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SERMON CCXCVI. PRONONCÉ VERS L'AN 410, A L'ÉPOQUE DU SAC DE ROME. FÊTE DE SAINT PIERRE ET DE SAINT PAUL. II. LES AFFLICTIONS TEMPORELLES.

 

ANALYSE. — En confiant la conduite de son troupeau à saint Pierre, qui d'abord n'avait rien compris aux souffrances de son Maître, qui l'avait même abandonné pour ne souffrir pas avec lui, le Seigneur lui prédit que son amour sera mis à l'épreuve du martyre. Il veut que tous les pasteurs soient disposés à souffrir et à mourir pour son troupeau. Pourquoi donc nous étonner des calamités présentes? Ne sont-elles pas bien disproportionnées avec la gloire éternelle qui nous attend? Si vous te voulez point donner cette raison aux païens qui accusent le christianisme du ravage de Rome, répondez-leur qu'avant d'être chrétienne Rome avait été incendiée deux fois, que le Christ d'ailleurs a prédit à ses disciples toutes ces calamités, que si elles se multiplient, c'est pour punir la résistance du monde à l'Evangile. Pour vous, chrétiens, voudriez-vous que le Christ et les Apôtres fussent morts pour la conservation des monuments païens ? Bénissez plutôt la main qui vous frappe, et pour témoigner à Dieu votre amour, soyez charitables envers les malheureux, charitables aussi envers les hérétiques relaps, qu'il ne faut pas repousser avec dédain, mais accueillir avec douceur pour les soumettre à la pénitence.

 

1. La lecture qu'on vient de faire du saint Evangile est parfaitement appropriée à la solennité de ce jour. Si après avoir frappé nos oreilles elle est descendue dans notre coeur; si de plus elle s'y est trouvée en repos, car lorsque nous acquiesçons à la parole de Dieu, elle est en repos dans nos âmes, nous tous qui vous distribuons la parole et le sacrement du (473) Seigneur, nous sommes prévenus qu'il nous faut paître son troupeau.

Ami bien plus ardent de Notre-Seigneur Jésus-Christ que disposé à le renier, le bienheureux Pierre, le premier des Apôtres, suivit le Seigneur, comme l'indique l'Evangile, lorsque le Seigneur marchait vers sa passion; mais alors il ne put le suivre jusqu'à souffrir lui-même. Il le suivit de corps, incapable encore de l'imiter entièrement. Il lui avait promis de mourir pour lui, il ne put mourir même avec lui, car il avait alors plus de hardiesse que de courage véritable, ayant plus promis qu'il ne pouvait donner. Il ne convenait pas d'ailleurs qu’il fît ce dont il s'était flatté. « Pour vous je donnerai ma vie », avait-il dit (1). C'est ce que devait faire le Seigneur pour son serviteur, et non pas le serviteur pour le Seigneur. En voulant davantage, l'amour de Pierre était donc un amour déréglé; aussi fût-il ensuite saisi de frayeur jusqu'à renier son Maître. Mais plus tard, quand le Sauveur fut ressuscité, il enseigna à Pierre comment Pierre devait l'aimer. Quand l'amour de Pierre était déréglé, il succomba sous le poids de la passion; une fois réglé, il reçut l'assurance de l'endurer réellement.

2. Nous nous rappelons quelle était la faiblesse de Pierre lorsqu'il gémissait à la pensée que le Seigneur devait mourir. Je vais redire, je redis cette circonstance. Ceux qui s'en soutiennent la rediront avec moi dans leur coeur, et ceux qui pourraient l'avoir oubliée en réveilleront le souvenir en m'entendant.

