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LETTRE IX. AU MÊME, DEVENU ARCHEVÊQUE DE COLOGNE.
LETTRE IX. AU MÊME, DEVENU ARCHEVÊQUE DE COLOGNE.
L'an 1132.
Bruno venait d'être fait archevêque de Cologne, saint Bernard lui suggère quelques pensées de crainte.
J'ai reçu avec respect les écrits de Votre Grâce, et me suis occupé avec soin de ce que vous me recommandez. Ai je réussi? c'est ce que vous verrez. Mais s'est assez sur ce point, permettez que dans un esprit de charité je passe à d'autres choses. Si tous ceux qui sont appelés au ministère sont sûrs d'aller au ciel, l'archevêque de Cologne doit être bien tranquille pour l'affaire de son salut; mais s'il est vrai, comme l'Ecriture nous l'apprend, que Saül et Judas furent aussi appelés de Dieu, l'un à la royauté, l'autre au sacerdoce, je trouve que l'archevêque de Cologne n'a plus lien d'être aussi rassuré; et enfin s'il est vrai encore de nos jours, comme on rien peut douter, qu'on ne compte pas beaucoup de nobles, de puissants et de savants parmi ceux que Dieu appelle, je vous demande si l'archevêque de Cologne n'a pas trois motifs, au lieu d'un, pour trembler. Lors donc que nous sommes élevés en dignité, au lieu de nous enfler d'orgueil, humilions-nous et tremblons. Car, « s'ils vous ont mis à leur tête, dit l'Ecclésiastique, soyez comme un des leurs au milieu d'eux (Eccli., XXXII, 4). » « Soyez humble à mesure que vous serez plus élevé (Eccli., III, 20). » C'est le conseil du Sage, voici celui de la Sagesse même : « Que le plus grand parmi vous se fasse le plus petit (Luc., XXII, 26). » Nous savons d'ailleurs que ceux qui ont l'autorité doivent s'attendre à un jugement sévère; tremblez doue, hommes puissants. Le serviteur qui commit la volonté de sou maître et n'agit pas en conséquence doit recevoir un rude châtiment; tremblez également pour vous-mêmes, vous qui êtes savants ; enfin, tremblez aussi, hommes illustres par le rang et la naissance, car celui qui doit nous juger tous ne fait acception de personne! Voilà pour vous, je crois, trois motifs de craindre qui vous enlacent comme un triple lien bien difficile à rompre. Vous me trouvez peut-être un peu dur parce qu'au lieu de vous flatter je vous parle de crainte et de tremblement, et ne cherche à procurer à mon ami que ce qui est le commencement de la sagesse. Mais Dieu me garde de vouloir plaire à mes amis autrement qu'en leur inspirant une crainte salutaire, et de les tromper jamais par mes flatteries! Ce qui m'inspire le langage que je vous tiens, c'est la parole de celui qui a dit : « Heureux l'homme qui est dans une crainte continuelle (Prov., XXVIII,14): » J'évite de vous flatter, parce qu'il est écrit: « Croyez-moi, mon peuple, ceux qui vous flattent vous trompent (Isa., III, 12). »
LETTRE X. AU MÊME.
Saint Bernard le porte à punir un crime avec une juste sévérité.
Le devoir de votre charge et l'injonction formelle du saint Siège vous font un double devoir de punir un crime aussi énorme; néanmoins la chose me parait assez importante pour vous y exhorter au nom de l'amitié qui nous lie. Je viens donc vous engager, vous que je regarde comme mon père et mon ami, à sévir, en cette circonstance; avec toute là sévérité que l'énormité de la faute exige, de sorte que non-seulement vous frappiez le coupable d'un juste châtiment, mais encore Vous ôtiez aux méchants l'envie de l'imiter.
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