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SERMON CCLVIII. PRONONCÉ A CARTHAGE, DANS LA GRANDE BASILIQUE. LE DIMANCHE DE L'OCTAVE DE PAQUES. XXIX. LE JOUR DU SEIGNEUR, OU L'ÉGLISE (1).
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ANALYSE. Ce n'est pas évidemment d'un jour ordinaire qu'il est dit dans l'Écriture: «Voici le jour qu'a fait le Seigneur » Jésus-Christ est représenté dans le même psaume, comme étant une tête d'angle. Pourquoi? Parce qu'en lui viennent s'unir les juifs et les Gentils devenus chrétiens, comme deux murs viennent se réunir à l'angle. Eh bien ! voilà le jour qu'a fait le Seigneur; ce jour est l'Eglise, y compris le chef et les membres. Quand on vient recevoir le baptême, n'est-on pas éclairé d'une divine lumière? Et qui fait briller cette lumière, sinon Celui qui la fit briller dans lame de Thomas, d'abord incrédule? .
1. Nous venons de chanter à la gloire de Dieu: « Voici le jour qu'a fait le Seigneur » ; disons sur ce texte ce que Dieu même nous accordera. C'est ici une prophétie et nous devons y voir, non pas un jour vulgaire, non pas ce jour qui frappe les yeux, qui se lève et qui se couche, mais un jour qui a pu se lever et qui ne se couchera point. Considérons ce qui vient d'être dit dans le même psaume: « La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la tête de l'angle. C'est le Seigneur qui l'a faite, et c'est pour nous une oeuvre merveilleuse». Viennent ensuite ces paroles: « Voici le jour qu'a fait le Seigneur ». Voyons dans la pierre angulaire le lever de ce jour. Quelle est cette pierre angulaire rejetée par les docteurs des Juifs ? Ne sait-on pas que ces habiles docteurs l'ont rejetée lorsqu'ils criaient : « Cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu'il viole le sabbat (2). » Il ne vient pas de Dieu, dites-vous, parce qu'il viole le sabbat? « La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la première pierre de l'angle ». Comment est-elle la première pierre de l'angle ? Comment dire que le Christ est une pierre angulaire ? Parce que tout angle unit en soi deux murailles venant de directions différentes. Or c'est du milieu du peuple Juif, c'est de la circoncision que sont venus les Apôtres du Christ; de là sont venues aussi ces multitudes qui précédaient et suivaient sa monture en
1. Ps. CXVII, 24. 2. Jean, IX, 16.
chantant ces paroles du même psaume: « Béni Celui qui vient au nom du Seigneur (1) »; de là sont venues encore toutes ces Églises que rappelle l'apôtre saint Paul quand il dit: « J'étais inconnu de visage aux Églises de Judée qui sont unies en Jésus-Christ; seulement elles entendaient répéter que Celui qui les persécutait naguère, prêche maintenant la foi qu'il voulait détruire alors; et à mon sujet elles glorifiaient Dieu (2)». C'étaient des Juifs, mais attachés au Christ, comme les Apôtres, venant d'où ils venaient, croyant au Christ comme eux et ne formant avec lui qu'une muraille. Il en fallait une autre, c'était l'Église formée par les Gentils : ces deux murailles se sont rencontrées pour jouir de la paix et de l'union dans le Christ, lequel des deux n'en a fait qu'une (3). Tel est le jour qu'a fait le Seigneur. Vois ici le jour tout entier, la tête et le corps; la tête, ou le Christ; le corps, ou l'Église. Tel est le jour qu'a fait le Seigneur. 2. Rappelez-vous la première formation du monde. « Les ténèbres étaient au-dessus de l'abîme, et l'Esprit de Dieu était porté au-dessus des eaux. Or, Dieu dit: Que la lumière soit, et la lumière fut. Et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres; et il donna à la lumière le nom de jour et le nom de nuit aux ténèbres (4) ». Rappelez-vous aussi les ténèbres où étaient plongés ces enfants avant de venir recevoir la rémission de leurs péchés. C'étaient bien, avant cette rémission, les