Notre-Seigneur Jésus-Christ prédit lui-même à ses disciples qu'il allait bientôt endurer la passion. Pierre qui l'aimait, mais d'une manière encore charnelle, craignit alors de voir mourir le Meurtrier de la mort et il s'écria : « A Dieu ne plaise, Seigneur, à Dieu ne plaise ! épargnez-vous vous-même». Aurait-il dit: « Epargnez-vous vous-même », s'il ne l'eût réellement reconnu pour Dieu? Si donc, Pierre, tu es convaincu de sa divinité, pourquoi crains-tu qu'il ne meure? Tu n'es qu'un homme, Lui est Dieu, et un Dieu qui s'est fait homme dans l'intérêt de l'homme, devenant ce qu'il n'était pas, sans rien perdre de ce qu'il était. Aussi le Seigneur ne devait-il mourir qu'en tant qu'il devait ressusciter. Pierre pourtant s'effraya de cette mort de

 

1. Jean, XIII, 37.

 

l'humanité, il ne voulait pas que le Seigneur en fût atteint : aveugle, il voulait tenir fermé le trésor d'où devait sortir notre rançon. Le Sauveur lui répliqua alors : « Arrière, Satan, car tu ne goûtes point ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes». Pierre venait de s'écrier : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ; et Jésus de lui répondre :  « Tu es bienheureux, Simon, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux (1) ». Il vient d'être proclamé bienheureux, il est maintenant traité de Satan. D'où venait son bonheur? Non pas de lui-même : « Ce n'est ni la chair ni le sang qui t'ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux ». Et comment est-il Satan? En lui-même et par lui-même : « Car tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes ». Tel était Pierre quand rempli d'amour pour le Seigneur, craignant de le voir mourir et désireux de mourir à sa place, il le suivit. Mais ce qu'avait prédit le Médecin s'accomplit, et non pas ce qu'avait présumé le malade. Interrogé par une servante, celui-ci en effet renie, une, deux, trois fois. Le Seigneur le regarde ensuite, et il pleure amèrement (2); il efface avec les larmes de sa piété le triple reniement de son coeur.

3. Le Seigneur ressuscite et apparaît à ses disciples. Pierre alors revoit plein de vie Celui pour qui il avait craint la mort. Il constate, non pas que le Sauveur a été mis à mort, mais que dans sa personne la mort même a été mise à mort. Convaincu dès lors, par l'exemple même du Seigneur ressuscité, que la mort n'était pas tant à craindre, il apprend à aimer. Ah ! c'est maintenant, maintenant qu'il voit le Seigneur vivant après sa mort, c'est maintenant qu'il a besoin d'aimer, d'aimer sans trembler, trembler, parce que désormais il suivra son Maître. En conséquence, le Seigneur lui demanda : « Pierre, m'aimes-tu? — Je vous aime, Seigneur », reprit-il. — Comme preuve de ton amour je ne demande pas que tu meures pour moi; -c'est moi qui viens de mourir pour toi. Qu'est-ce donc? « Tu m'aimes ? » Comment me le témoigneras-tu ? « Tu m'aimes? — Je vous aime. — Pais mes brebis». Ce que le Seigneur répète deux et trois fois, afin d'opposer une triple proclamation

 

1. Matt. XVI, 22, 23, 16, 17. — 2. Luc, XXII, 56-62.

 

474

 

d'amour au triple reniement de la crainte. Remarquez, saisissez, comprenez. Une seule question est adressée à Pierre: « M'aimes-tu? » Il n'y fait qu'une seule réponse : « Je vous aime», et à cette réponse le Seigneur ajoute : « Pais mes brebis ». Mais après avoir recommandé à Pierre le soin de ses brebis, et après s'être chargé de prendre soin lui-même de Pierre en même temps que de ses brebis, le Sauveur lui prédit le martyre. « Lorsque tu étais jeune, lui dit-il, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais; mais une fois devenu vieux , un autre te ceindra et te portera où tu ne voudras pas. Or, il parlait ainsi, observe l'Évangéliste, pour désigner par quel genre de mort Pierre devait glorifier Dieu (1)». Vous le voyez, un des devoirs de celui qui est appelé à paître les brebis du Seigneur, est de ne refuser pas la mort pour elles.

