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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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SERMON CCXLIX. POUR LA SEMAINE DE PAQUES. XX. LA PÊCHE MIRACULEUSE (1).

 

ANALYSE. — Après avoir rappelé ce qui est plus développé dans le discours précédent, savoir, que la première pêche miraculeuse est le symbole de l'Eglise de la terre et que la seconde est l'emblème de l'Eglise du ciel, saint Augustin engage vivement ses auditeurs à ne pas rompre le fi!et, mais à se sanctifier au milieu des méchants mêmes, et à s'appuyer sur la grâce du Saint-Esprit pour parvenir à l'observation de la Loi, ce que rappelle mystérieusement le nombre des cent cinquante-trois poissons.

 

1. Nous venons de voir dans l'Evangile comment le Seigneur Jésus apparut à ses disciples après sa résurrection, pendant qu'ils pêchaient sur la mer de Tibériade. La première fois qu'il les appela à lui, il leur avait dit : « Suivez-moi, et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes (2)». Alors aussi après avoir jeté leurs filets sur son ordre, ils prirent une immense quantité de poissons, dont le nombre n'est pas exprimé. De plus, au moment de cette première pêche, le Sauveur ne leur avait pas dit: « Jetez du côté droit » ; mais simplement: « Jetez », sans ajouter si c'était à droite ou à gauche. La capture fut si abondante, qu'on ne pouvait compter, et on en chargea leurs barques. Jusqu'à quel point étaient-elles chargées ? L'Evangile l'exprime :  « Jusqu'à  couler presque à fond (3) ». Et c'est alors que Jésus leur dit, comme je l'ai déjà rappelé: « Suivez-moi, je ferai de vous des pêcheurs

 

1. Jean, XXI, 1-14. — 2. Matt. IV, 19. — 3. Luc, V, 1-11.

 

d'hommes ». C'est nous qui sommes dans ces filets; nous y sommes pris, mais nous n'y demeurons pas captifs ; qu'on ne craigne pas de s'y laisser prendre; si on peut y être pris, on ne saurait y être surpris.

Que signifie maintenant cette dernière pêché dont il vient d'être question dans l'Evangile ! Debout sur le rivage le Seigneur se montra aux pêcheurs et leur demanda s'ils n'avaient rien à manger. Ils répondirent que non, car ils n'avaient rien pris de toute la nuit. a Jetez « du côté droit », reprit-il; ce qu'il n'avait point dit au moment de la première pêche. Ils obéirent et prirent une telle quantité de pois. sons qu'ils ne pouvaient retirer leurs filets. On en compta jusqu'à cent cinquante-trois et comme on avait écrit au sujet de la première pêche que les filets se rompaient à cause du grand nombre de poissons qu'ils contenaient, l'Evangeliste a eu soin de faire pour celle-ci la remarque suivante : « Et quoiqu'il y en eût tant, le filet ne fut pas rompu ».

 

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2. Distinguons bien ces deux pêches, dont l’une précéda et dont l'autre suivit la résurrection. Dans la première on jette les filets au hasard; on ne dit pas de les jeter à droite, pour ne pas désigner les bons exclusivement; ni à gauche, pour ne figurer pas exclusivement les méchants ; par conséquent c'est le mélange des méchants et des bons. Les filets rompus rappellent les schismes. C'est, hélas ! ce que nous voyons, ce qui s'accomplit chaque jour. Les deux barques sont pleines, en mémoire des deux peuples, circoncis et incirconcis. Elles sont remplies jusqu'à enfoncer et couler presque à fond. Comment ne pas gémir sur ce que rappelle cette circonstance ? C'est la foule qui met le trouble dans l'Eglise. Combien ne sont pas nombreux ces chrétiens de mauvaise vie qui surchargent le navire où ils ont mal à l'aise ? Si les barques ne sont pas submergées , c'est pour conserver les bons poissons.

Examinons la dernière pêche , celle qui suivit la résurrection. Là, rien de mauvais ; c'est une grande sécurité, pourvu néanmoins que tu sois bon. Soyez bons au milieu des méchants, et vous le serez sans plus être avec eux. Il y a dans la première pêche de quoi nous émouvoir, c'est que vous êtes mêlés aux méchants. O vous qui m'écoutez avec foi, ô vous qui ne perdez rien de ce que je dis, ô Tous qui ne laissez point la divine parole s'échapper par où elle est entrée, mais qui la faites descendre dans votre coeur, ô vous qui craignez plus de vivre mal que de mal mourir, attendu que si tu vis bien tu ne sauras mourir mal; vous donc qui m'écoutez, non-seulement pour éclairer votre foi, mais aussi pour travailler à mener une vie sainte ; conduisez-vous bien, conduisez-vous bien au milieu des méchants et gardez-vous de rompre les mailles du filet. C'est en s'admirant eux-mêmes et en ne voulant pas supporter ceux qu'ils croyaient méchants, que plusieurs les ont rompues et se sont perclus au milieu des flots. Vivez donc bien, que les chrétiens mauvais ne vous portent pas à vivre mal. Ne dis pas en ton coeur : Seul je suis bon. Commences-tu à le devenir? Crois que si tu peux l'être, il yen a d'autres encore. Point d'adultère, point de fornication, point de fraude, point de larcin, point de faux témoignage , point de faux serment , point d'ivresse; ne reniez point un dépôt et n'omettez point de rendre le bien d'autrui trouvé par vous dans quelque rue que ce soit. Observez ces préceptes et les autres, et vous serez en sûreté parmi les mauvais poissons. Sans doute vous nagez dans les mêmes filets; mais vous arriverez au rivage et après la résurrection vous vous trouverez à la droite. Là, point de méchant. Eh ! que vous sert de connaître la loi, de comprendre les commandements de Dieu, de distinguer le bien du mal, si vous ne pratiquez pas? N'est-ce point là une science que châtie la conscience? Apprenez, mais pour accomplir.

