SERMON XLV
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SERMON XLV. RÉCOMPENSE ET DEVOIRS. (1).

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ANALYSE. — Dans l'impossibilité d'expliquer tout ce qui a été lu à l'office, Saint Augustin choisit pour les réunir les dernières paroles de la Prophétie et les premières paroles de l'Épître qui les a suivies immédiatement. Il est dit dans les premières que ceux qu se seront consacrés au Seigneur possèderont sa terre et habiteront sa sainte montagne, et dans les secondes qu'avec ces promesses on doit se purifier de toute souillure soit corporelle soit spirituelle et accomplir sa sanctification dans la crainte de Dieu. Dans la réunion de ces deux textes se trouve donc indiquée la récompense promise aux serviteurs de Dieu et les moyens à employer pour l'obtenir. — I. Quelle est cette récompense? Faut-il prendre à la lettre la terre et la montagne dont il est ici question? Mais ce serait un encouragement à l'avarice et à la cupidité. Ce langage prophétique est donc figuré, et doit s'expliquer par des passages plus clairs. Conséquemment il faut entendre ici la terre des vivants d'où la Christ est venu jusqu'à nous et où il est lui-même le pain d'immortelle vie. C'est lui aussi que désigne la sainte montagne. Il est appelé ainsi à cause de l'Église dont il est le chef glorieux et ressuscité et qui remplit toute la terre. — II. Quels sont les devoirs à remplir pour être admis à habiter cette heureuse terre des vivants? Les dernières paroles de la promesse rappellent qu'il est nécessaire d'appartenir, non au schisme de Donat qui ne s'étend point au delà de l'Afrique, mais à l'Église universelle qui n'a d'autres limites que les limites du monde. D'après l'Apôtre il faut de plus garder l'innocence dans son corps et dans son âme; enfin se sanctifier en vue de Dieu. — L'accomplissement de ces devoirs égalera les hommes aux anges.

 

1. On nous a fait et nous avons entendu plusieurs lectures ; il nous est impossible de nous rappeler et d'expliquer tout ce qu'elles contiennent. Mais si votre charité a été attentive à la première leçon du prophète Isaïe, j'aime à croire que vos coeurs peuvent conserver tout frais encore le souvenir de ces dernières paroles prononcées parle lecteur: « Ceux qui se donneront à moi possèderont la terre et habiteront ma sainte montagne (2). » Après ces mots on nous a fait entendre la leçon de l'Apôtre et elle a commencé ainsi: « Ayant donc ces promesses, purifions-nous, mes bien-aimés, de toute souillure de la chair et de l’esprit, et achevons notre sanctification dans la crainte de Dieu (3). »

La divine miséricorde nous régit; elle prépare la nourriture destinée à apaiser non-seulement la faim de nos corps, et c'est pour cela qu'elle fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les injustes; mais aussi pour apaiser la faim dont souffrent nos coeurs dans ce désert où nous mourons si Dieu n'y fait tomber la manne. C'est donc le Seigneur qui dresse pour nous son banquet; aussi sans aucun dessein préconçu de la part des hommes, il est arrivé, comme Dieu l'a voulu, qu'après la lecture d'Isaïe où il était l'ait des promesses, on a récité ces paroles de l'Apôtre: « Ayant donc ces promesses, purifions-nous, mes bien-aimés, de toute souillure de la chair et de l'esprit, et achevons notre sanctification dans la crainte de Dieu. » Ne dirait-on pas que le Prophète et l'Apôtre ne formaient qu'une seule leçon? Qu'enseigne celui-ci ? : « Ayant donc ces promesses, mes bien-aimés. » On n'a pas dit

 

1. Isaïe, LVII, 13. — 2. Ibid. — 3. II Cor. VII, 1.

 

alors quelles promesses. Elles sont exprimées, mais le lecteur n'a point commencé par les faire connaître ; et l’auditeur cherchait en quelque sorte à savoir quelles sont ces promesses dont l'Apôtre dit: « Ayant donc ces promesses, mes bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit. » Nous purifier ainsi de toute souillure de la chair et de l'esprit, c'est pour nous une grave affaire, un rude travail et personne ne s'en charge s'il n'y est excité par la promesse de la récompense.