1. Matt. XXI, 9 ; Ps. CXVII, 26. 2. Gal. I, 22-24. 3. Ephés. II, 11-22. 4. Gen. I, 2-5.
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membres au-dessus de l'abîme. Mais l'Esprit de Dieu était aussi porté sur les eaux; ces enfants sont descendus dans ces eaux, et comme l'Esprit de Dieu était au dessus, les ténèbres du péché se sont évanouies. Tel est le jour qu'a fait le Seigneur. C'est à ce jour que l'Apôtre dit: « Vous tétiez ténèbres autrefois, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur (1) ». Dit-il: Vous étiez ténèbres dans le Seigneur? Non, vous étiez ténèbres en vous-mêmes; « vous êtes lumière dans le Seigneur ». Or « Dieu a donné à la lumière le nom de jour » , attendu que ce changement est l'oeuvre de sa grâce. Ces enfants pouvaient, hélas ! être ténèbres par eux-mêmes; ils n'ont pu devenir lumière que par l'action de Dieu. Aussi sont-ils le jour qu'a fait le Seigneur, et non le jour qui s'est fait lui-même. 3. Saint Thomas, l'un des disciples, n'était-il pas un homme, un homme du vulgaire en quelque sorte ? En vain ses condisciples lui disaient-ils: « Nous avons vu le Seigneur. Si je ne le touche, si je ne mets mon doigt dans son côté, répondait-il, je ne croirai point». Quoi ! ce sont les prédicateurs de l'Évangile qui te l'annoncent, et tu ne crois pas? L'univers a cru sur leur témoignage, et tu n'y ajoutes pas foi? C'est d'eux qu'il est dit: « Leur voix a retenti par toute la terre et leurs paroles jusqu'aux extrémités du globe (2) » ; ainsi leurs paroles vont loin puisqu'elles ne s'arrêtent que là où finit le monde, et le monde entier embrasse la foi: et quand tous réunis s'adressent à un seul homme, cet homme ne croit pas? C'est qu'il n'était pas encore le jour fait par le Seigneur ; il y avait encore des ténèbres
1. Eph. V, 8. 2. Ps. XVIII, 5.
sur cet abîme, des ténèbres au-dessus des profondeurs de ce coeur d'homme. Vienne donc, vienne le principe de ce jour sacré; qu'il dise avec patience, avec douceur et sans colère, car il est le médecin des âmes : Approche, approche, touche et crois. Tu disais: « Si je ne touche, si je ne mets mon doigt, je ne croirai point » ; viens, touche, « mets ton doigt et ne sois plus incrédule, mais fidèle ». Viens, mets ici ton doigt. Je savais combien tu es blessé, et pour toi j'ai conservé cette large cicatrice. Mais aussi quand il y mit son doigt, sa foi fut complète. En quoi consiste la plénitude de la foi? A croire que le Christ n'est pas seulement homme et n'est pas Dieu seulement, mais Dieu et homme tout à la fois. La plénitude de la foi, c'est que « le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous (1) ». Lors donc que le Sauveur lui eut offert de toucher ses cicatrices et ses membre sacrés, et que ce disciple les eut touchés réellement, il s'écria: « Mon Seigneur et mon Dieu (2) ! » Il touchait un homme, et dans cet homme il reconnaissait Dieu; il touchait une chair humaine, mais il y voyait le Verbe, car « le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous ». Ce Verbe a permis que sa chair fût suspendue au gibet, qu'elle y fût fixée avec des clous, qu'elle fût percée par une lance, et qu'elle fût déposée dans un sépulcre; mais aussi il l'a ressuscitée et présentée à ses disciples pour qu'ils la vissent de leurs yeux et pour qu'ils la touchassent de leurs mains. Ils la touchent donc et ils s'écrient: « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Ah ! ils sont le jour qu'a fait le Seigneur.
1. Jean. I, 14. 2. Jean. XX, 25-28.
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