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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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SERMON CCCXXXIII. POUR UNE FÊTE DE MARTYRS. VIII. LES BONNES OEUVRES DUES A LA GRACE.

 

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ANALYSE. — Le Seigneur, pour rassurer ses martyrs, leur promet de veiller spécialement sur eux. De fait, c'est lui qui leur donne la patience et la force. Il est vrai que saint Paul revendique la couronne éternelle comme urge récompense qui lui est due; mais le même saint Paul confesse que c'est par pure miséricorde que Dieu, l'a converti, complètement changé et que toutes ses bonnes oeuvres sont des dons de Dieu. Gardons-nous donc bien de compter sur notre libre arbitre, rappelons-nous que nous ne pouvons rien sans la grâce, et ne cessons de témoigner à Dieu notre reconnaissance.

 

1. La fragilité humaine portant les témoins ou les martyrs de Notre-Seigneur Jésus-Christ à craindre de périr en, le confessant et en mourant pour lui, il leur a inspiré une pleine confiance en leur adressant ces paroles : « Pas un cheveu de votre tête ne périra (1)». Quoi! tu as peur de périr quand ne périra pas un seul de tes cheveux? Si ces parties superflues de ton corps sont gardées avec tant de soin, en quelle sûreté ne doit pas être- ton âme? Il ne périt pas un seul de ces cheveux à la coupe desquels tu es insensible, et le foyer même de la sensibilité, ton âme périrait?

Le Seigneur néanmoins a prédit que ses disciples souffriraient beaucoup, mais c'était pour les disposer mieux et les porter à lui dire « Mon coeur est prêt (2) ». Que signifie : « Mon coeur est prêt », sinon ma volonté est toute disposée? Les martyrs ont donc la volonté préparée au milieu de leurs tortures; mais « la volonté est préparée par le Seigneur (3) ». De plus, après les avoir prévenus des tourments horribles qui les attendaient, « c'est par votre patience, continue-t-il, que vous posséderez vos âmes (4) ». — « C'est par votre patience ». Cette patience n'existerait effectivement pas, si elle n'était l'oeuvre de ta volonté. « Par votre patience » : comment cette patience est-elle à nous? Nous n'avons que ce qui vient de nous ou ce qui nous est donné car il n'y a pas de don si la chose donnée ne devient nôtre. Pourquoi donner, en effet, sinon pour transmettre la propriété à qui reçoit? Or, l'aveu suivant est clair : « Mon âme ne se soumettra-t-elle point à Dieu? C'est de lui

 

1. Luc, XXI, 18. — 2. Ps. LVI, 8. — 3. Prov. VIII, 35, Sept. — 4. Luc, XXI, 18, 19.

 

que vient ma patience (1)». Le Seigneur nous dit : « Par votre patience » ; disons-lui à notre  tour : « C'est de lui que me vient la patience ». Elle est tienne, parce qu'il te l'a donnée garde-toi de l'ingratitude. Dans l'oraison dominicale aussi, n'appelons-nous pas nôtre ce qui vient de Dieu? Chaque jour nous disons : « Donnez-nous notre pain de chaque jour ». Tu dis: «Donnez-nous», et tu dis. — « Nôtre (2) ». Oui, je dis : « Donnez-nous » ; oui, je dis encore: « Nôtre ». Ce pain devient nôtre parce que Dieu nous le donne. S'il devient nôtre parce que Dieu nous le donne, il n'est plus à nous dès que l'orgueil s'empare de nous. Tu dis : « Donnez-nous » ; et tu dis : « Nôtre » ; pourquoi t'attribuer ce que tu ne t'es point donné? « Qu'as-tu, en effets que tu n'aies reçu (3) » Tu dis : « Nôtre » ; et tu dis : « Donnez-nous ». Reconnais ici ton bienfaiteur, confesse que tu as reçu de lui, afin de le porter à te donner volontiers. Que serais-tu si tu n'étais pas dans le besoin, toi qu'on voit superbe, tout mendiant que tu es? Ne mendies-tu pas, en effet, quand tu demandes ton pain?

Le Christ considéré dans son égalité avec le Père est notre pain éternel; notre pain de chaque jour est encore le Christ, mais le Christ dans sa chair; pain éternel, il est en dehors du temps; pain quotidien, il est dans le temps, et toutefois il n'en est pas moins « le pain descendu du ciel (4) ». Les martyrs sont forts, les martyrs sont inébranlables; mais « c'est ce pain qui fortifie le coeur de l'homme (5)».