Personne n'entreprenant donc, sans y être invité par l'appât de la récompense, de se purifier et la chair et l'esprit, je ne sais comment il s'est fait que le Lecteur ait commencé par l'obligation de ce travail et non par la promesse de la récompense. Dieu toutefois n'a pas voulu frustrer l'auditeur attentif. Tu hésitais peut-être de te livrer au travail qu'exige la purification de la chair et de l'esprit, sans avoir entendu parler de récompense, arme-toi donc au début de la lecture de l'Apôtre; et si tu veux des promesses, regarde les dernier mots de la lecture du Prophète. Dans ces derniers mots est la promesse, comme dans les premiers de l'Apôtre invitation au travail.

2. Animons-nous donc, et purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit, puisque nous avons ces promesses. Quelles sont-elles? « Ceux qui se donneront à moi, dit le Seigneur par Isaïe, posséderont la terre et habiteront ma sainte montagne. Ayant donc ces promesses, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit. » Ainsi, dira quelqu'un, si je dois me purifier de toute souillure de la chair et de l'esprit, c'est pour posséder une terre et habiter (180) une montagne ? Il faut donc examiner ce que signifient posséder la terre et habiter une montagne ; autrement on pourrait espérer d'amples domaines, ne pas détruire la cupidité ruais en retarder l'essor ou plutôt lui donner des forces nouvelles et, sans sortir de l'ordre matériel, mépriser peu pour obtenir davantage. Qui ne laisserait un arpent pour en obtenir cent autres? Qui ne sacrifierait aisément les jouissances d'un maigre et frugal repas, si on lui disait : A cette condition seulement tu seras admis à ce splendide et royal banquet? S'abstenir dans cette vue des biens présents, ce n'est pas en finir avec la concupiscence. On renonce sans doute à quelque chose, mais c'est dans la crainte de perdre ce qu'on désiré plus ardemment, et c'est toujours de la cupidité. Est-on moins avare quand on donne cent pour obtenir mille? Ne crois donc pas délivré de cette passion celui que tu vois tenir peu à cent pièces de monnaie; c'est qu'il en a mille en vue.

On rencontre des hommes très-obséquieux envers des vieillards sans enfants; ils passent sur beaucoup de choses à leur égard, mais ils nourrissent de magnifiques espérances. Or, est-ce avares, est-ce compatissants qu'il faut les nommer? Aussi apprécie-t-on davantage le mérite des enfants des pauvres lorsqu'ils se montrent bons envers leurs parents dans le besoin: c'est évidemment la: piété qui les anime et non la cupidité. Quand au contraire les enfants des riches sont complaisants envers leurs parents, fut-ce la piété qui les inspire, on ne la voit pas; Dieu peut la voir, mais elle est cachée aux yeux des hommes. Aussi arrive-t-il souvent que pleins de défiance pour les sentiments de leurs enfants et persuadés qu'ils obéissent uniquement en vue de la fortune, quoique ceux-ci dussent trouver avantage à être émancipés, quoiqu'ils aient besoin de ressources pour contracter mariage ou pour parvenir à quelque dignité, les parents refusent de leur, abandonner leur bien et s'écrient: Non, je n'y consentirai point, car on n'aurait plus d'égards pour moi. Quelle triste idée c'est avoir d'un fils! Elle vient de ce que sa soumission est intéressée au lieu d'être inspirée par la vue de l'amour paternel. Craindre que ton enfant te dédaigne après le partage de tes biens, n'est-ce pas accuser sa piété d'être vénale et non filiale?

Combien l'emporte ce fils du pauvre, ce fils même d'un vieillard dans l'indigence et la misère, qui n'attend rien de son père puisque son père n'a rien à lui laisser et qui toutefois pourvoit à ses besoins par ses travaux et à la sueur de son font! Il arrive cependant aussi que pénétrés de la crainte de Dieu et non dans l'espérance de la fortune qui les attend, des enfants de riches considèrent que leurs parents leur ont, donné la vie, l'éducation et que Dieu a établi ce précepte « Honore ton père et ta mère (1); » et pour ces motifs ils se montrent soumis. Mais en face de la récompense qui leur est proposée, on ne connaît point l'affection véritable qui les anime. Ils n'en sont toutefois que plus agréables à Dieu, qui seul distingue ce que les hommes ne sauraient ni voir ni louer. Ainsi Job servait Dieu avec fidélité. Les démons s'imaginèrent que c'était en vue d'une récompense terrestre. Quand fut-il prouvé que le patriarche était désintéressé ? Quand, après avoir tout perdu il s'écria : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté ; comme il a plu au Seigneur ainsi il a été fait : que le nom du Seigneur soi béni (2) ».

