LET. CXXVI-CXXVIII
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LETTRE CXXVI. AUX ÉVÊQUES D'AQUITAINE CONTRE GÉRARD D'ANGOULÊME.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE CXXVII. A GUILLAUME, COMTE DE POITOU ET DUC D'AQUITAINE, DE LA PART D’ HUGUES, DUC DE BOURGOGNE.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE CXXVIII. AU MÊME.

 

LETTRE CXXVI. AUX ÉVÊQUES D'AQUITAINE CONTRE GÉRARD D'ANGOULÊME.

 

Vers l'an 1132.

 

Saint Bernard plaide, avec une force admirable, la cause du pape Innocent II, contre Gérard d'Angoulême qui tenait pour le parti de l'antipape; il dépeint ses moeurs et dévoile ses subterfuges.

 

A messeigneurs et, vénérables pères les évêques de Limoges, de Poitiers, de Périgueux et de Saintes, le frère Bernard, abbé de Clairvaux, salut et constance dans l'adversité.

 

1. C'est pendant la paix que la vertu s'acquiert., dans la lutte qu'elle se montre, et après la victoire qu'elle a droit au triomphe. Le moment est venu pour vous, mes très-révérends et très-honorés Pères, de signaler la vôtre. L'épée qui menace l'Église entière est levée sur vos têtes et ses coups sont pour, vous d'autant plus à redouter, que dans le corps du Christ c'est vous qu'elle menace les premiers. Il n'y a pas de milieu dans les attaques quotidiennes dont vous êtes l'objet, il ne vous reste qu'à parer, d'une main infatigable, les coups sans cesse dirigés contre vous ou à tendre honteusement la gorge au fer de l'ennemi; mais à Dieu ne plaise que cette dernière alternative soit la vôtre! Le nouveau Diotréphès (a), qui affecte la primauté parmi vous, vous rejette de sa communion, il refuse de reconnaître avec vous celui qui vient au nom du Seigneur et que reçoit l'Église entière, et il se prononce pour celui qui vient en son propre nom. Je n'en suis pas surpris, car une véritable fièvre d'ambition consume, jusque, dans les glaces de l'âge, le coeur de cet ardent vieillard ; je n'en parle pas sur de téméraires ou fausses rumeurs, mais je juge qu'il en est ainsi d'après son propre langage. En effet, dans une lettre confidentielle au chancelier de Rome, n'a-t-il pas demandé récemment en termes plutôt pleins de bassesse que d'humilité la charge et le titre honorable de légat du saint Siége (b) ? Hélas ! qui ne les lui a-t-on donnés ! peut-être son ambition satisfaite aurait-elle été moins nuisible; en tout cas elle n'eût porté. préjudice qu'à lui : aujourd'hui, frustré dans ses espérances, il souffle la discorde dans l'Église entière. Voyez l'aveuglement de ceux que l'ambition dévore: ou le sait, le titre de légat est un pesant fardeau, surtout pour des épaules que le poids des ans courbe déjà vers la terre, et nous voyons ce vieillard regarder comme une peine encore bien plus lourde de vivre sans ce titre le peu de jours qui lui restent.

2. Mais peut-être m'accusera-t-il de jugement téméraire à son égard, peut-être dira-t-il que lje me permets de juger les dispositions secrètes de son âme sur de simples soupçons et sur des conjectures que rien n'autorise. Il est vrai, je n'ai que des soupçons, mais je me demande quel homme serait assez simple pour ne pas juger comme je le fais et ne se point contenter de semblables conjectures. Voici en peu de mots les faits sur lesquels je m'appuie. Il est un des premiers, sinon le premier de tous à écrire au pape Innocent, auquel il demande le titre de légat; ne l'ayant pas obtenu, il conçoit un dépit violent du refus qu'il a essuyé et passe dans le parti de l'antipape, dont il se dit le légat. Si les choses ne s'étaient pas passées ainsi, s'il n'avait pas commencé par demander à Innocent le titre de légat, ou s'il ne l'avait pas reçu plus tard de Pierre de Léon, on aurait pu attribuer sa défection à quelque autre motif que l'ambition; mais aujourd'hui il y aurait simplicité à le faire. Qu'il renonce à une dignité dont il ne saurait remplir les fonctions, et je

 

a Il veut parler ici de Gérard, qui ambitionnait le titre de primat, c'est-à-dire de légat du saint Siège ; saint Bernard emprunte ici le langage de saint Jean (III Joan., 9).

b On lit dans plusieurs éditions « la charge pesante et le titre honorable ; » mais le mot pesante manque dans plusieurs manuscrits.

 

promets de faire tout mon possible pour concevoir de lui une opinion différente de celle que j'en ai; et si je ne puis pas y réussir, je reconnaîtrai sans peine qu'elle est au moins téméraire. Mais il ne le fera pas, j'en suis bien sûr; il n'est pas homme à se dépouiller volontiers d'un titre dont il a été tout fier de se parer au milieu de ceux qui l'entourent, il se croirait dégradé. C'est bien là « ce sentiment de mauvaise honte qui conduit au péché (Eccli., IV, 25). » Peut-on voir en effet quelque chose de pire, un péché plus énorme que l'inflexible orgueil d'un peu de terre et de poussière qui ne veut pas, je ne dis point s'abattre, mais seulement consentir à ne se point s'élever?

3. Voilà pourquoi il a quitté le parti d'Innocent, auquel il avait donné le nom de saint Père, et de la sainte Eglise catholique, sa mère, pour se mettre à la suite de son pape schismatique et ne faire qu'un avec lui dans une commune ambition. Ils ont fait alliance ensemble et ils s'entendent tous deux pour nuire au peuple de Dieu: tel le monstre de Job, « dont les écailles imbriquées les unes sur les autres ne permettent pas au moindre souffle de circuler entre elles (Job., XII, 7). » Ainsi l'un donne à l'autre le titre de pape et celui-ci le nomme son légat: c'est une entente admirable de vanité entre eux, pour mettre la tromperie en oeuvre; l'un rend à l'autre les consolations qu'il en reçoit, ils se donnent un mutuel appui et relèvent réciproquement leur mérite; mais chacun, en agissant ainsi, ne travaille que pour soi, car l'un et l'autre ne pensent qu'à soi; s'ils se sont mis d'accord pour combattre le Seigneur et son Christ, ils se proposent tous les deux un but bien différent, l'un cherche à tirer de l'autre quelque avantage personnel, et, ce qui est abominable, aux dépens de l'héritage du Christ. En effet, n'entreprennent-ils pas sous vos yeux de ruiner son royaume, si vous les laissez faire ? Ce faux légat n'attend pas même pour instituer de nouveaux a évêques qui embrassent le parti de son pape, que les anciens titulaires soient morts, il fait occuper leurs sièges par des intrus et des usurpateurs, à l'aide du bras séculier et du pouvoir tyrannique de quelques princes injustement indisposés contre les évêques des pays soumis à leur domination. Il tend de concert avec eux des piéges à l'innocence: voilà par quelle porte il entre dans la bergerie.