2. Maintenant donc entendons parler l'apôtre

 

1. Ps. LXI, 6. — 2. Matt. VI, 11. — 3. I Cor. IV, 7. — 4. Jean, VI, 41. — 5. Ps. CIII, 15.

 

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saint Paul du moment où il touchait au martyre; entendons-le compter sur la couronne qui lui était préparée. « J'ai combattu, disait-il, le bon combat; j'ai achevé ma course, j'ai gardé ma foi ; il ne me reste qu'à attendre la couronne de justice qui m'est réservée, et que te Seigneur, juste Juge, me rendra en ce jour-là, et non-seulement à moi, mais encore à tous ceux qui aiment son avènement glorieux (1) ». — « Le Seigneur, en juste Juge, me rendra cette couronne, dit-il.» Puisqu'il la rendra, c'est une preuve qu'il la doit. « Il la rendra comme juste Juge». Peut-il refuser la récompense en voyant mes oeuvres ? Et quelles oeuvres voit-il ? « J'ai combattu le bon combat », en voilà une ; « j'ai achevé ma course », en voilà une autre; « j'ai gardé ma foi », c'en est une autre encore. « Il me reste maintenant la couronne de justice » ; voilà ma récompense.

Observe toutefois qu'en recevant cette récompense tu n'agis pas., et que tu n'agis pas seul en faisant ce qui la mérite. La couronne te vient de Dieu, et si le mérite vient de toi, ce n'est encore qu'avec l'aide de Dieu. En effet, lorsque l'apôtre saint Paul, lequel était Saut d'abord, persécutait les chrétiens avec tant de cruauté et de fureur, il ne méritait rien de bon, il méritait au contraire beaucoup de mal, puisqu'il méritait d'être condamné et non pas d'être élu. Tout à coup cependant, au moment même où il faisait et méritait qu'on lui fît tant de mal, une voix céleste le renverse le persécuteur abattu se relève prédicateur. Ecoute comment il fait l'aveu de ses démérites « J'étais d'abord un blasphémateur, un persécuteur, un outrageux ; mais j'ai obtenu miséricorde (2)». Dit-il ici: « Que me rendra le juste Juge? » Non, mais «j'ai obtenu miséricorde » ; je méritais qu'on me fît du mal, on m'a fait du bien. « Il ne nous a pas traités comme le méritait nos crimes. — J'ai obtenu « miséricorde ». On ne m'a pas rendu ce qu'on me devait; si on me l'avait rendu, le supplice eût été mon partage. Non, on ne m'a pas rendu ce qu'on me devait ; « j'ai obtenu miséricorde. — Il ne nous a pas traités comme le méritaient nos crimes ».

3. « Autant le levant est loin du couchant, autant il a éloigné de nous nos iniquités (3)». — « Autant le levant est éloigné du couchant ».

 

1. II Tim. IV, 7, 8. — 2. I Tim. I, 13. —  3. Ps. CII,10, 12.

 

Détourne-toi du couchant, et tourne-toi vers l'orient. Voilà dans un seul homme et Saut et Paul; Saut au couchant, et Paul au levant; au couchant le persécuteur, au levant le prédicateur. Au couchant disparaissent les péchés, de l'orient s'élève la justice; le vieil homme est au couchant, à l'orient l'homme nouveau; Saut au couchant, Paul au levant. Comment s'est opérée cette- transformation dans ce Saut, dans cet homme cruel, dans ce persécuteur, dans cet ennemi du troupeau; car il était un loup ravissant, et de la tribu de Benjamin , comme lui-même l'atteste (1) ? Il était dit dans une prophétie : « Benjamin, le loup ravisseur, se jettera le matin sur sa, proie, et le soir il distribuera les aliments (2) »: Aussi commença-t-il par dévorer, il nourrit ensuite. Il ravissait, oui, il ravissait; lisez, lisez plutôt le livre des Actes des Apôtres (3). Il avait reçu des pontifes l'autorisation écrite d'arrêter et de conduire au supplice tous les disciples du Christ qu'il pourrait rencontrer. Il allait donc, furieux, respirant le meurtre et le sang. Le voilà qui ravit. Mais il est encore matin, il n'y a pour lui que vanité sous le soleil. Voici venir le soir, Paul devient aveugle. Pendant que ses yeux se ferment aux vanités du siècle, d'autres yeux s'ouvrent dans son âme; ce vase de perdition devient un vase d'élection, et on le voit « distribuer les aliments » sacrés; on lit partout les distributions qu'il en a faites. Vois avec quelle sagesse il préside à ce partage ! Il sait ce qui convient à chacun. Il distribue, non pas au hasard, il ne jette pas confusément. Il distribue, il partage, il distingue sans répandre tout pêle-mêle. C'est au milieu des parfaits qu'il prêche la sagesse (4) ; quant aux faibles qui ne peuvent prendre encore de nourriture solide, il leur dit avec discernement : « Je vous ai donné du lait à boire (5) ».