3. Pourquoi ces observations, mes frères? Parce que l'Écriture ne cesse chaque jour de nous exciter à dédaigner les choses temporelles pour nous attacher aux choses éternelles ; à chaque page sacrée nous retrouvons constamment ces conseils, soit en termes clairs, soit en termes mystérieux et figurés. Quand les expressions sont mystérieuses, ne t'imagine point que la divine Écriture veuille dissimuler. La volonté de Dieu se manifeste-t-elle avec clarté? Aime-la; attache-toi à ses conseils quand ils ne sont pas douteux. Manifeste ou obscure, placée au soleil ou à l'ombre, cette volonté est toujours la même; suis-là telle que tu la découvres.

Il y a, je l’ai dit,obscurité dans ces expressions: « Il possédera la terre et habitera ma sainte montagne ; » car en les prenant à la lettre, nous ne nous purifierions point de toute souillure de la chair et de l'esprit; et si par avarice, au lieu de nous appliquer à la piété, nous nous disposons à pendre possession d'une montagne de terre, c'est en vain que Dieu aura uni pour nous la fin de la, prophétie, avec le commencement de l'épître. Que devons-nous donc entendre par montagne? Cette expression est équivoque sans doute; mais si Dieu nous abandonnait à nous-mêmes, nulle part il n'en ferait connaître clairement la signification. Mais quand il te la manifeste, aime cette montagne mystérieuse: aime-la partout où il la recommande à ton amour, partout où l'Écriture

 

1. Exod. XX. 12. — 2. Job, I, 21.

 

181

 

dévoile le sens de ce terme. Si même on te la promet, attache-toi à elle, et comprends-la sous les figures telle que tu l'as aimée dans les passages plus clairs. Où donc est-il parlé d'une montagne propre, à nous inspirer de nous purifier de toute souillure de la chair et de l'esprit? Quelle est la montagne promise?

4. Sachons d'abord quelle est la terre gale Dieu nous promet et après laquelle soupire le prophète David quand il dit quelque part: « Vous êtes mon espérance et mon lot dans la terre des vivants (1). » Il y a donc assurément une terre des vivants, différente de la nôtre, la terre des mourants. Si tous ici ne naissaient pas pour mourir, le prophète ne nommerait pas cette autre région la terre des vivants; il la compare à la nôtre où il ne voit que des mourants. Oui donc, il y a une terre des vivants. Si tout éternelle et toute céleste qu'elle est on l'appelle terre, c'est qu'elle est un domaine et non un lieu de culture. On lai possède sans travail; au lieu que celle-ci exige la fatigue et tourmente par la crainte le maître qui la fait valoir. Ne te dit-on pas en effet : Lève-toi et laboure, afin d'avoir de quoi vivre? Bon gré, mal gré, tu te lèves et tu travailles en gémissant et en soupirant, parce que tu es sous le poids de cette sentence à laquelle Adam fut condamné : « Tu mangeras ton pain à là sueur de ton visage (2). » Mais après les fatigues elles angoisses nous serons dans la terre des vivants. Là rien ne naît pour croître : tout y est toujours au même état. Là nulle succession d'hiver et d'été, de nuit et de jour. C'est pour y moissonner que l'on sème ici; si toutefois l'on sème. Quel est en effet celui qui sème maintenant pour moissonner là haut? Celui qui donne aux pauvres. Donner aux pauvres, c'est jeter la semence dans les sillons. Sème ici pour récolter là ; la récolte ne consiste pas à abattre en été des moissons qui s'épuisent, mais à se rassasier et à jouir sans fin. Là en effet on se nourrit de justice, là on trouve le pain. Quel est ce pain? Le pain qui est descendu jusqu'à nous; Celui qui a dit : « Je suis le pain vivant descendu du ciel (3). » Quel est-il encore: « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés (4). »

5. Nous connaissons quel est le pain de cette terre; apprenons encore quelle en est la montagne. « Ils habiteront dit le Seigneur, sur ma montagne sainte. » N'avons-nous pas lu dans un autre passage sacré que le Christ aussi est

 

1. Ps. CXLI, 6. — 2. Gen. III, 19. – 3. Jean VI, 51. — 4. Matt. V, 6.

 

cette montagne? Ainsi celui qui est le pain est également la montagne; pain parce qu'il nourrit l'Église, et montagne parce que l'Église est son corps. L'Église est sûrement, une montagne et qu'est-ce que l'Église? Le corps du Christ. Joins le chef à ce corps; voilà un homme; car l'homme a nécessairement une tête et un corps.