4. Ne pensez pas qu'il se donne tant de peine et de mouvement sans vue d'intérêt personnel et rien que pour son pape; il se vante d'avoir ajouté la France et la Bourgogne aux anciennes limites de sa légation, mais il peut bien y comprendre, s'il le veut, les Perses, les Mèdes et , les peuples qui demeurent dans la Décapole. Qu'il s'attribue pleine et entière juridiction sur les Sarmates eux-mêmes, sur tous les lieux que

 

a Ainsi il plaça Barnaoul, abbé de Dorat, sur le siège épiscopal de Lisieux. Voir livre II, n .33 de la Vie de saint Bernard.

 

foulera son pied et sur le monde entier, si bon lui semble; il peut prendre tel titre qu'il voudra et s'enfler des noms les plus vains et les plus chimériques, c'est un homme aussi vaniteux qu'insensé; sur lequel la crainte même de Dieu ne fait pas plus d'impression que le sentiment des plus simples convenances. Il est l'objet de la risée générale et se figure encore n'avoir été deviné par personne ; il ne s'aperçoit pas qu'il est devenu la risée de ses voisins. Qui ne rirait d'un homme qui fait du sanctuaire un champ de foire où, semblable au négociant qui va de boutique en boutique marchander au plus bas prix ce qu'il veut acheter, il va quêtant de tous côtés une dignité ecclésiastique, et se décide enfin pour le pape qui la lui donne en le faisant légat ? Ainsi Rome eût été sans pape s'il ne s'en était trouvé un qui vous fit légat? D'où vous vient ce privilège dans l'Eglise du Christ ? qui vous a donné ce pouvoir dans son héritage ? l'Eglise de Dieu est-elle devenue votre patrimoine? Tant que vous avez eu l'espoir d'obtenir d'Innocent ce que vous avez eu l'indélicatesse honteuse et l'impudence de lui demander, il était pour vous le saint Père, vous l'appeliez pape, dans vos lettres. Que s'est-il donc passé depuis lors pour que vous ne vissiez plus en lui qu'un schismatique? Est-ce due sa sainteté et la légitimité de son souverain pontificat se sont évanouis avec vos espérances ? Il parait qu'il ne vous faut pas beaucoup de temps pour faire couler une eau amère d'une source d'eau douce. Hier Innocent était catholique, très-saint Père, souverain Pontife; aujourd'hui ce n'est plus qu'un homme pervers, un schismatique et un brouillon. de pape il est redevenu Grégoire, simple diacre de Saint-Ange. C'est la même bouche qui tient ce double langage, mais c'est que la duplicité est an fond du cœur qui l'inspire : les intérêts n'étant pas les mêmes, le langage a changé. Quels peuvent être la retenue et le respect de soi-même dans un homme dont la conscience se tait aux cris d'un coeur en opposition avec lui-même, et dont la langue dit tour à tour le pour et le contre? Car, dit l'Apôtre, il s'entend bien mal à faire quelque chose qui mérite d'être approuvé de Dieu et des hommes, celui qui, semblable à un juge inique, ne respecte et ne craint ni les hommes ni Dieu.

5.  Il est bien certain que l'ambitieux compromet tout le succès de ses entreprises quand il ne sait plus garder ni bornes ni mesures, et manque infailliblement son coup quand il se dévoile. L'ambition est la mère de l'hypocrisie, il lui faut l'ombre et les ténèbres, la lumière lui est fatale; placée dans les bas-fonds du vice, elle a toujours l'exil en haut, mais toute sa peur est qu'on ne l'aperçoive; cela se conçoit, elle ne peut arriver à son but que si elle échappe à tous les regards, car plus on recherche la gloire moins on y arrive, quand on est soupçonné d'y aspirer. Y a-t-il rien de plus mortifiant, surtout pour un évêque, que de se voir reconnu pour un homme avide de titres et d'honneurs, quand un chrétien ne doit se glorifier que dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ? Ainsi l'ambitieux ne peut compter sur l’estime des hommes qu'autant que la lumière ne se fera pas autour de lui: il pourra se faire aux yeux des hommes qui ne voient que les dehors, une réputation de justice et de sainteté qui durera jusqu'à ce que l'hypocrisie de ses sourdes menées éclate à tous les regards, mais lorsque par impudence ou imprudence, il dévoile le fond de son coeur, l'amour désordonné des grandeurs qu'il montre à tous les yeux tourne à sa honte et à sa confusion bien plutôt qu'à sa gloire, et vérifie en même temps ces paroles de l'Écriture : « Il n'y a que honte et confusion dans la gloire de ceux qui n'ont de goût et de pensées que pour les choses de la terre (Phil., III, 19); » ainsi que celles-ci: « Si je cherche ma gloire elle n'est plus rien (Joan., VIII, 54);» et cette imprécation du Prophète qu'on peut croire, si je ne me trompe, dirigée contre les hypocrites: « Que leur fausse gloire soit semblable à l'herbe qui croît sur le haut des maisons et qui se fane avant même qu'on l'ait arrachée (Psalm. CXXVIII, 6). » Les hommes n'ont pas encore perdu tout sentiment de pudeur au point de ne pas rougir de l'ambition qui a l'impudence de se montrer à découvert, surtout si elle se rencontre dans un vieillard et dans un prêtre à qui une vanité puérile convient d'autant moins qu'elle est en plus grand désaccord avec son âge et son caractère : peut-être le flatte-t-on en face; mais en arrière tout le monde le tourne en ridicule. Il y a une ambition plus délicate et plus éclairée, qui procède avec plus de circonspection, sinon avec une intention plus droite: trouve-t-elle jour à faire avancer ses affaires, elle se donne bien de garde d'agir à ciel ouvert; n'y a-t-il rien à faire, elle se tient cachée et ne sort point de la réserve qu'elle s'est imposée; si elle ne craint pas Dieu d'une crainte salutaire, du moins elle a une sorte de pudeur qui la retient et l'empêche de s'afficher publiquement.