4. A qui confie-t-il ses brebis? A qui est disposé ou peu disposé à en prendre soin? Et d'abord quelles sont ces brebis qu'il confie? Des brebis bien chères, puisqu'il les a achetées, non avec de l'argent ni de l'or, mais avec son propre sang. Si le propriétaire -d'un troupeau voulait le confier à son serviteur, il se demanderait sans aucun doute : Les épargnes de mon serviteur équivalent-elles au prix de mes brebis? Il se dirait encore S'il vient à les perdre, à les dissiper, à les manger même, il a de quoi restituer. C'est alors que trouvant une garantie dans son serviteur et estimant que son argent représente la valeur de ces brebis qu'il a achetées avec de l'argent, il lui remettrait son troupeau. Jésus-Christ Notre-Seigneur n'a-t-il pas acheté au prix de son sang les ouailles qu'il recommande à son serviteur aussi? Voilà pourquoi il veut de lui pour garantie le martyre et le sang. C'est comme s'il lui disait : Pais mes brebis, je t'en confie le soin. Quelles sont ces brebis? Celles que j'ai payées de mon sang. Pour elles je suis mort. .M'aimes-tu? Meurs aussi pour elles. Si le serviteur d'un propriétaire venait à perdre son troupeau, il le paierait à son maître avec de l'argent. Pierre a donné son sang pour la conservation du troupeau du Seigneur.

5. Maintenant, mes frères, je veux dire un mot de ce qui se passe aujourd'hui. Ce qui a été recommandé et commandé à Pierre ne l'a

 

1. Jean, XXI, 15-19.

 

pas été à Pierre seulement, mais encore aux autres Apôtres, qui ont entendu cela, qui s'y sont attachés et montrés fidèles, principalement celui qui a donné son sang et qui est aujourd'hui honoré avec lui, je veux dire l'apôtre saint Paul. Donc ils ont entendu tous cela et ont pris soin de nous le transmettre pour nous le faire entendre. Nous vous paissons, on nous paît aussi avec vous. Ah ! que Dieu nous accorde la force de vous aimer jusqu'à pouvoir mourir pour vous en réalité où en désir. De ce que l'occasion d'endurer la mort d'un martyr ait manqué à l'apôtre saint Jean, s'ensuit-il que son coeur n'ait pas dû être disposé,au martyre? II n'a point souffert le martyre, il pouvait l'endurer. Dieu connaissait sa bonne volonté. C'est pour y être brûlés et non pour y conserver la vie que les trois jeunes Hébreux furent jetés dans la fournaise. Parce que la flamme n'a pu les consumer, n'ont-ils pas mérité le titre de martyrs? Interroge les flammes, ils n'y ont pas souffert; interroge leurs coeurs, ils sont couronnés. « Le  Seigneur est assez puissant, disaient-ils, pour nous tirer de vos mains; mais s'il ne le fait pas », c'est ici qu'apparaissent et la fermeté de leur coeur et la solidité de leur foi, leur inébranlable vertu et leur triomphe incontestable. « Si donc il ne le fait pas, sachez, ô roi, que nous n'adorons point la statue que vous avez fait dresser ». Dieu voulut qu'il en fût autrement : ils ne brûlèrent point, mais ils éteignirent dans l'âme du roi le feu de l'idolâtrie (1).

6. Vous voyez donc, mes très-chers, ce qui est demandé aux serviteurs de Dieu, durant cette vie, en vue de la gloire à venir qui éclatera en nous, gloire immense à laquelle ne font point équilibre toutes les afflictions du temps, si énormes qu'on les suppose. « Les souffrances de ce temps, dit en effet l'Apôtre, ne sont point proportionnées à la gloire future qui éclatera en nous (2) ». Puisqu'il en est ainsi, que nul ne se laisse aller à des pensées charnelles, que nul ne dise : C'en est fait du temps. Le monde s'ébranle, c'est le vieil homme qu'on secoue; la chair est sous le pressoir, que l'esprit en découle. Le corps de saint Pierre repose à Rome, dit-on parmi les hommes; le corps de saint Paul y repose aussi, ainsi que les corps de saint Laurent et de tant

 

1. Dan. III. — 2. Rom. VIII, 18.

 

475

 

d'autres saints martyrs : pourtant Rome est réduite à la misère, elle est saccagée, abîmée, broyée, incendiée. La famine, la peste et l'épée y répandent la désolation et la mort. Que deviennent les Mémoires (1) des Apôtres? —. Que dis-tu? — Le voici : C'est que Rome est en proie à tant de maux. Que deviennent donc les Mémoires des Apôtres? — La mémoire des Apôtres est à Rome, mais elle n'est pas en toi. Plaise à Dieu qu'elle y soit ! Tu ne parlerais pas ainsi, tu ne manquerais pas autant de sagesse. Appelé à la vie de l'esprit, tu ne mènerais pas une vie aussi charnelle. Avant de t'enseigner la sagesse, je voudrais d'abord t'apprendre la patience. Sois patient, Dieu le veut. Tu demandes pourquoi il le veut ? Attends, avant de chercher à connaître son secret , prépare-toi plutôt à obéir avec empressement, il veut que tu souffres; souffre ce qu'il veut, et il te donnera ce que tu voudras.