Maintenant quel est le Chef? Celui qui est né de la vierge Marie, qui a pris un corps mortel exempt de tout péché, qui a été meurtri, flagellé, outragé et crucifié par les Juifs, qui enfin a été sacrifié pour nos péchés et qui est ressuscité pour notre justification. Il est à la fois le chef de I'Eglise et le pain de cette terre des vivants. Et son corps, qu'est-il? C'est son épouse c'est l'Église. « Car ils seront deux dans une seule chair. Ce sacrement est grand : je dis dans le Christ et dans l'Église (1). » Le Seigneur aussi a dit également, dans l'Évangile, de l'homme et de la femme : « Donc ils ne sont plus deux, mais une seule chair (2). » Il a voulu par conséquent gîte l'Église et le Christ ne formassent qu'un seul homme. Au ciel est le chef; ici sont les membres: Pour nourrir l'espérance de ces membres, il n'a pas voulu ressusciter seulement avec eux, mais avant eux. S'il a voulu mourir, c'était pour ressusciter le premier ; s'il a voulu monter au ciel avant eux, c'était pour exciter la confiance de ses membres, pour les porter à attendre en eux-mêmes l'accomplissement de ce qu'ils voyaient réalisé dans leur Chef. Eh !quel besoin avait de mourir, le Christ, le Verbe de Dieu, Celui dont il est écrit; « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu : tout a été fait par lui (3)? » On le crucifie, on l'insulte, on le perce d'une lance, on l'ensevelit; et tout a été fait par lui !

Comme il a daigné se faire le Chef de l'Église; l'Église désespérerait de ressusciter si elle voyait que lui-même n'est pas ressuscité. Il est donc ressuscité et on l'a vu ressuscité. Des femmes l'ont vu d'abord et en ont porté la nouvelle aux hommes; après avoir vu le Seigneur ressuscité, elles ont porté cette heureuse nouvelle aux futurs évangélistes, aux Apôtres; c'est par des femmes que le Christ a été annoncé à ceux-ci. Aussi Evangile signifie-t-il heureuse nouvelle ; ceux qui savent le grec peuvent rendre ce témoignage. L'Evangile signifie donc la bonne nouvelle. Et quelle nouvelle comparable à celle de la résurrection de nôtre Sauveur ? Les Apôtres eurent

 

1. Eph. V, 31, 32. — 2. Matt. XIX, 6. —3. Jean, I, 1. 8.

 

182

 

ils jamais à annoncer rien de plus grand que ce qu'ils avaient appris de la bouche des femmes? Mais pourquoi la femme a-t-elle publié cet Evangile ? C'était comme pour châtier la mort. Une femme avait annoncé la mort, puisqu'elle était morte elle-même en donnant la mort; une autre femme la consola en annonçant la vie. Une femme avait séduit Adam pour le livrer à la mort; une autre femme annonça que le Christ était ressuscité pour ne plus mourir. C'est ainsi que nous devons ressusciter à notre tour et devenir la sainte montagne de Dieu. Sur cette montagne habite quiconque s'est donné au Seigneur. « Ceux qui se donneront à moi possèderont la terre et habiteront ma sainte montagne, » c'est-à-dire ne sortiront pas de l'Église. Travaillons maintenant dans l'Église afin d'avoir ensuite l'Église pour héritage: Aussi bien quand nous y goûterons l'éternelle joie, nous en serons simplement les possesseurs, possesseurs sans travail.

6. Toutefois cherchons ailleurs le sens clair de cette montagne, car il est ici tant soit peu voilé. Où est-il dit, demandera-t-on, que l'Église soit une montagne, que le Christ en soit une et que son corps soit également une montagne? Daniel le dit avec la plus grande évidence : nul doute là dessus. Ce prophète eut une vision. A-t-elle besoin de commentaire? Que votre charité ouvre donc les yeux. Quelques mots demandent peut-être à être expliqués; nous les expliquerons au nom du Christ et vous les comprendrez.

