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LETTRE CLXXVI. (Année 416.)
Au mois de septembre 416 , les évêques catholiques de la province de Numidie, réunis à Milève , appellent de leur coté l'attention du pape Innocent sur les erreurs des pélagiens ; voici la lettre collective qu'ils adressent au souverain pontife; elle fut rédigée par saint Augustin.
SILVAIN, VALENTIN, AURÈLE, DONAT, RESTITUT, LUCIEN, ALYPE, AUGUSTIN, PLACENCE, SÉVÈRE, FORTUNAT, PRÉSIDIUS, NOVAT, SÉCUNDUS, MAURENTIUS, LÉON, FAUSTINIEN, CRESCONIUS, MALCUS, LITTORIUS, FORTUNAT, DONAT, PONTICANUS, SATURNIN, CHRISTONIUS, HONORÉ, LUCIUS, ADÉODAT, PROCESSUS, CRESCONIUS, SÉCUNDUS, FÉLIX, ASIATICUS, RUFINIEN , FAUSTIN , SERVUS , TÉRENCE, CRESCONIUS, SPÉRANTIUS, QUADRAT, LUCILLUS, SABIN , FAUSTIN , CRESCONIUS, VICTOR, GIGNANTIUS, POSSIDONIEN, ANTONIN, INNOCENT, PRÉSIDIUS, CRESCENCE, FÉLIX, ANTOINE, VICTOR, HONORÉ, DONAT, PIERRE , PRÉSIDIUS, CRESCONIUS, LAMPADE, DAUPHIN, DU CONCILE DE MILÈVE, AU BIENHEUREUX SEIGNEUR, AU VÉNÉRABLE ET HONORABLE PAPE EN JÉSUS-CHRIST, INNOCENT, SALUT DANS LE SEIGNEUR.
1. Par une faveur singulière de sa grâce, le Seigneur vous a placé sur le Siège Apostolique, et vous a rendu tel que, loin de craindre que votre Grandeur puisse accueillir avec négligence ou ennui nos pensées pour l'Eglise, nous nous regarderions comme coupables de négligence si nous venions à nous taire ; daignez donc porter votre attention de pasteur sur les grands dangers des membres infirmes du Christ. 2. Une nouvelle et très-dangereuse hérésie, celle des ennemis de la grâce du Christ, essaye de s'élever; leur impiété s'efforce de nous enlever l'oraison dominicale. Le Seigneur nous a appris à dire : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés , » et eux soutiennent que l'homme , dans cette Nie, du moment qu'il tonnait les commandements de Dieu, peut parvenir à une grande perfection de justice, par le seul libre arbitre de la volonté, sans le secours de la grâce du Sauveur, de façon qu'il n'a pas besoin de dire : « Pardonnez-nous nos offenses. » Ces paroles : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation (1), » ils ne les entendent pas comme une obligation d'implorer le secours d'en-haut pour ne pas tomber dans le péché lorsqu'on est tenté ; cette fuite du péché est, selon eux, en notre pouvoir, et il suffit pour cela de notre volonté. C'est donc en vain que l'Apôtre aurait dit : « Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de la miséricorde de Dieu (2) ; » et encore : « Dieu est fidèle et ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces; mais il vous fera profiter de la tentation afin que vous puissiez persévérer (3). » Si la fuite du mal est tout entière au pouvoir de l'homme, c'est en vain que le Seigneur aurait dit à l'apôtre Pierre : « J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas (4); » et à tous ses disciples: « Veillez et priez, de peur que vous n'entriez en tentation (5). » Ils prétendent aussi, par une présomption coupable, que les petits enfants obtiennent la vie éternelle sans qu'aucun sacrement de la grâce chrétienne les régénère, anéantissant ainsi ces paroles de l'Apôtre: « Le péché est entré dans le monde par un seul homme et par le péché la mort, et la mort a passé à tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché (6) ; » et ailleurs : « De même que tous meurent en « Adam, de même tous seront vivifiés dans le Christ (7). » 3. Sans parler ici d'autres assertions de leur part contraires aux saintes Ecritures, quels coeurs chrétiens pourraient souffrir ces deux points par lesquels ils s'efforcent de détruire la foi chrétienne, savoir : qu'il ne faut pas prier Dieu de nous aider contre le mal du péché et pour opérer la justice, et que le sacrement de la grâce chrétienne est inutile aux enfants pour acquérir la vie éternelle ? Ceci suffit à votre coeur d'apôtre, et il n'est pas besoin de discours pour insister sur l'impiété de pareilles doctrines ; elles vous émeuvent sans nul doute; et vous ne pouvez pas manquer d'y porter remède, de peur qu'elles ne se répandent davantage et qu'elles ne souillent ou plutôt ne tuent l'âme de plusieurs, en les éloignant de la grâce du christ. 4. Pélage et Célestius passent pour les auteurs de cette pernicieuse erreur; nous aimerions mieux les guérir dans l'Église, si c'est possible, que de les en retrancher en désespérant de
1. Matth., VI, 1.2, 13. 2.
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leur salut. On dit que Célestius a même été élevé au sacerdoce en Asie; nous ne parlons pas de ce qui s'est fait à son égard il y a peu d'années; l'Eglise de Carthage est mieux en mesure d'en instruire votre Sainteté. Si nous en croyons les lettres de quelques-uns de nos frères, Pélage est établi à Jérusalem, non sans chercher à séduire des âmes : cependant il en est beaucoup plus qui, après avoir examiné sa doctrine avec plus de soins, défendent contre lui la grâce du Christ et la foi catholique; parmi eux se distingue votre saint fils, notre frère et collègue Jérôme. 5. Mais nous croyons qu'à l'aide de la miséricorde du Seigneur notre Dieu que nous conjurons de voles diriger quand vous le consultez et de vous exaucer quand vous le priez, les fauteurs de ces perverses et dangereuses doctrines se rendront plus aisément à l'autorité de votre Sainteté soutenue par l'autorité des saintes Ecritures : nous aurions ainsi à nous réjouir de leur retour et non pas à nous affliger de leur perte. Mais quelque parti qu'ils prennent, votre Sainteté voit bien qu'il importe de pourvoir promptement au salut de ceux qu'ils peuvent faire tomber en grand nombre dans leurs piéges, si on se tait. Nous écrivons ceci à votre Sainteté; du concile de Numidie, à l'exemple de nos collègues de l'Eglise et de la province de Carthage qui, d'après ce que nous avons su, se sont adressés au Siège apostolique occupé par votre Béatitude avec tant d'éclat. Et d'une autre main : Souvenez-vous de nous, croissez dans la grâce de Dieu, bienheureux et vénérable Seigneur et saint Père si digne d'être honoré en Jésus-Christ.
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