4. Voilà ce qu'il fait, lui qui naguère faisait quoi ? je ne veux pas le rappeler; ou plutôt je rappellerai ses iniquités afin d'exalter la miséricorde divine. Lui qui faisait souffrir le Christ, souffre maintenant pour le Christ; de Saut il devient Paul, de faux témoin un témoin véridique; il dispersait, mais il recueille; il attaquait, il défend. Comment dans Saut un changement pareil ? Ecoutons-le.

Vous demandez, dit-il, comment s'est opéré ce changement ? Il ne vient pas de moi, pour

 

1. Rom. XI , 1. — 2. Gen. XLIX, 27. — 3. Act. IX. — 4. I Cor. II, 6. — 5. Ib. III, 2.

 

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suit-il ; « j'ai obtenu miséricorde », ce changement ne vient pas de moi ; « j'ai obtenu miséricorde. — Que rendrai-je au Seigneur « pour tout ce qu'il m'a rendu? » Il m'a rendu, en effet, non pas le mal pour le mal; non, il ne m'a pas rendu le mal pour le mal, mais le bien pour le mal. « Que lui rendrai-je » donc? « Je recevrai le calice du Sauveur (1) ». — Ne voulais-tu pas rendre ? Et tu reçois ? tu reçois encore ? — C'est qu'aux approches de mon martyre je veux rendre le bien pour le bien , non pas le bien pour le mal. — Ainsi donc le Seigneur devait d'abord à Paul le mal pour le mal; au lieu de lui rendre le mal pour le mal, il lui rendit le bien pour le mal ; or, en lui rendant le bien pour le mal, il lui donna le moyen de rendre le bien pour le bien.

5. Dans Paul, en effet, ou plutôt dans Saul , il ne trouva aucun bien d'abord; et ne trouvant en lui aucun bien, il lui pardonna le mal pour lui faire du bien. N'était-ce pas le prévenir que de lui faire du bien pour commencer? Mais en lui faisant du bien pour le mettre en état de rendre le bien à son tour, il arrive à le récompenser de ses bonnes oeuvres. Quand Paul a bien combattu, qu'il a fourni sa course et gardé sa foi, Dieu le récompense. De quelles bonnes œuvres le récompense-t-il ? Des bonnes œuvres qui sont un don de sa main divine. N'est-ce pas à lui effectivement que tu dois attribuer d'avoir combattu le bon combat ? Si ce n'est pas à lui, pourquoi dis-tu quelque part : « J'ai travaillé plus qu'eux tous; pourtant ce n'est pas moi, c'est la grâce de Dieu avec moi (2)? » N'est-ce pas à lui encore que tu dois attribuer d'avoir achevé ta course ? Si ce n'est pas à lui, pourquoi dis-tu ailleurs : « Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde (3) ? » — «J'ai conservé la foi ». Tu l'as conservée; je le reconnais, j'y applaudis, j'avoue que tu l'as conservée. Mais « si le Seigneur ne garde la cité, c'est en vain qu'on veille à sa garde (4) ». C'est donc avec son aide, avec sa grâce, que tu as combattu le bon combat, achevé ta course et gardé ta foi. Pardonne, saint Apôtre; je ne vois que le mal pour t'appartenir en propre. Pardonne, saint Apôtre ; nous ne faisons que répéter ce que tu nous as enseigné; je vois en toi cet aveu, non pas de l'ingratitude. Non, nous ne voyons comme

 

1. Ps. CXV, 12, 13. —2. I Cor. XV, 10. — 3. Rom. IX, 16. — 4. Ps. CXXVI, 1.

 

venant de toi que le mal. Ne s'ensuit-il pas qu'en couronnant les mérites, Dieu ne fait que couronner ses dons