J'ose toutefois, mes frères, vous faire une observation que vous entendrez avec plaisir, si néanmoins vous vous attachez d'abord à l'obéissance, si vous souffrez en paix et avec douceur la divine volonté. En effet, nous ne souffrons pas ce qui est doux, nous l'aimons, et si nous endurons ce qui est rude, nous nous réjouissons de ce qui est agréable. Vois donc le Seigneur ton Dieu, vois ton Chef, ton modèle, ton Rédempteur et ton Pasteur. « Mon Père, dit-il, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ». N'est-ce pas ici la volonté humaine d'abord, puis sa réaction vers l'obéissance? «Non cependant comme je veux, mais comme vous voulez, mon Père (2) ». Ainsi quand il dit à Pierre : « Une fois devenu vieux, un autre te ceindra et te conduira où tu ne voudras point », il montre également en lui les frémissements de la volonté humaine aux approches de la mort. Mais de ce que Pierre soit mort sans le vouloir, s'ensuit-il que malgré lui il ait été couronné? Toi également, tu ne voudrais peut-être pas qu'on t'enlevât la petite fortune que pourtant tu dois laisser sur la terre; prends garde d'y demeurer avec elle, Tu ne voudrais pas voir mourir avant toi ni ton fils ni ton épouse. Mais quoi ? Lors même que Rome ne serait pas prise, quelqu'un d'entre vous ne devrait-il pas mourir avant les autres. Tu ne voudrais pas que ton épouse mourût avant toi, ni elle-même que son époux

 

1. Monuments érigés en leur honneur, ordinairement au lieu de leur martyre. — 2. Matt. XXVI, 89.

 

mourût avant elle. Dieu devra-t-il vous exaucer l'un et l'autre? Laisse-lui tout régler, car il sait mettre l'ordre dans ce qu'il e créé. Obéis donc à cette grande volonté de Dieu.

7. Je distingue ce que tu vas dire en toi-même: C'est à l'époque chrétienne que Rome est saccagée et incendiée. Pourquoi est-ce à l'époque chrétienne? — Qui parle ainsi? Un chrétien ? Si tu es chrétien, réponds-toi que c'est quand Dieu l'a voulu. — Mais, que répondre au païen? car le païen m'insulte. — Que te dit-il ? Comment t'insulte-t-il? — Le voici Quand nous offrions des sacrifices à nos dieux, Rome se maintenait, elle était florissante; maintenant que l'emporte et que se propage le sacrifice de votre Dieu, tandis que sont défendus et proscrits les sacrifices de nos dieux, voilà ce que Rome endure ! — Pour nous débarrasser de lui, réponds-lui en deux mots; mais en attendant, occupe-toi d'autres pensées, car tu n'es pas convié à embrasser la terre, mais à conquérir le ciel; à jouir de la félicité terrestre, mais de la félicité céleste; des succès et de la prospérité vaine et transitoire du temps, mais de la vie éternelle et de la société des anges. A cet homme épris d'amour pour un bonheur tout charnel, à cet homme qui élève ses murmures contre le Dieu vivant et véritable, qui veut servir les démons, le bois et la pierre, réponds toutefois, réponds sans hésiter: Ainsi que l'atteste l'histoire même des Romains; le dernier incendie de Rome est le troisième que cette ville ait éprouvé. Oui, ainsi que l'attestent l'histoire et les écrits des Romains, l'incendie que vient d'éprouver Rome est le troisième. Cette ville qui vient d'être réduite en cendres, une fois, pendant qu'on offre le sacrifice des chrétiens, l'avait été deux fois pendant qu'on y offrait des sacrifices païens. Une première fois elle le fut par les Gaulois, à l'exception du Capitole seulement. Plus tard elle fut de nouveau incendiée par Néron; par Néron en fureur ou en état d'ivresse? Je ne sais que dire. Sur un ordre de Néron qui commandait à Rome même, de cet esclave des idoles, de ce meurtrier, Rome devint effectivement la proie des flammes. Pourquoi, pensez-vous? pour quel motif? Parce que cet homme superbe, aussi orgueilleux qu'efféminé, prenait plaisir à voir brûler Rome. Je veux voir, disait-il, comment Troie a été dévorée par le feu. Rome a donc été brûlée une, deux et trois fois. Pourquoi aimer à vociférer contre Dieu (476) en faveur d'une ville habituée ainsi à être consumée ?