6. Mais faut-il être dévoré d'ambition et tourmenté du besoin de dominer, pour sacrifier ainsi le repos de sa vieillesse et l'honneur de sou sacerdoce au titre précaire de légat qui ne durera, certainement pas plus d'un an, pour rouvrir de ses propres mains le côté du Sauveur, d'où jaillirent autrefois pour le salut des hommes, l'eau et le sang qui les réunirent dans l'unité de la foi ? Mais quiconque essaie de diviser ceux que Jésus-Christ a rapprochés afin de les sauver ensuite, montre qu'il est, non pas un chrétien, mais  un antichrétien, et il est coupable de la croix et de la mort du Sauveur. Quelle ardeur effrénée, quelle impatience de tout retard pour jouir de si tristes avantages ! Quelle soif brûlante des honneurs, quelle aveugle et honteuse ambition le consumaient ! Il est contraint d’avouer qu'il a eu le front de commencer, comme je l'ai dit, par faire des tentatives ouvertes et déclarées auprès chi vrai pape; mais, accueilli par un refus, il s'est aussitôt retourné, le chagrin dans l'âme, du côté du pape schismatique, dont la main sacrilège combla les vœux de sa coupable ambition; il s'est mis de nouveau à percer sans ménagement, sans pudeur, le flanc du Dieu de gloire en déchirant son Église pour laquelle il fut jadis ouvert sur la croix. mais un jour il verra celui qu'il a percé, il trouvera un juge dans celui qui souffre maintenant ses outrages avec patience. Quand luira le jour où il rendra justice aux gens de bien opprimés, et prendra en main la cause de la douce innocence pour la venger de ses injustes persécuteurs, croyez-vous qu'il fermera les oreilles aux cris de son Épouse bien-aimée invoquant la puissance de son bras contre tous ceux qui l'ont opprimée? Non, non, il ne pourra être sourd à sa voix plaintive quand elle s'écriera, avec l'accent de la douleur; « Mes proches et mes amis se sont déclarés contre moi; ceux qui me touchaient de plus près se sont tenus à l'écart, tandis que ceux qui en voulaient à ma vie faisaient tous leurs efforts pour me la ravir (Psal. XXXVII, 12, 13). » Pourra-t-il alors ne pas reconnaître dans son Épouse les os de ses os, la chair de sa chair, et, en quelque façon l'âme de son âme? N'est-elle pas pour lui cette Épouse bien-aimée dont la beauté l'a attiré ici-bas, dont il a pris la ressemblance,          qu'il a daigné combler des plus tendres et des plus chastes témoignages de son amour, en sorte qu'ils ne sont maintenant tous deux qu'un même corps, comme ils ne seront un jour qu'un seul et même esprit. Si présentement elle ne connaît son époux que selon la chair, il n'en sera plus de même alors, quand l'Esprit du Seigneur Jésus, venant à se manifester, la transformera en lui; la mort sera vaincue dans sa victoire même, et l'Église, dépouillée de la faiblesse de la chair, apparaîtra dans toute la force de l'esprit, elle recevra, de son Époux divin, comme une colombe bien-aimée, tous les traits d'une beauté éclatante et parfaite, elle n'aura plus ni taches ni rides, ni rien qui puisse rappeler les flétrissures du péché et les souvenirs de l'ancienne corruption.

7. Mais je m'aperçois qu'entraîné par ces pensées consolantes je m'éloigne de mon sujet et j'oublie que les temps sont mauvais. La pensée de jours plus heureux me ravit, mais celle du présent me rappelle à la réalité et me replonge dans la tristesse et dans le chagrin. Hélas, comment le raconter sans verser des larmes amères, l'ennemi de la croix du Sauveur porte l'audace jusqu'à chasser de leur siège de pieux évêques qui ne veulent point fléchir le genoux devant la bête apocalyptique dont la bouche éclate en blasphèmes impies contre Dieu et contre son sanctuaire. Il ne recule point à la pensée d'élever autel contre autel, et ne rougit pas d'aller contre toutes les lois divines et humaines. Il dépouille les évêques et les abbés (a) fidèles de leurs sièges et de leurs abbayes,

 

a Orderic s'exprime ainsi, livre XIII, page 895 : « Dans plusieurs monastères on vit surgir deux abbés, et dans plusieurs évêchés il y eut deux prélats se disputant le siège épiscopal; l'un était pour Pierre Anaclet et l'autre tenait pour Grégoire Innocent. »  On trouve la même chose dans les Actes des évêques du Mans, tome III des Analectes, page 338, au sujet de Philippe, évêque intrus de Tours, dont parlent encore les lettres cent cinquantième et cent cinquante et unième de saint Bernard.

 

et les remplace par des schismatiques qui acceptent, les malheureux, une telle promotion et de la main d'un tel homme! Pour faire un évêque, il parcourt la terre et la mer; tant de fatigues, pour rendre celui qu'il a gagné à sa triste cause, deux fois plus malheureux que lui! D'où peut venir une telle fureur? De ce qu'on ne sait pas, suivant la parole des anges, rendre gloire à Dieu et laisser en paix les hommes de bonne volonté; on usurpe la gloire pour soi et on trouble la paix des autres. Or la gloire n'appartient qu'à celui qui seul est capable d'opérer des merveilles, sans le secours de personne; c'est la pensée de l'Apôtre, quand il s'écrie: « Honneur et gloire à Dieu seul (I Tim., I, 17) ! » Quant à l'homme, il doit s'estimer heureux de son partage, et se regarder comme étant favorisé de la grâce, s'il est dans la paix du Seigneur et en paix avec lui; mais comment en sera-t-il ainsi si les hommes eux-mêmes veulent usurper la gloire de Dieu? Que les pauvres enfants d'Adam sont donc insensés d'aspirer à la gloire en foulant la point de paix aux pieds! C'est ainsi qu'ils se privent de l'une et de l'autre en même temps. N'est-ce pas à cause de cela que le Dieu des vengeances a livré la terre à tant de troubles et de commotions, qu'il exerce son peuple par tant d'afflictions et nous abreuve de tant d'amertumes ?

            8. Quoi que nous fassions, l'oracle de l'Esprit-Saint doit s'accomplir un jour, et la division annoncée par les prophètes doit arriver, mais je plains le malheureux qui la cause ! Mieux vaudrait pour lui qu'il ne fût pas né ! Or quel est -il, celui-là ? N'est-ce pas l'homme de péché, qui, nonobstant l'élection canonique du chef de l'Eglise par les vrais catholiques, ose s'élever à sa place, non pas parce qu'elle est sainte, mais parce qu'elle est la première, s'en empare le fer à la main et obtient, à prix d'argent, un poste qui n'appartient qu'à une vie entière de vertus et de mérites de toutes sortes? Il y est arrivé et il s'y maintient, mais il ne s'y maintient que par les mêmes moyens qui l'y ont élevé. Car l'élection dont il fait tant de bruit ne fut pas autre chose que le vote d'une troupe de factieux derrière lequel la malice de son coeur cherche à se mettre à l'abri ; ce n'est qu'une ombre, un vain prétexte; l'appeler une élection, c'est pousser l'impudence à. l'excès et mettre le comble à l'imposture; car, s'il est dans l'Eglise un principe de droit incontestable, c'est qu'il n'y a pas d'élection après une élection. Or il y en avait une; ce qu'on appelle ensuite de ce nom n'est donc pas une élection, ou bien c’est une élection nulle et de nul effet. A supposer même, avec les adversaires, que la première eût été un peu moins solennelle et qu'elle eût manqué de quelques formalités ordinaires, fallait-il procéder à une seconde élection avant d'avoir examiné les vices de la première, et l'avoir déclarée nulle par un jugement en règle? C'est ce qui me fait dire que les factieux qui se sont tant pressés d'imposer les mains au téméraire usurpateur de la papauté, en dépit de l'Apôtre, qui défend « de les imposer avec précipitation à qui que ce soit (I Tim., V, 22), » sont les premiers coupables, les véritables auteurs du schisme et les principaux complices du mal immense que l'antipape fait à l'Eglise.