6. La vraie foi et la piété véritable demandent donc que nul ne s'enorgueillisse de son libre arbitre à la vue de ses bonnes oeuvres ; car les bonnes œuvres sont un don de Dieu, on doit les faire tout en les rapportant à leur Auteur, sans se montrer ingrat envers lui, sans s'enorgueillir en face du médecin, en se regardant, soit comme malade encore, soit comme lui étant redevable de sa guérison. Qu'on ne permette donc à aucune espèce de raisonnements de déraciner du coeur cette vraie foi, cette piété véritable. Conservez ce que vous avez reçu : qu'avez-vous, en effet, que vous n'ayez reçu ? C'est le reconnaître devant Dieu que de dire avec l'apôtre saint Paul: « Pour nous, nous n'avons pas reçu l'esprit de ce monde ». C'est l'esprit de ce monde qui rend orgueilleux, qui rend fiers, qui fait qu'on se croit quelque chose quand on n'est rien. Aussi bien que dit l'Apôtre contre cet esprit ? Que dit-il contre cet esprit superbe, fier, arrogant, vaniteux, qui n'a rien de solide ? « Pour nous, nous n'avons pas reçu l'esprit de ce monde, mais un esprit qui vient de Dieu ». Où en est la preuve ? « C'est que nous savons ce que Dieu nous a donné (1) ».

(2) Ainsi donc, écoutons le Seigneur nous dire : « Sans moi vous ne pouvez rien faire (3) » ; et encore : « Nul ne possède que ce qu'il a reçu d'en-haut (4); nul ne vient à moi, si mon Père, qui m'a envoyé, ne l'attire (5) ». — « Je suis la vigne, vous êtes les branches; de même que la branche ne saurait produire de fruit si elle ne demeure unie au cep, ainsi, vous non  plus, si vous ne demeurez en moi (6) ». Ecoutons aussi ce qu'atteste en ces termes l'apôtre saint Jacques : « Tout bien excellent et tout don parfait vient du ciel et descend du Père des lumières (7)»; ce qu'enseigne également l'apôtre saint Paul pour réprimer la présomption qui met son orgueil dans le libre-arbitre « Qu'as-tu, s'écrie-t-il, que tu n'aies reçu? Si tu l'as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l'avais pas reçu (8)? ». Et encore: « C'est la grâce qui nous a sauvés par la foi; et cela ne vient pas de vous, car c'est un don de Dieu, et personne ne doit s'en glorifier (9) » ;

 

1. I Cor. II, 12. — 2. Ce qui suit parait ajouté par saint Césaire, plutôt que par saint Augustin. — 3. Jean, XV, 5. — 4. Ib. III, 27. — 5. Ib. VI , 44. — 6. Ib. XV, 5, 4. — 7. Jacq. I, 17. — 8.  I Cor. IV, 7. — 9. Eph. II, 8, 9.

 

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de plus : « Il.vous a été donné, touchant le Christ, non-seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui » ; de plus encore « Dieu, qui a commencé en vous la bonne oeuvre, la perfectionnera (1)». Pénétrons-nous avec soin et fidélité de ces pensées et d'autres pensées semblables, et ne croyons pas ceux qui, en exaltant orgueilleusement le libre arbitre, travaillent plutôt à le ruiner qu'à l'élever. Au contraire, considérons avec humilité ce témoignage de l'Apôtre : « C'est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire (2)».

7. Rendons grâces au Seigneur, notre Sauveur : sans y être excité par aucun mérite

 

1. Philip. I, 29, 6. — 2. Ib. II, 13.

 

antérieur de notre part, il nous a guéris de nos blessures; réconciliés quand nous étions ses ennemis, rachetés de la captivité, élevés des ténèbres à la lumière, rappelés de la mort à la vie ; de plus, tout en confessant humblement notre fragilité, implorons sa miséricorde; puisque; d'après le Psalmiste, il nous a prévenus dans sa clémence (1), qu'il daigne aussi, non-seulement conserver, mais encore augmenter les dons ou les faveurs, qu'il a eu la bonté de nous accorder, lui qui étant Dieu, vit et règne avec le Père et avec l'Esprit-Saint dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

1. Ps. LVIII, 11.

 

 

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