8. Mais, ajoute-t-on, c'est que tant de chrétiens y ont souffert des maux extrêmes. — Oublies-tu qu'un chrétien est fait pour souffrir des maux temporels et pour espérer les biens éternels? C'est à toi, païen, de te lamenter ; car tu as perdu les biens temporels sans avoir obtenu encore les biens éternels. Le chrétien au contraire doit réfléchir à ces mots : « Considérez, mes frères, comme la source de toute joie les afflictions diverses où vous tombez (1) ».

Tu dis donc, ô païen: Les dieux protecteurs n'ont point préservé Rome, parce qu'ils n'y sont plus ; quand ils y étaient, ils l'ont conservée. — Mais nous, nous montrons ici la souveraine véracité de notre Dieu. Il a prédit tout cela, vous l'avez lu, vous l'avez entendu ; pourtant vous en souvenez-vous, vous que troublent de pareils propos ? N'avez-vous pas entendu les Prophètes, n'avez-vous pas entendu Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même prédire des maux à venir ? Plus le monde avance en âge, plus on approche de la fin. Vous avez entendu, mes frères, ensemble nous avons entendu ces mots : « Il y aura des guerres, il y aura des séditions, il y aura des afflictions, il y aura des famines (2) ». Pourquoi sommes-nous en contradiction avec nous-mêmes jusqu'à croire ces prédictions quand nous les lisons, et murmurer quand elles s'accomplissent ?

9. Maintenant, dit-on encore, maintenant le genre humain est en proie à plus de maux. — Je ne sais, en considérant l'histoire ancienne et saris préjuger la question, si c'est vrai. Supposons toutefois que le monde souffre davantage, je le pense même, et le Seigneur a tranché cette question ; oui, le monde est en proie à plus de désastres. Eh bien ! sache pourquoi tous ces désastres quand partout on prêche l'Évangile. Tu remarques bien avec quel éclat on le prêche, mais tu ne remarques pas avec quelle impiété on le méprise ? Pour le moment, mes frères, laissons un peu les païens de côté, et tournons les yeux sur nous. On prêche l'Évangile dans tout l'univers c'est vrai. Mais avant qu'on l'y prêchât ainsi, on n'y connaissait pas la volonté de Dieu ; c'est la prédication qui l'a manifestée ; cette

 

1. Jacq. I, 2. — 2. Luc, XXI, 9-11.

 

prédication nous a appris ce que nous devons aimer ou mépriser, faire, éviter ou espérer. On nous a dit tout cela, et la volonté divine n'est plus voilée dans tout l'univers.