3. A cause de l'éminente perfection dont le nombre dix est le symbole (1), les commandements de Dieu sont compris dans le Décalogue. Ces dix préceptes de la loi ont été écrits sur des tables de pierre par le doigt même de Dieu, c'est-à-dire par l'Esprit-Saint. La première comprend les préceptes qui concernent Dieu; la seconde, ceux qui concernent l'homme. Pourquoi ces deux tables ? Parce qu'à l'amour de Dieu et à l'amour du prochain se rattachent toute la loi et les prophètes (2).

Mais que peuvent ces dix commandements? La loi a été donnée; or, dit l'Apôtre, « si cette loi pouvait communiquer la vie, la justice viendrait absolument de la loi (3) ». Tu connais la loi sans l'accomplir : « c'est la lettre qui tue ». Pour pratiquer ce que tu sais, il faut « l'Esprit qui vivifie (4) ». Ajoute donc sept à dix; car de même que la loi est exprimée dans les dix commandements, ainsi l'Esprit-Saint se révèle dans ses sept dons. N'est-ce pas lui que l'on invoque sur ceux qui viennent de recevoir le baptême? Ne demande-t-on pas à Dieu de leur donner, comme dit un prophète, l'Esprit de sagesse et d'intelligence; deux : l'Esprit de conseil et de force; quatre l'Esprit de science et de piété; six : enfin, l'Esprit de la crainte du Seigneur; sept (5)? C'est en ajoutant ces sept qu'on fait les dix.

Qu'ai-je dit? N'est-ce pas une absurdité? Ajouter sept à dix, c'est faire dix? Sais-je encore compter? Ne devais-je pas dire ajouter sept à dix, c'est faire dix-sept? Tout le monde fait cela. Aussi, lorsque je disais ajouter sept à dix, c'est faire dix, ces enfants mêmes ne riaient-ils pas? Je vais toutefois le dire encore, me répéter sans rougir; et lors

 

1. voir Traité de la Musique, liv. 1, ch. XI, XII. Ci-dev. tom. III, p. 406-409. — 2. Matt. XXII, 37-40. — 3. Gal. III, 21. — 4. II Cor. III, 6. — 5. Isaie, XI, 2, 3.

 

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que vous m'aurez compris, loin de blâmer mon calcul, j'ose croire que vous ne dédaignerez pas ce jeu de mots. Les préceptes de la loi sont au nombre de dix. De plus j'ai compté sept coopérations du Saint-Esprit. En ajoutant ces sept à ces dix on fait les dix : avec le secours du Saint-Esprit on fait, on accomplit la loi ; au lieu que sans ces sept on ne fait pas ces dix; on reste avec la lettre; mais la lettre tue, la science seule rend prévaricateur. Qu'on y joigne donc l'Esprit et on accomplit la loi; non pas avec tes seules forces, mais avec l'aide de Dieu. Reconnais-le donc, il ne faut pas trop nous applaudir de connaître ces dix préceptes; « car si la justice venait de la loi, c'est initialement que serait mort le Christ (1) ». A quoi devons-nous aspirer? Est-ce aux sept dons? Ce serait avoir le pouvoir de pratiquer, mais sans savoir que faire. Par conséquent cherchons les dix-sept. La loi commande, l'Esprit fortifie; la loi veut te faire connaître ce que tu as à faire, l'Esprit te le fait pratiquer, Oui donc, cherchons les dix-sept; additionnons jusqu'à dix-sept et nous nous trouverons avec les cent cinquante-trois.

Vous savez comment, je l'ai dit, je l'ai montré bien des fois. Depuis un jusqu'à quatre on obtient dix, mais en additionnant également les nombres intermédiaires. Mets-là un et deux ; à un ajoute deux, tu as trois; au chiffre deux ajoute le chiffre trois, voilà six; au chiffre trois ajoute quatre, voilà dix au total. Pourquoi me fatiguer? Vous savez cela. Additionnez ainsi les autres nombres jusqu'à dix-sept, et vous arriverez à cent cinquante-trois. Pour quoi dire: vous arriverez? C'est qu'en avançant comme pas à pas vous parviendrez à la droite, Obéissez-nous et, dans votre intérêt, faites l'addition.

 

1. Gal. II, 21.

 

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