« Je vis, dit Daniel, et voile, qu'une pierre, sans mains, fut détachée de la montagne. » Il ne dit pas que cette pierre n'avait point de mains; il dit qu'elle fut détachée de la montagne sans le concours d'aucun homme, qu'aucune main d'homme ne travailla à l'extraire de la montagne. Votre charité sait que sans le concours des mains de l'homme on ne tire pas les pierres des montagnes. Celle-ci toutefois fut sans ce moyen extraite de la montagne. Elle vint donc et abattit tous les royaumes de la terre. Voyez-vous ici autre chose que le Christ, dont il est dit : « Tous les royaumes de la terre se prosterneront devant lui (1)? » C'est lui qui a abattu tous ces royaumes. Un roi superbe ne veut aucun monarque au dessus de lui; et tous les rois aujourd'hui reconnaissent au dessus d'eux la royauté du Christ. Il a donc, pour régner, abattu tous les royaumes de la terre. Et que dit ensuite

 

1. Ps. L.XXI, II.

 

le prophète ? « Cette pierre grossit et devint une grande montagne qui remplit toute la terre (1). » Maintenant, je pense, vous reconnaissez le Christ.

« Ceux qui se donneront à moi posséderont la terre : » vous connaissez cette terre. « Et ils habiteront ma montagne sainte : » voies connaissez cette montagne. « Ayant donc ces promesses, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit. » Cependant vous désirez savoir peut-être ce que veut dire être détaché sans mains. Ces mots renferment quelque obscurité. Plusieurs parmi vous en comprennent le sens avant que je l'explique. Qu'ils nous permettent pourtant de nous y arrêter un peu dans l'intérêt de ceux qui ne peuvent s'en faire une idée si nous n'en parlons. Que signifie sans mains? Sans secours humain. Que votre charité remarque aussi, mes frères, que la pierre a été détachée de la montagne et qu'elle est devenue elle-même une montagne. Détachée de la montagne, elle est devenue une montagne mais quelle montagne? Non pas comme celle d'où elle a été extraite, car il n'a pas été dit de celle-ci qu'elle a grossi et qu'elle a rempli toute la terre. Il y a donc deux montagnes, la première est la Synagogue, l’Eglise est la seconde; la première est le peuple juif, la seconde est le peuple chrétien. Or si pour devenir une grande montagne et couvrir toute la terre, le peuple chrétien est la pierre qui s'est détachée de la montagne, c'est que des Juifs est issu Jésus-Christ. Comment est-il dit sans mains ? Parce que s'est sans le concours d'aucun homme; le Christ étant né d'une vierge, ayant été conçu miraculeusement.

7. Ainsi donc nous connaissons clairement cette montagne. Ne nous la représentons pas comme les autres montagnes, comme le mont Giddaba ou les autres dont on nous parle. Il est en effet des hommes qui entendent tout charnellement; ils lisent, par exemple: « Il l'exaucera du haut de son ciel saint (2) ; » ou du haut de sa montagne sainte, et il s'agit du Christ; ils courent aussitôt prier sur une montagne, comme si Dieu y était pour les exaucer. Hommes grossiers, parce qu'ils voient les nuages s'attacher aux flancs des montagnes, ils montent sur ces sommets pour se rapprocher de Dieu! Veux-tu t'approcher de Dieu dans ta prière? Abaisse-toi. Et maintenant que nous avons dit : Pour t'élever jusqu'à Dieu, abaisse-toi, ne donne pas non plus à ces paroles

 

1. Dan. II, 34, 35. — 2 Ps. XIX, 7.

 

183

 

un sens charnel et ne descends point dans les caveaux pour y prier Dieu. Ne cherche ni caveaux ni montagnes. Abaisse-toi dans ton coeur et Dieu t'élèvera, il viendra à toi et demeurera avec toi dans ton intérieur.