Considère maintenant le monde comme un serviteur, et prête l'oreille à l'Évangile; écoute la voix du Seigneur. Le monde est donc un serviteur. Or « le serviteur qui connaît la volonté de son Maître et qui fait des choses dignes de châtiments, recevra beaucoup de coups ». Oui, le monde est ce serviteur, Comment est-il serviteur de Dieu? «Parce que le monde a été fait par lui; et ce monde ne l'a point connu (1)». C'était donc « le serviteur qui ignore la volonté de. son Maître ». Voilà ce qu'était le monde antérieurement. Et maintenant: « C'est le serviteur connaissant la volonté de son Maître et faisant des actes dignes de châtiments, lequel recevra beaucoup de coups (2) ». Plaise même à Dieu qu'il en reçoive beaucoup et qu'il échappe une bonne fois à sa condamnation ! Pourquoi éviter ces nombreuses corrections, ô serviteur qui fais des choses dignes de châtiments, tout en cou. naissant la volonté de ton Maître ? On te dit, et c'est un des commandements de ce Maître: « Amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni la rouille, ni les vers ne rongent, et où les voleurs ne fouillent ni ne dérobent (3)». Toi, tu amasses sur la terre, quand il te commande d'amasser au ciel et qu'il te dit : Donne-moi, mets ton trésor là où j'en serai le gardien. Envoie-le avant toi ; pourquoi le conserver sur la terre ? Le Goal n'enlève pas ce que garde le Christ. — Plus prudent, sans doute, et plus sage que ton Seigneur, toi, au contraire, tu le caches en terre. Pourtant tu as entendu la volonté de ton Maître ; il te commande de le placer en haut, et tu dis, toi : Je l'enferme dans la terre. Ah ! prépare-toi à recevoir un grand nombre de coups. Comment ! tu sais que ton Maître veut que tu le serres au ciel, et tu le mets en terre : n'est-ce pas mériter d'être châtié par lui ? Et maintenant qu'il frappe sur toi, tu blasphèmes ; oui, tu blasphèmes, tu murmures, tu prétends que ton Maître devrait ne pas te traiter comme il le traite ! C'est donc toi, mauvais serviteur, qui agis comme tu dois agir ?

10. Ah ! du moins, tiens-toi à ta place, garde-toi de murmurer, de blasphémer; loue

 

1. Jean, I, 10. — 2. Luc, XII, 47. — 3. Matt. VI, 20.

 

477

 

plutôt ton Seigneur, qui te corrige; bénis-le de ce qu'il te châtie pour te consoler. « Car Dieu corrige tous ceux qu'il aime, et il frappe de verges tout fils qu'il reçoit (1) ». Pour toi, fils trop délicat du Seigneur, tu veux bien être reçu, mais non pas flagellé : n'est-ce pas pour t'amollir et le rendre menteur? Quoi ! il aurait fallu que cette Mémoire des Apôtres qui est destinée à te préparer le ciel, te conservât sur la terre les théâtres de la folie ? Est-ce bien vrai ? Est-il bien vrai que le motif pour lequel Pierre est mort et a été enseveli à Rome, était d'empêcher l'écroulement des pierres d'un théâtre? Ce sont là des jouets que Dieu fait tomber des mains d'enfants indisciplinés. Mes frères, diminuons nos péchés et nos murmures ; soyons les ennemis de nos péchés et de nos plaintes; irritons-nous contre non, non pas contre Dieu. « Fâchez-vous », oui, fâchez-vous ; mais dans quel but? « Et gardez-vous de pécher (2) ». Fâchez-vous donc dans le but de ne pécher pas. N'est-ce pas toujours se fâcher contre soi, que de se repentir? N'est-ce pas exercer contre soi la colère de la pénitence ? Veux-tu que Dieu te pardonne ? Ne te pardonne pas. Car lui ne te pardonnera pas, si tu te pardonnes, attendu que s'il t'épargne, c'en est fait de toi. Tu ne sais, malheureux, ce que tu désires ; tu te perds. S'il est écrit : « Il frappe de verges tout fils qu'il reçoit » ; crains aussi cette menace : « Le pécheur a irrité le Seigneur ». Comment savez-vous cela ? Comment savez-vous que le pécheur a irrité le Seigneur ? Le prophète a supposé qu'on lui adressait cette question. Or, en voyant l'impie heureux, faisant chaque jour le mal sans en éprouver, il a éprouvé une sainte horreur, et pénétré d'une douleur inspirée par l'Esprit-Saint, il a dit : « Le pécheur a irrité le Seigneur ». Ce pécheur qui fait tant de mal, sans avoir aucun mal à souffrir, a irrité le Seigneur, il le provoque : « Dans la violence de sa colère, le Seigneur n'en prendra point souci (3) ». La raison pour laquelle il n'en prend point souci, est la violence même de sa colère. En ne châtiant pas, il se dispose à condamner. « Il n'en prendra point souci » : s'il en prenait souci, il recourrait aux verges, et peut-être convertirait-il. Maintenant donc, combien il est irrité ! combien il est irrité contre ces coupables heureux

 

1. Héb. XII, 6. — 2. Ps. IV, 5. — 3. Ps, IX, 4.

 

qu'il ne frappe pas ! Ah ! ne leur portez pas envie ; ne cherchez pas à être, comme eux, malheureusement heureux. Mieux vaut être corrigé dans le temps que damné dans l'éternité.

