIII, 100). Parce que j'ai recherché les commandements, répond le Prophète; c'est par eux que j'ai tout à fait compris, car l'intelligence saine est le partage de tous ceux qui pratiquent la crainte du Seigneur. L'onction qui instruit surtout , sachant parfaitement en quel ordre il faut apprendre ce qu'elle a enseigné, commence par la « bonté » et la « discipline » et ensuite termine par la «science : » si cependant celui qui doit recevoir la leçon, croit avant tout, c'est-à-dire a appris les premiers éléments des discours de la sagesse. Aussi, ce disciple de l'onction disposait et redisait avec beaucoup de suite sa prière : « Enseignez-moi la bonté, la discipline et la science, parce que j'ai cru vos commandements (Ibid.) » Comme s'il disait : j'ai appris les premiers rudiments , c'est-à-dire la foi pure: maintenant, enseignez-moi ce qui suit, la justice, c'est-à-dire la bonté et la discipline, afin que j'arrive ensuite à la science des saints. Vous m'avez appelé à la grâce de la foi, justifiez-moi maintenant parla bonté de l'amour et par la discipline d'un amour chaste, afin de m'enrichir à la fin du don de la science spirituelle. « Ceux qu'il a appelés, il les a justifiés , ceux qu'il a justifiés, il les a glorifiés (Rom. VIII, 30 ). »

6. II faut savoir que, bien que cette science soit la science des saints, néanmoins tous les saints ne la reçoivent pas : mais ceux-là seulement en qui l'industrie ne détruit pas la grâce, ni la grâce, l'industrie : et en qui ces deux principes se prêtent un mutuel secours, en sorte que l'homme est un disciple docile et l'esprit un maître soigneux. Et comme cette science renferme diverses grâces, l'esprit qui les règle ne les donne pas toutes facilement à la même âme, mais il les divise à chacun            selon    qu'il le  veut, distribuant à l'un la connaissance des mystères, à l'autre l'intelligence des Écritures, à celle-ci l'explication des discours, à celle-là le discernement des esprits, à cette dernière cette sorte de goût qui fait discerner les vertus et les vices, pour que le mal ne la trompe pas sous apparence de bien. « Ils ne nuiront pas, ils ne feront point mourir sur toute ma sainte montagne: parce que la terre est remplie de la science du Seigneur, dit le Prophète (Isa. XI, 9). »

7. Si l’homme, après et par ces trois choses , la foi, la justice et la science, arrive à la sagesse , c'est-à-dire parvient à goûter et à savourer les biens éternels, peut être libre, voir et parfois sentir combien l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu et ce que le coeur n'a pas conçu, cet homme, je le tiens pour glorieusement et magnifiquement éclairé, comme un homme qui contemple à visage découvert la gloire du Seigneur, et sur la tète duquel cette même gloire se lève fréquemment. C'est à lui que, non plus le Prophète, mais l'esprit des prophètes doit dire : « Levez-vous, soyez éclairée, Jérusalem, parce que votre lumière est venue, et la gloire du Seigneur s'est levée sur vous (Isa. IX, 1). » Mes frères, tous ne peuvent pas comprendre cette doctrine,mais l'entende qui peut, onne condamne pas celui qui ne la saisit pas: mais celui qui ne désire pas la saisir est convaincu de tiédeur. Si quelqu'un éprouve ce désir, qu'il sache qu'une prière fervente enflamme la lumière de la sagesse, comme la lecture fréquente allume le flambeau de la science : pourvu toutefois qu'en lisant, vous ayez en main la lampe ardente, c'est-à-dire la justice des bonnes oeuvres et l'expérience des pieux sentiments. Pour vous, Seigneur, Père des lumières, qui avez envoyé votre Fils unique, qui est lumière de lumière, pour éclairer les ténèbres des hommes, donnez-nous la grâce d'arriver par la voie des lumières à la clarté éternelle , afin que nous soyons agréables à vos yeux, dans la lumière des vivants, où vous vivez et régnez pendant tous les siècles des siècles. Amen.

 

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