9. Au reste, ils demandent maintenant que l'affaire soit jugée : n'auraient ils pas dû commencer par attendre qu'elle le fût avant de rien entreprendre? Quand on leur fit cette proposition en temps opportun, ils la rejetèrent; ils ne la font maintenant que pour en tirer parti contre vous, car si vous la repoussez à votre tour, tous les torts paraîtront de votre côté (a), et si vous l'acceptez; ils espèrent bien mettre le temps et les débats à profit pour trouver quelque chose. Est-ce qu'ils désespèrent de leur cause maintenant, et sont-ils convaincus aujourd'hui que, quoi qu'il arrive, elle ne saurait être plus compromise qu'elle l'est actuellement? Considérons, disent-ils, comme non avenu tout ce qui s'est fait jusqu'à cette heure, nous sommes tout disposés, si on veut écouter nos raisons, à nous soumettre à ce qui sera décidé. C'est un piège : à bout de ressources pour séduire les simples, pour donner des armes aux personnes mal intentionnées et pour colorer leur propre malice, ils ont recours maintenant à ce dernier moyen, le seul qui leur reste; quel autre pourraient-ils inventer? Mais Dieu a déjà décidé ce qu'ils demandent qu'on décide après coup, l'événement est l'arrêt qu'il a prononcé, il faudrait être bien hardi polir interjeter appel de cette sentence; c'est alors que Dieu ne pourrait manquer de nous dire par la bouche de son prophète: « Les hommes m'ont ôté le droit de juger (*)! »  Il n'est point de dessein au-dessus de ses desseins, et sa parole, rapide comme l'éclair, gagne peuples et rois à l'obédience du pape Innocent. Qui est-ce qui pourrait appeler du jugement de Dieu? Il a été reconnu et proclamé par les archevêques de Ravenne, de Tarragone (b), de Magdebourg et de Salzbourg, Gantier, Hildegaire, Norbert et Conrad; il a été accepté par les évêques Equipert de Munster, Hildebrand de Pistoie, Bernard de Pavie, Landolfe d'Ast, Hugues de Grenoble, et Bernard de Parme (c). Le

 

a Dans plusieurs vieilles éditions, cette phrase est conçue d'une manière ironique et se traduirait à la lettre ainsi : la raison (pour les torts) paraîtra de votre côté ; c'est ce qu'on appelle parler par antiphrase. Dans un manuscrit de la Colbertine, portant le n. 1410, on lit: «Tous les torts, quoique vous ayez raison, a paraîtront de votre côté. » Ce qui est le vrai sens. Un manuscrit de Beauvais porte simplement et sans ironie : « tous les torts… »

 

* Texte attribué à tort par saint Bernard à un prophète; il est tiré du livre de la doctrine des saints Pères sur la témérité de juger.

 

b Celui qui avait succédé à Odelrique qu'Orderic appelle a un très-savant vieillard, livre XIII, pages 891 et 892.

c Bernard de Parme est cité dans plusieurs manuscrits après Bernard de Pavie, il manque même dans quelques-uns, et particulièrement dans deux manuscrits de la Colbertine. Ughel le fait mourir sous le pape Paschal II.

 

mérite singulier de ces prélats, dont la sainteté bien comme et l'autorité incontestable sont respectées de leurs ennemis mêmes, m'ont aisément déterminé, moi qui suis d'un rang et d'un mérite bien inférieurs, à les prendre pour guides, également heureux, si je me trompe, de me tromper avec eux, et si je suis dans la bonne voie, de m'y trouver en leur société. Je ne parle point d'une infinité d'autres évêques et archevêques de Toscane, de la campagne de Rome, de la Lombardie, de l'Allemagne, de l'Aquitaine, de la France et de l'Espagne, sans compter ceux de toute l'Église d'Orient. Leurs noms sont inscrits au livre de vie, et ne peuvent entrer dans le cadre trop resserré d'une lettre (a).

10. Tous, d'un commun accord, ont formellement rejeté Pierre de Léon et se sont déclarés pour Grégoire qu'ils ont reconnu comme pape légitime, sous le nom d'Innocent II. Ils n'ont été ni gagnés à prix d'argent, ni séduits par adresse, ni entraînés par des considérations de la chair et du sang, encore moins ont-ils cédé aux menaces des puissances de la terre. Ils se sont soumis à la volonté manifeste de Dieu qu'ils n'ont point eu la faiblesse de dissimuler. Je ne parle pas ici des prélats de notre pays, je ne pourrais les nommer tous, ils sont en trop grand nombre. Si je n'en citais due quelques-uns, on ne manquerait pas de dire que c'est pour faire ma cour à ceux-là; pourtant je ne puis passer sous silence tant de saints religieux morts au monde, mais qui mènent en Dieu une existence meilleure que celle qu'ils ont quittée dans le siècle; leur vie cachée en Jésus-Christ, est consacrée tout entière à rechercher quelle est la volonté de Dieu, et à s'y soumettre avec zèle quand elle leur est clairement manifestée. Or les religieux Camaldules (b), ceux de Vallombreuse, les Chartreux, les religieux de Cluny

et ceux de Marmoutiers, mes frères les religieux de Citeaux (d), ceux de

 

a Ces mots, a et ne peuvent entrer dans le cadre trop resserré d'une lettre, s manquent dans deux manuscrits de la Colbertine et se retrouvent dans un troisième.

b Plusieurs manuscrits écrivent ce nom différemment. Les Camaldules et les deux congrégations de l'ordre de Saint-Benoît de Vallombreuse sont trop connus pour qu'il soit nécessaire d'entrer ici dans aucun détail pour ce qui les concerne.

c Un auteur du temps, Orderic, a décrit la manière dont nos frères de Cluny ont reçu le pape Innocent, livre XIII, page 895 : « En apprenant l'arrivée du pape innocent, les religieux de Cluny lui envoyèrent soixante chevaux ou mulets, etc... » (comme dans la note de Mabillon, n. 87, à la fin dit volume.)

d Deux manuscrits de la Colbertine et un de la Sorbonne portent de Cistell, d'où on a fait le Cistemble dans la plupart des éditions, et par une seconde erreur, on a placé ce nom de religieux après celui des religieux de Cîteaux, comme si à cette époque on n'eût pas désigné les seuls et mêmes religieux, tantôt par le nom de Cistell, et tantôt par celui de Cîteaux. Nous voyons en effet Hermann donner le nom de Cistelliens aux Cisterciens dans son troisième livre des Merveilles de la Bienheureuse vierge Marie de Laon, chapitre VII. Pérard, page 103 et Robert Dumont, à l'année 1140 s'expriment de même; on voit aussi les moines de Cistelth ou de Cistell, dans le tome I, page 703, colonne 20 de l'Histoire des monastères d'Angleterre.