11. Ainsi donc en recommandant ses brebis à Pierre, le Seigneur nous les a recommandées aussi; il nous les a recommandées si toutefois nous méritons, ne fût-ce que du bout du pied, de fouler la poussière où Pierre a marché. Vous êtes les brebis du Seigneur, et comme chrétiens nous le sommes au même titre que vous. Nous l'avons déjà dit, si nous paissons, on a soin aussi de nous paître. Aimez donc Dieu, pour que Dieu vous aime. Or vous ne pouvez montrer combien vous aimez Dieu qu'autant qu'on vous voit attachés aux intérêts de Dieu. Que peux-tu donner à Dieu, homme de coeur ? Que lui donnes-tu ? Que lui donnait Pierre ? Tout est dans ces mots : « Pais mes brebis (1) ». Que donnes-tu à Dieu pour le rendre plus grand, meilleur, plus riche, plus honorable ? Quel que tu sois, il sera, lui, ce qu'il était. Aussi regarde à tes côtés pour voir si tu ne dois pas accorder à ton prochain ce qui montera jusqu'à Dieu. « Ce que vous avez fait à l'un de ces derniers « d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez fait (2) ». Si donc tu dois rompre ton pain avec celui qui a faim, dois-tu fermer l'Eglise à celui qui frappe à la porte ?

12. Pourquoi parler ainsi ? C'est que le fait suivant qu'on nous a appris et dont nous n'avons pas été témoin, a porté la douleur dans notre âme. Un des Donatistes revenait à l'Eglise et confessait le péché d'avoir réitéré le baptême ; comme l'évêque l'exhortait à la pénitence, plusieurs frères réclamèrent et il fut repoussé. Je le confesse devant votre charité, ce fait nous a brisé, oui, brisé les entrailles. Ah ! nous l'avouons, nous n'aimons pas ce zèle. Sans doute c'était par zèle pour Dieu et pour l'Eglise. Mais n'est-ce pas un grand mal en soi ? n'est-ce pas un grand mal encore que tous aient appris cela ? Je vous en prie, que mes paroles d'aujourd'hui effacent par une bonne impression l'impression mauvaise qui a été produite. Appliquez-vous à cette réparation, qu'elle fasse du bruit, publions-la, comme j'en publie aujourd'hui la nécessité. Attirons à nous et admettons comme à

 

1. Jean, XXI, 17. — 2. Matt. XXV, 40.

 

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l’ordinaire ceux qui n'ont jamais été catholiques. L'ont-ils été? Ont-ils montré du libertinage, de l'inconstance, de la faiblesse, de la perfidie? Croyez-vous que je flatte les perfides? Mais ces perfides pourront devenir fidèles : qu'ils viennent donc aussi demander à faire pénitence. Qu'ils ne se méprennent pas en voyant faire pénitence à ceux qui rentrent dans le parti de Donat. Ceux-ci font pénitence d'avoir fait le bien ; qu'eux la fassent réellement pour avoir fait le mal. En faisant pénitence dans le parti de Donat, on se repent d'avoir bien agi ; qu'eux se repentent de s'être mal conduits. Vous craignez que ces perfides ne foulent aux pieds ce qui est saint ? On respecte ici votre crainte, puisqu'on les admet à la pénitence. Or ils feront pénitence quand ils demanderont à se réconcilier sans que personne les y pousse par la force ou par la terreur; car aujourd'hui le catholique qui fait pénitence n'est plus sous la menace des lois, et s'il demande à se réconcilier quand personne ne lui fait peur, qu'au moins alors on croie à sa sincérité. Penses-tu que sa pénitence ne vient que de ce qu'il est contraint à être catholique? plais qui l'a déterminé, sinon sa volonté propre, à demander sa réconciliation ? — Maintenant donc accueillons la faiblesse pour éprouver ensuite la volonté.

 

 

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