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SERMON CCLXXII. POUR LE JOUR DE LA PENTECOTE. VI (1). SUR L'EUCHARISTIE.

 

ANALYSE. — C'est aux nouveaux baptisés que s'adresse ce discours. Après leur avoir dit que ce qu'ils ont déjà vu sur l'autel est le corps même et le sang de Jésus-Christ, saint Augustin indique la signification symbolique de ce sacrement auguste. Il nous rappelle que pour devenir nous-mêmes le corps de Jésus-Christ, nous devons faire en nous le travail qui se produit sur le blé et sur le raisin pour en faire le corps et le sang du Sauveur.

 

Ce que vous voyez maintenant sur l'autel, vous l'avez déjà vu la nuit dernière. Mais qu'est-ce ? Qu'est-ce que cela signifie ? Quel grand et mystérieux enseignement y est contenu? On ne vous l'a pas dit encore.

Que voyez-vous donc? Du pain et un calice; vos yeux mêmes en sont garants; mais, puisque votre foi demande à s'instruire, ce pain est le corps du Christ, ce calice est son sang.

 

1. C'est ce que portent tous les manuscrits.

 

Voilà la vérité en deux mots, et c'est peut. être assez pour la foi. La foi cependant désire comprendre, car un prophète a dit : « Vous ne comprendrez point, si vous ne croyez (1) ».

Vous pourriez me dire en effet: Tu nous as ordonné de croire , fais-nous comprendre maintenant. Chacun de vous ne sent-il pas s'élever dans son esprit une réflexion et ne se dit-il pas : Nous savons où Jésus-Christ Notre-Seigneur

 

1. Isaïe, VII, 9, sel. LXX.

 

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a pris un corps; c'est dans le sein de la Vierge Marie. Enfant, il a pris le sein maternel, on l'a nourri, il a grandi, il est parvenu jusqu'à la jeunesse, puis il a été persécuté par lès Juifs, attaché au gibet, mis à mort sur un gibet, descendu de ce gibet; il est ressuscité ensuite le troisième jour et le jour qu'il a voulu il est monté au ciel ; c'est là qu'il a porté son corps ; c'est de là qu'il viendra juger les vivants et les morts; c'est là qu'il est maintenant assis à la droite du Père : comment donc ce pain est-il son corps ? comment ce calice , ou plutôt ce que contient ce calice, est-il son sang?

Si l'on dit, mes frères, que ce sont ici des sacrements, c'est qu'ils expriment autre chose que ce que l'on voit en eux. Que voit l’oeil? Une apparence corporelle. Que saisit l'esprit? Une grâce spirituelle.

Veux-tu savoir ce qu'est le corps du Christ? écoute l'Apôtre, voici ce qu'il écrit aux fidèles : « Or vous êtes le corps du Christ et ses membres (1) ». Mais si vous êtes le corps et les membres du Christ, n'est-ce pas votre emblème qui est placé sur la table sacrée, votre emblème que vous recevez, à votre emblème que vous répondez Amen, réponse qui témoigne de votre adhésion? On te dit : Voici le corps du Christ. Amen, réponds-tu. Pour rendre vraie ta réponse, sois membre de ce corps.

Pourquoi sous l'apparence du pain? Ne disons rien de nous-mêmes; écoutons encore l'Apôtre, voici comment il s'exprimait en parlant de ce sacrement : « Quoiqu'en grand, nombre, nous sommes un seul pain, un seul corps (2) ». Comprenez et soyez heureux. O unité ! ô vérité ! ô piété ! ô charité ! « Un seul pain ». Quel est ce pain? « Un seul corps ». Rappelez-vous qu'un même pain ne se forme

 

1. I Cor. XII, 27. — 2. Ib. X, 17.

 

pas d'un seul grain, mais de plusieurs. Au moment des exorcismes, vous étiez en quelque sorte sous la meule; au moment du baptême, vous deveniez comme une pâte ; et on vous a fait cuire en quelque sorte quand vous avez reçu le feu de l'Esprit-Saint. Soyez ce que vous voyez, et recevez ce que vous êtes. Voilà ce qu'enseigne l'Apôtre sur ce pain sacré.

Mais, sans même en parler, c'est dire suffisamment ce que nous apprend ce calice. Pour former cette apparence sensible de pain, on unit avec l'eau,la farine de plusieurs grains, symbole de ce que dit l'Écriture des premiers fidèles,, lesquels « n'avaient qu'une âme et qu'un coeur envers Dieu (1)» ; ainsi en est-il du vin. Rappelez-vous, mes frères, comment il se fait. Voilà bien des graines suspendues à la grappe ; bientôt elles ne formeront qu'une même liqueur.

Tel est donc le modèle que nous a donné le Christ Notre-Seigneur ; c'est ainsi qu'il a voulu nous unir à sa personne et que sur sa table il a consacré le mystère de la paix et de l'unité que nous devons former. Recevoir ce mystère d'unité sans tenir au lien de la paix, ce n'est pas recevoir un mystère qui profite, c'est recevoir un sacrement qui condamne.

            Tournons-nous vers le Seigneur notre Dieu, le Père tout-puissant; rendons-lui avec un coeur pur et dans la mesure de notre faiblesse, d'immenses et sincères actions de grâces; supplions de toute notre âme son incomparable bonté de vouloir bien agréer et exaucer nos prières; qu'il daigne aussi, dans sa force, éloigner de nos actions et de nos pensées l'influence ennemie, multiplier en nous la foi, diriger notre esprit, nous accorder des pensées spirituelles et nous conduire à sa propre félicité; au nom de Jésus-Christ, son Fils. Ainsi soit-il.

 

1. Act. IV, 32.

 

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