 

 

Saint-Etienne de Caen (a), de Tiron (b), de Savigny, en un mot tons les religieux, les séculiers, comme les réguliers que leur sainteté rend recommandables, suivent leurs évêques comme les brebis leurs pasteurs, et, de concert avec eux, sont fermement attachés au pape Innocent, le défendent avec zèle, lui sont humblement soumis et le reconnaissent comme le légitime successeur des apôtres.

11. J'en puis dire tout autant des princes et des rois : les uns et les autres animés d'un même esprit, conspirent avec leurs sujets à se ranger du parti d'Innocent et se plaisent à le reconnaître pour le pape légitime, le père et l'évêque de leurs âmes; enfin on ne pourrait trouver un homme de mérite ou d'un rang distingué qui ne fût du même sentiment. Après cela, il se trouve encore des brouillons assez opiniâtres polir protester avec une insupportable ténacité, pour oser faire le procès à tout l'univers et tenter, malgré leur petit nombre, de dicter des lois à la chrétienté tout entière en l'obligeant de confirmer par un second jugement une élection qu'elle a déjà une première fois jugée et condamnée ; ils ont commencé par agir avec une précipitation coupable, et ils veulent, quand tout est terminé, remettre la chose en question. Mais après tout, quel moyen proposent-ils pour assembler, je ne dis pas les simples fidèles, mais les princes séculiers et les dignitaires de l'Église afin de soumettre le litige à leur jugement? Comment comptent-ils persuader à tant de saints personnages de détruire d'une main ce qu'ils ont élevé de l'autre, et de se déjuger eux-mêmes ? Puis où trouver un lieu de réunion assez vaste et assez sûr, car l'affaire en question intéresse l'Église tout entière, et non point quelques particuliers. Il est donc bien évident que les schismatiques ne demandent une chose impraticable que pour se donner l'occasion de trouver l'Église leur mère en défaut. Les malheureux! ils ne voient pas qu'ils creusent eux-mêmes un précipice sons leurs pas, et qu'ils se forgent des chaînes pour ne pas

 

a Saint-Etienne de Caen, en Neustrie ou Normandie, au diocèse de Bayeux, a été fondé et magnifiquement doté par Guillaume le Conquérant ; Savigny est une abbaye fameuse du diocèse d'Avranches : « elle a donné naissance à plusieurs autres abbayes, dit Peregrin (Histoire de Fontaine, tome X du Spicilége, page 372), dont les abbés se réunissent en chapitre. L'ordre y fleurit et ils sont partout en odeur de sainteté. » En 1148, l'abbé Serlon plaça l'abbaye de Savigny et trente autres monastères qui en dépendaient sous l'autorité des moines de Cîteaux (loc. cit., page 374).

b Les religieux de Tiron-le-Gardais, dans le Perche, diocèse de Chartres, furent institués par le vénérable abbé Bernard, dont Jean de Vitry fait mention dans son Histoire d'Occident, chapitre XX. Il en est également parlé dans l'Histoire des monastères d'Angleterre, tome I, page 704. On dit que les religieux de Savigny, avant de se donner aux Cisterciens, étaient de l'ordre de Tiron-le-Gardais dont dépendaient alors plusieurs autres abbayes. A tous ces religieux qui se prononcèrent en faveur du pape Innocent, Ernald ajoute encore ceux de Grand-Mont. Voir livre II, n. 45 de la Vie de saint Bernard.

 

rentrer dans le sein de leur mère. Quand on veut rompre avec un ami on ne manque jamais de prétextes.

12. Mais je veux bien admettre pour un moment que Dieu, agissant comme un homme, change ses desseins et rapporte ses décrets; qu'il rassemble tous les chrétiens des extrémités du monde et qu'il remette la chose jugée en jugement, ce qu'il ne fait jamais; je me demande de quels juges on fera choix. Tout le monde a pris parti dans cette affaire, et il sera bien difficile de s'entendre pour la juger, de sorte qu'un nombre infini d'hommes auront été appelés pour donner la paix à l'Eglise et ne réussiront qu'à y susciter de nouveaux troubles. D'ailleurs je voudrais bien savoir entre quelles mains le schismatique consentirait à remettre la ville de Rome jusqu'à la fin des débats, car on sait combien de temps il a brûlé du désir de s'en rendre maître, ce qu'il lui a fallu dépenser de peines et d'argent pour y réussir, le faste qu'il y déploie et la peur qu'il a de la perdre un jour. Or si Pierre de Léon continue à rester maître de Rome pendant le procès, c'est en vain que le monde entier s'assemblerait pour terminer le litige; d'ailleurs ni le droit civil ni le droit ecclésiastique ne peuvent contraindre celui qu'il a dépouillé à accepter le débat contre lui dans de telles conditions. Si je parle ainsi, ce n'est pas que je me défie de la bonté de notre cause, mais c'est que la loyauté de nos adversaires m'inspire fort peu de confiance, car Dieu a déjà fait briller la justice de notre cause, et l'a rendue plus claire que le jour. Il faut être aveugle pour ne la point voir et n'en être pas ébloui. Mais pour un aveugle, la lumière et les ténèbres sont égales.

13. La question est donc de savoir lequel. des deux prétendants paraît être le véritable pape. Pour ce qui est de leur personne, je ne veux pas qu'on puisse penser que je cède, en en parlant, au besoin de dénigrer l'un ou de flatter l'autre; je n'en parlerai que comme on en parle partout, et ne dirai rien qui ne soit connu et admis de tout le monde. Or il n'est personne qui ne sache que notre pape Innocent est d'une vie et d'une réputation au-dessus de toute attaque, de la part même de son compétiteur, tandis que ce dernier n'est pas toujours à l'abri des coups de langues de ses propres partisans. En second lieu, si l'on examine les deux élections, celle d'Innocent l'emporte sur l'autre par l'intégrité des électeurs, par la régularité dans la forme et par la priorité si on tient compte de l'époque où elles se sont faites. Ce dernier point est hors de doute, je passe aux deux autres et je dis que le premier est incontestable si on fait attention au mérite et à la dignité des électeurs. En effet, cette élection a été faite par la plus saine partie de ceux qui avaient le doit d'y prendre part; c'étaient des cardinaux, évêques, diacres et prêtres en nombre suffisant, d'après les anciennes constitutions, pour faire une élection valide: quant à la consécration de l'élu, elle a été faite par l'évêque d'Ostie, à qui ce privilège particulier est réservé. S'il est vrai qu'Innocent l'emporte sur l'autre par ses vertus, qu'il y a eu dans son élection plus de régularité de la part des électeurs qui l'ont accomplie, sous quel prétexte, ou plutôt par quel esprit de chicane s'efforce-t-on, contre toute espèce de justice et de droit, au mépris de tous les gens de bien qui s'y opposent et de l'Eglise entière qui proteste, de déposer Innocent pour mettre un autre pape à sa place?