Ainsi donc la montagne est pour nous le Christ, elle est pour nous l'Eglise, aimons cette Eglise. Elle est vraiment la montagne qui a grandi et qui couvre l'univers. Par conséquent ils ne sont point sur cette montagne ceux qui sont d'un parti sans tenir avec nous à toute la terre. Rappelez-vous, mes frères, que l'Ecriture à chaque page nous arme et nous prémunit contre les discours qui nous attaquent sans cesse. Si le texte disait que cette montagne a grossi et couvert toute l'Afrique, ne crieraient-ils pas qu'elle ne désigne que le parti de Donat ? Mais en grossissant elle leur a fermé la bouche; elle a grandi jusqu'à fermer la bouche à ces grands parleurs. Où s'est-elle étendue effectivement? Dans tout l'univers. Mais la montagne d'où celle-ci a été détachée n'a pas ainsi couvert la terre. Si les Juifs sont répandus partout, c'est comme vaincus et après avoir été exilés de leur propre pays; ils sont partout pour leur châtiment, ils n'y sont pas pour avoir grandi. Le Seigneur au contraire, le Christ qui est la vraie pierre angulaire, a soumis les royaumes des hommes, brisé l'empire des démons et humilié tous les rois pour s'étendre; il s'est étendu et il couvre toute la terre. Je l'ose dire, il s'étend encore, il est encore des lieux dont il s'empare.

8. Aime donc cette montagne, prépare-toi à l'habiter éternellement et avec de telles promesses purifie-toi de toute souillure de la chair et de l'esprit. Quelles sont ces promesses ? Si tu veux posséder la terre et habiter la montagne sainte, purifie-toi de toute souillure de la chair et de l'esprit. Qu’elles sont les souillures de la chair ? Que votre charité se montre attentive; nous vous devons encore cette explication. Quelles sont les souillures de la chair? Ce ne sont point celles que l'on contracte quand en passant quelque part il arrive que l'on touche quelque chose du pied ou même de la tète, ni même quand le pied venant à manquer on tombe dans la boue ou dans la fange et que le visage en est tout couvert. Cette souillure est facile à enlever; comme on dit, on se lave et elle s'en va. Mais la souillure de la chair de laquelle il faut se garder ne s'efface pas ainsi; elle vient de la souillure de l'esprit qui se transmet à la chair.

Cite une souillure de l'esprit. — La passion. — Et une souillure de chair. — L'adultère. — Voilà deux choses. La passion s'est fait sentir, l'esprit est souillé ; l'adultère n'est pas encore commis, la chair n'est pas souillée. Qu'importe que la chair soit pure, quand l'esprit qui l'habite est impur? N'est-il pas possible qu'un homme dont le corps est pur soit devant Dieu un adultère de coeur, puisque le, Seigneur a dit : « En vérité je vous le déclare, quiconque a regardé une femme pour la convoiter, a déjà commis dans son coeur l'adultère avec elle (1) ? » En cela consiste la souillure de l'esprit.

En quand y a-t-il sainteté parfaite? Quand il y a pureté de corps et d'esprit. Il est des hommes qui s'abstiennent des actions mauvaises et non des mauvaises pensées: ceux-là purifient la chair et non l'esprit. La crainte des hommes les empêche de mal faire. La passion les pousse, la peur les retient. Que crains-tu? D'être découvert et condamné ; d'être découvert et donné en spectacle. La chair ici parait donc pure, mais la pureté n'est point parfaite. Que dit en effet l'Apôtre? « Purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit : » comme tu t'abstiens des actions coupables, évite la mauvaise volonté et les pensées mauvaises. Abstiens-toi des mauvaises actions, et tu te purifies des souillures de la chair; garde-toi de toute mauvaise volonté, et tu te purifies des souillures de l'esprit.

9. Poursuivons : « Achevant de nous sanctifier dans la crainte du Seigneur. » Que ces dernières paroles sont belles! Nul en effet ne se sanctifie entièrement que dans la crainte de Dieu. Quelle est la pureté parfaite? La pureté du corps et de l'esprit. La pureté du corps seul est imparfaite, et la pureté de l'esprit ne saurait exister sans la pureté du corps. Il peut y avoir pureté dans le corps et non dans l'esprit; mais il ne saurait y avoir pureté d'esprit qu'il n'y ait pureté de corps; car celui dont l'esprit est pur ne peut commettre d'infamies. Pourquoi

« Parce que du coeur viennent les adultères et les homicides, » dit le Seigneur (2). L'homme en effet ne saurait faire servir ses membres d'instrument à ce qu'il n'a point résolu dans son coeur. Il conçoit une idée dans sa volonté avant d'en faire une action. Aussi le. Sauveur dit-il quelque part : « Nettoyez l'intérieur, afin que l'extérieur soit net aussi (3). » Il ne dit pas : Nettoyez l'extérieur. S'il commençait par le

 

1. Matt. V, 28. — 2. Ib. XV, 19. — 3. Ib. XX ;II, 26.

 

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corps, il devrait nous avertir aussi de purifier l'âme; mais en commençant par l'âme, il n'est pas nécessaire de s'occuper du corps, car la pureté de l'âme entraîne celle du corps. Aussi après avoir commencé par parler de la chair, l'Apôtre Paul a dû parler ensuite de l'esprit. « Achevant notre sanctification, dit-il, purifions-nous « de toute souillure de la chair et de l'esprit. » La chair peut être pure, si elle ne se livre ni à l'adultère, ni à la fornication, ni à rien de semblable; mais il peut alors y avoir dans l'âme et des passions et des pensées mauvaises ainsi que des volontés corrompues.