14. Vous voyez, mes très-révérends et très-illustres Pères, dans quelle obligation vous vous trouvez de combattre de toutes vos forces une entreprise si coupable, si indigne et si téméraire. Il n'est pas de fidèle qui ne le doive, mais vous le devez encore plus que les autres pour peu que le zèle de la maison de Dieu vous consume. Oui, vous devez, et toutes vos ouailles doivent avec vous, veiller et prier de peur que vous ne succombiez à la tentation; s'il est un endroit où il soit nécessaire d'être plus sur ses gardes et de se tenir prêts à résister avec plus de fermeté, c'est dans le voisinage d'un agresseur connu par la violence de ses attaques, et dans les lieux mêmes où la guerre est dans toute sa force. Déjà vous connaissez par votre propre expérience la ruse et la cruauté de l'ennemi; hélas! quels ravages n'a-t-il pas faits déjà dans vos contrées, en recourant tour à tour à la ruse et à la violence, les armes habituelles de la fureur! Mais sa malice viendra-t-elle à bout de votre sagesse? Sans doute c'est maintenant son heure, la puissance des ténèbres triomphe; mais cette heure est la dernière, et son triomphe n'a plus qu'un moment à durer. Qu'il n'y ait ni terreur ni défaillance parmi vous, ta vertu de Dieu, la sagesse de Dieu, le Christ est avec vous, il est lui-même en cause; courage donc et confiance, il a vaincu le monde, il est fidèle dans ses promesses et vous pouvez être sûrs qu'il ne permettra pas que vos, soyez tentés au-dessus de vos forces. L'insensé parait solidement établi, mais vous ne tarderez pas à voir son parti couvert de malédictions ; car le Seigneur ne souffrira pas longtemps que les justes soient opprimés par les méchants. Cependant c'est à vous de continuer à veiller avec le soin et la sollicitude que réclame votre office, pour empêcher que les méchants ne corrompent les fidèles de vos diocèses.

Prière pour les catholiques: «Répandez vos grâces, Seigneur, sur les hommes au coeur droit et bon (Psalm. CXXIV, 4); » et pour les schismatiques: « Seigneur, couvrez-les d'une salutaire confusion, afin qu'ils soient contraints de retourner à vous (Psalm. LXXXII, 17). »

 

 

 

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CXXVI. AUX ÉVÊQUE D'AQUITAINE.

 

86. Contre Gérard, évêque d'Angoulême. — C'est le second évêque d'Angoulême de ce nom; il était Normand d'origine, du diocèse de Bayeux. Orderic en parle comme d'un homme fort érudit et jouissant d'une certaine réputation et d'un grand crédit dans le sénat de Rome. Ce qui le prouve c'est qu'il fut légat du saint Siège en Aquitaine presque pendant tout le temps du pontificat de Pascal II et des autres papes légitimes jusqu'à Innocent. Il ne manqua pas de zèle, car, si nous en croyons Guillaume de Malmesbury (livre 5 de l'Histoire des rois d'Angleterre, il eut le courage de traiter comme un second Hérode, Guillaume d'Aquitaine, qui avait foulé les droits du mariage aux pieds. Il est vrai que Jean Besle, dans son Histoire des comtes de Poitiers, chap. 32; soutient que le comte Guillaume ne fit jamais rien de tel.

Le pape Innocent ayant refusé le titre de légat à Gérard, celui-ci abandonna honteusement son parti et embrassa celui d'Anaclet qui lui accorda le titre qu'il ambitionnait, et il remplit alors, non pas l'office d'un légat, mais celui d'un ennemi acharné du saint Siège, entraînant tous ceux qu'il pouvait dans le schisme. C'est pourquoi saint Bernard écrivit aux évêques d'Aquitaine pour les mettre en garde contre le séducteur et pour les engager à suivre le parti d'Innocent dont il leur expose les droits à être reconnu comme pape légitime, en leur disant qu'il l'emporte sur son compétiteur, « par la pureté de ses mœurs, par la priorité de son élection, et enfin par la solennité de sa consécration. » Toutefois Anaclet ne manqua pas d'adhérents qui firent valoir des raisons opposées, comme on le voit par la lettré de Pierre, évêque de Porta, auteur et défenseur de l'ordination d'Anaclet à Guillaume évêque de Palestrine; à Matthieu, évêque d'Albano; à Conrad, évêque de Sabine et à Jean, évêque d'Ostie; qui suivaient tous le parti d'Innocent. Cette lettre est rapportée par Guillaume de Malmesbury (liv. I de l'Histoire de Novelle). Le parti d Innocent finit par prévaloir; tous les princes ecclésiastiques, à l'exception de Gérard d'Angoulême et de quelques autres évêques de son bord, ainsi que tous les princes séculiers, si on en excepte Guillaume comte de Poitiers, et Roger roi de Sicile, embrassèrent son obédience. Quant, à Gérard il se consacra tout entier au parti du schisme, qu'il défendit de toutes ses forces, et fit en 1136, selon Orderic une fin malheureuse qu'Ernald a racontée dans le chapitre huitième du deuxième livre de la vie de saint Bernard.

Mais on pense que cet écrivain, par un zèle exagéré pour la religion, s'est permis quelques excès d'imagination contre Gérard, qu'il fait mourir dans l'impénitence finale, sans confession et sans viatique, en ajoutant qu'on le trouva mort dans son lit, le corps extrêmement enflé, et d'autres détails du même genre tout à fait indignes d'un homme sérieux. Ceux qui jugent ainsi s'appuient sur le Récit des faits et gestes des évêques d'Angoulême, où on lit en propres termes : «La veille de sa mort, il dit aux prêtres, dans sa confession, que s'il avait embrassé le parti de Pierre de Léon, c'est qu'il ignorait qu'il agissait contre la volonté de Dieu, ajoutant qu'il se confessait et se repentait de l'avoir fait. il donna à l'église et aux pauvres à peu près tout ce qu'il possédait en mourant. Il célébra encore la messe avec des larmes abondantes le samedi qui précéda le dimanche de sa mort, arrivée en l'an de Notre-Seigneur 1136. Il avait été évêque l'espace de trente-trois ans,… mois… jours. » Comme il avait fait du tort à l'un de ses chapelains par ses actes et ses libéralités, il donna à chacun d'eux à la fin de son épiscopat une mine et une obole. Cet homme qui avait brillé comme un astre dans l'Occident, repose maintenant, ô douleur? sous une tombe obscure hors de l'église qu'il a lui-même construite.

Mais comme ce récit ne s'appuie d'ailleurs sur rien de certain, nous ne voyons pas pourquoi nous refuserions notre créance à Ernald, d'autant plus que Alain d'Autun qui soumit à une sévère critique ses livres de la Vie de saint Bernard; ne s'écarte pas de lui, en cet endroit, de l'épaisseur de l'ongle.

Pour ce qui est d'Anaclet, il mourut aussi misérablement en 1138; le 7 de janvier, suivant Foulques de Bénévent : « Après avoir occupé son Siège l'espace de sept ans, onze mois et vingt-deux jours. » Ce qui est aussi conforme au récit de Guillaume de Malmersbury, disant dans son premier livre de l'Histoire de Novelle : « Anaclet étant mort la huitième année de son pontificat, comme on disait, le pape Innocent commença à jouir du titre de souverain Pontife dans une paix que rien n'a troublée jusqu'à présent. » On peut consulter sur ce sujet les lettres cent quarante-quatre, cent quarante-six et cent quarante-sept de saint Bernard, ainsi que son vingt-quatrième sermon sur le Cantique des cantiques, et les notes de la cent quarante-septième lettre, d'où il suit que Besle s'est trompé quand il dit que Gérard mourut en 1131, et que le schisme s'éteignit un an avant lui (Note de Mabillon).

87. Les religieux de Cluny. Nous ne devons point passer sous silence ce qu'Orderic rapporte de ces religieux à cette occasion, livre XIII, année 1134, « En apprenant, dit-il, l'arrivée du pape Innocent, les religieux de Cluny lui envoyèrent soixante chevaux ou mulets caparaçonnés comme il convenait, pour le Pape, les cardinaux et les clercs de sa suite, et le conduisirent en grande pompe au palais qui lui était destiné; ils le retinrent au milieu d'eux pendant onze jours entiers avec tout ceux qui l'accompagnaient, et lui firent consacrer, au milieu d'un énorme concours de peuple, et de grands transports joie, une nouvelle église qu'ils avaient élevée en l'honneur de saint Pierre, prince des Apôtres. C'est à partir de ce moment-là due le pape Innocent commença à jouir d'une grande autorité en Occident, quand on vit l'ordre de Cluny le préférer à Pierre de Léon; attendu que dans son jeune âge ce dernier avait été élevé à Cluny, où il avait même pris l'habit religieux et fait profession. » Tel est le récit d'Orderic. On peut citer encore dans le même sens ce que Pierre le Vénérable, qui prépara au pape Innocent la réception qui lui fut faite, dit de Cluny, livre IV, lettre XXVIIe : « Cette abbaye fut dès le principe, dit-il, non-seulement une hôtellerie ouverte aux étrangers, un asile assuré pour ceux qui venaient y chercher un refuge, mais elle était de plus comme le trésor de la république chrétienne. »

88. De Saint Etienne de Caen, Bille de Neustrie, située sur l'Orne, à peu de distance de l'Océan, et célèbre par son Académie, qui remonte à l'année 1433. Guillaume le Conquérant, duc de Normandie et roi d'Angleterre, bâtit dans l'un do ses faubourgs, sous le titre de Saint-Etienne, une abbaye de Bénédictins dont le premier abbé fut Lanfranc, d'abord prieur de l'abbaye du Bec, puis archevêque de Cantorbéry. Pour plus de détails sur, cet abbé et sur l'abbaye de Saint-Etienne de Caen, voir les notes aux oeuvres de Lanfranc et l'ouvrage ayant pour titre : La Neustrie pieuse.

89. Et les religieux de Marmouliers, monastère fameux que saint Martin éleva près de Tours. Eudes à qui est adressée la trois cent quatre-vingt-dix-septième lettre de saint Bernard, était à la tête de cette abbaye, à l'époque dont il s'agit. A ce monastère se rattachaient et se rattachent encore plusieurs prieurés gui formaient une sorte de congrégation; car saint Bernard ne parle ici que des abbayes les plus renommées.

90. Les religieux de Tiron-le-Gardais, une des plus célèbres abbayes de ce temps lit, située dans le diocèse de Chartres, sur la petite rivière de ce nom, et fondée par un homme d'une très-grande piété, le premier abbé Bernard, dont Souchet annoté la vie : elle devint le chef-lieu d'une sorte de congrégation dont Yves de Chartres fait mention dans sa deux cent vingt-neuvième lettre. Jacques, de Vitry parle des religieux de Tiron-le-Gardais, dans le vingtième chapitre de son histoire d'Occident. Cette abbaye, comme celle de Marmoutiers, florissait, encore du temps de Mabillon, sous la congrégation des Bénédictins de Saint-Maur, et possédait un beau séminaire pour de jeunes étudiants.

91. Les religieux de Savigny. On connaît en France deux abbayes de ce nom, l'une dans le diocèse de Lyon, et l'autre dans celui d'Avranche située sur, les confins de la Normandie, de l'Armorique et du Maine; c'est de celle-ci que parle saint Bernard. Elle fut fondée en 1112 par le pieux abbé Vital, dont le successeur, l'abbé Geoffroy, se soumit, avec dix-neuf autres monastères fondés par lui, aux moines de Cîteaux. On peut voir l'histoire de cette abbaye dans la Neustrie pieuse d'Artur du Monstier. Il est question du premier Savigny dans la cent soixante-treizième lettre de saint Bernard (Note de Mabillon).

 

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LETTRE CXXVII. A GUILLAUME, COMTE DE POITOU ET DUC D'AQUITAINE, DE LA PART D’ HUGUES, DUC DE BOURGOGNE.

 

Vers l'an 1132.        

 

Guillaume (a) tenait pour le parti de l'antipape Anaclet ; saint Bernard l'engage à l'abandonner pour se ranger du côté d'Innocent.

 

A Guillaume, par la grâce de Dieu comte de Poitou et duc d'Aquitaine, Hugues, également par la grâce de Dieu duc de Bourgogne, salut et conseil de craindre un Dieu terrible qui se joue de la vie des princes eux-mêmes.