Il ajoute : « Achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu. » Qui donc purifie le corps sans purifier l'âme? Celui qui craint les hommes sans craindre Dieu. La crainte de Dieu conduit à la parfaite pureté. Tu n'as point voulu commettre d'adultère parce que tu craignais d'être connu des hommes; c'est donc la crainte ,des hommes qui a mis un frein à ta chair, c'est pour ce motif que tu n'as point voulu t'exposer à ses regards. Si tu crains Dieu aussi, ne fais pas non plus le mal que Dieu peut connaître, et tu achèves ainsi ta sanctification. Attention! Ah! dit un tel, si je pouvais arriver à telle personnel Mais non, elle est gardée avec -soin, son mari veille, je n'ai point d'intermédiaire, si je me hasarde je suis ,pris. C'est comme purifier le corps; mais la volonté qu'il nourrit intérieurement empêche la purification de l'âme. Il a craint d'agir extérieurement, parce qu'un homme l'aurait vu, et il ne craint pas d'agir intérieurement quoique Dieu le voie! Il redoute l'œil .d'un homme et il ne tremble pas sous le regard de Dieu ! Qui donc achève de se sanctifier, sinon celui qui craint le Seigneur ? La crainte des hommes est peut-être capable de préserver le corps de l'impureté; pour en préserver l'âme il n'y a que la crainte de Dieu. A-t-on l'âme pure? Point d'inquiétude pour le corps. Si un homme habillé est propre, ses habits ne sont-ils, pas propres aussi? Que l'habitant du corps soit bon et sain, il n'aura point à redouter la ruine de sa demeure.

10. Qu'est-ce en effet que cette chair? Nous ne devons point la mépriser. Mais qu'est-elle? C'est une herbe, mais une herbe qui deviendra de l'or. Ne méprise pas cette herbe qui doit se convertir en or. Celui qui a pu changer l'eau en vin ne peut-il pas changer l'herbe en or et d'un homme faire un ange ? Si de la boue il a fait l'homme, de l'homme il ne fera pas un ange? Que votre charité se rappelle de quoi l'homme a été tiré, pour peu que nous y réfléchissions vous comprendrez ce que je dis. Oui, avec cette boue Dieu a fait l'homme, et de cet homme il ne ferait pas un ange? Il le fera tel certainement. De quelques hommes il a fait ses amis, et il n'en fera pas des Anges? «Je ne vous nommerai plus serviteurs, dit-il, mais amis (1). » Ils étaient encore chargés de chair, encore mourants, encore plongés dans la misère et la fragilité de cette vie, et il leur dit « Je ne vous nommerai plus serviteurs, mais amis. » Or que donnera-t-il à ses amis ? Ce qu'il manifeste dans sa propre personne après sa résurrection. Ils seront couronnés, pénétrés d'une gloire toute céleste et égaux aux Anges de Dieu (2). Nulle corruption alors, nulle tentation. On ne nous dira point : « Purifiez-vous de toute souillure de la chair et de l'esprit. » Nous ne travaillerons point et on ne nous promettra point de salaire : nous l'aurons reçu. On ne nous invitera point à gémir : nous bénirons; de même en effet que la chair mortelle sera changée en corps angélique, ainsi le gémissement deviendra louanges. Ici la pénitence, la tribulation et les pleurs; là les bénédictions, la joie et l'allégresse. A plus tard donc la joie et non à maintenant. Elle est aujourd'hui seulement en espérance. Tu ne tiens pas encore, mais tu espères tenir et tu t'en réjouis ; tu t'en réjouis parce que Celui qui t'a promis ne saurait te tromper; parce que Celui qui t'a promis est celui qui possède et qui donne.

 

1. Jean, XV, 16. — 2. Luc, XX, 36.

 

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