 

 

1. Je me crois tenu, en qualité de parent et d'ami, de vous signaler franchement votre erreur. L'égarement d'un homme ordinaire est sans conséquence pour les autres; mais celui d'un prince entraîne bien des gens après lui; il fait autant de mal qu'il aurait pu faire de bien cri suivant une autre voie.. Nous n'avons pas des sujets pour les perdre, mais pour les sauver. Celui qui fait régner les rois nous a établis sur son peuple pour le protéger, non point pour le pervertir, car nous ne sommes pas, vous le savez bien, les maîtres de. l'Église, nous n'en sommes que les serviteurs. En maintes circonstances, vous lui avez rendu des services dignes de la puissance dont vous êtes investi, personne ne l'ignore; comment se fait-il donc que vous vous:soyez laissé surprendre par certaines gens, au point d'abandonner votre reine et votre mère au milieu de la tourmente? Vos conseillers ont-ils réussi à vous persuader que l'Église universelle se réduit à l'entourage et aux familiers de Pierre de Léon? Mais l'esprit de vérité confond d'un mot leur imposture et porte un coup mortel à l’antechrist leur chef, quand il proclame, par la bouche de David, que l'Église s'étend d'un bout du monde à l'autre et renferme toutes les nations dans son sein.

2. Il est vrai que les partisans de Pierre de Léon comptent dans leurs rangs un prince, le duc de la Pouille, Roger, qui s'est laissé gagner par l'espérance de se voir confirmer le titre de roi qu'il a usurpé; mais pour le reste, quel bien peuvent-ils dire de leur pape; de quelles vertus nous le montreront-ils orné, pour nous gagner à sa cause ; quelle réputation est la sienne? S'il faut en croire la rumeur publique, il ne

 

a Il est longuement parlé de lui dans la Vie de saint Bernard, chapitre VI, livre II, où l'on raconte comment notre Saint le convertit. On rapporte beaucoup de tables sur son compte. « Il est certain, dit Orderic qui vivait de son temps, d'accord en ce point avec tous les historiens de cette époque, que Guillaume se convertit à la voix de saint Bernard, et entreprit le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, a où il mourut le 9 avril 1137, le vendredi saint, au pied de l'autel de saint Jacques, après avoir reçu la sainte communion. » Tel est le récit d'Orderic, à l'année 1137. Voir les notes de Mabillon et de Horstius.

 

serait pas même digne d'être placé à la tête de la plus humble bourgade. Je veux bien qu'il vaille mieux que sa réputation et que tout ce qu'on dit de lui soit faux; il est toujours regrettable qu'un pape riait pas une réputation aussi bonne que ses moeurs. Ainsi, mon cher cousin, le parti le plus sûr pour vous, quand il s'agit de reconnaître l'un des deux compétiteurs pour pape légitime, c'est de vous ranger du côté de l'Église entière et de tenir pour celui que les ordres religieux et les princes s'accordent à regarder comme le véritable souverain pontife; il y va de votre honneur, non moins que du salut de votre âme. Le pape Innocent est généralement estimé; ses moeurs sont irréprochables, sa réputation est sans tache, ses propres ennemis en conviennent avec nous; enfin son élection est canonique. Je n'ignore pas que c'est là le point contesté, mais l'empereur Lothaire a convaincu, depuis peu, de mensonge et de calomnie tous ceux qui disent le contraire.

 

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CXXVII.

 

92. A Guillaume, comte de Poitou, le neuvième, et selon quelques-uns le dixième de ce nom. Sur les conseils de Gérard d'Angoulême, il avait embrassé le parti de l'antipape Anaclet et se montrait fort hostile aux partisans du pape Innocent. Voir la Vie de saint Bernard, livre 2, chapitre 6. Quant à ce que rapporte Guillaume de Malmesbury dans son Histoire des rotin d'Angleterre, de .l'inceste et de beaucoup d'autres crimes dont le comté de Poitou, Guillaume, se serait souillé, il faut l'entendre de Guillaume VIII, père de celui à qui est adressée cette lettre, comme Jean de Besle le fait remarquer avec raison. En effet, Pierre, évêque de Poitiers, que le comte Guillaume envoya en exil, comme le rapporte Guillaume de Malmesbury, y mourut en 1117; car Guillaume IX ne succéda à son père qu'en 1126, ainsi que le dit le même auteur dans son Histoire française des comtes de Poitou. Si on veut avoir plus de détails sur les faits et gestes du comte Guillaume et surtout sur sa mort, on peut consulter l’ouvrage de Guillaume de Malmesbury que nous venons de citer, ainsi que Baronius, à l'année 1135 (Note de Mabillon).

93.... Comptent dans leurs rangs un prince, le comte de la Pouille. L'antipape Anaclet, pour s'attacher plus étroitement Roger, principal soutien de son parti, lui donna le titre de roi de Sicile, comme on peut le voir dans Baronius, à l'année 1136, n° 6. Plus tard, le pape, Innocent ayant été vaincu et fait prisonnier par lui, se vit contraint, pour obtenir sa liberté, de lui confirmer le titre de roi. Combien eût-il été préférable, comme je l'ai déjà dit, si le souverain Pontife devait recourir aux armes pour défendre son droit, qu'il confiât à un autre le commandement de ses troupes, au lieu de marcher lui-même à leur tête, au risque de tomber entre les mains de ses ennemis et d'être forcé d'accepter des conditions injustes. Voir Baronius, tome XII, à l’année 1139 (Note de Horstius).

 

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LETTRE CXXVIII. AU MÊME.

 

L’an 1132

 

Saint Bernard l'exhorte à rétablir dans leurs églises les chanoines qu'il en avait chassés.

 

Très-illustre prince, en prenant congé de vous, il y a quelque temps, je me sentais animé des meilleures intentions pour votre personne et pour celle de vos sujets, j'étais disposé à tout entreprendre pour votre service et pour le salut de votre âme, tant j'étais heureux clé ne vous avoir quitté qu'après avoir rendu, contre l'attente de bien des gens, la paix à l'Église et la joie au monde entier. Mais aujourd'hui j'apprends avec étonnement qu'un pernicieux conseil, venu de je ne sais où, a détruit dans votre âme les bonnes dispositions que la main de Dieu y avait fait naître à la place de celles qui s'y trouvaient auparavant, et vous a poussé à chasser de la ville les chanoines de Saint-Hilaire, au grand scandale de l'Église et au péril de votre âme, que sa rechute dans le péché expose aux effets d'autant plus redoutables de la colère de Dieu, qu'elle s'allumerait de nouveau contre vous. Qui donc a pu vous aveugler à ce point et vous jeter sitôt hors de vous, de la vérité et du salut? Quel qu'il soit, celui-là n'échappera certainement pas à sa condamnation, et tous ceux qui vous portent à des actes de violence courent eux-mêmes à leur perte; revenez donc, je vous en prie, revenez à de meilleures dispositions, si vous ne voulez périr avec eux; rendez, je vous en conjure, la paix à vos amis, et son clergé à votre église, si vous ne voulez vous préparer un juge inexorable dans celui qui dispose à son gré de la vie des princes, et peut faire trembler les plus puissants rois du monde.

 

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